Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Contenu de la décision

Citation : MB c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2020 TSS 1211

Numéro de dossier du Tribunal: GP-19-525

ENTRE :

M. B.

Appelant

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Intimé


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


DÉCISION RENDUE PAR : François Guérin
DATE DE L’AUDIENCE : 4 et 13 novembre 2020
DATE DE LA DÉCISION : 1er décembre 2020

Sur cette page

Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est accueilli en partie.

[2] Le Tribunal considère que l’appelant ne s’est pas déchargé du fardeau de démontrer qu’il était un résident du Canada du 10 septembre 2007 au 16 mars 2019 et qu’il n’était pas un résident du Canada selon la Loi sur la sécurité de la vieillesse (LSV).

[3] Cependant, le Tribunal considère que l’appelant était un résident du Canada au sens de la LSV du 17 mars 2019 jusqu’à son retour au Maroc le 5 août 2020.

[4] J’ai décidé que l’appelant n’avait pas accumulé un minimum de 20 ans de résidence au Canada après ses 18 ans afin de recevoir la pension de la sécurité de la vieillesse (SV).

Aperçu

[5] L’appelant est né au Maroc le X janvier 1942 et est arrivé au Canada le 10 août 1997.Note de bas de page 1 Il a eu 65 ans le X août 2007. L’appelant a soumis une première demande de pension de la SVNote de bas de page 2 le 27 septembre 2011 dans laquelle il demandait d’être considéré pour le Supplément de revenu garanti (SRG).Note de bas de page 3 L’intimé a fait suivre la demande à son Bureau des opérations internationales afin que la demande de SV soit revue conformément à l’Accord Canada-Maroc.Note de bas de page 4 L’appelant a présenté une deuxième demande de pension de la SV le 12 mai 2016.Note de bas de page 5 Cette demande a été également transférée au Bureau des opérations internationales pour qu’elle soit revue conformément à l’Accord Canada-Maroc.Note de bas de page 6

[6] Après que les vérifications d’usage eurent été complétées, l’intimé a avisé l’appelant le 12 décembre 2018 que sa demande de pension de la SV ne pouvait être approuvée car il n’était plus un résident du Canada depuis le 10 septembre 2007 et qu’il avait accumulé moins de 20 ans de résidence au Canada.Note de bas de page 7

[7] L’intimé a reçu une demande de réexamen de sa décision initiale le 9 janvier 2017.Note de bas de page 8 L’intimé a informé l’appelant le 12 septembre 2018 qu’il maintenait sa décision initiale après réexamen.Note de bas de page 9 Le 27 mars 2019, l’appelant a déposé un avis d’appel au Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal).Note de bas de page 10

Question préliminaire

[8] Le 15 juillet 2020, le Tribunal a envoyé un Avis d’audience par téléconférence à l’appelant et à son représentant du Bureau d’aide juridique de X.Note de bas de page 11 L’audience devait avoir lieu le 18 août 2020 à 10h00. Le 20 juillet 2020, le représentant envoyait par courriel une demande d’ajournement étant donné que ni lui, ni l’appelant n’était en mesure de procéder à cette date.Note de bas de page 12

[9] Le 28 juillet 2020, le Tribunal a envoyé un nouvel Avis d’audience par téléconférence à l’appelant et à son représentant du Bureau d’aide juridique de X.Note de bas de page 13 L’audience devait maintenant avoir lieu le 16 septembre 2020 à 10h00. Le 15 septembre 2020, le représentant envoyait par courriel une nouvelle demande d’ajournement étant donné qu’il n’arrivait pas à rejoindre son client et que son client lui avait dit qu’il serait à l’extérieur du pays durant le mois d’août.Note de bas de page 14

[10] Le 17 septembre 2020, le Tribunal a envoyé un nouvel Avis d’audience par téléconférence à l’appelant et à son représentant du Bureau d’aide juridique de X. L’audience devait maintenant avoir lieu le 8 octobre 2020 à 10h00. Le 19 septembre 2020, l’appelant a écrit par courriel au Tribunal comme quoi il était bloqué à l’étranger en raison de la Covid, qu’il ne pourrait pas être présent et qu’il demandait un ajournement.Note de bas de page 15 Le 28 septembre 2020, le représentant déposait également une demande d’ajournement pour les mêmes raisons.Note de bas de page 16 Le 30 septembre 2020, le Tribunal a répondu à l’appelant et à son représentant en les informant que la demande d’ajournement était refusée car l’appelant et son représentant avaient déjà présenté deux demandes d’ajournement et qu’ils n’avaient pas établi de circonstances exceptionnelles étant donné que l’appel a lieu par téléconférence. La date de l’appel du 8 octobre 2020 était maintenue.

[11] Le 8 octobre 2020, le représentant était présent à l’appel mais l’appelant ne l’était pas. Le représentant a présenté une ultime demande d’ajournement car il n’arrivait pas à rejoindre l’appelant. Le Tribunal a accepté cette demande en prenant bien soin de souligner que c’était la dernière fois qu’une demande d’ajournement était accordée étant donné les demandes répétées de ceux-ci. L’audience était maintenant prévue pour le 4 novembre 2020.

[12] Le 27 octobre 2020, le représentant a communiqué avec le Tribunal afin de se retirer de ce dossier.Note de bas de page 17

[13] Le 4 novembre 2020, l’appel a eu lieu avec l’appelant. Cependant, en raison de problèmes techniques résultant d’un manque d’énergie dans la batterie du portable de l’appelant, l’audience s’est déroulée sur deux journées, soit les 4 et 13 novembre 2020.

Quelles sont les questions en litige

[14] Est-ce que l’appelant était un résident du Canada au sens de la Loi sur la sécurité de la vieillesse (LSV) depuis le 10 septembre 2007?

[15] Si oui, est-il admissible à recevoir une pension de la SV?

Quelle est la position de l’intimé ?

[16] L’intimé soumet que l’appelant a résidé au Canada depuis sa date d’entrée au Canada le 10 août 1997 jusqu’à son retour au Maroc le 10 septembre 2007, pour un total de 10 ans et 1 mois de résidence canadienne après l’âge de 18 ans.Note de bas de page 18 C’est l’information que l’appelant a déclaré dans sa première demande de pension de la SVNote de bas de page 19 et que l’intimé accepte en lui donnant le bénéfice du doute.Note de bas de page 20

[17] Comme l’appelant n’a pas le minimum requis de résidence au Canada après l’âge de 18 ans étant donné que l’intimé considère qu’il était un résident du Maroc au moment auquel il a déposé sa demande de pension de la SV, l’intimé a utilisé l’Accord Canada-Maroc afin de l’aider à rencontrer le minimum requis conformément à la LSV afin d’ouvrir le droit à une pension de SV.Note de bas de page 21 L’intimé soumet également que, conformément à l’Accord Canada-Maroc, l’appelant a un total de 909 jours admissibles en vertu de la législation nationale du Royaume du Maroc, ce qui équivaut à 2 ans et 179 jours, tel que confirmé par le Centre national de sécurité sociale du Maroc.Note de bas de page 22

[18] L’intimé soumet que l’appelant a donc un total de 12 ans et 209 jours afin d’ouvrir un droit à une pension de la SV au Canada. Ce total est insuffisant afin d’ouvrir le droit à une pension partielle de la SV car selon la LSV l’appelant doit avoir au moins 20 ans de résidence au Canada après l’âge de 18 ans car l’intimé considère que l’appelant n’était pas un résident du Canada au moment auquel il a déposé sa demande de pension de la SV.Note de bas de page 23 Note de bas de page 24

Quelle est la position de l’appelant

[19] Lors de son témoignage, l’appelant a soumis qu’il est un résident du Canada depuis sa première entrée au Canada le 10 août 1997. Il considère qu’il était donc un résident du Canada au moment auquel il a déposé sa demande de SV. Lorsqu’il s’est identifié à l’audience, l’appelant a donné comme adresse de résidence son adresse à X.

[20] Dans sa première demande de pension de SV, l’appelant a soumis qu’il était un résident du Canada du 10 août 1997 au 10 septembre 2007 et qu’il résidait au Maroc du 10 septembre 2007 au 23 septembre 2011, qui est 3 jours avant la date de signature de la demande.Note de bas de page 25

[21] Dans sa deuxième demande de pension de SV, l’appelant a soumis qu’il était un résident du Canada du 10 août 1997 au 31 mai 2005 et qu’il résidait au Maroc du 1er juin 2005 à 2016.Note de bas de page 26

[22] Dans une lettre écrite depuis le Maroc le 26 février 2014 en réponse à une question de l’intimé, l’appelant soumet « qu’il est rentré au Maroc sans sous malgré qu’il a habité au Canada presque 8 ans ».Note de bas de page 27

[23] Dans sa demande de réexamen datée le 21 décembre 2016 et envoyée depuis le Maroc,Note de bas de page 28 l’appelant a soumis qu’il savait qu’il ne remplissait pas les conditions requises pour l’obtention d’une pension de vieillesse et demandait que sa demande soit traitée à titre humanitaire et exceptionnel étant donné que toutes ses économies étaient parties en fumée quand il est venu au Canada et qu’il y avait investi toutes ses économies.

Analyse

[24] Je dois donc décider si l’appelant était un résident du Canada depuis le 10 septembre 2007, qui est la dernière journée de résidence au Canada reconnue par l’intimé.

[25] Le fardeau de la preuve, selon la balance des probabilités, repose sur l’appelant.Note de bas de page 29

[26] Aux fins de la SV, une personne réside au Canada si elle établit sa demeure et vit ordinairement dans une région du Canada. Ce concept est distinct de celui de la présence. Une personne est présente au Canada lorsqu’elle se trouve physiquement dans une région du Canada.Note de bas de page 30 Une personne peut être présente au Canada sans être une résidente du Canada.

[27] La résidence est une question de fait qui doit être tranchée selon les faits particuliers de chaque cause. Les intentions d’une personne ne sont pas des éléments décisifs. La décision DingNote de bas de page 31 a établi une liste non exhaustive de facteurs à prendre en considération afin de guider le Tribunal à décider la question de la résidence :

  1. Liens prenant la forme de biens mobiliers;
  2. Liens sociaux au Canada;
  3. Autres liens au Canada (assurance-maladie, permis de conduire, bail de location, dossiers fiscaux, etc.);
  4. Liens dans un autre pays;
  5. Régularité et durée des séjours au Canada par rapport à la fréquence et à la durée des absences du Canada;
  6. Le mode de vie de l’intéressé, ou la question de savoir si l’intéressé vivant au Canada y est enraciné de façon significative.

[28] L’appelant doit prouver qu’il est plus probable que non qu’il résidait au Canada durant la période en question, soit depuis le 10 septembre 2007.

La crédibilité et la fiabilité de l’appelant

[29] Lors de son témoignage, l’appelant s’est présenté comme une personne très agréable. Il donnait de très longues réponses détaillées mais, comme il le disait, sa mémoire n’était pas toujours la meilleure, surtout au moment de donner des dates exactes, pour des déplacements et des voyages, par exemple, ou des visites médicales. Cependant, il a fait du mieux qu’il pouvait afin d’expliquer la chronologie des évènements et les raisons de ses affirmations.

[30] Le Tribunal note également que l’appelant ne répondait pas toujours aux questions qui lui étaient posées et qu’il emmenait le Tribunal vers d’autres sujets que ceux de la question. Il était très difficile de garder l’attention de l’appelant.

[31] Le Tribunal constate que la version des faits de l’appelant est celle qu’il a au moment auquel il donne une réponse. Une réponse à une même question sera différente lorsque qu’une question sera posée à une autre occasion.

[32] Par exemple, dans sa première demande de SV, l’appelant a soumis qu’il était résident du Canada du 10 août 1997 au 10 septembre 2007.Note de bas de page 32 Dans sa deuxième demande de SV, l’appelant a soumis qu’il était résident du Canada du 10 août 1997 au 31 mai 2005.Note de bas de page 33 Dans une lettre écrite depuis le Maroc le 26 février 2014 en réponse à une question de l’intimé, l’appelant soumet « qu’il est rentré au Maroc sans sous malgré qu’il a habité au Canada presque 8 ans ».Note de bas de page 34 Lors de son témoignage, l’appelant a témoigné qu’il a toujours été un résident du Canada depuis son entrée au Canada le 10 août 1997, donc, également, depuis le 10 septembre 2007.

[33] Lors de son témoignage, l’appelant a affirmé qu’il était au Canada sans interruption de 2016 jusqu’au 5 août 2020, date à laquelle il est parti pour le Maroc avec son épouse. L’appelant ne se souvenait pas exactement de ses va-et-vient entre le Maroc et le Canada en 2016. Cependant , le Tribunal remarque que  l’appelant a envoyé lui-même une lettre à l’intimé depuis X le 12 décembre 2016 qui a été reçue le 9 janvier 2017.Note de bas de page 35 L’appelant a aussi soumis au Tribunal un rapport de radiographie daté le 22 août 2016 à X (Maroc)Note de bas de page 36 et une ordonnance datée le 10 février 2016 à X (Maroc).Note de bas de page 37 L’appelant a également soumis au Tribunal le rapport d’un ECG daté le 2 avril 2018Note de bas de page 38 de même qu’une prescription émise à X le même jour.Note de bas de page 39 De plus, un rapport médical émis le 27 avril 2019 à X (Maroc)Note de bas de page 40 fait état d’une opération intervenue le 1er juin 2017 pour laquelle un arrêt de travail de quatre mois avait été recommandé par le médecin, bien que l’appelant ait témoigné qu’il était au Canada à cette date. Plus tard lors de son témoignage, l’appelant a confirmé cette opération.  Le Tribunal préfère accepter l’information écrite sur le rapport médical, le rapport de radiographie et le rapport de l’ECG et sur les ordonnances en question bien que l’appelant ait témoigné qu’il avait demandé à recevoir ces documents de ces professionnels de la santé et qu’il était au Canada.  

[34] Dans sa première demande de SV, l’appelant a donné comme contact d’une personne non apparentée avec lui par le sang ou par alliance, l’épouse de son fils, qui est apparentée avec l’appelant par alliance.Note de bas de page 41 Tout d’abord, lors de son témoignage, il ne se souvenait pas qui était cette personne avant de se souvenir qu’il s’agissait de sa bru qui utilisait un autre nom plus intime avec lui. Il a expliqué sa définition de la famille avant d’indiquer qu’il s’était trompé dans sa demande de pension de la SV. Il n’a pas répondu à cette question dans sa deuxième demande de SV.Note de bas de page 42 Ceci donne l’impression au Tribunal que l’appelant ne porte pas attention aux questions qui lui sont posées avant de donner des réponses.

[35] Dans sa demande de réexamen envoyée à l’intimé, l’appelant a inscrit que la lettre a été envoyée depuis X au Maroc le 21 décembre 2016.Note de bas de page 43 Cependant, lors de son témoignage, l’appelant a soumis qu’il a envoyé sa demande de réexamen depuis le Canada. L’appelant a aussi indiqué qu’un ami lui avait recommandé d’écrire ce qu’il a écrit dans sa lettre afin que sa demande soit considérée par l’intimé sous un angle humanitaire. Le Tribunal préfère retenir l’information écrite indiquée dans la lettre, à savoir que la lettre a été rédigée au Maroc le 21 décembre 2016 et qu’à la date de celle-ci, il ne rencontrait pas les conditions requises pour l’obtention d’une pension de la SV et qu’il demandait à ce que cette demande soit traitée pour des raisons humanitaires.

[36] L’appelant a contacté l’intimé par téléphone le 22 octobre 2018 afin de l’aviser qu’il résidait au Canada en 2016.Note de bas de page 44 Il a soumis que l’intimé lui envoyait de la correspondance au Maroc. Le Tribunal ne peut que constater que l’intimé envoyait la correspondance à l’appelant à l’adresse que celui-ci lui avait donnée et trouve intriguant que l’appelant ait attendu si longtemps avant de faire un suivi avec l’intimé sur l’état de sa demande de pension de SV si celui-ci était véritablement au Canada durant tout ce temps. De plus, un rapport médical émis le 27 avril 2019 à X (Maroc)Note de bas de page 45 fait état d’une opération intervenue le 1er juin 2017 pour laquelle un arrêt de travail de quatre mois avait été recommandé par le médecin, bien que l’appelant ait témoigné qu’il soit revenu au Canada avant la fin de cette période. Lors de son témoignage, l’appelant a confirmé cette opération, ce qui est aussi une contradiction de l’affirmation faite par l’appelant durant son témoignage qu’il n’était pas allé au Maroc de 2016 jusqu’à son voyage du 5 août 2020.

Les déclarations de résidence de l’appelant

[37] L’appelant a expliqué que dans la coutume marocaine, lorsqu’une personne achète une maison, cette maison est pour toute la famille et tout le monde la partage. Ceci explique probablement la raison pour laquelle l’appelant a de la difficulté à faire la différence entre une résidence et une adresse postale.

[38] L’appelant a témoigné que son adresse sur la rue de l’X à X était celle de son fils Y. B. Son fils en était le propriétaire et l’a vendue pour déménager à X sur la rue X vers 2014. Cependant lors de la deuxième partie de l’audience il a soumis que ce déménagement avait eu lieu en 2016 et qu’il n’était plus certain exactement de la date. Il y avait et il y a toujours sa propre chambre et des effets personnels.

[39] L’appelant a témoigné que son adresse sur la rue des X à X est celle de son fils M. O. Son fils a acheté cet appartement il y a à peu près sept ans. L’appelant y avait et a toujours sa chambre et des effets personnels.

[40] L’appelant a témoigné que sa maison familiale est à X. C’est l’adresse qu’il a utilisée pour l’évaluation de ses actifs afin de recevoir l’assistance sociale du Québec. Cette maison, la maison familiale, est un héritage qu’il a reçu de son père et qui a été divisée entre ses enfants. Il s’agit d’une maison traditionnelle marocaine qui est partagée par la famille élargie. En ce moment il y a à peu près huit personnes qui y résident. C’est l’endroit où il était lors de chacune des deux parties de l’audience et qu’il a décrit comme sa maison.

[41] Cependant, dans sa première demande de pension de SV, l’appelant a soumis qu’il était un résident du Canada du 10 août 1997 au 10 septembre 2007, date à laquelle il est retourné au Maroc, et qu’il résidait à X du 10 septembre 2007 au 23 septembre 2011, qui est 3 jours avant la date de signature de la demande.Note de bas de page 46 Dans sa deuxième demande de pension de SV, l’appelant a soumis qu’il était un résident du Canada du 10 août 1997 au 31 mai 2005 et qu’il résidait à X du 1er juin 2005 à 2016.Note de bas de page 47 C’est aussi de cette adresse au Maroc que l’appelant a écrit une lettre le 26 février 2014 en réponse à une question de l’intimé et soumettant « qu’il est rentré au Maroc sans sous malgré qu’il a habité au Canada presque 8 ans ».Note de bas de page 48 C’est aussi depuis cette adresse qu’il a soumis sa demande de réexamen à l’intimé le 21 décembre 2016.Note de bas de page 49

[42] L’appelant a attendu au 22 octobre 2018 pour aviser l’intimé qu’il résidait au Canada depuis 2016Note de bas de page 50 bien qu’il a soumis d’entrée de jeu lors de l’audience qu’il se considère un résident du Canada depuis son arrivée au Canada le 10 août 1997.

[43] Lors de son témoignage, lorsque le Tribunal a demandé à l’appelant d’expliquer les adresses qu’il a utilisées sur ses demandes de pension de SV, l’appelant a témoigné qu’il n’a jamais habité sur la rue X à X et qu’il peut y être deux mois chez son fils. Il a indiqué cette adresse parce qu’il y était au moment où il a fait sa demande. Ceci laisse un fort doute aux yeux du Tribunal sur les informations de résidence qui sont utilisées par l’appelant dans ses formulaires auprès des gouvernements.

Fiabilité du rapport de résidence marocain selon l’accord Canada-Maroc

[44] Lors de son témoignage, relativement à la période de temps reconnue par le Royaume du Maroc en vertu de l’accord Canada-Maroc, l’appelant a affirmé lors de la première partie de l’audience, que les autorités marocaines ont fait une erreur et qu’ils ont rapporté les informations de son fils qui porte le même prénom que lui. Cependant, le Tribunal constate que la demande de renseignement envoyée par l’intimé à la Caisse nationale de la sécurité sociale (CNSS) le 10 février 2012Note de bas de page 51 indique clairement la date de naissance de l’appelant, de même que la réponse reçue de la CNSS le 7 juin 2012.Note de bas de page 52 Dans l’intervalle entre la première et la deuxième partie de l’audience, l’appelant a indiqué avoir vérifié avec son fils l’exactitude de cette information. Lors de la deuxième partie de son témoignage, l’appelant a confirmé que l’information inscrite sur les documents partagés par les autorités marocaines était exacte et qu’il s’agissait bien de lui.

[45] Le Tribunal constate également que la deuxième réponse reçue de la CNSS datée le 24 août 2017 par l’intimé et qui confirme les périodes créditées en vertu de la législation du Maroc, indique une date de naissance pour l’appelant qui est différente de celle inscrite dans tous ses autres documents, soit le 4 juin 1942.Note de bas de page 53 Lors de la deuxième partie de l’audience, l’appelant a témoigné qu’il ne connaissait pas cette date de naissance et a expliqué que la date du 1er janvier 1942 lui avait été assignée étant donné qu’il est né dans un village, qu’on ne savait pas la date exacte de sa naissance et que c’est la façon dont l’état civil colonial procédait afin d’assigner une date de naissance à l’époque. De plus, l’appelant a témoigné que le numéro d’immatriculation marocain indiqué sur ce document n’est pas le sien. Le Tribunal constate aussi que le numéro d’assurance sociale (NAS) canadien rapporté dans cette réponse est le même que celui indiqué dans la demande que l’intimé a faite aux autorités marocaines.Note de bas de page 54 Le Tribunal préfère accepter l’information dans ce document afin d’aider l’appelant à rencontrer la période minimale afin d’ouvrir un droit à une pension partielle de la SV.

[46] Je vais maintenant considérer les facteurs établis dans la décision Ding dans mon analyse afin de décider si l’appelant résidait au Canada. Pour en arriver à ma conclusion, j’utiliserai le témoignage entendu de même que les documents soumis au dossier par les deux parties.

Est-ce que les liens généraux de l’appelant sont plus forts avec le Maroc ou avec le Canada depuis le 10 septembre 2007?

[47] Le Tribunal considère que les liens généraux de l’appelant sont plus forts avec le Maroc qu’avec le Canada car ses liens avec le Canada sont plus subjectifs qu’objectifs.

[48] Lorsque le Tribunal a demandé à l’appelant pourquoi ses liens avec le Canada étaient plus forts avec le Canada et que ses racines y étaient maintenant plus significatives, l’appelant a soumis qu’il est très attaché au Canada depuis bien avant son arrivée au Canada. Il a été impressionné et touché par l’accueil des montréalais, des québécois et des canadiens lors d’une visite à X avec la marine marocaine. C’est depuis ce moment qu’il a pris la décision de venir s’établir au Canada. Il aime bien le Canada qu’il considère le meilleur pays au monde. C’est pour cette raison qu’il se sent plus un résident du Canada que de partout ailleurs et ce, depuis son arrivée au Canada le 10 août 1997.

[49] L’appelant a aussi témoigné qu’il est plus enraciné au Canada qu’au Maroc parce qu’il a vendu tous ses biens au Maroc pour immigrer au Canada comme entrepreneur en 1997. Toutes ses économies sont parties en fumée au Canada. Il est maintenant canadien, il a voté au Canada et même s’il a la double citoyenneté, il considère que sa citoyenneté canadienne est plus forte. Son fils a fait ses études au Canada, il a maintenant son petit-fils au Canada. Cependant, le Tribunal note que les intentions d’une personne ne sont pas des éléments décisifs.

[50] Le Tribunal ne peut que constater que même si l’appelant a certains liens avec le Canada, ces liens avec la Canada ne sont pas assez forts et il n’a pas établi de racines significatives au Canada comparativement à ses liens et ses racines au Maroc.

Est-ce que l’appelant possèdent des biens mobiliers au Canada et est-ce que ces biens mobiliers se comparent avantageusement à ceux qu’il a au Maroc depuis le 10 septembre 2007?

[51] Le Tribunal considère que les liens prenant la forme de biens mobiliers démontrent un plus grand lien avec le Maroc depuis le 10 septembre 2007 car l’appelant a un arrangement comparable chez son fils à X et chez son fils à X chez qui il laisse des effets personnels aux deux endroits, et en plus, il a sa maison à X dont il est propriétaire avec d’autres membres de sa famille et où il laisse également des biens personnels.

[52] L’appelant a témoigné qu’il a sa propre chambre avec ses propres meubles et ses propres effets personnels chez son fils au Canada et qu’il n’a aucun service public à son nom. Ses biens demeurent chez son fils lorsque l’appelant n’y est pas. L’appelant a témoigné qu’il a la même sorte d’arrangement lorsqu’il est chez son fils à X au Maroc. L’adresse de X est celle qu’il donne comme adresse de résidence dans sa première demande de pension de la SVNote de bas de page 55 le 27 septembre 2011 et dans sa deuxième demande de pension de la SV le 12 mai 2016.Note de bas de page 56 De plus, l’appelant a aussi une maison à son nom à X qu’il a reçue en héritage de son père, conjointement avec ses frères et sœurs, et d’où il a témoigné lors de l’audience, et où il laisse également des effets personnels. L’appelant a témoigné qu’il a des vêtements et des objets personnels aux trois endroits.

[53] Bien que l’appelant ait des liens prenant la forme de biens mobiliers au Canada, le Tribunal considère que la balance des probabilités penche davantage vers une résidence au Maroc étant donné que l’appelant a un arrangement comparable chez son fils à X et chez son fils à X chez qui il laisse des effets personnels aux deux endroits, et en plus, qu’il a sa maison à X dont il est propriétaire avec d’autres membres de sa famille et où il laisse également des biens et des effets personnels. Selon le Tribunal, les liens prenant la forme de biens mobiliers ne soutiennent pas une résidence canadienne.

Est-ce que les liens sociaux et familiaux de l’appelant sont plus forts au Canada ou au Maroc?

[54] Le Tribunal considère que les liens sociaux et familiaux de l’appelant démontrent un plus grand lien avec le Maroc depuis le 10 septembre 2007 par le simple fait du nombre et de la relation familiale de ceux-ci.

[55] L’appelant a témoigné que son fils Y. B. habite au Canada. C’est chez lui qu’il affirme qu’il habitait à X et l’a suivi quand son fils est déménagé à X. Il y a aussi un petit-fils et maintenant une petite-fille depuis quelques mois.

[56] L’appelant a confirmé que lorsqu’il est chez son fils Y. B. à X, il a sa propre chambre, ses propres meubles et ses propres effets personnels. Tout comme c’est le cas chez son fils à X lorsque l’appelant y est. C’est le fils qui paie tous les besoins du père lorsqu’il est chez ce fils. Son fils J. B., qui est en Allemagne, lui envoie aussi de l’argent au besoin. L’appelant décrit la famille comme étant très soudée et très proche.

[57] Cependant, selon le témoignage même de l’appelant, l’appelant a plus de liens sociaux et familiaux au Maroc. Au Canada, il n’a qu’un fils, une bru, deux-petits enfants et des amis. Cependant, au Maroc, il a une fille, qui a elle-même trois enfants, un fils, qui a lui-même trois enfants, chez qui il habite quand il est à X et où il a sa propre chambre avec ses propres effets personnels, une famille avec qui il est propriétaire d’une maison familiale à X. Il a aussi beaucoup de membres de sa famille et des amis au Maroc.

[58] L’appelant a bien des liens sociaux et familiaux au Canada. Cependant, par le simple fait du nombre, l’appelant a plus de liens sociaux et familiaux avec le Maroc. Pour cette raison, le Tribunal considère que les liens sociaux et familiaux de l’appelant sont plus grands avec le Maroc et ne soutiennent pas une résidence canadienne et ce, depuis le 10 septembre 2007.

Les autres liens de l’appelant au Canada et au Maroc

[59] Lors de son témoignage, l’appelant a témoigné qu’il recevait présentement, et depuis deux ans approximativement, l’aide sociale du Québec. Il a témoigné qu’ils ont fait une enquête et qu’il leur a fourni une déclaration sous serment à l’effet qu’il habite chez son fils et que son fils ne le soutient plus financièrement. Il a indiqué qu’il devra rembourser l’aide sociale du Québec pour les sommes reçues en fonction de la régularisation de sa situation avec la SV. Il a témoigné qu’il reçoit à peu près 1000$ par mois. Le Tribunal comprend que ce paiement est une aide transitoire et est sujette à remboursement lorsque la SV lui sera consentie.

[60] L’appelant a soumis qu’il avait un bail à son nom d’avril à juin 2019 et de juillet 2019 à juin 2020, ce qui correspond au moment durant lequel son épouse a bénéficié de services psychiatriques à l’hôpital X. Le bail était à son nom et a été co-signé par le fils de l’appelant et c’est ce dernier qui payait le loyer mensuel au locateur.

[61] L’appelant a témoigné qu’il a aussi eu une carte de la Régie de l’assurance-maladie qui est expirée depuis à peu près 2016. Il a obtenu une nouvelle carte depuis à peu près 2018. Ceci correspond également approximativement avec le moment auquel l’épouse de l’appelant a dû obtenir des soins psychiatriques à l’hôpital X.

[62] L’appelant a témoigné qu’il avait un permis de conduire canadien jusqu’à approximativement 2012 ou 2013. Il n’est plus certain exactement.

[63] L’appelant a témoigné qu’il a un compte avec la Banque laurentienne et une carte de guichet. Il n’a pas de cartes de crédit ou de comptes de services financiers au Canada. Il n’a pas non plus de police d’assurance-vie ou propriété. Il a seulement un téléphone cellulaire payé par son fils. Il a témoigné qu’il n’a absolument rien comme contrat ou services financiers au Maroc. Cependant, à un autre moment lors de son témoignage et lorsque le Tribunal lui a posé des questions concernant la pension qu’il recevait de la marine nationale marocaine, l’appelant a admis que cette pension lui était versée dans son compte de banque au Maroc. Bien que le Tribunal comprenne que la mémoire de l’appelant peut lui faire défaut compte-tenu de son âge, et à défaut de preuves documentaires, le Tribunal ne peut que conclure que l’appelant se contredit à différents moments de son témoignage et ne peut qu’accorder peu de poids au témoignage de l’appelant en ce qui a trait aux informations présentées par celui-ci, plus particulièrement aux dates de validité de la RAMQ, de son permis de conduire et de ses liens administratifs comparables avec le Maroc depuis le 10 septembre 2007.

[64] L’appelant a témoigné qu’il a de la famille au Maroc.  Il a trois frères et trois sœurs. Il avait aussi un demi-frère au Maroc qui est maintenant décédé. L’appelant a quatre enfants. Une fille d’un premier mariage qui a elle-même 3 enfants et qui vivent au Maroc. Il a aussi trois fils d’un second mariage également fait au Maroc. Y. B. au Canada, qui a lui-même deux enfants au Canada, M. O. au Maroc, qui a lui-même deux enfants au Maroc, et J. B. en Allemagne, qui a lui-même deux enfants en Allemagne.

[65] L’appelant a confirmé que lorsqu’il est chez son fils M. O. à X, il a sa propre chambre, ses propres meubles et ses propres effets personnels. Tout comme c’est le cas pour lorsqu’il est chez son fils Y. B. au Canada, son fils M. O. paie tous les besoins de son père lorsqu’il est à X. Son fils J. B. qui est en Allemagne lui envoie aussi de l’argent au besoin. L’appelant décrit la famille comme étant très soudée et très proche.

[66] L’appelant a témoigné qu’il a reçu une partie de la maison familiale en héritage à X au Maroc vers 2003 suite au décès de son père et qu’il la partage avec sa famille selon les traditions locales.

[67] L’appelant a témoigné qu’il reçoit une pension de la caisse de retraite de la marine marocaine pour ses années de service lorsqu’il était fonctionnaire avant même qu’il émigre vers le Canada en 1997. Cette pension lui est déposée mensuellement dans son compte bancaire au Maroc et ne peut être déposée sur un compte à l’étranger. L’appelant a décrit cette pension comme étant très petite.

[68] L’appelant a aussi témoigné que sa famille élargie est très proche et est partout au Maroc. Sa famille l’aide financièrement, allant même jusqu’à payer pour le renouvellement de ses passeports canadiens qu’il a fait à X (Maroc) en 2009 et 2014Note de bas de page 57 et pour transporter l’appelant entre X, X et X au besoin.

[69] L’appelant a bel et bien certains liens avec le Canada. Il dit avoir un compte de banque et une carte de guichet, ce qui est son droit à titre de citoyen canadien, peu importe où il soit dans le monde. L’appelant dit recevoir également l’aide sociale depuis à peu près deux ans et être admissible à la RAMQ. Cependant, étant donné les contradictions dans les informations soumises par l’appelant dans ses demandes de pension de la SV et lors de son témoignage, l’absence de preuves documentaires au dossier de l’appelant pouvant établir des liens avec le Canada hormis ses propres déclarations dans ses demandes de pension de SV et que celles-ci contiennent des informations contradictoires, le Tribunal ne donne que très peu de poids à ces autres liens avec le Canada et considère que ces liens ne démontrent pas une résidence canadienne au sens de la LSV depuis le 10 septembre 2007.

[70] Le Tribunal considère que les liens de l’appelant avec le Maroc son plus grands et que ses racines y sont plus profondément établies. Il n’a qu’un enfant et deux petits-enfants au Canada lorsqu’il a deux enfants et cinq petits-enfants au Maroc. Ses frères et sœurs, et sa famille sont principalement au Maroc bien qu’il ait témoigné qu’il avait également de la famille en Allemagne, en France et en Suisse. Il a une maison familiale dont il est propriétaire à X et lorsqu’il est à X ou à X, il n’y a qu’une chambre avec des effets personnels qu’il laisse durant ses absences.

[71] Pour ces raisons, le nombre et la proximité des membres de sa famille au Maroc par rapport à sa famille au Canada, les arrangements d’habitation à X et à X et sa propriété à X, le fait que l’appelant reçoive au Maroc une pension de retraite de la marine marocaine qui est déposée dans un compte bancaire marocain, le Tribunal considère que les liens de l’appelant sont plus forts avec le Maroc qu’avec le Canada et qu’il y est plus profondément enraciné, ce qui ne soutient pas une résidence canadienne.

Régularité et durée des séjours au Canada par rapport à la fréquence et à la durée des absences du Canada

[72] La Tribunal considère que la régularité et la durée des séjours au Canada par rapport à la durée des absences du Canada ne démontre pas une résidence canadienne du 10 septembre 2007 au 16 mars 2019.  Cependant, la situation de l’appelant a changé le 17 mars 2019 et ce, jusqu’au retour de l’appelant au Maroc le 5 août 2020,

[73] Lors de son témoignage, l’appelant a témoigné que depuis 2007, il fait des va-et-vient entre le Canada et le Maroc, que ses enfants paient ses déplacements et lui fournissent ses premières nécessités et lui donnent de l’argent, mais qu’il passe cependant plus de temps au Canada. Il évalue qu’il est au Canada à peu près sept ou huit mois par année. L’appelant a témoigné que cette situation n’a pas changé depuis le 10 septembre 2007.

[74] Cependant, aux fins de la SV, une personne réside au Canada si elle établit sa demeure et vit ordinairement dans une région du Canada. Ce concept est distinct de celui de la présence. Une personne est présente au Canada lorsqu’elle se trouve physiquement dans une région du Canada.Note de bas de page 58 Une personne peut être présente au Canada sans être une résidente du Canada.

[75] L’appelant a aussi témoigné qu’il a un fils en Allemagne. Il a aussi de la famille en France et en Espagne qu’il visite pour des périodes d’à peu près un mois à la fois. Leur fils J. B. a aussi acheté une maison en Espagne vers 2016 et il n’y est allé qu’une seule fois. Lorsqu’il voyage, ce sont ses fils qui lui paient ses billets d’avion et les frais généraux qu’il encourt. Depuis 2007, il est allé à peu près trois fois visiter son fils et sa famille en Allemagne pendant des périodes d’à peu près un mois à chaque voyage.

[76] Le Tribunal a demandé à l’appelant pourquoi il a soumis un rapport médical d’une clinique à X (Maroc) daté le 27 avril 2019.Note de bas de page 59 L’appelant a témoigné qu’il a demandé ce certificat médical (sic) de sa colonne vertébrale depuis le Canada suite à son opération au Maroc le 1er juin 2017 lors d’un incident durant ses vacances. Il avait simplement demandé ce rapport médical pour son dossier. L’appelant a témoigné qu’il est resté à peu près trois mois au Maroc en 2017 et qu’il n’y est allé qu’une seule fois durant cette année. L’appelant a témoigné qu’il ne travaille pas, bien que ce rapport médical recommande un arrêt de travail de quatre mois. Il ne se souvient pas non plus de la date exacte de son retour. Le Tribunal note également que cette affirmation contredit une partie de son témoignage lorsque l’appelant a affirmé qu’il était au Canada sans interruption de 2016 jusqu’au 5 août 2020, date à laquelle il est parti pour le Maroc avec son épouse.

[77] L’appelant a témoigné à partir du Maroc. Il a témoigné avoir quitté le Canada le 5 août 2020. Il n’a pas acheté de billet de retour. Il y est en voyage présentement avec son épouse suite au décès de sa belle-sœur et d’un de ses cousins. Il a réussi à obtenir deux places, pour lui et son épouse, sur un vol affrété par l’Ambassade de Maroc pour le rapatriement des citoyens marocains en raison de la Covid. L’appelant a témoigné que l’Ambassade lui avait obtenu des places à titre exceptionnel en raison du décès de sa belle-sœur bien qu’il se dise un résident du Canada.

[78] L’appelant a témoigné qu’il n’est pas allé au Maroc en 2018. Cependant, lorsque le Tribunal lui a demandé pourquoi le Docteur Amine a fourni un rapport médical avec un ECG daté le 2 avril 2018 à X.Note de bas de page 60 L’appelant a témoigné qu’il s’agit d’un document qu’il a demandé et qui date d’avant le 2 avril 2018. Cependant, le Tribunal note aussi une ordonnance du même médecin et à la même date, qui indique un prochain rendez-vous le 26 juin 2018.Note de bas de page 61 L’appelant a témoigné que cette ordonnance n’était que pour lui rappeler le nom des médicaments. Le Tribunal préfère retenir l’information telle qu’indiquée dans le rapport ECG signé par le spécialiste et l’ordonnance confirmant que l’appelant était à X le 2 avril 2018. Ceci laisse un doute au Tribunal sur les déplacements de l’appelant au Maroc en 2018.

[79] L’appelant a soumis dans sa première demande de SV qu’il a quitté le Canada le 10 septembre 2007 et qu’il résidait au Maroc jusqu’au 23 septembre 2011, soit 3 jours avant la signature de cette demande le 26 septembre 2011.Note de bas de page 62 L’appelant a soumis dans sa deuxième demande de SV qu’il a quitté le Canada le 31 mai 2005 et qu’il résidait au Maroc du 1er juin 2005 jusqu’à une date non spécifiée en 2016, mais la demande était signée le 7 mai 2016.Note de bas de page 63  Dans sa demande de réexamen datée le 21 décembre 2016, l’appelant a écrit que sa lettre était envoyée depuis X au Maroc.Note de bas de page 64

[80] Le Tribunal préfère retenir l’information telle qu’indiquée dans la demande de SV de l’appelant à l’effet qu’il résidait au Maroc jusqu’au moins la date de sa demande de SV, et de façon continue jusqu’à la date de la demande de réexamen de l’appelant le 21 décembre 2016. Dans ses demandes de SV, l’appelant se considérait lui-même comme un résident du Maroc tel qu’il l’a soumis à l’intimé. De plus, dans sa demande de réexamen envoyée elle-même depuis X le 21 décembre 2016, l’appelant soumet qu’il sait parfaitement qu’il ne remplit pas les conditions requises pour l’obtention d’une pension de la SV et demande à ce que sa demande soit considérée à titre humanitaire et exceptionnel. Sa situation personnelle n’a pas changé durant toute cette période depuis le 7 septembre 2007 et le Tribunal considère que la situation personnelle de l’appelant en ce qui a trait à la régularitéet la durée des séjours au Canada par rapport à la fréquence et à la durée des absences du Canada du 7 septembre 2007 au 16 mars 2019 ne soutient pas une résidence canadienne pour celui-ci.

[81] Cependant, le Tribunal considère que la situation de l’appelant a changé durant la période du 17 mars 2019 au 5 août 2020.

[82] L’appelant a témoigné que son épouse a reçu des traitements psychiatriques à l’hôpital X à X. L’appelant a témoigné qu’il est au Maroc présentement depuis le 5 août 2020 parce que le médecin traitant son épouse lui a donné un congé. Lors de son témoignage, l’appelant a lu une lettre du médecin traitant de son épouse qui confirme qu’elle a été traitée en 2019. Cependant, le médecin ne discute pas des traitements ou de la fréquence des visites. L’appelant a témoigné que ces documents ont été soumis à l’intimé pour la demande de SV de l’épouse de l’appelant. L’appelant a témoigné que son épouse a commencé ses traitements psychiatriques le 17 mars 2019. Au début elle a été hospitalisée pendant un mois et demi.

[83] L’appelant a témoigné que son fils a loué un studio à court terme pour ses parents d’avril à juin 2019 sur X en attendant qu’ils puissent avoir un bail d’un an sur la X rue de juillet 2019 à juin 2020. L’appelant a témoigné que le bail était à son nom mais que c’était son fils qui payait le bail car l’appelant n’a pas d’argent. L’appelant a témoigné que son fils ne voulait pas que ses parents demeurent chez lui pendant que sa mère avait des problèmes psychiatriques et que ses propres enfants voient leur grand-mère dans cette condition. Ces deux appartements ont été choisis pour leur proximité de l’hôpital X où l’épouse de l’appelant était suivie.

[84] L’appelant a témoigné qu’il a aussi été opéré à l’hôpital X en décembre 2019 pour une hernie discale.

[85] Le Tribunal considère que la situation personnelle de l’appelant en ce qui a trait à la régularitéet la durée des séjours au Canada par rapport à la fréquence et à la durée des absences du Canada du 17 mars 2019 au 5 août 2020 soutient une résidence canadienne pour celui-ci.

[86] La Tribunal considère que l’appelant ne s’est pas déchargé du fardeau de démontrer que la régularité et la durée des séjours au Canada par rapport à la durée des absences du Canada démontre une résidence canadienne, et ce, jusqu’au 16 mars 2019.

Le mode de vie de l’appelant, ou la question de savoir si l’appelant vivant au Canada y est enraciné de façon significative

[87] L’appelant a soumis dans lorsqu’il est au Canada, ses activités sont de faire des promenades avec son petit-fils. Il fait du bénévolat comme de la traduction et aider des personnes au supermarché. Il aide des malades dans les hôpitaux et ses voisins âgés durant l’hiver ou avec leurs potagers. Il aime aider les gens. Lorsqu’il est au Maroc l’appelant a soumis qu’il aidait aussi ses amis et la famille au champs, avec les olives. Il rendait visite à sa famille et ses amis. Il a témoigné qu’il avait plus de plaisir à aider les gens au Canada car il trouve que les gens apprécient les services qu’on leur rend.

[88] L’appelant a témoigné que son rythme de vie n’a pas changé depuis 2007. Il fait des va-et-vient entre le Canada et le Maroc, visite ses enfants, à X principalement, à X et quelques fois en Allemagne. L’appelant a aussi soumis dans sa deuxième demande de pension de la SV qu’il résidait à X jusqu’au 7 mai 2016, date à laquelle il a signé la demande de pension de la SV, et le Tribunal accorde beaucoup de poids à cette admission. De plus, dans sa demande de réexamen envoyée depuis X le 21 décembre 2016, l’appelant soumet qu’il sait parfaitement qu’il ne remplit pas les conditions requises pour l’obtention d’une pension de la SV et demande à ce que sa demande soit considérée à titre humanitaire et exceptionnel. Le Tribunal donne également beaucoup de poids au témoignage de l’appelant lorsqu’il a témoigné que son rythme de vie n’a pas changé depuis 2007.

[89] Depuis le 10 septembre 2007, la situation de l’appelant est comparable quand il est chez son fils Y. B. à X et quand il est chez son fils M. O. à X, bien que lorsqu’il vient au Canada, il y passe plus de temps. Je ne peux que conclure, selon la prépondérance des probabilités, que du 10 septembre 2007 au 17 mars 2019, l’appelant n’avait pas établi sa demeure et ne vivait pas ordinairement dans une région du Canada, et qu’il est un résident marocain.  

[90] Cependant, la situation de l’appelant a changé le 17 mars 2019 quand son épouse a été admise pour des traitements psychiatriques à l’hôpital X durant un de ses séjours au Canada. L’appelant a témoigné que ce sont ses enfants qui le subventionnent et qu’il n’a jamais demandé l’aide sociale du Québec jusqu’à il y a deux ans approximativement. Il a témoigné recevoir présentement l’aide sociale du Québec. Cependant, il ne se souvient pas exactement depuis quelle date. Ceci semble correspondre avec la période de temps durant laquelle l’épouse de l’appelant a commencé à recevoir des traitements psychiatriques à l’hôpital X le 17 mars 2019 et la période durant laquelle l’appelant résidait dans un studio temporaire sur X d’avril 2019 à juin 2019 et par la suite sur la X rue de juillet 2019 à juin 2020, bien que ce soit son fils Y. B. qui payait ce loyer pour l’appelant. Durant cette période, l’appelant a également témoigné qu’il a été opéré pour une hernie discale en décembre 2019. Durant cette période, le Tribunal préfère donner plus de poids au lien de la régularité et de la durée du séjour au Canada compte-tenu de la nature de l’obligation médicale qui exigeait que l’appelant demeure au Canada. De plus, il n’habitait pas chez son fils Y. B. ce qui fait en sorte que cette période ne peut être comparée avec la période du 7 septembre 2007 au 16 mars 2019.

[91] Donc, pour la période du 17 mars 2019 jusqu’à son retour au Maroc le 5 août 2020, le Tribunal considère que l’appelant était un résident du Canada au sens de la LSV. Ceci représente une période de 507 jours, ou 1 an, 4 mois et 19 jours additionnels à la période calculée par l’intimé.

Conclusion

[92] Je suis sensible aux arguments de l’appelant lorsqu’il dit qu’il est citoyen canadien et qu’il aime le Canada. Je comprends et j’accepte aussi qu’il a des liens avec le Canada. Cependant, le Tribunal considère que, malgré les liens de l’appelant avec le Canada et ses présences au Canada qui peuvent être plus ou moins longues afin de visiter sa famille canadienne, les liens de l’appelant avec le Maroc sont plus forts.

[93] Lors de son témoignage, l’appelant a témoigné qu’il fait des va-et-vient entre le Canada et le Maroc, que ses enfants paient ses déplacements et lui fournissent ses premières nécessités et lui donnent l’argent dont il a besoin, et qu’il passe quand même plus de temps au Canada. Cependant, aux fins de la SV, une personne réside au Canada si elle établit sa demeure et vit ordinairement dans une région du Canada. Ce concept est distinct de celui de la présence. Une personne peut être présente au Canada sans être une résidente du Canada.Note de bas de page 65

[94] Les liens familiaux, aussi bien la famille rapprochée que la famille élargie, sont plus grands avec le Maroc. L’appelant n’a qu’une chambre avec des meubles aussi bien à X qu’à X, tandis qu’il a une maison à X. Le Tribunal donne beaucoup poids à ces liens familiaux et sa maison à X qui est son véritable point d’ancrage et de résidence.

[95] La responsabilité de prouver qu’il avait établi sa demeure et qu’il vivait ordinairement au Canada incombe à l’appelant. Le Tribunal considère que l’appelant ne s’est pas déchargé de ce fardeau du 10 septembre 2007 au 16 mars 2019 car ses liens avec le Canada sont moins forts et ses racines moins profondes qu’avec le Maroc.

[96] Cependant, depuis le 17 mars 2019, le Tribunal considère que l’appelant était un résident du Canada au sens de la LSV durant le traitement de son épouse, et ce, jusqu’à son retour au Maroc le 5 août 2020 car sa situation a changé durant cette période et elle ne peut être comparée avec sa situation du 10 septembre 2007 au 16 mars 2019.

[97] En conséquence, je conclus que la période totale de résidence au Canada de l’appelant est maintenant de 5099 jours, ou 13 ans et 354 jours. Soit 3683 jours (10 ans et 1 mois) pour la période du 10 août 1997 au 10 septembre 2007, 909 jours (2 ans et 179 jours) tels que reconnu par le Centre national de sécurité sociale du Maroc selon l’Accord Canada-Maroc et 507 jours (1 an, 4 mois et 19 jours) pour la période du 17 mars 2019 au 5 août 2020 lorsque l’appelant et son épouse étaient au Canada de façon continue, qu’ils ont reçu des traitements et qu’ils habitaient dans un logement à leurs noms et qui leur était propre à X.

[98] De plus, je conclus que l’appelant n’est pas un résident du Canada selon la LSV et devait avoir résidé au Canada au moins 20 ans afin d’être admissible à la SV, ce qu’il n’a pas, car la période totale de résidence canadienne de l’appelant est de 13 ans et 354 jours.

[99] L’appel est accueilli en partie.

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