Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : RM c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 689

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : R. M.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Représentante ou représentant : Attila Hadjirezaie

Décision portée en appel : Décision de révision du ministre de l’Emploi et du Développement social datée du 11 mai 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Jean Lazure
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 17 septembre 2021
Personnes participant à l’audiencee : Appelant
Date de la décision : Le 31 octobre 2021
Numéro de dossier : GP-18-1120

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Décision

[1] J’accueille l’appel en partie.

[2] Le prestataire, R. M., est admissible dès juillet 2014 à une pension partielle de 16/40e en vertu de la Loi sur la sécurité de la vieillesse (Loi sur la SV).

Aperçu

[3] Le ministre a reçu la demande du prestataire pour une pension de la Sécurité de la vieillesse (SV) en date du 28 août 2013Note de bas de page 1 . Le ministre a cependant rejeté sa demande, après avoir conclu que le prestataire ne résidait plus au Canada depuis août 1996. La demande de révision du prestataire a été rejetée et le ministre a décidé de maintenir sa décision initiale.

[4] Comme le ministre a jugé qu’il n’était pas un résident du Canada au moment de sa demande, le prestataire devait avoir 20 ans de résidence au pays pour être admissible à une pension de la SV. Toutefois, le ministre lui en a seulement reconnu 16Note de bas de page 2 , dont des années de résidence États-Unis qui peuvent servir à l’admissibilité à une pension de la SV. Malgré tout, le prestataire n’avait pas les 20 années nécessaires.

[5] Le prestataire a fait appel de la décision du ministre devant la division générale du Tribunal. Le 24 février 2021, la division générale a cependant rejeté son appelNote de bas de page 3 .

[6] Le prestataire s’est alors adressé à la division d’appel du Tribunal pour faire appel de cette décision de la division générale. Le 11 mai 2011 [sic], la division d’appel a rendu une décision pour attester de l’entente conclue entre les parties. Elle donnait ainsi au prestataire la permission de faire appel, et accueillait son appel dans les termes suivants, conformément à l’entente Note de bas de page 4  :

  1. a) La division générale a commis une erreur de droit. Même s’il s’agissait d’un élément pertinent, la division générale n’a pas examiné si le [prestataire] avait rétabli sa résidence au Canada après août 2013.
  2. b) Par conséquent, il convient de donner au [prestataire] la permission de faire appel, d’accueillir son appel et de renvoyer l’affaire à la division générale. La division générale décidera si le [prestataire] résidait au Canada après août 2013 et déterminera les conséquences de cette décision sur son admissibilité à une pension de la SV.
  3. c) Je renvoie le dossier à la division générale avec les directives suivantes :
    • L’appel sera confié à une ou un autre membre de la division générale.
    • Cette personne donnera au [prestataire] un délai raisonnable pour déposer de nouveaux documents et des renseignements à jour sur sa résidence au Canada après août 2013. Elle organisera une conférence de gestion d’instance pour discuter de la question. 

[7] Le prestataire a soumis de nouveaux éléments de preuve concernant sa résidence au Canada après août 2013Note de bas de page 5 . Le ministre n’a soumis aucune observation en guise de réponse.

Question en litige

[8] Selon la Loi sur la SV, les prestataires qui ne sont pas admissibles à une pleine pension peuvent recevoir une pension partielle. Pour avoir droit à une pension partielle, il est nécessaire d’avoir accumulé au moins 10 années de résidence au Canada, mais moins de 40, après l’âge de 18 ansNote de bas de page 6 . La pension partielle est calculée comme suit : après le 18e anniversaire, chaque année de résidence complète au Canada  donne droit à 1/40e d’une pleine pensionNote de bas de page 7 .

[9] Comme l’a expliqué la division d’appel dans sa décision datée du 11 mai 2021 :

« La résidence au Canada après 2013 est pertinente dans le cas du [prestataire]. Par exemple, si le [prestataire] a rétabli sa résidence au Canada, même après avoir présenté sa demande, il a besoin de seulement 10 (et non 20) années de résidence au Canada pour avoir droit à une pension de la SVNote de bas de page 8 . »

[10] Je dois donc décider si et quand le prestataire a résidé au Canada après août 2013.

Motifs de ma décision

[11] Je conclus que le prestataire est résident du Canada depuis le 1er juin 2014.

[12] Les critères juridiques qu’il faut appliquer en matière de résidence ont été établis dans la décision Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c DingNote de bas de page 9 . Plusieurs facteurs doivent ainsi être considérés pour décider si les conditions de résidence sont remplies :

  • liens prenant la forme de biens mobiliers;
  • liens sociaux au Canada;
  • autres liens au Canada (assurance-maladie, permis de conduire, bail de location, dossiers fiscaux, etc.);
  • liens dans un autre pays;
  • régularité et durée du séjour au Canada, ainsi que fréquence et durée des absences du Canada;
  • mode de vie de la personne intéressée, ou la question de savoir si cette personne vivant au Canada y est suffisamment enracinée et établie.

[13] C’est le prestataire qui est responsable de prouver sa résidence au CanadaNote de bas de page 10 .

Le prestataire est un résident du Canada depuis le 1er juin 2014

Preuve documentaire

[14] Le prestataire a soumis les documents de preuve suivants par rapport à sa résidence après août 2013 :

[15] Voici le nombre de ses visites au Centre universitaire de santé McGill pour chaque année : 11 en 2013, 6 en 2014, 3 en 2015, 6 en 2016, 7 en 2017, 13 en 2018, 7 en 2019, 13 en 2020, et 9 en 2021. Je note que ses visites de 2013, bien que nombreuses, ont toutes eu lieu de juin à septembre.

[16] La déclaration sous serment précise le que prestataire et A. M. sont conjoints de fait et résident à la même adresse (X, à Montréal) depuis le 1er juin 2014. Le bail pour leur copropriété et l’avis de renouvellement sont aussi inclus.

[17] Comme la division générale avait noté qu’il « n’y a[vait] pas de renseignements sur les cotisations dans les déclarations de revenus de 2004 à 2012Note de bas de page 20  », le prestataire a ensuite soumis ses avis de cotisation pour 2013 à 2021.

[18] Je remarque aussi l’abondance de l’activité dans ses comptes bancaires à partir de 2015, et aussi dans ses comptes de téléphonie cellulaire et de crédit à compter de 2016. En soumettant ses relevés de téléphonie cellulaire, le prestataire a spécifié qu’il pouvait aussi obtenir des relevés plus vieux (allant de janvier 2013 à décembre 2015), mais qu’il lui faudrait débourser une somme notable pour les obtenirNote de bas de page 21 .

[19] Enfin, je note que ma collègue ayant rendu la dernière décision à la division générale a noté que le prestataire avait eu un permis de conduire québécois valide de juillet 2013 à octobre 2017, ainsi qu’un passeport canadien, délivré à Montréal, valide de 2013 à 2018Note de bas de page 22 .

Témoignage

[20] À l’audience, le prestataire a déclaré que lui et son ex-épouse et conjointe de fait actuelle avaient emménagé le 1er juin 2014 dans une copropriété située au X, à Montréal. Comme je l’ai déjà noté, le bail a été fourni.

[21] Le prestataire a expliqué ceci, au sujet de sa conjointe et lui : [traduction] « On vieillissait, la maison là était trop grande pour une famille de deux, juste mon épouse et moi, et on a décidé que c’était plus pratique, alors on a déménagé, dans un appartement beaucoup plus petit… ».

[22] Le prestataire a dit qu’ils avaient alors quitté leur ancienne adresse à Outremont, au X, à Montréal. Il estime qu’ils y avaient habité depuis 1989.

[23] Le prestataire a déclaré que ses voyages à l’étranger s’étaient faits de plus en plus rares à partir de 2013. Il a dit qu’il s’occupait de sa conjointe de fait, qui avait de graves problèmes de santé depuis 2013.

[24] Le prestataire a expliqué que sa conjointe avait reçu un diagnostic d’alzheimer en 2016, mais que déjà, sa santé se détériorait et elle avait des problèmes de gorge. En 2013, elle avait dû subir deux opérations en l’espace de trois ou quatre mois, les deux fois dans des hôpitaux montréalais. La dernière intervention avait eu lieu en octobre 2013. Le prestataire a témoigné qu’il se consacrait entièrement à elle durant cette période.

[25] Le prestataire a expliqué ceci par rapport à la période de 2013 à 2015 : [traduction] « J’ai fait quelques voyages à l’étranger, mais encore une fois, je partais en voyage, quelques mois à la fois, mais beaucoup moins que… Je devais respecter les exigences médicales, qui empêchent plutôt de s’absenter. » Il a dit que son père, qui habitait en Jordanie, était extrêmement vieux et qu’il devait le voir de temps en temps.

[26] Selon son témoignage, le prestataire avait l’habitude de voyager davantage pour son travail. Par contre, il était au chômage depuis longtemps. Il faisait seulement [traduction] « un peu de travail comme consultant ici et là, des petits contrats, essentiellement commandés à distance, pour ainsi dire, rien de majeur., » Le prestataire a dit rester [traduction] « en place depuis 2016 ».

[27] Le prestataire a dit qu’il a trois enfants : l’un d’eux vit à Montréal, est marié sans enfant; un autre vit à Dubaï, est marié et a des enfants; l’autre vit à Londres et est marié sans enfant. Il a affirmé que ses petits-enfants qui habitent à Dubaï viennent le visiter chaque année à Montréal.

[28] Le prestataire a affirmé qu’il avait déjà été propriétaire d’une résidence en Jordanie, mais plus maintenant. Son épouse et lui possédaient certaines choses qu’ils avaient déclarées en arrivant au Canada, mais ils les avaient depuis liquidées, pour la plupart.

Conclusions

[29] Comme je l’ai déjà noté, je crois que le prestataire est un résident du Canada depuis le 1er juin 2014.

[30] La preuve dont je dispose pour 2013 est restreinte. Le seul document de preuve que j’ai confirme des rendez-vous médicaux concentrés sur une période de six mois cette année-là. J’ai aussi son avis de cotisation, son permis de conduire et son passeport canadien pour 2013.

[31] À partir de juin 2014, il y a un bail pour une copropriété à Montréal. À partir de 2015, il y a beaucoup d’activité pour ses comptes bancaires, une carte de crédit et son téléphone cellulaire. Ces données s’ajoutent aux avis de cotisation, à son permis de conduire et à son passeport canadien. Je dispose également de son témoignage. 

[32] J’estime que le témoignage du prestataire confirme qu’il avait résidé continuellement au Canada à compter du 1er juin 2014. En effet, je ne trouve pas que sa preuve, y compris son témoignage, comble le fossé entre août 2013 et juin 2014. Après cette date, toutefois, la preuve du prestataire dépasse la prépondérance des probabilités, grâce à son bail et à ses activités économiques notables. Je juge que sa preuve confirme une résidence au Canada commençant le 1er juin 2014 et maintenue par la suite.

Conclusion

[33] Le prestataire a prouvé qu’il avait 16 années de résidence au Canada pour sa demande présentée le 28 août 2013. La division générale avait cependant conclu, dans sa première décision, qu’il n’était pas un résident canadien en date de sa demande. Le prestataire est devenu un résident du Canada le 1er juin 2014, et l’est depuis. Le prestataire a donc droit à une pension partielle de 16/40e à compter de juillet 2014, en vertu de la Loi sur la SV.

[34] Par conséquent, son appel est accueilli en partie.

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