Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

Informations sur la décision

Résumé :

Sécurité de la vieillesse – SV présentée après le décès – la Loi n’exige pas que le ministre estampille une demande pour qu’elle soit considérée comme « reçue »

K. W. est décédée en janvier 2018. Son époux est alors devenu responsable de sa succession. En juin 2018, il s’est rendu en personne dans un Centre Service Canada pour présenter une demande de pension de la Sécurité de la vieillesse (SV) au nom de la défunte et signer un accord d’indemnisation. Conformément à l’article 29 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, la succession d’une personne défunte a un an après son décès pour demander sa pension de la SV. L’époux de la défunte avait donc jusqu’en janvier 2019 pour présenter la demande. La demande a été examinée par le personnel de Service Canada. On la lui a cependant remise parce qu’il n’avait pas rempli la section 18 du formulaire de demande. Cette section demande d’indiquer les coordonnées d’une personne pouvant confirmer la résidence au Canada du prestataire. Huit mois plus tard, en février 2019, l’époux de la défunte a soumis la demande à nouveau. Le ministre a rejeté la demande. Il a ensuite refusé de changer d’avis, affirmant que la succession avait présenté sa demande en retard, après le délai d’un an.

La succession a fait appel de cette décision devant la division générale (DG). La DG a jugé que la succession avait présenté sa demande en juin 2018. Les parties étaient d’accord pour dire que l’époux avait apporté sa demande de pension de la SV en personne en juin 2018 à un Centre Service Canada. Par contre, le ministre a fait valoir que la demande était nulle ou invalide du fait qu’il ne l’avait pas estampillée pour en accuser réception en juin 2018, mais seulement en février 2019 puisqu’il l’avait alors reçue par la poste. Selon le ministre, la demande était aussi nulle du fait que la section 18 n’avait pas été remplie. La DG a rejeté les arguments du ministre. La Loi sur la sécurité de la vieillesse et son règlement ne contiennent aucune règle concernant les demandes incomplètes. La loi ne précise aucunement qu’une demande incomplète est automatiquement invalide. Si l’époux avait dès le départ envoyé sa demande par la poste, le ministre l’aurait estampillée et lui aurait ensuite demandé de fournir les renseignements manquants. Aucun fondement juridique ne justifiait que le ministre traite différemment la demande de la succession selon qu’elle soit présentée en personne ou transmise par la poste.

La DG a accueilli l’appel, après avoir conclu que le ministre avait reçu la demande de la succession dans le délai d’un an. Le ministre doit maintenant décider si la défunte, K. W., remplit toutes les conditions nécessaires pour être admissible à une pension de la SV.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : Succession de KW c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 420

Numéro de dossier du Tribunal: GP-20-283

ENTRE :

Succession de KW

Appelante (requérante)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Shannon Russell
Date de l’audience par
téléconférence :
Le 8 avril 2021
Date de la décision : Le 5 juin 2021

Sur cette page

Décision

[1] La demande de pension de la Sécurité de la vieillesse (SV) post-mortem du requérant a été présentée à temps. La présente décision explique les raisons pour lesquelles j’accueille l’appel.

Aperçu

[2] D. W. est un homme de 72 ans qui était marié à K. W. K. W. est décédée en janvier 2018. D. W. représente sa succession.

[3] La partie requérante dans le présent appel est la succession de K. W. Toutefois, par souci de clarté, je ferai référence à D. W. comme s’il était le requérant.

[4] Le requérant dit qu’il s’est rendu dans un centre Service Canada en juin 2018 pour présenter une demande de pension de la SV au nom de son épouse décédée. Une fois sur place, il a aussi signé un accord d’indemnisation. Le requérant dit que Service Canada a examiné sa demande et la lui a redonnée parce qu’il n’avait pas rempli la section 18 du formulaireNote de bas page 1. Le requérant a présenté à nouveau sa demande, mais pas avant février 2019.

[5] Le ministre a rejeté la demande initialement et après révision parce qu’il a jugé qu’elle avait été présentée plus d’un an après le décès de K. W. Le requérant a fait appel de la décision découlant de la révision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

Caviardage et documents déposés après l’audience

[6] Le ministre a déposé des observations écrites et des notes imprimées en décembre 2020. Il a toutefois caviardé (noirci) certains passages de ses notes avant de les envoyer au TribunalNote de bas page 2.

[7] Le 7 avril 2021, j’ai écrit au ministre pour lui demander d’envoyer au Tribunal une copie non caviardée de ses notes. Le ministre n’a pas été en mesure de répondre à ma demande avant l’audience et n’était pas représenté à celle-ci.

[8] Le requérant était présent à l’audience. Il a admis avoir reçu une copie de la lettre que j’ai envoyée au ministre le 7 avril 2021. J’ai dit au requérant que je n’avais pas encore reçu la réponse du ministre, mais que je la lui communiquerais dès que je la recevrais. Ainsi, il pourrait l’examiner et fournir ses commentaires. Le requérant m’a dit qu’il souhaitait entamer l’audience et qu’il commenterait la réponse du ministre lorsqu’il la recevrait. L’audience s’est déroulée comme prévu.

[9] Le 14 avril 2021, le ministre a fourni au Tribunal une copie non caviardée de ses notesNote de bas page 3. J’en ai envoyé une copie au requérant et je lui ai donné la possibilité de l’examiner et de fournir ses commentaires. Le requérant a transmis ses commentaires écrits au Tribunal le 27 avril 2021Note de bas page 4.

[10] Le 30 avril 2021, j’ai écrit au ministre pour lui expliquer que je ne croyais pas avoir suffisamment d’information pour rendre une décision. J’ai précisé que le requérant avait avancé des arguments auxquels le ministre n’avait pas encore répondu. J’ai résumé les trois principaux arguments du requérant et j’ai demandé au ministre d’y répondreNote de bas page 5.

[11] Le ministre a fourni une réponse écrite le 7 mai 2021Note de bas page 6. Sa réponse était toutefois incomplète puisqu’il a seulement répondu à deux des trois principaux arguments du requérant.

[12] Le 11 mai 2021, j’ai écrit au ministre pour lui demander de répondre au troisième argument du requérantNote de bas page 7. Le ministre a envoyé sa réponse le 14 mai 2021Note de bas page 8.

[13] J’ai communiqué la réponse du ministre au requérant et je lui ai offert la possibilité de fournir ses commentairesNote de bas page 9. Le requérant a fait part de ses commentaires écrits au Tribunal le 31 mai 2021Note de bas page 10.

Ce que prévoit le droit au sujet d’une demande de pension

[14] Selon la Loi sur la sécurité de la vieillesse (Loi sur la SV), aucune pension n’est payable à une personne, sauf si la demande a été faite par elle ou en son nomNote de bas page 11. Si le ministre l’exige, la demande de prestations doit être présentée au moyen d’un formulaire de demandeNote de bas page 12.

[15] En cas de décès, la Loi sur la SV permet de présenter une demande de pension post‑mortem. Toutefois, la demande doit être présentée dans l’année qui suit le décès de la personne. Si c’est le cas, elle est alors réputée avoir été reçue le jour du décès de la personne.

[16] Voici le libellé exact des dispositions pertinentesNote de bas page 13 :

Demande de pension par la succession, etc.

29(1) Par dérogation à toute autre disposition de la présente loi, les personnes éventuellement désignées par règlement, la succession, le liquidateur, l’exécuteur ou l’administrateur de la succession ou l’héritier d’une personne qui, avant son décès, aurait eu droit, une fois sa demande agréée, au versement d’une pension visée par la présente loi peuvent demander celle-ci dans l’année qui suit le décès.

[…]

Date réputée

29(3) La demande de pension visée au paragraphe (1) est réputée avoir été reçue le jour du décès de la personne qui aurait eu droit à la pension.

[17] Une demande est considérée avoir été présentée seulement lorsque le ministre reçoit un formulaire de demande rempli par la partie demanderesse ou en son nomNote de bas page 14.

Ce que le requérant doit prouver

[18] Pour avoir gain de cause, le requérant doit démontrer qu’il a demandé la pension de la SV au nom de son épouse décédée dans l’année suivant son décès.

Le requérant a demandé la pension de la SV dans l’année suivant le décès de son épouse

[19] J’ai conclu que le requérant a demandé la pension de la SV au nom de son épouse décédée dans l’année suivant son décès. La demande a été présentée en juin 2018. Je vais maintenant expliquer comment j’en suis arrivée à cette conclusion.

Il n’est pas contesté que le requérant a fait sa demande de pension de la SV à Service Canada en personne en juin 2018

[20] Le requérant dit qu’il s’est rendu dans un centre Service Canada de Yarmouth le 8 juin 2018 pour présenter une demande de pension de la SV et signer un accord d’indemnisation au nom de son épouse décédée. Pour appuyer son argument, le requérant fait référence à l’accord d’indemnisation au dossier, qui montre qu’une personne travaillant pour Service Canada a agi à titre de témoin le 8 juin 2018Note de bas page 15. Le requérant dit que cette personne a examiné les documents, mais qu’elle ne les a pas estampillés pour en accuser réception. Le requérant ajoute qu’on lui a dit qu’il devait remplir la section 18 du formulaire de demande, puis renvoyer le tout à Service CanadaNote de bas page 16.

[21] Le ministre reconnaît que le requérant a fait sa demande de pension de la SV à Service Canada le 8 juin 2018Note de bas page 17.

[22] Puisqu’il n’est pas contesté que le requérant a présenté sa demande de pension de la SV à Service Canada en juin 2018, je dois maintenant décider si la demande était en quelque sorte nulle, non avenue ou invalide parce que le ministre ne l’a pas estampillée en juin 2018 pour en accuser réception ou parce que la section 18 du formulaire était incomplète.

La date à laquelle le ministre a estampillé la demande pour en accuser réception n’est pas déterminante

[23] Le ministre soutient que le requérant a présenté sa demande en retard parce que Service Canada ne l’a pas estampillée en juin 2018 pour en accuser réception. Service Canada a plutôt estampillé les cinq pages de la demande le 8 février 2019Note de bas page 18.

[24] Je reconnais que la demande a été estampillée le 8 février 2019Note de bas page 19. Toutefois, la date à laquelle le ministre décide d’estampiller une demande pour en accuser réception ne détermine pas le moment où la demande a réellement été faiteNote de bas page 20.

[25] Le ministre soutient aussi que la demande du requérant a été [traduction] « examinée », mais pas [traduction] « reçue » le 8 juin 2018Note de bas page 21. Cet argument n’est pas convaincant. Toute demande doit assurément être reçue avant d’être examinée.

Une demande n’est pas invalide simplement parce qu’elle est incomplète

[26] Les dispositions de la loi qui portent sur les exigences relatives aux demandes de prestations ne précisent pas les conséquences d’une demande incomplète. Par exemple, la loi ne précise pas que si une personne omet de remplir une section du formulaire de demande, la demande est automatiquement nulle, non avenue ou autrement invalide.

[27] Voici ce que la division d’appel du Tribunal a affirmé à ce sujetNote de bas page 22 :

[...] la Loi sur la SV et le Règlement de la SV [sic] n’exigent pas que les personnes qui présentent une demande remplissent leur formulaire parfaitement. Dans ma décision relative à la demande de permission d’en appeler, par exemple, j’ai demandé des précisions sur les situations dans lesquelles une demande est déclarée invalide, par opposition à une irrégularité plus bénigne. Toutefois, le ministre ne m’a pas indiqué de politiques ou de procédures qui l’amèneraient à déclarer un formulaire de demande invalide, même si un renseignement essentiel était manquant ou mal inscrit.

[28] Cela étant dit, je ne peux pas conclure que la demande n’a pas été présentée simplement parce que le requérant n’a pas rempli la section 18 du formulaire dès le début.

L’objectif du régime de la SV est altruiste

[29] Mes conclusions sont cohérentes avec l’objectif altruiste du régime de la SV. Cet objectif altruiste signifie que les dispositions de la loi doivent être interprétées de façon large pour ne pas qu’une personne soit privée inconsidérément du droit aux prestationsNote de bas page 23.

[30] Comme l’a souligné la division d’appel du Tribunal, on observe une tendance à faciliter de plus en plus la demande des prestations de la SV. Certaines personnes sont automatiquement inscrites au programme de la SV, et les autres peuvent présenter leur demande en ligne.

[31] L’approche du ministre à l’égard de la demande du requérant était inutilement rigide et n’était pas appuyée par la loi ni par son objectif.

Le ministre admet qu’il aurait estampillé la demande en juin 2018 pour en accuser réception si le requérant l’avait postée

[32] Le requérant demande ce que le ministre aurait fait s’il avait simplement posté la demande post-mortem en juin 2018 plutôt que de la présenter en personne. Il laisse entendre que le ministre aurait peut-être conservé la demande, l’aurait estampillée en juin 2018 pour en accuser réception, puis aurait fait le suivi par écrit auprès de lui pour toute information manquanteNote de bas page 24.

[33] L’argument du requérant est convaincant. J’ai l’impression que le ministre est d’accord avec moi. J’affirme cela parce que c’est l’argument auquel le ministre a choisi de ne pas répondre dès le début. Lorsque j’ai envoyé ma deuxième demande au ministre pour qu’il réponde à l’argument, il a admis que la demande du requérant aurait été traitée différemment s’il l’avait postée. Voici ce qu’a affirmé le ministreNote de bas page 25 :

[traduction]

Si la demande de pension de la Sécurité de la vieillesse de l’appelant avait été postée, le ministre l’aurait estampillée pour en accuser réception. Toutefois, comme le ministre n’a pas conservé la demande, celle-ci n’a pas été traitée comme ayant été reçue.

[34] Il me semble insensé qu’une personne puisse satisfaire ou non aux exigences relatives aux demandes de prestations simplement parce qu’elle a choisi une façon de présenter sa demande plutôt qu’une autre. De toute évidence, il n’y a aucun fondement législatif en faveur d’une demande envoyée par courrier plutôt qu’une demande présentée par personne.

Conclusion

[35] Le requérant a demandé une pension de la SV au nom de son épouse décédée en juin 2018. La demande est donc réputée avoir été reçue le jour du décès de son épouse en janvier 2018.

[36] Le ministre devra maintenant décider si K. W. a satisfait aux autres critères d’admissibilité à la pension de la SV.

[37] L’appel est accueilli.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.