Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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[TRADUCTION]

Citation : SB c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 361

Numéro de dossier du Tribunal: GP-20-1926

ENTRE :

S. B.

Appelant (requérant)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Antoinette Cardillo
Date de l’audience par
vidéoconférence :
Le 14 avril 2021
Date de la décision : Le 4 mai 2021

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Décision

Le requérant n’est pas admissible à la pension de la Sécurité de la vieillesse (SV) à un taux supérieur à 34/40e.

Aperçu

[1] Le ministre a reçu la demande de pension de la SV du requérant le 15 août 2018Note de bas de page 1 . Le ministre a établi que le requérant avait résidé au Canada conformément à l’article 21(1)(a) du Règlement sur la sécurité de la vieillesse (Règlement sur la SV) du 21 juillet 1982 au 15 avril 1989 et du 15 juin 1991 au 11 juin 2019. Le ministre a approuvé le versement d’une pension partielle à raison de 34/40e avec prise d’effet en juillet 2019. Le requérant a demandé une révision de la décision du ministre; il a demandé que sa pension soit approuvée à raison de 36/40e et que la période du 15 avril 1989 au 15 juin 1991 soit reconnue comme étant une période de résidence au Canada. Le ministre a maintenu sa décision initiale et a rejeté la demande de révision. Le requérant a porté en appel la décision de révision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

Question en litige

[2] Je dois décider si le requérant résidait au Canada du 15 avril 1989 au 15 juin 1991 pendant qu’il travaillait et vivait à l’étranger.

Analyse

i. Droit applicable

[3] L’article 3(2) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse (Loi sur la SV) prévoit qu’une pension partielle mensuelle est payable aux personnes qui ne peuvent bénéficier de la pleine pension, qui ont atteint l’âge de 65 ans et qui ont, après l’âge de 18 ans, résidé en tout au Canada pendant au moins 10 ans, mais moins de 40 ans avant la date d’agrément de leur demande et, si la période totale de résidence est inférieure à 20 ans, résidaient au Canada le jour précédant la date d’agrément de leur demande.

[4] La définition de « résidence » est énoncée à l’article 21(1) du Règlement sur la SV et prévoit qu’une personne réside au Canada si elle établit sa demeure et vit ordinairement dans une région du Canada et elle est présente au Canada lorsqu’elle se trouve physiquement dans une région du Canada.

[5] De plus, l’article 21(4) du Règlement sur la SV prévoit que lorsqu’une personne qui réside au Canada s’absente du Canada et que son absence a) est temporaire et ne dépasse pas un an, b) a pour motif la fréquentation d’une école ou d’une université, ou c) compte parmi les absences mentionnées au paragraphe (5) [du Règlement sur la SV], cette absence est réputée n’avoir pas interrompu la résidence ou la présence de cette personne au Canada.

[6] L’article 21(5)(a)(vi) du Règlement sur la SV prévoit que les absences du Canada dont il est question à l’article (4)(c) dans le cas d’une personne résidente du Canada sont des absences pendant que cette personne était employée hors du Canada par une entreprise ou une corporation canadienne en qualité de membre ou de représentante si, au cours de la période d’emploi hors du Canada, elle a conservé au Canada une demeure permanente à laquelle elle avait l’intention de revenir ou a gardé au Canada un établissement domestique autonome et qu’elle est revenue au Canada dans un délai de six mois après la fin de sa période d’emploi hors du Canada ou, au cours de sa période d’emploi hors du Canada, elle a atteint un âge qui la rendait admissible à une pension en vertu de la Loi sur la SV.

[7] La résidence est une question de fait qui requiert l’examen de toute la situation de la personne concernée et ne peut être déterminée seulement sur le fondement des intentions de la personneNote de bas de page 2 .

ii. Preuve documentaire

[8] Dans sa demande de pension de la SV, le requérant a inscrit qu’il était arrivé au Canada le 21 juillet 1982. Il a soumis une preuve de sa date d’entrée au CanadaNote de bas de page 3 et de son certificat de citoyenneté canadienneNote de bas de page 4 . Il a aussi inscrit qu’il résidait en Angleterre, mais qu’il était encore résident canadien d’avril 1989 à juin 1991.

[9] Dans un questionnaire daté du 19 février 2019Note de bas de page 5 , le requérant a confirmé avoir résidé au Canada à partir du 21 juillet 1982, sauf pendant la période d’avril 1989 à juin 1991, où il a résidé en Angleterre. Il a toutefois précisé qu’il était résident canadien, qu’il avait encore un domicile et une adresse au Canada et qu’il payait son impôt sur le revenu au Canada.

[10] Dans un deuxième questionnaire daté du 23 mars 2019Note de bas de page 6 , le requérant a inscrit qu’il était retourné au Canada en juin 1991, dans les six mois suivant la fin de sa période d’emploi en Angleterre. Il a aussi confirmé ne pas avoir été envoyé à l’étranger par une entreprise canadienne, car son employeur était X, une entreprise américaine établie à X.

[11] Le 13 mai 2019Note de bas de page 7 , le ministre a informé le requérant que sa demande de pension de la SV avait été approuvée et qu’une pension partielle au taux de 34/40e lui serait versée à partir de juillet 2019. D’après les renseignements et les documents reçus, le ministre a établi que la résidence au Canada allait du 21 juillet 1982 au 15 avril 1989, et du 15 juin 1991 jusqu’à présent.

[12] Dans sa demande de révisionNote de bas de page 8 , le requérant a demandé que sa pension soit approuvée à raison de 36/40e avec une résidence ininterrompue depuis son entrée initiale au Canada. Il a dit avoir toujours payé ses impôts au Canada et y avoir conservé sa résidence. Il a dressé la liste des services publics et autres services qu’il a payés pendant qu’il était à l’étranger.

[13] Dans son avis d’appelNote de bas de page 9 , le requérant a confirmé qu’il a travaillé et vécu en Angleterre d’avril 1989 à juin 1991, mais il a demandé que cette période soit considérée comme une période de résidence canadienne. Il soutient que pendant cette période, il possédait une maison au Canada, payait son hypothèque et les services publics, avait des comptes bancaires et produisait ses déclarations d’impôts au Canada. Il a aussi inclus une lettre de l’Agence du revenu du Canada (ARCNote de bas de page 10 ) datée du 26 novembre 2020, qui reconnaissait son statut de résident de fait en juin 1989. Plus précisément, la lettre mentionnait que le terme « résident de fait » signifie que même s’il a quitté le Canada, il était tout de même considéré comme un résident du Canada aux fins de l’impôt sur le revenu. En tant que résident de fait, il était assujetti à l’impôt canadien sur son revenu mondial, c’est‑à‑dire sur tous les revenus qu’il touchait provenant du Canada ou de l’étranger.

[14] Dans une lettre datée du 18 février 2021Note de bas de page 11 , le requérant a expliqué que son employeur n’était pas X, mais bien X, une entreprise canadienne dont le siège social est à X. Il a travaillé sur le projet X. Ce projet appartenait à X et était également géré par X. Il s’agissait d’un projet d’envergure, c’est pourquoi X a embauché de nombreuses personnes sous-traitantes du monde entier. Bon nombre de Canadiennes et de Canadiens comptaient parmi ces sous-traitants, et le requérant était l’un d’eux. X versait les salaires à tout le personnel qui travaillait pour les sous-traitants. Il a ajouté que X versait son salaire à X, qui le payait en retour. Ce n’est pas X qui payait son salaire, mais bien X. De plus, X facturait des frais à X pour le traitement de son salaire. C’est X qui l’a envoyé travailler sur le projet.

iii. Position du ministre

[15] Le ministre a soutenu que bien que le requérant ait pu avoir de nombreux liens avec le Canada pendant son absence, les circonstances de cette absence ne sont pas prévues par le Règlement sur la SV. Pour être considérée comme période de résidence canadienne, la période pendant laquelle le requérant a travaillé à l’étranger doit satisfaire à des circonstances précises prévues par le Règlement sur la SV. La situation du requérant à l’époque ne satisfait à aucune des circonstances prescrites. De plus, selon le ministre, l’ARC a confirmé que le 10 octobre 1990, le requérant a produit sa déclaration de revenus pour 1989 en tant que non‑résident et que le 18 octobre 1991, il a produit sa déclaration de revenus pour 1990 également en tant que non‑résident. Le fait que le requérant a produit sa déclaration de revenus pour 1991 en tant que résident canadien le 23 juin 1992, a été confirmé.

iv. Témoignage du requérant

[16] Le requérant a affirmé dans son témoignage qu’il était arrivé au Canada en juin 1982 et qu’il avait travaillé et vécu en Angleterre d’avril 1989 à juin 1991. Il était technicien en génie mécanique dans une grande entreprise de construction au Québec (X). Il était responsable des surfaces extérieures des édifices.

[17] Son employeur au Québec (X) lui a demandé d’aller travailler en Angleterre. Son salaire était versé par un sous-traitant (X) qui a été embauché pour traiter les chèques de paie et qui facturait des frais à X pour le traitement des chèques. Le sous-traitant faisait aussi des tâches de base, mais le requérant a expliqué que c’était l’entreprise canadienne, X, qui prenait toutes les décisions. Il ne recevait pas de talon de chèque ni de relevé d’impôt. Il a dit que son salaire était simplement déposé dans son compte bancaire.

[18] Pendant qu’il se trouvait en Angleterre, il a dit qu’il continuait à posséder une maison au Canada, à payer les services publics et à produire sa déclaration de revenus au Canada. Il avait laissé ses effets personnels au Canada et est rentré presque immédiatement après qu’il n’y a plus eu de travail en Angleterre. L’entreprise a fait faillite et le projet a pris fin.

v. Résidence

[19] L’article 21 du Règlement sur la SV énonce les circonstances précises dans lesquelles une personne est considérée comme résidente du Canada ou non, et les circonstances dans lesquelles une absence du Canada est réputée n’avoir pas interrompu la résidence ou la présence de la personne au Canada. Ce qui est particulièrement important pour cet appel, c’est que la résidence ou la présence n’est pas interrompue par un emploi à l’extérieur du Canada si la personne est employée par une entreprise ou une société canadienne et a maintenu une résidence au Canada, et si le demandeur est revenu au Canada dans les six mois suivant la fin de l’emploi à l’extérieur du Canada.

[20] La Cour fédéraleNote de bas de page 12 a souligné qu’il revient à la personne demanderesse d’établir qu’elle est admissible à une pension de la SV et a mentionné ce qui suit :

[29] […] Il est bien établi en droit que la résidence est une question de fait qui requiert l’examen de toute la situation de la personne concernée (voir Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c Ding, 2005 CF 76, aux paragraphes 57 et 58 (Ding)). Pour l’application de la Loi [sur la SV], l’intention de résider au Canada n’équivaut pas à la résidence.

[21] La Cour fédérale a aussi ditNote de bas de page 13  :

[49] Dans la décision Ding, précitée, la Cour a examiné attentivement la relation entre les intentions d’un demandeur et l’approche adoptée par les tribunaux lorsqu’ils examinaient la notion de résidence dans le contexte de la LIR [Loi de l’impôt sur le revenu]. À cet égard, le juge Russell a conclu qu’« un soin considérable a été pris pour établir une distinction entre un changement de “domicile” (changement qui dépend de la volonté de l’individu) et un changement de “résidence”, qui dépend de faits extérieurs à l’intention de l’intéressé » (au paragraphe 57).

[50] Le juge Russell conclut que la résidence est une question de fait qui requiert l’examen de toute la situation de la personne concernée et que se concentrer sur les « intentions évidentes » d’un demandeur à l’exclusion d’autres facteurs dans une affaire qui conduiraient à une conclusion contraire constitue une erreur susceptible de révision.

[22] Le requérant a quitté le Canada en avril 1989 pour aller travailler en Angleterre. D’après la preuve, le requérant a conservé un domicile au Canada, a payé les services publics et autres services pendant qu’il était à l’étranger, a conservé ses comptes bancaires et a produit ses déclarations d’impôt au Canada. Le requérant satisfait donc aux exigences énoncées à l’article 21(5)(a)(vi) du Règlement sur la SV selon lesquelles la résidence d’une personne demanderesse n’est pas interrompue si elle est employée hors du Canada, si elle conserve une demeure au Canada et si elle revient au Canada dans un délai de six mois après la fin de la période d’emploi hors du Canada.

[23] Ce qui semble moins clair est la question de savoir s’il a travaillé ou non pour une entreprise canadienne pendant qu’il était en Angleterre comme l’exige le Règlement sur la SV. Dans une lettre datée du 18 février 2021, le requérant a affirmé que son employeur n’était pas X, une entreprise américaine, mais plutôt X, une entreprise canadienne. Le projet sur lequel il travaillait en Angleterre appartenait à X et était aussi géré par X. X a embauché de nombreux sous-traitants du monde entier en raison de l’envergure de son projet. Le requérant a mentionné que bon nombre de Canadiennes et de Canadiens travaillaient pour ces sous-traitants et qu’il était l’un d’entre eux. X versait les salaires à tout le personnel qui travaillait pour les sous-traitants. Il a ajouté que X versait son salaire à X, qui le payait à son tour. Ce n’était pas X qui payait son salaire, mais X. De plus, X facturait des frais à X pour traiter son salaire. C’est X qui l’a envoyé travailler sur ce projet. Cependant, dans un questionnaire rempli par le requérant en mars 2019Note de bas de page 14 , avant que le ministre décide que le requérant n’était pas considéré comme un résident pendant la période où il a travaillé à l’étranger, le requérant avait inscrit qu’il n’avait pas été envoyé à l’étranger par une entreprise canadienne, car son employeur était X, une entreprise américaine établie à X.

[24] J’ai examiné tous les faits. Bien que je juge que le témoignage du requérant est crédible et sincère, je ne peux malheureusement pas établir qu’il a travaillé pour une entreprise canadienne pendant qu’il était en Angleterre. Le requérant n’a pas été en mesure de présenter des éléments de preuve pour démontrer qu’il continuait à travailler pour X, l’entreprise canadienne. Je ne peux pas établir, d’après la preuve documentaire ou le témoignage du requérant, que le requérant était en fait un employé de X pendant la période où il était à l’étranger. La preuve qu’il a présentée montre qu’il travaillait pour le sous-traitant américain retenu par la société canadienne. Je comprends qu’il a affirmé avec vigueur dans son témoignage et soutenu dans différents documents après la décision du ministre qu’il était payé par l’entreprise canadienne par l’intermédiaire de l’entreprise américaine. Je n’ai toutefois aucune preuve de cela. Le requérant a affirmé n’avoir jamais reçu de talons de paie ni de relevé d’impôt. Je ne peux pas décider quelle entreprise employait le requérant en m’appuyant sur ces faits.

[25] Finalement, le requérant a présenté un élément de preuve concernant son statut déterminé par l’ARC. Cependant, cette détermination est faite aux fins de l’impôt sur le revenu, et non de la pension de la SV. De plus, certains faits semblent contradictoires, car le ministre a soutenu que le requérant avait produit ses déclarations de revenus en tant que non‑résident au cours de la période où il était à l’étranger, puis il semblerait qu’en 2020, l’ARC ait décidé qu’il était résident de fait. Il demeure que je dois considérer la résidence du requérant en fonction de la Loi sur la SV et du Règlement sur la SV.

[26] Par conséquent, d’après la preuve, je juge que le requérant ne satisfait pas aux exigences énoncées à l’article 21(5)(a)(vi) du Règlement sur la SV. Il n’est pas admissible à la pension de la SV à raison d’un taux supérieur à 34/40e.

Conclusion

[27] L’appel est rejeté.

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