Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Contenu de la décision

Citation : La Succession de MB c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 604

Numéro de dossier du Tribunal: GP-19-882

ENTRE :

La Successsion de M. B.

La Succession de l’appelant

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


DÉCISION RENDUE PAR : Antoinette Cardillo
DATE DE L’AUDIENCE : 23 février 2021
DATE DE LA DÉCISION : 31 mars 2021

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Décision

La succession de l’appelant n’est pas admissible à recevoir les prestations de la pension de la sécurité de la vieillesse (SV) et du Supplément de revenu garanti (SRG) entre le mois d’avril 2008 et août 2016, pour les motifs énoncés ci-dessous.

Aperçu

[1] Le Ministre a reçu la demande de pension de la SV de l’appelant le 11 août 2004Note de bas de page 1 et une demande de prestations du SRG. Une pension partielle de 10/40e a été accordée à l’appelant et les prestations de la pension de la SV et du SRG ont débutées en juillet 2005. Le curateur de l’appelant avise le Ministre le 3 janvier 2008 que l’appelant aurait quitté le Canada le 20 septembre 2007, mais que selon lui, il avait été enlevé. Le 25 mars 2008, le ministre avise l’appelant que les prestations de la pension de la SV et du SRG seraient suspendues à partir du mois d’avril 2008, soit six (6) mois après son départ du Canada. La succession de l’appelant a demandé un réexamen de la décision du Ministre. Le Ministre a maintenu sa décision originale et la succession de l’appelant a interjeté appel de la décision rendue au terme du réexamen auprès du Tribunal de la sécurité sociale (le Tribunal).

Question en litige

[2] Je dois déterminer si la succession de l’appelant a droit aux versements d’une pension de la SV pour la période d’avril 2008 à juillet 2016 et aux prestations du SRG pour la période d’avril 2008 à août 2016.

Dispositions applicables

Pension de la SV

[3] Une pleine pension de la SV est payable aux personnes qui ont, après l’âge de 18 ans, résidé en tout au Canada pendant au moins 40 ansNote de bas de page 2 . La loi prévoit la possibilité d’une pension partielle pour les personnes n’ayant pas résidé au Canada pendant au moins 40 ans. Pour être admissible à une pension partielle, une personne doit avoir résidé au Canada pendant au moins dix ansNote de bas de page 3 .

[4] Si une personne cesse de vivre au Canada et veut recevoir une pension de la SV alors qu’elle habite dans un autre pays, elle doit avoir résidé au Canada après l’âge de 18 ans pendant au moins 20 ansNote de bas de page 4 .

SRG

[5] Le SRG est une prestation mensuelle fondée sur le revenu et l’état civil qui est versée aux personnes qui reçoivent la pension de la SV et qui réside au Canada. Si le bénéficiaire du SRG quitte le Canada, il ne peut recevoir le SRG que pendant six (6) mois après le mois de son départ. Il en est ainsi, quel que soit le nombre d’années de résidence de la personne au CanadaNote de bas de page 5 .

Résidence

[6] Le Règlement sur la sécurité de la vieillesse (Règlement sur la SV) régit la question de savoir si une personne réside au Canada ou si elle y est seulement présente. Une personne réside au Canada si elle établit sa demeure et vit ordinairement dans une région du Canada. Une personne est présente au Canada lorsqu’elle se trouve physiquement dans une région du CanadaNote de bas de page 6 .

Analyse

Preuve documentaire

[7] Le 20 août 2007Note de bas de page 7 , le fils de l’appelant est nommé curateur provisoire aux biens et à la personne de l’appelant jusqu’à l’ouverture d’un régime de protection de l’appelant. Le 25 septembre 2007Note de bas de page 8 , le curateur avise le Ministre que l’appelant aurait quitté le Canada le 20 septembre 2007, mais que selon lui, il avait été enlevé. Il ajoute qu’il a avisé la police de Montréal.

[8] Le ministre suspend les prestations de la pension de la SV et du SRG en avril 2008, soit le sixième mois après le départ du Canada de l’appelant en excluant le mois du départ tel que prévu dans la Loi sur la sécurité de la vieillesse (Loi sur la SV).

[9] Le 11 avril 2016Note de bas de page 9 , le curateur envoie une lettre au Ministre et demande le paiement de toutes les prestations de la pension de la SV et du SRG de l’appelant de 2008 à 2016. Selon le curateur, le Ministre aurait considéré l’appelant (père du curateur) comme personne non résidente de manière erronée. Il indique qu’en 2007, suite à un jugement de curatelle provisoire de la Cour Supérieure du Québec, la Cour l’avait nommé curateur pour notamment empêcher l’appelant d'être amené à l'étranger. Or, l’appelant fut amené à l’insu de la famille en Iran en septembre 2007, il avait été enlevé. Le curateur dit que l’appelant ne pouvait donner de consentement à son déplacement et le plus récent rapport de police iranienne montrait bien l'état dans lequel se retrouvait l’appelant: il était séquestré.

[10] Il poursuit en disant qu’il venait d'être nommé curateur aux biens de l’appelant rétroactivement à 2007 après des procédures prises pour reconnaitre le jugement canadien de 2007 en Iran. Jusqu'alors, l’appelant était reconnu un majeur capable de prendre des décisions, et notamment de donner des mandats financiers et de signer des documents disant « qu' il ne voulait pas voir sa famille » et que la famille n’avait pas accès à la résidence où il est détenu.

[11] Le 26 juin 2016Note de bas de page 10 , le Ministre envoie une lettre au curateur et précise qu’en 2008, le bureau du Ministre avait été avisé que l’appelant avait quitté le Canada le 20 septembre 2007. Pour recevoir une pension de la SV à l'extérieur du Canada pendant une durée illimitée, un demandeur doit avoir habité au Canada pendant au moins 20 ans après son 18e anniversaire de naissance, ce qui n’était pas le cas de l’appelant selon son dossier. Il avait donc reçu la pension de la SV à l'extérieur du Canada seulement pour le mois où il avait quitté et les six (6) mois suivants. Par la suite, les prestations avaient arrêté en avril 2008. Le Ministre recommencerait à payer la pension de la SV le mois où il reviendrait habiter au Canada, s’il pouvait prouver que son absence du Canada était temporaire, et qu’il n’avait pas changé de pays de résidence. Le Ministre ajoute qu’une absence de moins d'un an est considérée comme temporaire. Si une absence dure plus d'un an, elle est considérée comme permanente et elle interrompt la période de résidence au Canada. La résidence au Canada de l’appelant était de 12/40ième soit du 30 décembre 1988 au 13 mai 1990 et du 1er décembre 1996 au 20 septembre 2007.

[12] Le 12 août 2016Note de bas de page 11 , le curateur informe le Ministre que l’appelant était de retour au Canada depuis le 11 août 2016 et il réitère sa demande de paiements rétroactifs des prestations de la pension de la SV et du SRG de 2007 à 2016. L’appelant décède le 14 août 2016Note de bas de page 12 . Le représentant de la succession (aussi curateur) soumet les rapports de la police de Montréal constatant la disparation de l’appelant et par la suite, qu’il avait été localisé en Iran en 2007Note de bas de page 13 . Il soumet aussi de la preuve additionnelle sur les procédures entreprises en Iran pour rapatrier l’appelantNote de bas de page 14 .

Position du Ministre

[13] Le Ministre fait valoir que la preuve ne permet pas de déterminer que la succession de l’appelant a droit au versement d’une pension de la SV pour la période d'avril 2008 à juillet 2016 et aux prestations de SRG pour la période d’avril 2008 à août 2016, parce que l’appelant n’avait pas cumulé un total de 20 ans de résidence au Canada au moment où il a quitté le Canada pour une absence prolongée.

L’audience

[14] À l’audience, le représentant de la succession explique que l’appelant avait quitté le Canada sans son consentement, qu’il avait été enlevé. Il avait entamé des procédures en Iran entre 2008 jusqu’en 2016 pour pouvoir aller chercher l’appelant et le ramener au Canada. Le rapport de police iranien indique que l’appelant avait été victime de crimes. Pendant toutes ces années, il n’avait pu voir son père qu’une seule fois.

[15] Le représentant de la succession a fait référence lors de l’audience et dans la preuve documentaire au Code civil du Québec et à différentes conventions internationales. J’aimerais préciser tel que j’ai déjà mentionné lors de l’audience que le Code civil du Québec et les conventions mentionnés ne s’appliquent pas dans les circonstances.

Résidence - Question de faits et Juridiction du Tribunal

[16] Je dois interpréter et appliquer les dispositions législatives telles qu’elles sont énoncées dans la Loi sur la SV et son règlement.

[17] Il s’ensuit que selon la Loi sur la SV, le paiement de la pension de la SV est suspendu lorsqu’une personne s’absente du Canada pour six (6) mois consécutifs, sans compter le mois de son départ, sauf si elle a résidé au Canada après l’âge de 18 ans pendant au moins 20 ans. La pension est également suspendue six (6) mois après la fin du mois où la personne pensionnée cesse d’habiter au Canada, et reprend le mois au cours duquel cette personne redevient résidente du Canada, sauf si elle a 20 ans de résidence au Canada.

[18] Le SRG est payable au bénéficiaire d’une pension de la SV qui réside au Canada. Le SRG n’est pas payable à une personne qui s’absente du Canada pendant six (6) mois consécutifs, sans compter le mois de son départ, et n’est pas non plus payable six (6) mois après qu’une personne cesse de résider au Canada.

[19] La Cour fédérale s’est penchée sur la question de la résidence au Canada. Dans la décision SinghNote de bas de page 15 , la Cour a précisé ce qui suit :

[29]      […] Il est bien établi en droit que la résidence est une question de fait qui requiert l’examen de toute la situation de la personne concernée (voir Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines) c Ding, 2005 CF 76, aux paragraphes 57 et 58 (Ding)). Pour l’application de la [Loi sur la SV], l’intention de résider au Canada n’équivaut pas à la résidence.

[20] Les notions de résidence et de domicile ont aussi été abordées dans la décision Ding (précitée) et dans la décision DuncanNote de bas de page 16  :

[49]      Dans la décision Ding, précitée, la Cour a examiné attentivement la relation entre les intentions d’un demandeur et l’approche adoptée par les tribunaux lorsqu’ils examinaient la notion de résidence dans le contexte de la LIR. À cet égard, le juge Russell a conclu qu’« un soin considérable a été pris pour établir une distinction entre un changement de “domicile” (changement qui dépend de la volonté de l’individu) et un changement de “résidence”, qui dépend de faits extérieurs à l’intention de l’intéressé » (au paragraphe 57).

[50]           Le juge Russell conclut que la résidence est une question de fait qui requiert l’examen de toute la situation de la personne concernée et que se concentrer sur les « intentions évidentes » d’un demandeur à l’exclusion d’autres facteurs dans une affaire qui conduiraient à une conclusion contraire constitue une erreur susceptible de révision. […]

[51]     Telle que décrite ci‑dessus, la résidence, quelle qu’en soit l’interprétation, doit être mise en contraste avec la notion de domicile, qui met l’accent sur l’intention d’un particulier. Le libellé de l’alinéa 21(1)a) du Règlement sur la SV rend encore plus claire la composante factuelle de la définition de la résidence dans la LSV. En liant la notion de résidence à la demeure d’une personne (« home » dans la version anglaise) et en utilisant les mots « vit ordinairement » (« ordinarily lives » dans la version anglaise), il ne fait aucun doute qu’une personne devra établir que le Canada est ou était, pour la période prescrite par la loi, l’endroit où elle est ancrée dans les faits.

[21] Aussi, la décision Ding a établi une liste non exhaustive de facteurs à prendre en considération afin de guider le Tribunal à décider la question de la résidence :

  1. liens prenant la forme de biens mobiliers;
  2. liens sociaux au Canada;
  3. autres liens au Canada (assurance-maladie, permis de conduire, bail de location, dossiers fiscaux, etc.);
  4. liens dans un autre pays;
  5. régularité et durée des séjours au Canada par rapport à la fréquence et à la durée des absences du Canada;
  6. le mode de vie de l’intéressé, ou la question de savoir si l’intéressé vivant au Canada y est enraciné de façon significative.

[22] Il est donc clair que selon la Loi sur la SV et la jurisprudence, la question de la résidence est une question de faits qui requiert d’examiner le contexte général entourant les circonstances du requérant. Je suis consciente de la situation évoquée par le représentant de la succession concernant les circonstances de l’appelant en Iran. Toutefois, selon la preuve documentaire et selon le représentant de la succession, l’appelant n’était pas au Canada à partir du mois de septembre 2007. L’endroit où l’appelant était ancré dans les faits entre 2008 et 2016 était en Iran. Bien qu’il avait de la famille au Canada, plus précisément des enfants, il n’avait pas d’autres liens au Canada depuis septembre 2007.

[23] Je dois aussi considérer le Règlement sur la SV qui précise qu’une personne réside au Canada si elle établit sa demeure et vit ordinairement dans une région du Canada. Selon les faits, l’appelant ne vivait pas ordinairement au Canada depuis septembre 2007. Je ne peux donc pas déterminer que l’appelant était un résident du Canada depuis son départ.

[24] En 2007, l’appelant n’avait peut-être pas l’intention de quitter le Canada en permanence ou il a été retenu à l’extérieur du Canada contre son gré. Toutefois, tel que mentionné, je dois interpréter et appliquer les dispositions de la loi telles qu’elles sont énoncées dans la Loi sur la SV et le Règlement sur la SV. Je ne peux appliquer les principes d’équité pour passer outre aux exigences prévues par la Loi sur la SV et son règlement. Je dois considérer et déterminer selon les faits la résidence de l’appelant.

[25] Selon les faits, l’appelant n’était pas un résident du Canada en vertu de la Loi sur la SV et du Règlement sur la SV entre le mois d’avril 2008 et le mois d’août 2016.

Conclusion

[26] La succession de l’appelant n’est pas admissible aux prestations de la pension de la SV et du SRG à partir du mois d’avril 2008.

[27] L’appel est rejeté.

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