Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

Informations sur la décision

Résumé :

SV – erreur de droit – omission de tenir compte des facteurs touchant la résidence

Le requérant a demandé une pension partielle de la Sécurité de la vieillesse (SV). Le montant de la pension de la SV qu’une personne peut recevoir est calculé en fonction de son nombre d’années de résidence après l’âge de 18 ans, jusqu’à un maximum de 40 ans. Le ministre a accordé au requérant une pension partielle fondée sur 34 années de résidence au Canada. Le requérant a soutenu qu’il avait plutôt 36 années. Le ministre a refusé de changer sa décision. Le requérant a fait appel de cette décision à la division générale (DG).

La DG a examiné si le requérant résidait au Canada. Elle s’est penchée sur une période où l’employeur du requérant au Québec lui avait demandé de travailler en Angleterre. Il avait gardé sa maison au Canada tout en travaillant comme ingénieur sur des projets de construction. La DG a examiné les nombreuses exceptions prévues dans la loi qui permettent à une personne travaillant à l’extérieur du Canada (pour une entreprise canadienne) de demander à ce que cette période soit comptée comme une période de résidence au Canada aux fins de la pension partielle. Elle a conclu que le requérant n’avait pas fourni suffisamment d’éléments de preuve à la DG pour prouver que l’entreprise pour laquelle il travaillait pendant qu’il était en Angleterre était canadienne. Il a donc fait appel à la division d’appel (DA).

La DA a conclu que la DG avait commis une erreur de droit. La DG a vérifié si le requérant satisfaisait à l’exception prévue dans la loi pour les personnes travaillant à l’étranger pour une entreprise canadienne. Cependant, la DG n’a pas examiné la façon plus générale dont le requérant pouvait également démontrer qu’il était résident, c’est à-dire si ses liens avec le Canada étaient plus forts que ses liens avec l’Angleterre au cours de la même période. La DG s’est référée aux règles juridiques appropriées qui énumèrent les facteurs juridiques touchant à la résidence, mais elle ne les a pas appliquées. Comme la DG ne s’est pas penchée sur les liens de résidence du requérant, elle ne lui a pas donné la possibilité de présenter pleinement sa cause. Cela signifie que la DA ne disposait pas de tous les éléments de preuve nécessaires pour rendre une décision équitable. La DA a renvoyé l’affaire à un nouveau membre de la DG avec des directives de tenir une nouvelle audience.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : SB c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 360

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : S. B.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 4 mai 2021,
GP-20-1926

Membre du Tribunal : Jude Samson
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 21 juillet 2021
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Personne représentant l’intimé
Date de la décision : Le 27 juillet 2021
Numéro de dossier : AD-21-164

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. Le dossier est renvoyé à la division générale aux fins de réexamen, avec les directives ci-dessous.

Aperçu

[2] S. B. est le requérant dans cette affaire. Il a demandé une pension de la Sécurité de la vieillesse (SV) en août 2018. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a approuvé sa demande et a accepté de lui verser une pension partielle. Cependant, le requérant affirme que le montant de sa pension partielle devrait être plus élevé.

[3] Le montant de la pension de la SV du requérant dépend du nombre d’années pendant lesquelles il a résidé au Canada après avoir atteint l’âge de 18 ansNote de bas de page 1 .

[4] Plus précisément, cette affaire porte sur la question de savoir si le requérant a résidé au Canada d’avril 1989 à juin 1991. Au cours de ces années, le requérant vivait et travaillait au Royaume-Uni. Cependant, le requérant soutient qu’il vit au Canada de façon continue depuis juillet 1982.

[5] Le ministre a rejeté les arguments du requérant. Dans le cadre de sa décision, le ministre a examiné une liste de circonstances spéciales dans lesquelles la loi considère qu’une personne a maintenu sa résidence au Canada, même si elle était hors du Canada pendant une longue périodeNote de bas de page 2 .

[6] L’une de ces circonstances spéciales pourrait avoir aidé le requérant à établir sa résidence au Canada. Elle s’applique aux résidentes et résidents canadiens qui travaillent à l’extérieur du pays pour un employeur canadienNote de bas de page 3 .

[7] Cependant, le requérant a d’abord dit au ministre qu’il était employé par une entreprise américaineNote de bas de page 4 . Il a dit plus tard qu’il était employé par une entreprise canadienne et que l’entreprise américaine était une firme sous-traitante qui ne faisait que traiter son salaireNote de bas de page 5 .

[8] Le ministre n’a pas été convaincu que la situation du requérant correspondait à une des circonstances spéciales. Le ministre a donc décidé que le travail du requérant au Royaume‑Uni avait interrompu sa résidence au Canada.

[9] La division générale a accepté la position du ministre et a rejeté l’appel du requérant.

[10] Le requérant fait maintenant appel de la décision de la division générale devant la division d’appel du Tribunal.

[11] J’accueille l’appel du requérant. La division générale a commis une erreur de droit dans sa façon d’évaluer la résidence du requérant au Canada. Je renvoie donc l’affaire à la division générale, avec les directives ci-dessous.

Questions préliminaires

L’audience de la division d’appel s’est déroulée à la date prévue

[12] Au début de l’audience de la division d’appel, le requérant a posé les questions suivantes :

  • il a demandé pourquoi l’audience ne se déroulait pas en personne;
  • il s’est plaint d’avoir reçu les observations du ministre une journée après la date limiteNote de bas de page 6 .

[13] Dans la conversation qui a suivi, le requérant a confirmé qu’il n’avait pas de raison importante de demander une audience en personne. Il a aussi confirmé qu’il avait eu suffisamment de temps pour examiner et comprendre les observations du ministre. Finalement, il a dit clairement qu’il ne voulait pas prévoir une autre date pour son audience.

[14] Dans les circonstances, j’ai poursuivi l’audience à la date prévue.

J’ai lu le courriel que le requérant a envoyé après l’audience

[15] Au moment où je complétais cette décision, j’ai reçu le courriel du requérant daté du 26 juillet 2021Note de bas de page 7 . J’ai lu son courriel, mais je n’ai pas demandé au ministre de le commenter parce qu’il fait simplement ressortir des éléments formulés par le requérant à l’audience de la division d’appel.

Questions en litige

[16] Les questions en litige dans cet appel sont les suivantes :

  1. La division générale a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu’elle a évalué la résidence du requérant au Canada?
  2. La division générale a-t-elle commis une autre des erreurs alléguées par le requérant?
  3. Si la division générale a commis des erreurs, comment devrais-je les réparer?

Analyse

[17] Je dois décider si la division générale a commis au moins l’une des erreurs suivantesNote de bas de page 8  :

  • elle a agi de façon non équitable;
  • elle n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher ou a tranché une question qu’elle n’aurait pas dû trancher;
  • elle a mal interprété ou mal appliqué la loi;
  • elle a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.

La division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a évalué la résidence du requérant au Canada

[18] Pour résider au Canada, le requérant devait établir sa demeure et vivre ordinairement dans une région du CanadaNote de bas de page 9 .

[19] Pour décider si une personne résidait au Canada, le Tribunal prend habituellement en compte l’importance des liens de cette personne avec le Canada en examinant les éléments suivants (que le ministre appelle les facteurs de la décision Ding)Note de bas de page 10  :

  • les biens mobiliers (par exemple, une maison, des meubles, une automobile, une entreprise, un compte bancaire, une carte de crédit);
  • les liens sociaux au Canada (par exemple, des membres de la famille, la participation à des clubs sociaux, à des organisations religieuses et à des associations professionnelles);
  • les autres liens au Canada (par exemple, des services médicaux, des polices d’assurance, un permis de conduire, des contrats de location, un bail, une entente de prêt ou une hypothèque, des contrats, des factures de services publics, la participation aux services et programmes publics, un ou des régimes de pension et des paiements d’impôts);
  • les liens dans un autre pays;
  • le temps passé au Canada comparativement à celui passé dans d’autres pays;
  • le mode de vie (par exemple, la langue et la culture).

[20] Dans l’affaire qui nous occupe, la division générale a commis une erreur de droit en omettant d’utiliser les facteurs de la décision Ding pour évaluer la résidence du requérant au CanadaNote de bas de page 11 .

[21] La division générale a plutôt (comme le ministre avant elle) axé son attention presque entièrement sur la question de savoir si le requérant travaillait pour une entreprise canadienne pendant qu’il vivait au Royaume‑Uni. Cependant, en faisant cela, les deux ont ignoré l’un des principaux arguments du requérant, à savoir que ses liens avec le Canada sont demeurés plus importants que ses liens avec le Royaume‑Uni.

[22] Le ministre a admis que la division générale aurait pu mieux expliquer sa décision. Cependant, il a insisté sur la flexibilité des facteurs de la décision Ding et sur le poids différent qu’accorde le Tribunal à chacun des facteurs selon les circonstances propres à chaque affaireNote de bas de page 12 . De plus, les facteurs de la décision Ding ne sont pas exhaustifs, ce qui signifie que toutes les circonstances qui peuvent s’appliquer doivent être prises en compte.

[23] Le ministre a donc fait valoir que la longue absence de plus d’un an du requérant avait permis à la division générale, même dans le cadre de l’analyse décrite dans la décision Ding, de concentrer son attention sur les circonstances spéciales prévues par la loi. Dans cette affaire, cela voulait dire de trancher la question de savoir si le requérant était employé par une entreprise canadienne.

[24] Je ne peux pas accepter les arguments du ministre pour les raisons suivantes :

  • Le requérant a continuellement souligné l’importance de ses liens avec le Canada, même pendant qu’il vivait au Royaume‑UniNote de bas de page 13 . La division générale ne pouvait pas ignorer l’un des principaux arguments du requérantNote de bas de page 14 .
  • En ignorant cette question, la division générale a effectivement présumé que les 26 mois que le requérant a passés au Royaume‑Uni. avaient interrompu sa résidence au Canada. Cependant, les tribunaux ont conseillé de ne pas présumer que les absences de plus d’un an interrompent automatiquement la résidence d’une personne au CanadaNote de bas de page 15 .
  • En concentrant son attention sur la question de savoir si le requérant était employé par une entreprise canadienne, la division générale a adopté une approche qui ne concorde pas avec les décisions des tribunaux qui affirment que le Tribunal doit tenir compte de la situation du requérant dans son ensemble et de toutes ses circonstances pertinentesNote de bas de page 16 .

[25] Je reconnais que la division générale a mentionné certains liens du requérant avec le Canada. Je ne suis toutefois pas convaincu que la division générale ait fait la moindre analyse comme celle décrite dans la décision Ding. À titre d’exemple, la division générale n’a fait aucune mention des facteurs de la décision Ding. Elle n’a pas non plus expliqué pourquoi le pays d’établissement de l’employeur du requérant était plus important que les autres facteurs.

[26] La division générale conclut essentiellement sa décision en disant que le requérant n’est pas admissible à une pension de la SV plus élevée parce qu’il n’a pas démontré qu’il avait travaillé pour une entreprise canadienne durant son séjour au Royaume-UniNote de bas de page 17 . Autrement dit, c’est la seule question que la division générale a tranchée.

[27] L’enregistrement audio de l’audience de la division générale appuie ma conclusion. L’audience de la division générale a aussi porté principalement sur le pays d’établissement de l’employeur du requérant. Pendant l’audience, la division générale n’a pas examiné les facteurs de la décision Ding de manière à lui permettre de déterminer la solidité des liens du requérant avec le Canada par rapport au Royaume‑Uni.

[28] En fait, les arguments écrits du ministre semblent admettre que la décision de la division générale porte sur une question principale : le requérant travaillait-il pour une entreprise canadienneNote de bas de page 18 ?

[29] La division générale a commis une erreur de droit en évaluant la résidence canadienne du requérant de cette façon. Même si la situation du requérant ne correspondait à aucune des circonstances spéciales prévues par la loi, il a tout de même pu faire valoir que la force de ses liens avec le Canada l’emportait sur celle de ses liens avec le Royaume‑Uni. Cependant, la division générale a ignoré cette questionNote de bas de page 19 .

La division générale n’a commis aucune des autres erreurs alléguées par le requérant

La division générale a offert un processus équitable

[30] Le requérant allègue que la division générale n’a pas offert un processus équitable pour les raisons suivantesNote de bas de page 20  :

  • la membre de la division générale a fait preuve de partialité contre lui;
  • elle n’était pas qualifiée pour instruire son affaire parce qu’elle n’est pas membre du Barreau du Québec;
  • elle a enregistré l’audience sans sa permission.

[31] Premièrement, les allégations de partialité sont graves. Elles mettent en doute l’intégrité du Tribunal et de la membre. Par conséquent, la membre bénéficie d’une présomption d’impartialitéNote de bas de page 21 . De plus, le requérant doit avoir une preuve pour appuyer ses allégations de partialitéNote de bas de page 22 .

[32] Le requérant n’a pas fourni de preuve pour appuyer ses allégations de partialité à l’endroit de la membre de la division générale. Je ne peux pas conclure qu’elle a fait preuve de partialité contre lui sur le seul fondement de ses affirmations.

[33] J’ai quand même examiné la décision de la division générale et écouté l’enregistrement de l’audience de la division générale. Je n’ai constaté à nulle part que la membre de la division générale avait fait preuve de partialité contre le requérant.

[34] Deuxièmement, la loi n’exige pas que les membres du Tribunal soient des avocates ou avocats accréditésNote de bas de page 23 . Les règles pour devenir juge ne sont pas les mêmes que celles pour devenir membre du Tribunal.

[35] La loi qui a institué le Tribunal ne dit nulle part que la membre de la division générale doit être membre du Barreau du Québec pour instruire l’affaire du requérant.

[36] Troisièmement, le requérant dit que la membre de la division générale lui avait promis de lui envoyer l’enregistrement audio de l’audience. Il dit qu’autrement, il ne lui aurait pas permis d’enregistrer sa voixNote de bas de page 24 .

[37] Malgré un certain retard, le Tribunal a bel et bien fourni au requérant l’enregistrement audio de l’audience de la division générale. Il dit toutefois qu’il était trop tard.

[38] Bien que les allégations du requérant donnent une mauvaise image du Tribunal, elles ne compromettent pas l’équité de l’instance de la division générale. Cet argument ne peut donc pas justifier mon intervention dans cette affaire.

La division générale n’a pas commis une erreur de droit dans la façon dont elle a utilisé la jurisprudence des tribunaux

[39] Le requérant a soutenu que la division générale avait commis une erreur de droit en se fondant sur des décisions des tribunaux qui présentent des faits très différents de ceux de son affaire.

[40] Il dit que la division générale aurait plutôt dû s’appuyer sur l’affaire de son épouse, qui est identique à la sienne. Selon le requérant, le ministre a rapidement reconnu le temps que son épouse a passé au Royaume‑Uni comme étant des années de résidence au Canada.

[41] Je ne peux pas accepter les arguments du requérant relativement à ces éléments.

[42] Je reconnais, par exemple, que des parties de la décision de la Cour fédérale dans l’affaire DingNote de bas de page 25 sont différentes de l’affaire du requérant. Mais on y trouve également des similarités. Mme Ding a aussi demandé des prestations de la SV. Et elle a aussi eu besoin de prouver le nombre d’années pendant lesquelles elle avait résidé au Canada.

[43] La division générale s’est fondée sur la décision Ding pour la raison suivante : le Tribunal ne peut pas décider si une personne réside au Canada en s’appuyant uniquement sur le lieu où cette personne a l’intention de résiderNote de bas de page 26 . Le Tribunal doit plutôt tenir compte de la situation globale de la personne et de toutes les circonstances de son affaire.

[44] La décision Ding fait partie du droit que le Tribunal doit appliquer. Et des parties de la décision s’appliquent de façon plus générale : elles s’appliquent à d’autres affaires concernant les prestations de la SV et la manière dont le Tribunal évalue la résidence des parties requérantes au Canada. C’est pourquoi le Tribunal a cité la décision Ding à de nombreuses reprises, dans différentes affaires.

[45] La division générale n’a commis aucune erreur en faisant référence à cette partie de la décision Ding dans l’affaire du requérant, même si le requérant et Mme Ding ont des parcours très différents.

[46] La division générale n’a pas non plus commis d’erreur dans la façon dont elle a utilisé les autres éléments de la jurisprudence dans sa décision.

[47] En ce qui a trait à l’épouse du requérant, la division générale n’avait aucune preuve documentaire au sujet de son dossier. Aucun document ne permettait donc à la division générale d’évaluer en quoi les deux affaires pouvaient présenter des similarités ou des différences. De plus, le Tribunal est obligé de suivre les décisions antérieures des tribunaux, mais il n’est pas obligé de suivre les décisions antérieures rendues par le ministre.

La division générale n’était pas tenue de suivre une opinion de l’Agence du revenu du Canada (ARC)

[48] Le requérant a soutenu que la division générale avait commis une erreur de droit en ne suivant pas l’opinion de l’ARC selon laquelle il était resté, pendant qu’il vivait au Royaume‑Uni, un [traduction] « résident de fait du Canada aux fins de l’impôt sur le revenuNote de bas de page 27  ».

[49] Le requérant a affirmé que le ministre n’a pas le pouvoir de déterminer la résidence d’une personne au Canada. Il a aussi dit qu’il avait téléphoné à l’ARC avant de partir au Royaume‑Uni et qu’il avait suivi les instructions de l’ARC pour maintenir sa résidence au Canada.

[50] Finalement, le requérant a fait valoir que s’il existe deux définitions de résidence au sens de la loi canadienne, alors la division générale devait appliquer celle qui était la plus favorable à sa situation.

[51] Je comprends la frustration du requérant. Je ne peux cependant pas accepter ses arguments.

[52] Le Tribunal n’est pas obligé de suivre les opinions de l’ARC. Le Tribunal et l’ARC tranchent leurs causes de façon indépendante, d’après les renseignements qui ont été portés à leur connaissance.

[53] De plus, le Tribunal applique le droit qui régit les pensions de la SV, tandis que l’ARC applique la Loi de l’impôt sur le revenuNote de bas de page 28 . Même si ces deux domaines du droit ont certains concepts en commun, la division générale n’était pas tenue d’aligner sa décision sur celle de l’ARC.

[54] En ce qui a trait aux pouvoirs du ministre, le droit l’autorise clairement à décider si une personne est admissible à une pension de la SV et à déterminer le montant de sa pensionNote de bas de page 29 . Cela dépend du moment où une personne a résidé au Canada et du temps qu’elle y a passé. Le ministre doit donc procéder à cette évaluation avant d’approuver une demande de pension de la SV. Le requérant n’a pas démontré, et je ne suis pas au courant, que le ministre a confié cette responsabilité à l’ARC ou à un autre organe du gouvernement.

[55] Cela veut dire que des secteurs différents de l’appareil gouvernemental peuvent parfois rendre des décisions qui semblent injustes et contradictoires.

[56] Les tribunaux ont reconnu qu’il existe de nombreuses similarités entre les critères juridiques utilisés pour déterminer la résidence d’une personne au Canada aux fins de l’impôt et aux fins de la pension de la SVNote de bas de page 30 . Bien que cela puisse être possible, il est un peu inhabituel qu’une personne réside au Canada pour l’une de ces fins, mais pas pour l’autre.

[57] Dans l’affaire qui nous occupe, l’ARC semble avoir fondé son opinion sur la force des liens du requérant avec le Canada, même pendant qu’il vivait au Royaume‑Uni. Cependant, comme je l’ai établi plus haut, la division générale n’a pas encore soupesé les liens du requérant avec le Canada par rapport à ceux qu’il entretenait avec le Royaume‑Uni.

[58] Bref, cette histoire n’est pas terminée. Pour les raisons expliquées ci-dessus, la division générale doit réexaminer cette affaire. La division générale pourra prendre en compte l’opinion de l’ARC plus tard dans le cadre de sa prochaine décision.

La division générale n’a pas fondé sa décision sur une erreur importante au sujet des faits de l’affaire

[59] Dans sa décision, la division générale a affirmé que le requérant avait produit ses déclarations d’impôt pour 1989 et 1990 en tant que non‑résidentNote de bas de page 31 . Pour tirer cette conclusion, la division générale semble s’être appuyée sur l’information que l’ARC a fournie au ministreNote de bas de page 32 .

[60] Le requérant a démenti énergiquement ces affirmations, ainsi qu’une bonne partie des autres renseignements fournis par l’ARC au ministreNote de bas de page 33 . Il soutient que la division générale n’aurait pas dû accepter simplement cet élément de preuve tout en ignorant ses objections.

[61] Je suis d’accord avec les observations du ministre sur ce point. La division générale a fait référence à cet élément de preuve, mais il ne présentait pas d’intérêt quant au résultat de l’affaire. Comme je l’ai déjà établi, la division générale a fondé sa décision sur le pays d’établissement de l’employeur du requérant pendant qu’il vivait au Royaume‑Uni.

[62] Une fois de plus, cette question concerne la force des liens qu’entretenait le requérant avec le Canada pendant qu’il vivait au Royaume‑Uni. La division générale pourra donc examiner cette question dans le cadre de sa prochaine décision.

Je vais réparer l’erreur en renvoyant le dossier à la division générale

[63] Le requérant a fait valoir qu’il avait prouvé sa cause et que je devrais reconnaître qu’il résidait au Canada pendant la période où il vivait au Royaume‑Uni.

[64] J’aurais préféré pouvoir conclure cette affaire Cependant, j’ai décidé que la division générale avait concentré trop étroitement son attention sur la question de le pays d’établissement de l’employeur du requérant. Cela a empêché le requérant de présenter pleinement son dossier. Cela veut aussi dire que je n’ai pas tous les éléments de preuve dont j’aurais besoin pour trancher l’affaire. En fait, pendant l’audience de la division d’appel, le requérant a fait ressortir de nombreuses questions qui ne lui avaient jamais été posées auparavant.

[65] Dans les circonstances, je renvoie le dossier à la division générale pour qu’elle réexamine la question de savoir si le requérant a maintenu sa résidence au Canada pendant qu’il travaillait au Royaume‑UniNote de bas de page 34 . Pour éviter toute confusion, je donne aussi les directives suivantes à la division générale :

  • Je n’ai pas modifié la conclusion de la division générale selon laquelle le requérant n’a pas démontré qu’il travaillait pour une entreprise canadienne pendant qu’il vivait au Royaume‑Uni. Le requérant ne m’a pas convaincu que cette partie de la décision de la division générale comportait des erreurs.
  • La division générale utilisera plutôt les facteurs de la décision Ding pour décider si le requérant a résidé au Canada d’avril 1989 à juin 1991. Autrement dit, la division générale évaluera la force des liens du requérant avec le Canada par rapport à celle de ses liens avec le Royaume‑Uni, en tenant compte de la situation globale du requérant et de toutes les circonstances de son affaire.
  • Avant de décider du mode d’audience, la division générale organisera une conférence préparatoire et accordera aux parties un délai raisonnable pour qu’elles soumettent de nouveaux documents et arguments concernant les liens du requérant avec le Canada et le Royaume‑Uni pendant la période visée.

Conclusion

[66] J’accueille l’appel du requérant. La division générale a commis une erreur de droit dans sa façon d’évaluer la résidence du requérant au Canada. Je renvoie donc le dossier à la division générale pour qu’elle réexamine cette question en tenant compte des directives ci-dessus.

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