Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

Informations sur la décision

Résumé :

La succession de FF v Ministre de l’Emploi et du Développement social, AD-21-158 (en anglais seulement)

SRG – mode d’audience – décision interlocutoire de la DG – droit d’appel à la DA

Cette affaire porte à l’origine sur la succession d’une requérante décédée qui conteste son union de fait de son vivant. Le représentant de la succession a demandé une audience en personne car il aurait des difficultés à présenter sa cause en téléconférence. La division générale (DG) a quand même fixé une audience par téléconférence. Le représentant a demandé la permission d’en appeler de cette décision interlocutoire de la DG à la division d’appel (DA).

La DA a convenu qu’elle avait compétence pour entendre l’appel d’une telle décision intérimaire. La position de la DA est fondée sur une interprétation de la loi selon laquelle les requérants ont un droit d’appel à la DA pour toute décision de la DG. Mais après avoir accepté d’examiner l’appel, la DA a décidé qu’il n’avait aucune chance raisonnable de succès et refusé permission d’en appeler. Le représentant n’a pas expliqué en quoi une téléconférence serait moins équitable qu’une comparution en personne. D’autant plus que la crédibilité des témoins ne pouvait être remise en question puisque la requérante et le mis en cause (les personnes en union de fait) sont décédés.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : Succession de FF c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 255

Numéro de dossier du Tribunal: AD-21-158

ENTRE :

Succession de F. F.

Demanderesse

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Intimé


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division d’appel


Décision relative à une demande de
permission d’en appeler rendue par :
Neil Nawaz
Date de la décision : Le 2 juin 2021

Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] La demande de permission d’en appeler est rejetée. J’ai décidé de ne pas accorder à l’appelante la permission de porter en appel la décision de la division générale de tenir son audience par téléconférence. La division générale peut poursuivre l’instance.

Aperçu

[2] L’appelante est la succession de la défunte F. F., qui touchait le Supplément de revenu garanti (SRG). La somme du SRG reçue par une personne dépend de son état matrimonial. Une personne célibataire reçoit davantage qu’une personne mariée ou en union de fait.

[3] Dans ses demandes annuelles de SRG, F. F. déclarait qu’elle était célibataire. En avril 2015, elle a présenté une demande de prestations de survivant du Régime de pensions du Canada, disant qu’elle était en union de fait avec F. B., récemment décédé.

[4] Le ministre a réévalué l’admissibilité au SRG de F. F. et a établi qu’il lui avait versé un trop-payé de 16 800 $ sur neuf ans.

[5] À ce moment-là, F. F. était aussi décédée. Son fils, le représentant de la succession, a porté en appel cette réévaluation du ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Il affirmait que F. F. et F. B. n’avaient jamais été en union de fait et qu’ils ne faisaient que partager la même maison.

[6] En février dernier, la division générale a tenu une conférence préparatoire pour discuter de différentes questions procédurales, y compris du mode d’audience appropriétr. Dans une décision datée du 19 février 2021, la division générale a décidé de tenir l’audience par téléconférence plutôt qu’en personne. Cela allait contre la préférence exprimée par le représentant de l’appelante, qui avait précédemment dit qu’il aurait de la difficulté à défendre sa cause par voie électronique.

[7] Le représentant de l’appelante se tourne maintenant vers la division d’appel et demande la permission de porter la décision de la division générale en appel. Il soutient que la division générale a ignoré ses préoccupations en décidant de tenir l’audience par téléconférence.

[8] J’ai examiné la décision de la division générale, ainsi que les éléments au dossier. Je conclus que le représentant de l’appelante n’a pas soulevé un moyen d’appel qui aurait conféré à l’appel une chance raisonnable de succès.

Questions en litige

Il n’existe que quatre moyens d’appel devant la division d’appel. Une partie appelante doit montrer que la division générale :

  1. n’a pas respecté l’équité procédurale;
  2. a commis une erreur de compétence;
  3. a commis une erreur de droit;
  4. a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas page 1.

[9] Un appel ne peut être instruit que si la division d’appel accorde la permission d’en appelerNote de bas page 2. À cette étape, la division d’appel doit être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas page 3. Il s’agit d’un critère relativement facile à satisfaire, car le requérant doit présenter au moins une cause défendableNote de bas page 4.

[10] Dans le présent appel, je devais trancher les questions suivantes :

Question en litige no 1 : La division d’appel a-t-elle la compétence de réviser les décisions provisoires de la division générale?

Question en litige no 2 : Si oui, y a-t-il une cause défendable selon laquelle le choix du mode de l’audience de la division générale prive l’appelante de son droit d’être entendue?

Analyse

Question en litige no 1 : La division d’appel a-t-elle la compétence de réviser les décisions provisoires de la division générale?

[11] La décision datée du 19 février 2021 est une décision interlocutoire ou provisoire, puisque la division générale doit toujours trancher l’appel de l’appelante. Ainsi, je dois trancher la question préliminaire, à savoir si la division d’appel a la compétence d’accorder la permission d’en appeler même si la division générale n’a pas encore tranché l’affaire.

[12] Dans une affaire appelée Szczecka c CanadaNote de bas page 5, la Cour d’appel fédérale a rejeté une demande de contrôle judiciaire d’une décision provisoire parce que la partie appelante n’avait pas épuisé tous les recours offerts par la Commission de l’immigration. Comme la Cour l’a déclaré ensuite :

[...] les parties ne peuvent s’adresser aux tribunaux tant que le processus administratif suit son cours. Il s’ensuit qu’à défaut de circonstances exceptionnelles, ceux qui sont insatisfaits de quelque aspect du déroulement de la procédure administrative doivent exercer tous les recours efficaces qui leur sont ouverts dans le cadre de cette procédure. Ce n’est que lorsque le processus administratif a atteint son terme ou que le processus administratif n’ouvre aucun recours efficace qu’il est possible de soumettre l’affaire aux tribunauxNote de bas page 6.

[13] En gardant ce principe à l’esprit, la division d’appel a suivi deux approches pour les décisions provisoires :

  • Dans certains casNote de bas page 7, la division d’appel a établi qu’il ne doit pas y avoir d’appel immédiat des décisions provisoires, sauf dans des circonstances exceptionnelles, tant que la division générale demeure saisie de l’affaire.
  • Dans d’autres casNote de bas page 8, la division d’appel a interprété la jurisprudence pertinente en disant que le recours aux tribunaux était possible seulement après avoir épuisé tous les recours offerts au niveau administratif. Par conséquent, l’arrêt Szczecka et les décisions connexes n’empêchent pas de porter en appel une décision provisoire dans le cadre du processus administratif.

[14] Je préfère la deuxième approche. L’article 55 de la Loi sur le MEDS énonce ce qui suit : « Toute décision de la division générale peut être portée en appel devant la division d’appel par toute personne qui fait l’objet de la décision […]. » (mise en évidence par le soussigné) La Cour suprême du Canada a dit qu’il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateurNote de bas page 9.

[15] Bien que les membres du Tribunal ne soient liés par les décisions antérieures de leurs collègues, ils ne doivent pas s’en écarter sans avoir une bonne raison. Selon mon interprétation de l’article 55 et de la jurisprudence pertinente, j’estime avoir une bonne raison de m’écarter des décisions précédentes de la division d’appel qui ont dit que les appels provisoires étaient prématurés.

[16] Compte tenu du libellé de l’article 55 de la Loi sur le MEDS, selon lequel « toute » décision de la division générale peut être portée en appel à la division d’appel, j’ai conclu que j’ai la compétence de répondre à cette demande de permission d’en appeler.

Question en litige no 2 : Y a-t-il une cause défendable selon laquelle le choix du mode de l’audience de la division générale prive l’appelante de son droit d’être entendue?

[17] Le représentant de l’appelante soutient qu’il serait inéquitable que la division générale entende l’appel de la succession par téléconférence parce qu’il ne serait pas capable de défendre pleinement sa cause.

[18] J’estime que cet argument ne confère pas de chance raisonnable de succès à l’appel. La division générale dispose d’une liberté considérable sujette à certaines limites pour décider du mode d’audience approprié. Je ne vois aucune raison de remettre en question le jugement de la division générale, qui a déterminé qu’une audience en personne ne serait pas appropriée dans ce cas-ci.

[19] Le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale donne aux deux divisions du Tribunal une grande souplesse pour tenir des audiences selon le mode qu’elle juge approprié. L’article 21 énonce que la division générale peut tenir une audience suivant divers modes, y compris par questions et réponses écrites, par téléconférence, par vidéoconférence ou en personne. En l’absence d’autres qualificatifs ou conditions, l’utilisation du mot « peut » laisse entendre que la division générale a la discrétion de prendre cette décision.

[20] Cela étant dit, cette discrétion doit être exercée dans le respect des règles de l’équité du processus. La Cour suprême du Canada s’est prononcée sur cette question dans l’arrêt Baker c CanadaNote de bas page 10, soutenant que toute décision qui touche les droits, privilèges ou biens d’une personne suffit pour entraîner l’application de l’obligation d’équité. Toutefois, le concept de l’équité du processus est variable et doit être évalué dans le contexte précis de chaque affaire. L’arrêt Baker a dressé une liste de facteurs qui peuvent être examinés pour établir ce qu’exige l’équité procédurale dans un cas en particulier, y compris :

  • l’importance de la décision pour les personnes visées;
  • les attentes légitimes de la personne;
  • les choix de procédure que l’organisme fait lui-même.

[21] Je n’ai aucun doute que cette affaire est très importante pour le représentant de l’appelante et je sais qu’il s’attend à avoir droit à une audience complète. Toutefois, je dois également accorder beaucoup de poids à la nature du régime législatif qui régit la division générale. Le Tribunal de la sécurité sociale a été conçu pour résoudre de façon équitable et efficace les différends. À cette fin, le législateur a donné à la division générale la compétence de choisir comment les audiences seront menées. Cette compétence ne devrait pas être remise en question à moins qu’il y ait une bonne raison de le faireNote de bas page 11.

[22] Dans ce cas-ci, la division générale avait l’option de choisir le mode d’audience qui était préférable, et sa décision d’opter pour la téléconférence n’a pas été prise à la légère. La division générale a fait ce choix pour des motifs qu’elle a fournis dans sa décision provisoire :

  • Lorsqu’il a fait appel à la division générale, le représentant de l’appelante a indiqué qu’il accepterait de procéder par vidéoconférence, par téléphone ou en personne. Aux yeux de la division générale, cela laissait entendre que le représentant pouvait défendre sa cause par téléconférence.
  • La division générale a organisé une téléconférence préparatoire pour discuter de questions de procédure. Elle a soulevé que le représentant de l’appelante avait participé à la téléconférence et avait été en mesure de communiquer ses positions de façon efficace.
  • La division générale a songé à tenir l’audience par vidéoconférence. Toutefois, elle a décidé que la téléconférence était l’option la plus sûre puisque le représentant de l’appelante avait mentionné que ni lui ni sa femme n’étaient très bons avec les ordinateurs.
  • La pandémie de COVID-19 a forcé les gouvernements à restreindre strictement les rencontres et rassemblements en personne. Bien que le représentant de l’appelante a dit qu’il était disposé à attendre pour avoir une audience en personne, la division générale a reconnu que le ministre avait droit à ce que les affaires où il est mis en cause soient tranchées le plus rapidement possible.
  • Consciente de l’inconfort du représentant à parler de choses sérieuses au téléphone, la division générale s’est engagée à faire de son mieux pour faciliter les choses pour le représentant de l’appelante. La membre chargée du dossier a écrit : « Je pourrai mener la téléconférence de manière à accorder suffisamment de temps au représentant pour qu’il puisse exprimer sa pensée et avancer ses arguments pour étayer ses positions dans le présent appelNote de bas page 12. »

[23] Les audiences en personne sont souvent perçues comme la meilleure façon d’évaluer le témoignage des témoins, mais je pense que la crédibilité n’est pas un enjeu important dans une affaire où l’un des principaux acteurs est décédé. Dans une affaire qui comprenait des circonstances factuelles semblables à celle-ci et qui est intitulée ParchmentNote de bas page 13, la Cour fédérale n’a décelé aucune erreur dans la décision de la division générale de tenir une audience par téléconférence plutôt qu’en personne.

[24] Par-dessus tout, le représentant de l’appelante n’a pas expliqué pourquoi une audience par téléconférence serait moins équitable qu’une audience en personne. Citant son manque d’éducation, le représentant soutient que participer à une audience par téléconférence [traduction] « surpasserait ses capacités ». Il n’explique toutefois pas comment il a été capable de représenter efficacement la succession de sa mère lors de la conférence préparatoire de la division générale. Il ne dit pas non plus pourquoi défendre sa cause en personne serait moins difficile pour lui que de le faire au téléphone.

Conclusion

[25] Je n’accorde pas à l’appelante la permission d’en appeler parce que son représentant n’a invoqué aucun moyen d’appel qui conférerait à son appel une chance raisonnable de succès. La division générale peut maintenant tenir une audience par téléconférence.

Mode d’instruction :

Sur la foi du dossier

Représentant :

W. M. représentant de la succession

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