Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Citation : MV c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 239

Numéro de dossier du Tribunal: GP-20-182

ENTRE :

M. V.

Appelant

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


DÉCISION RENDUE PAR : Antoinette Cardillo
DATE DE L’AUDIENCE : 7 avril 2021
DATE DE LA DÉCISION : 26 avril 2021

Sur cette page

Décision

Je détermine que l’appelant n’est pas admissible aux prestations du Supplément de revenu garanti (SRG) avant juillet 2017 pour les motifs énoncés ci‑après.

Aperçu

[1] Le Ministre a reçu la demande pour le SRG en vertu de la Loi sur la sécurité de la vieillesse (Loi sur la SV). Suite à une demande de réexamen, le Ministre a déterminé que l’appelant avait rétabli sa résidence au Canada le 12 juillet 2017. Sa demande a donc été approuvée avec une date de début des prestations pour le SRG en juillet 2017. L’appelant a interjeté appel de la décision rendue au terme du réexamen auprès du Tribunal de la sécurité sociale (le Tribunal), car il allègue qu’il est revenu au Canada en permanence en 2013 et non en juillet 2017.

Questions préliminaires

[2] Une audience avait été cédulée pour le 10 mars 2021, mais suite à des difficultés techniques du Représentant du Ministre, l’audience a été ajournée et remise au 7 avril 2021.

Question en litige

[3] Je dois déterminer si l’appelant est admissible à recevoir les prestations du SRG avant juillet 2017.

Dispositions applicables

Pension de la SV

[4] Une pleine pension de la SV est payable aux personnes qui ont, après l’âge de 18 ans, résidé en tout au Canada pendant au moins 40 ansNote de bas de page 1. La loi prévoit la possibilité d’une pension partielle pour les personnes n’ayant pas résidé au Canada pendant au moins 40 ans. Pour être admissible à une pension partielle, une personne doit avoir résidé au Canada pendant au moins dix ansNote de bas de page 2.

[5] Si une personne cesse de vivre au Canada et veut recevoir une pension de la SV alors qu’elle habite dans un autre pays, elle doit avoir résidé au Canada après l’âge de 18 ans pendant au moins 20 ansNote de bas de page 3.

SRG

[6] Le SRG est une prestation mensuelle fondée sur le revenu et l’état civil qui est versée aux personnes qui reçoivent la pension de la SV et qui réside au Canada. Si le bénéficiaire du SRG quitte le Canada, il ne peut recevoir le SRG que pendant six (6) mois après le mois de son départ. Il en est ainsi, quel que soit le nombre d’années de résidence de la personne au CanadaNote de bas de page 4.

[7] Selon la Loi sur la SVNote de bas de page 5, le SRG n'est versé que sur demande du pensionné et il n'est versé aucun supplément pour tout mois antérieur de plus de onze mois à celui de la réception de la demande, de l'octroi de la dispense de demande ou de la présentation présumée de la demande.

Résidence

[8] Le Règlement sur la sécurité de la vieillesse (Règlement sur la SV) régit la question de savoir si une personne réside au Canada ou si elle y est seulement présente. Une personne réside au Canada si elle établit sa demeure et vit ordinairement dans une région du Canada. Une personne est présente au Canada lorsqu’elle se trouve physiquement dans une région du CanadaNote de bas de page 6.

Analyse

i. Preuve documentaire

[9] Le 26 juin 2009, l’appelant a présenté une demande de pension de la sécurité de la vieillesse (SV)Note de bas de page 7 . Il déclare être entré au Canada pour la première fois le 19 octobre 1971 et y avoir vécu continuellement jusqu’au 9 juin 2009, date où il a signé la demande.

[10] Le 14 juillet 2009, lors d’un appel téléphoniqueNote de bas de page 8, l’épouse de l’appelant informe le représentant du ministre que l’appelant était en Haïti depuis septembre 2003 et qu’ils étaient séparés. Le même jourNote de bas de page 9, le ministre envoie une lettre à l’appelant lui demandant de fournir la preuve de son départ du Canada en septembre 2003 et de répondre à un questionnaire.

[11] Le 25 juillet 2009Note de bas de page 10, l’appelant répond au questionnaire et indique qu’il a quitté le Canada en septembre 2003 parce qu’il ne pouvait trouver un emploi. Il indique aussi qu’il est revenu au Canada en juin 2008 et il est reparti en août 2008. Pendant son absence, son logement était loué. Il n’avait pas laissé ses effets personnels au Canada. Il avait toutefois un compte bancaire au Canada et il avait gardé sa couverture sous le régime d’assurance maladie du Québec. En Haïti, il habitait avec parents et amis; il était un visiteur et un résident permanent. Il n’avait pas de date de retour au Canada. Il avait un permis de conduire au Canada et en Haïti. Il avait aussi une voiture immatriculée en Haïti. Il ajoute qu’il revenait au Canada pour des vacances. Dans un questionnaire ultérieur, il indique que son logement était loué par son épouse qui payait le loyerNote de bas de page 11.

[12] Suite à l’obtention de la preuve de départ du Canada le 25 septembre 2003 de l’appelantNote de bas de page 12, le Ministre fait le calcul de la résidence de l’appelant. Une lettre de choixNote de bas de page 13 de début de pension est expédiée le 24 décembre 2009 à l’appelant lui proposant de recevoir sa pension au taux de 31/40ème en date du mois de juillet 2009 ou d’attendre et d’avoir droit à une pleine pension lorsqu’il reviendrait habiter au Canada pour une année complète.

[13] Le 12 mars 2010Note de bas de page 14, l’appelant répond en choisissant de recevoir sa pension selon le taux de 31/40ème à partir de juillet 2009. Il signe sa lettre de choix en Haïti. Le 21 avril 2010Note de bas de page 15, le ministre approuve la demande de l’appelant.

[14] Le 15 juin 2010Note de bas de page 16, l’appelant indique sur un questionnaire qu’il était revenu au Canada le 24 mars 2010, mais qu’il n’était pas décidé s’il restait en permanence ou s’il retournait en Haïti. Une estampille de passeport confirme son arrivée au Canada le 24 mars 2010Note de bas de page 17.

[15] Selon un rapport d’enquête daté du 22 décembre 2010, l’appelant aurait fait une demande de SRG en août 2010Note de bas de page 18.

[16] Un rapport d’entrevue daté du 9 janvier 2012Note de bas de page 19 indique que l’épouse de l’appelant dit qu’il est venu au Canada en mars 2010, il s’est fait soigner et il est reparti en septembre 2010.

[17] Un rapport du profil médical de l’appelant du 24 mars 2010 au 22 septembre 2010Note de bas de page 20 montre des visites médicales entre le 24 mars 2010 et le 15 septembre 2010.

[18] Le 20 janvier 2012Note de bas de page 21, le Ministre détermine que l’appelant fait de la présence au Canada depuis mars 2010 et qu’il ne pouvait donc pas recevoir le SRG.

[19] Le 12 avril 2012Note de bas de page 22, l’appelant fait parvenir au ministre une demande de réexamen. L’appelant indique qu’il vit au Canada depuis 33 ans et que l’année précédente, il avait rempli la condition exigée en résidant six (6) mois à Montréal.

[20] Le 5 juin 2012Note de bas de page 23, la décision du 20 janvier 2012 a été maintenue avec droit d’appel au Bureau du Commissaire des Tribunaux de Révision.

[21] Dans une lettre datée du 29 août 2017Note de bas de page 24, l’appelant indique que depuis 2013, il passe plus de temps à Montréal qu’en Haïti, mais il avait omis d’en avertir le Ministre.

[22] Les estampilles dans le passeport de l’appelant valide du mois de mai 2012 à mai 2017Note de bas de page 25 émis à Montréal, montrent des entrées et des sorties pendant ces années. Plus précisément, une entrée en Haïti le 3 juin 2013 et un retour au Canada le 21 octobre 2013Note de bas de page 26. Aussi, un rapport de l’Agence du service frontalier du Canada indique des entrées au Canada en février, en mai et en octobre 2013.

[23] Dans la lettre datée du 29 août 2017Note de bas de page 27, l’appelant indique qu’au moment opportun, il aviserait le Ministre de son désir de passer plus de temps au Canada qu’en Haïti. Il affirme que depuis 2013, c’est le cas, mais qu’il a oublié de le signaler et qu’il le fait seulement maintenant, le 29 août 2017.

[24] Un questionnaire signé par l’appelant le 4 février 2018Note de bas de page 28 et un autre signé le 14 mai 2018Note de bas de page 29 indiquent qu’il est revenu au Canada en permanence, mais ne donne aucune date de retour. Il soumet toutefois son passeport valide du mois d’octobre 2007 au mois d’octobre 2012 émis en HaïtiNote de bas de page 30.

[25] Le 15 octobre 2018Note de bas de page 31, il soumet aussi son nouveau passeport valide du mois de juin 2017 au mois de juin 2022 émis en Haïti.

[26] L’appelant fait des demandes pour le SRG en mai 2018 pour les périodes de paiement de juillet 2015 à juin 2016Note de bas de page 32, de juillet 2017 à juin 2018Note de bas de page 33, de juillet 2018 à juin 2019Note de bas de page 34 et de juillet 2019 à juin 2020Note de bas de page 35

[27] L’appelant a aussi soumis un bail pour 1991Note de bas de page 36, et deux avis d’augmentation de loyer pour le bail du 1er juillet 2017 au 30 juin 2018 et du 1er juillet 2018 au 30 juin 2019Note de bas de page 37GD2-126 et 127 pour 2017 et 2018

[28] Dans une lettre datée du 22 mars 2018Note de bas de page 38, l’appelant indique qu’il n’a jamais quitté le Canada après 2013 pour plus de 183 jours et dans une autre lettreNote de bas de page 39, il indique à nouveau qu’il passe plus de temps au Canada qu’en Haïti et que depuis 2013, il a quitté le Canada une seule fois pour sept (7) mois.

[29] Un rapport d’entrevue du 3 mai 2019Note de bas de page 40 avec l’appelant indique que son épouse présente lors de l’entrevue explique que depuis juillet 2017, l’appelant ne voyage que très peu. L’enquêteur lui dit que l’appelant veut tout de même revoir son admissibilité au SRG depuis 2013. L’épouse confirme que l’appelant n’était pas au Canada à ce moment et c’est pour cette raison qu'elle a continué de se déclarer célibataire pour le SRG. Elle insiste que ce n’est que depuis juillet 2017 que l’appelant est réellement de retour au Canada de manière permanente. Suite à cette intervention, l’appelant admet que depuis juillet 2017, il est de retour au Canada de manière permanente. Avant cette date, il ne partageait pas les coûts du logement avec son épouse. Il fait depuis partie de la vie commune avec son épouse et II partage les tâches ménagères ainsi que les coûts.

ii. Position du Ministre

[30] Le Ministre fait valoir que le 15 juin 2010, l’appelant avait répondu à un questionnaire du ministre en précisant qu’il n’avait pas pris de décision quant à son retour définitif au Canada en mars 2010. Dans la lettre datée du 29 août 2017, l’appelant fait référence à cette lettre en disant que, au moment opportun, il aviserait Service Canada de son désir de passer plus de temps au Canada qu’en Haïti. Il affirme que depuis 2013, c’est le cas, mais qu’il a oublié de le signaler à Service Canada et qu’il le fait seulement maintenant, le 29 août 2017. La conjonction de la date de cette lettre, de l’absence de demande de SRG de la part de l’appelant entre 2012 et 2018, de la vente de sa voiture en Haïti aux alentours de mai 2017, de sa date d’entrée au Canada le 11 juillet 2017 et de l’aveu de l’appelant lui-même du rétablissement de sa résidence principale au Canada en juillet 2017 lors de l’entrevue du 3 mai 2019, démontre que l’appelant n’était pas un résident canadien avant juillet 2017. De plus, le Ministre soumet que l’appelant ayant déposé sa demande de SRG le 9 mai 2018, aucun SRG ne peut être versé antérieurement à juin 2017, conformément à l’alinéa 11(7)a) de la Loi sur la SV, soit 11 mois avant le dépôt de sa demande, même si la date de son rétablissement au Canada devait être modifiée.

iii. Témoignage

[31] À l’audience, l’appelant explique qu’il a appelé et aussi envoyé une lettre en 2013. Il questionnait pendant cette même période l’aspect impôt de non-résident. Il était de retour bien avait le mois de juillet 2017, soit en 2013.

[32] Il admet toutefois avoir omis d’avertir le Ministre de son retour avant 2017.

[33] Lorsque questionné sur les admissions de sa conjointe qu’il n’était pas au Canada avant juillet 2017, il n’a pas donné de réponse claire à cet égard.

iv. Résidence - Question de fait

[34] Le SRG est payable au bénéficiaire d’une pension de la SV qui réside au Canada. Le SRG n’est pas payable à une personne qui s’absente du Canada pendant six (6) mois consécutifs, sans compter le mois de son départ, et n’est pas non plus payable six (6) mois après qu’une personne cesse de résider au Canada. Le SRG n’est pas payable non plus pour tout mois antérieur de plus de onze mois à celui de la réception de la demande.

[35] La Cour fédérale s’est penchée sur la question de la résidence au Canada. Dans la décision SinghNote de bas de page 41, la Cour a précisé ce qui suit :

[29]      […] Il est bien établi en droit que la résidence est une question de fait qui requiert l’examen de toute la situation de la personne concernée (voir Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines) c Ding, 2005 CF 76, aux paragraphes 57 et 58 (Ding)). Pour l’application de la [Loi sur la SV], l’intention de résider au Canada n’équivaut pas à la résidence.

[36] Les notions de résidence et de domicile ont aussi été abordées dans la décision Ding (précitée) et dans la décision DuncanNote de bas de page 42 : 

Dans la décision Ding, le juge Russell précise,

[51]     Telle que décrite ci‑dessus, la résidence, quelle qu’en soit l’interprétation, doit être mise en contraste avec la notion de domicile, qui met l’accent sur l’intention d’un particulier. Le libellé de l’alinéa 21(1)a) du Règlement sur la SV rend encore plus claire la composante factuelle de la définition de la résidence dans la LSV. En liant la notion de résidence à la demeure d’une personne (« home » dans la version anglaise) et en utilisant les mots « vit ordinairement » (« ordinarily lives » dans la version anglaise), il ne fait aucun doute qu’une personne devra établir que le Canada est ou était, pour la période prescrite par la loi, l’endroit où elle est ancrée dans les faits.

[37] Aussi, la décision Ding a établi une liste non exhaustive de facteurs à prendre en considération afin de guider le Tribunal à décider la question de la résidence :

  1. liens prenant la forme de biens mobiliers;
  2. liens sociaux au Canada;
  3. autres liens au Canada (assurance-maladie, permis de conduire, bail de location, dossiers fiscaux, etc.);
  4. liens dans un autre pays;
  5. régularité et durée des séjours au Canada par rapport à la fréquence et à la durée des absences du Canada;
  6. le mode de vie de l’intéressé, ou la question de savoir si l’intéressé vivant au Canada y est enraciné de façon significative.

[38] Il est donc clair que selon la Loi sur la SV et la jurisprudence, la question de la résidence est une question de fait qui requiert d’examiner le contexte général entourant les circonstances du requérant. Je suis consciente que l’appelant dit qu’il est revenu vivre au Canada de façon permanente en 2013. Toutefois, selon la preuve documentaire, il a continué à s’absenter du Canada régulièrement entre 2013 et 2017. Les rapports d’enquête et d’entrevue indiquent que l’appelant n’est pas retourné vivre à Montréal en permanence avant juillet 2017. Son logement était loué par sa conjointe avec qui il était séparé et elle payait le loyer jusqu’en 2017. Le rapport d’entrevue du 3 mai 2019, indique que sa conjointe confirme que l’appelant n’était pas au Canada en 2013 et c’est pour cette raison qu'elle a continué de se déclarer célibataire pour le SRG. Elle insiste que ce n’est que depuis juillet 2017 que l’appelant est réellement de retour au Canada de manière permanente. Suite à cette intervention, l’appelant admet que depuis juillet 2017, il est de retour au Canada de manière permanente. Avant cette date, il ne partageait pas les coûts du logement avec son épouse. Il fait depuis partie de la vie commune avec elle et il partage les tâches ménagères ainsi que les coûts. À l’audience, bien que l’appelant explique qu’il a omis d’avertir le Ministre en 2013 de son retour, la preuve soumise indique que l’endroit où l’appelant était ancré dans les faits depuis son départ en septembre 2003 jusqu’en juillet 2017 était en Haïti. Bien qu’il avait ses enfants au Canada et qu’il y revenait à chaque année, il n’avait pas d’autres liens au Canada avant son retour en juillet 2017.

[39] Aussi, bien que l’appelant dit qu’il a omis d’avertir le Ministre en 2013, il semble l’aviser de son retour uniquement en 2017 par une lettre datée le 29 août 2017. Et il ne fait pas une demande pour le SRG avant mai 2018, soit presque cinq ans après son retour.

[40] Selon le Règlement sur la SV, une personne réside au Canada si elle établit sa demeure et vit ordinairement dans une région du Canada. Selon les faits, l’appelant ne vivait pas ordinairement au Canada avant son retour en juillet 2017.

Conclusion

[41] Pour ces motifs, l’appelant n’est pas admissible aux prestations du SRG avant le mois de juillet 2017.

[42] L’appel est rejeté.

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