Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : SL c Ministre de l’Emploi et du Développement social et HL, 2021 TSS 415

Numéro de dossier du Tribunal: GP-20-958

ENTRE :

S. L.

Appelante (requérante)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre

et

H. L.

Partie mise en cause


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Pierre Vanderhout
Date de l’audience par
téléconférence :
Le 31 mai 2021
Date de la décision : Le 3 juin 2021

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Décision

[1] La requérante n’est pas admissible au Supplément de revenu garanti (SRG) de juillet 2017 à mai 2018. Le Tribunal n’a pas la compétence de se prononcer au sujet d’un avis erroné du ministre. Toutefois, la requérante peut soulever la question de l’avis erroné directement auprès du ministre.

Aperçu

[2] La requérante a eu 65 ans en octobre 2014. Elle a commencé à recevoir la pension de la Sécurité de la vieillesse (SV) immédiatement, mais travaillait toujours comme secrétaire et réceptionniste. Elle croyait qu’elle n’avait pas besoin de présenter une demande séparée pour le SRG, étant donné qu’elle et son époux remplissaient toujours leurs déclarations de revenus. En 2015, on a diagnostiqué un cancer de la prostate à haut risque à son époux, H. L. Il a eu de nombreux autres problèmes de santé depuis. La requérante a pris sa retraite en juin 2016 pour s’occuper de son époux. Elle avait aussi ses propres problèmes de santé. Les soins intensifs de son époux comprenaient un traitement spécialisé en Allemagne.

[3] La requérante n’a pas rempli une demande de SRG ni une déclaration de revenus estimés avant mai 2019. Elle a obtenu 11 mois de prestations rétroactives de SRG, à compter de juin 2018. Toutefois, le ministre ne lui a pas accordé ses prestations de SRG de juin 2017 à mai 2018. Le ministre soutient qu’elle avait déjà obtenu la période maximale de prestations rétroactives. Il a maintenu cette décision après révision. La requérante a fait appel de cette décision auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

[4] Le SRG est une prestation mensuelle payable aux bénéficiaires de la pension de la SV qui n’ont aucun revenu ou très peu de revenus. Le SRG est établi en fonction du revenu de ménage combinéFootnote 1.

Question préliminaire

[5] L’époux de la requérante était inscrit comme son représentant et comme une partie mise en cause. Toutefois, j’estime qu’il n’agissait pas comme son représentant juridique. Il a toujours été responsable des finances de la requérante. Elle a aussi signalé qu’elle avait des problèmes auditifs. Elle voulait l’aide et le soutien de son époux. Par conséquent, j’estime que son époux était seulement un représentant « administratif ». Je lui ai permis de fournir des preuves lors de l’audience.

Questions en litige

[6] Est-ce que la requérante est admissible au SRG pour la période de juin 2017 à mai 2018?

[7] Si ce n’est pas le cas, quel est l’effet de l’avis erroné qu’aurait donné le ministre?

Analyse

[8] La requérante a affirmé que son époux s’est toujours occupé de leurs finances. Elle a aussi affirmé qu’ils faisaient tout ensemble et qu’elle ne pourrait jamais vivre sans lui. Je reconnais qu’ils sont dévoués l’un à l’autre. Ils semblaient avoir une relation respectueuse et ils prenaient soin l’un de l’autre. Je reconnais aussi que le diagnostic de cancer est devenu le point central de leurs vies.

[9] Je ne trouve pas de preuve montrant que la requérante a fait une demande pour le SRG avant mai 2019. L’époux de la requérante a affirmé qu’il croyait que c’était automatique, puisqu’ils remplissaient leurs déclarations annuelles de revenus. Je vais examiner plus tard l’avis erroné qu’aurait donné le ministre sur cette question. Je vais d’abord décider si la requérante est admissible au SRG avant juin 2018.

Est-ce que la requérante est admissible au SRG pour la période de juillet 2017 à mai 2018?

[10] Selon la Loi sur la sécurité de la vieillesse (Loi sur la SV), les paiements rétroactifs du SRG peuvent seulement être accordés pendant la période de 11 mois avant la réception de la demande de SRGFootnote 2. Comme mentionné, personne ne conteste que la première demande de SRG a été déposée en mai 2019. Par conséquent, juin 2018 est le plus tôt qu’elle pourrait recevoir le SRG.

[11] Il n’existe qu’une seule exception à cette règle : une situation où la date de demande est modifiée à cause d’une incapacité qui a retardé la demande. La Loi sur la SV indique clairement que c’est la personne présentant la demande de SRG qui doit être incapableFootnote 3. On ne peut pas tenir compte du fait que l’époux de la requérante avait peut-être une incapacité avant de déposer la demande de SRG en mai 2019.

[12] Toutefois, j’estime que la requérante n’avait pas d’incapacité avant le dépôt de la demande de SRG en mai 2019. La définition d’incapacité selon la loi SV est très stricte. L’incapacité exige plus que simplement ne pas être en mesure de faire une demande. Cela n’a pas d’importance si une personne n’est pas capable de gérer les conséquences d’une demande. La question est plutôt de savoir si « la personne était incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande » au moment appropriéFootnote 4. Ne pas être au courant des exigences du SRG ne constitue pas une incapacitéFootnote 5.

[13] La requérante a travaillé jusqu’en juin 2016Footnote 6. Elle a avoué qu’elle pouvait faire des activités quotidiennes jusqu’en mai 2019. Toutefois, elle a passé beaucoup de temps à songer à quels traitements serait meilleurs pour son époux. Elle a dit qu’elle canalisait toutes ses énergies vers les soins de santé de son époux. Cela est tout à fait compréhensible. Malheureusement, cela n’établit pas qu’il y avait incapacité. Je dois examiner les preuves médicales de la requérante, ainsi que ses activités pertinentes avant la date de demande. Sa capacité de former une intention de faire une demande de prestations ne diffère pas de la capacité de former une intention concernant d’autres choix auxquels elle a fait faceFootnote 7. Le fait qu’elle prenait des décisions pour soigner son époux prouve qu’elle avait la capacité à « former ou exprimer l’intention de faire une demande » pour ses prestations de SRG.

[14] La requérante a fourni des preuves portant sur ses propres problèmes médicaux. Ils avaient déjà commencé en janvier 2016 et ont continué au moins jusqu’en décembre 2018Footnote 8. Le problème principal semblait être une douleur à l’épauleFootnote 9. Elle soutient que cela nuisait à son sommeil. Elle avait aussi de la difficulté à se concentrer. Éventuellement, elle a dû consulter un rhumatologueFootnote 10. Aussi douloureux que cela ait pu être, cela ne cadre pas avec la définition très stricte de l’incapacité de la Loi sur la SV. Elle prenait encore des décisions concernant les soins de son époux. Elle lui a apporté du soutien lorsqu’ils sont allés en Allemagne pour les traitements en 2018. Elle faisait quand même des activités de tous les jours.

[15] La requérante n’a pas déposé une déclaration d’incapacité. Le ministre a mentionné ce document dans la décision de révision en juin 2020 et a invité la requérante à demander à son médecin de le remplir s’ils estimaient qu’elle avait une incapacitéFootnote 11. La requérante avoue avoir reçu la décision de juin 2020, mais soutient que le formulaire de déclaration n’était pas inclus. Bien que le formulaire de déclaration ne soit pas obligatoire, les autres preuves médicales de la requérante ne sont pas suffisantes pour prouver l’incapacitéFootnote 12.

[16] La requérante et son époux étaient des témoins crédibles. Ils ont demandé au Tribunal d’adopter une approche compatissante pour l’appelFootnote 13. Ils ont fait allusion à leurs circonstances [traduction] « atténuantes et imprévisibles ». Je suis d’accord que le diagnostic de cancer de l’époux était sérieux et imprévu. Il se peut que cela ait nui à leur capacité de présenter une demande de SRG plus tôt. Toutefois, je n’ai pas la compétence de prendre une décision sur une base compatissante. Le Tribunal a été constitué en vertu de la loi. Je ne peux pas me servir des principes d’équité afin d’accorder rétroactivement des prestations par-delà la limite légaleFootnote 14.

[17] Lors de l’audience, l’époux de la requérante a fait référence plusieurs fois à l’avis erroné reçu de la part du ministre en 2014 et 2015Footnote 15. Il a affirmé que la position du ministre après la demande de SRG de la requérante en mai 2019 contredisait l’avis qu’il aurait donné précédemment. Je vais maintenant examiner la question de l’avis erroné afin d’établir si le Tribunal est en mesure de faire quelque chose.

Quel est l’effet de l’avis erroné qu’aurait donné le ministre?

[18] L’époux de la requérante a affirmé qu’il a contacté le ministre en 2014 et 2015. Il soutient que le ministre lui a dit qu’il n’avait pas besoin de fournir une déclaration de revenus estimés pour le SRG : cela se produirait automatiquement chaque année lorsqu’ils rempliraient leurs déclarations de revenus. La requérante et son époux ont dit qu’ils remplissent toujours leurs déclarations de revenus à temps. Toutefois, lors d’échanges par la suite avec le ministre, on lui a dit que leurs déclarations de revenus n’étaient pas toujours examinées automatiquement pour le SRG. Cela est devenu problématique après la retraite de la requérante en 2016Footnote 16. L’époux de la requérante a aussi affirmé que certains conseils du ministre ne s’appliquaient que s’ils avaient de pleines (40/40e) pensions de la SV. Malheureusement, ils avaient des pensions partielles (23/40e et 24/40e) de la SV.

[19] La Loi sur la SV contient un article traitant des avis erronés donnés par le ministre. Cet article pourrait s’appliquer si l’avis erroné du ministre a fait en sorte que la requérante s’est vue refuser une prestationFootnote 17. En me fiant aux preuves en main, j’estime que la requérante et son époux se sont peut-être fiés à l’avis reçu par le ministre en 2014 et 2015. Ils affirment que l’avis du ministre a aggravé leur situation. Malheureusement, si la requérante croit que sa situation s’est aggravée à cause de l’avis du ministre, le Tribunal ne peut pas l’aider. Elle doit faire le suivi avec le ministre, si elle a des allégations d’avis erroné. Si la requérante n’est pas satisfaite de la réponse du ministre, son seul recours ensuite est de faire une demande de contrôle judiciaire auprès de la Cour fédéraleFootnote 18.

[20] Je sympathise avec la requérante. Elle et son époux ont passé des moments très difficiles depuis le diagnostic de cancer en 2015. Ils ont été forts ensemble malgré les épreuves auxquelles ils ont fait face. Toutefois, la Loi sur la SV est très claire quant aux prestations rétroactives. Je ne peux pas conclure que la situation de la requérante cadre avec la définition d’incapacité de la Loi sur la SV. De plus, examiner la question de l’avis erroné ne relève pas de mon domaine de compétences. Si la requérante souhaite continuer à faire valoir cet argument, elle devra s’entretenir encore une fois directement avec le ministre.

Conclusion

[21] L’appel est rejeté.

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