Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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[TRADUCTION]

Citation : La succession de RC c Ministre de l’Emploi et du Développement social et SL, 2021 TSS 825

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : La succession de R. C.
Représentante : P. C.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Partie mise en cause : S. L.
Représentante : Barbara Warner

Décision portée en appel : Décisions de révisions rendues par le ministre de l’Emploi et du Développement social le 15 décembre 2017 et le 24 décembre 2019 (communiquées par Service Canada)

Membre du Tribunal : George Tsakalis
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 24 juin 2021
Personnes présentes à l’audience : Représentante de l’appelante
Témoin de l’appelante
Observatrices pour le compte de l’intimé
Mise en cause
Représentante de la mise en cause
Témoins de la mise en cause
Date de la décision : Le 20 décembre 2021
Numéro de dossier : GP-20-1170

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Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] Je conclus qu’au moment du décès du cotisant, R. C., la mise en cause ne vivait pas avec lui dans une relation conjugale depuis au moins un an.

[3] Je conclus que, de 1998 à la date du décès en 2015, la mise en cause ne vivait pas en union de fait avec le cotisant.

[4] Par conséquent, leur admissibilité au Supplément de revenu garanti pendant cette période repose leur état matrimonial « célibataire » ou « divorcé ».

[5] De plus, la mise en cause ne peut pas bénéficier de la pension de survivant du Régime de pensions du Canada.

Aperçu

[6] La présente décision aborde trois appels distincts qui visent trois décisions de révision différentes et qui sont instruits en parallèle.

[7] La succession de R. C., l’appelante, a fait appel d’une décision de révision rendue le 15 décembre 2017 par le ministre de l’Emploi et du Développement social. Le ministre a refusé de réviser sa décision initiale, soit que le défunt et la mise en cause entretenaient depuis mars 1991 une relation de fait au sens de la Loi sur la sécurité de la vieillesse. Cette loi a été modifiée en 2000 dans le but d’accorder des prestations à tous les couples qui vivaient ensemble dans une relation conjugale depuis au moins un an. [Le ministre] a adopté la position suivante : l’appelante devait encore un trop-perçu (des prestations en trop) s’élevant à 39 879,80 $ pour la période allant de juillet 2000 (lorsque la Loi sur la sécurité de la vieillesse a été modifiée pour offrir des prestations aux couples en union de fait) à août 2015 (le mois où le cotisant est décédé) parce que le cotisant avait reçu à tort les prestations du Supplément de revenu garanti au taux plus élevé qui est prévu pour les célibataires.

[8] L’appelante a gagné sa cause après avoir déposé le premier appel à la division générale du Tribunal. Le membre du Tribunal a conclu que le défunt et la mise en cause n’avaient pas vécu en union de fait au sens de la Loi sur la sécurité de la vieillesse au moins de 1998 à août 2015.

[9] La décision de la division générale a eu une incidence sur l’admissibilité de la mise en cause à la pension de survivant au titre du Régime de pensions du Canada. Elle a également eu des répercussions sur le montant du Supplément de revenu garanti auquel elle avait droit au titre de la Loi sur la sécurité de la vieillesse.

[10] Le ministre a d’abord accordé à la mise en cause une pension de survivant. Il a cependant changé de position après avoir reçu la décision de la division générale. À la suite de celle-ci, la mise en cause n’était plus admissible à la pension de survivant qu’elle avait touchée de septembre 2015 à juin 2019. Elle devait donc rembourser au ministre 9 710,21 $ pour les versements qu’elle avait reçus de septembre 2015 à juin 2019Note de bas de page 1 .

[11] La mise en cause porte maintenant en appel deux décisions de révision rendues le 24 décembre 2019. L’une d’elles porte sur le nouveau calcul effectué au titre de la Loi sur la sécurité de la vieillesse pour déterminer le montant du Supplément de revenu garanti pour une pensionnée célibataire. L’autre décision de révision porte sur le refus du ministre de lui donner droit à la pension de survivant.

[12] Après avoir déposé son avis d’appel au Tribunal, la mise en cause a finalement reçu une copie de la décision de la division générale selon laquelle elle n’avait pas vécu en union de fait avec le cotisant. La mise en cause a porté la décision de la division générale en appel à la division d’appel. Elle a fait valoir que la division générale aurait dû la mettre en cause dans l’appel. La division d’appel a accueilli son appel. Elle a ordonné à la division générale d’instruire en parallèle les trois appels concernant les décisions de révision mentionnées plus haut.

[13] Selon l’appelante, le cotisant et la mise en cause ne vivaient pas en union de fait pour les raisons suivantes :

  • Même si le cotisant et la mise en cause vivaient ensemble, leur relation était une relation propriétaire-locataire, et non une union de fait.
  • Le cotisant n’est pas resté fidèle envers la mise en cause.
  • La famille du cotisant décédé ne considérait pas la relation comme une union de fait.
  • Le cotisant et la mise en cause ne se soutenaient pas financièrement.

[14] La mise en cause affirme qu’elle a vécu en union de fait avec le cotisant de mars 1991 jusqu’au moment où il est décédé. Elle invoque les raisons suivantes :

  • Le couple vivait ensemble et était monogame.
  • Les deux effectuaient des services ménagers pour l’autre.
  • Le couple assistait ensemble aux activités du quartier et aux rencontres avec les membres de leurs familles respectives.
  • Les membres de différentes professions et des proches reconnaissaient l’union de fait.
  • Le couple se soutenait financièrement.
  • La famille du cotisant décédé reconnaissait l’union de fait.

[15] Le ministre a d’abord décidé que le cotisant et la mise en cause entretenaient une union de fait depuis mars 1991Note de bas de page 2 .

[16] Cependant, le ministre a changé de position avant qu’ait lieu l’audience du présent appel. Le ministre est maintenant d’avis que la mise en cause et le cotisant ne vivaient pas en union de fait depuis au moins 2008. Il avance les raisons suivantes :

  • Même si le cotisant et la mise en cause vivaient ensemble, le cotisant avait sa propre chambre à coucher.
  • L’arrangement entre le cotisant et la mise en cause portait sur le logement et la nourriture.
  • Le cotisant et la mise en cause ne se présentaient pas publiquement comme conjoint et conjointe de fait.
  • Le cotisant et la mise en cause ne se soutenaient pas financièrement comme on pourrait s’y attendre de deux personnes dans une union de fait.

Ce que les parties doivent prouver

[17] Avant l’audience, j’ai rendu une décision interlocutoire dans laquelle j’ai expliqué que l’appelante et la mise en cause avaient la responsabilité de prouver leur cause selon la prépondérance des probabilitésNote de bas de page 3 . En effet, les parties font appel au Tribunal pour contester différentes décisions de révision. En règle générale, le fardeau de la preuve revient à la partie qui porte la décision du ministre en appel.

[18] Les trois appels se résument à une question semblable, soit si, au moment où le cotisant est décédé, la mise en cause et lui vivaient ensemble dans une relation conjugale depuis au moins un anNote de bas de page 4 .

[19] Si la mise en cause vivait avec le cotisant dans une union de fait au sens du Régime de pensions du Canada, elle aurait alors droit à une pension de survivant du Régime.

[20] Si la mise en cause et le cotisant ne vivaient pas en union de fait au sens du Régime, elle n’aurait alors pas droit à la pension de survivant. Par conséquent, elle devrait rembourser au ministre l’argent de la pension de survivant qui lui a été versé de septembre 2015 à juin 2019.

[21] La Loi sur la sécurité de la vieillesse prévoit le paiement du Supplément de revenu garanti aux personnes pensionnées de la Sécurité de la vieillesse qui ont un faible revenu. Les versements du Supplément dépendent de l’état matrimonial courant de la personne pensionnée et de son revenu de l’année civile précédente. Les personnes qui ne sont pas mariées et qui ne vivent pas en union de fait sont considérées comme célibataires. Leur admissibilité au Supplément est donc évaluée en fonction de leur revenu personnel. Pour celles qui sont mariées ou vivent en union de fait, l’admissibilité est évaluée en fonction de leur revenu conjointNote de bas de page 5 . En général, les célibataires touchent un Supplément plus élevé que les personnes qui sont mariées ou qui vivent en union de fait.

[22] Si la mise en cause vivait avec le cotisant dans une union de fait au sens de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, le cotisant et elle auraient droit au versement du Supplément au taux prévu pour les personnes mariées ou en union de fait. Le ministre aurait alors versé 39 879,80 $ en trop au cotisant pour la période allant de juillet 2000 à août 2015. Cela s’explique par le fait que le cotisant a reçu le Supplément au taux fixé pour les célibataires, soit un taux plus élevé.

[23] Si la mise en cause et le cotisant ne vivaient pas en union de fait au sens de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, le cotisant et elle auraient droit au versement du Supplément au taux prévu pour les célibataires. Ainsi, le ministre n’aurait pas donné trop d’argent au cotisant en lui versant le Supplément de juillet 2000 à août 2015. En effet, le cotisant aurait alors reçu le Supplément au bon taux, c’est-à-dire celui prévu pour les célibataires.

[24] Le Régime de pensions du Canada et la Loi sur la sécurité de la vieillesse décrivent l’union de fait comme étant une relation conjugale.

[25] Dans une décision intitulée McLaughlin c Canada (Procureur général), 2012 CF 556, la Cour d’appel fédérale a décidé que les caractéristiques généralement acceptées d’une relation conjugale comprennent ceci :

  • le partage d’un toit, notamment le fait que les parties vivaient sous le même toit ou partageaient le même lit ou le fait que quelqu’un d’autre habitait chez elles;
  • les rapports sexuels et personnels, notamment le fait que les parties avaient des relations sexuelles, étaient fidèles l’une à l’autre, communiquaient bien entre elles sur le plan personnel, prenaient leurs repas ensemble, s’entraidaient face aux problèmes ou à la maladie ou s’offraient des cadeaux;
  • les services, notamment le rôle des parties dans la préparation des repas, le lavage, les courses, l’entretien du foyer et d’autres services ménagers;
  • les activités sociales, notamment le fait que les parties participaient ensemble ou séparément aux activités du quartier ou de la collectivité et leurs rapports avec les membres de la famille de l’autre;
  • l’image sociétale, notamment l’attitude et le comportement de la collectivité envers chacune des parties, considérées en tant que couple;
  • le soutien, notamment les dispositions financières prises par les parties pour ce qui était de fournir les choses nécessaires à la vie et la propriété de biens;
  • l’attitude et le comportement des parties à l’égard des enfants.

[26] Il se peut que toutes les caractéristiques d’une relation conjugale soient présentes à divers degrés, mais elles ne sont pas toutes nécessaires pour que la relation soit conjugaleNote de bas de page 6 .

[27] Les unions de fait diffèrent des mariages légitimes. Souvent, il n’y a aucune preuve qui témoigne du moment précis où les personnes en union de fait ont pris un engagement sérieux l’une ou l’un envers l’autre, contrairement au certificat de mariage. Les parties qui vivent en union de fait doivent démontrer par leurs actions et leur conduite une intention mutuelle de vivre ensemble dans une relation d’une certaine permanence qui est semblable au mariageNote de bas de page 7 .

[28] Pour les motifs décrits plus bas, je conclus que la preuve a démontré qu’au moment du décès du cotisant, la mise en cause et lui ne vivaient pas depuis au moins un an dans une union de fait au sens du Régime de pensions du Canada et de la Loi sur la sécurité de la vieillesse.

Commentaires concernant les conclusions sur la preuve

[29] L’appelante a fait valoir que le témoignage de la mise en cause n’était pas crédible parce qu’elle a été déclarée coupable d’avoir volé une grosse somme d’argent à un couple âgéNote de bas de page 8 . Toutefois, le fait d’avoir été reconnue coupable de ce crime ne rend pas la mise en cause inadmissible à la pension de survivant.

[30] La mise en cause a soutenu qu’elle avait subi de la violence physique aux mains du cotisant. Je suis d’accord avec la mise en cause pour dire que les femmes restent souvent dans des relations où il y a de la violence. Cependant, mon rôle n’est pas de me pencher sur les traits de caractère des parties. Mon rôle consiste à décider si avant que le cotisant décède, la mise en cause et lui vivaient ensemble dans une relation conjugale depuis au moins un an.

[31] La loi ne m’oblige pas à mentionner tous les documents déposés au dossier. Je n’ai pas à mentionner chaque élément de preuve présenté à l’audience ni à répondre à toutes les observations. La loi exige que je mentionne la démarche que j’ai suivie pour en arriver à ma décisionNote de bas de page 9 .

[32] Je ferai seulement référence aux documents, aux observations et aux témoignages qui sont pertinents pour l’examen de la question que je dois trancher, c’est-à-dire si la mise en cause et le cotisant vivaient ensemble dans une relation conjugale depuis au moins un an lorsque le cotisant est décédé.

Questions que je dois d’abord examiner

[33] La représentante de la mise en cause a demandé une audience par vidéoconférence. Elle a fait valoir que la crédibilité est en cause dans la présente affaire et que je dois avoir l’occasion d’évaluer le comportement de chaque partie et de chaque témoin. Ses bureaux sont disposés de manière à ce que sa cliente et ses témoins puissent participer à l’audience par vidéoconférence dans des salles séparées et sécurisées.

[34] L’appelante préférait une audience par téléconférence.

[35] Le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale précise que le Tribunal a le pouvoir discrétionnaire de déterminer le mode de l’audienceNote de bas de page 10 . La Cour fédérale du Canada a rejeté l’argument voulant qu’une audience par vidéoconférence soit nécessaire pour déterminer la crédibilité d’une personneNote de bas de page 11 .

[36] J’ai décidé de procéder par téléconférence. J’ai jugé que ce mode d’audience respectait l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale de procéder de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettentNote de bas de page 12 . J’ai conclu qu’une audience par téléconférence était la façon la plus rapide d’instruire le présent appel.

Motifs de ma décision

[37] Je conclus que la mise en cause et le cotisant ne vivaient pas ensemble dans une relation conjugale depuis au moins un an lorsque ce dernier est décédé en août 2015. J’ai abouti à cette décision après avoir examiné les caractéristiques que la Cour fédérale a retenues dans la décision McLaughlin pour établir l’existence d’une relation conjugale.

Partage d’un toit

[38] Je suis convaincu que la mise en cause et le cotisant vivaient ensemble depuis 1991. La fille du cotisant décédé, qui représentait l’appelante, a confirmé que la mise en cause et le cotisant vivaient ensemble avant son décès. Le fils du cotisant décédé a également déclaré que son père et la mise en cause vivaient ensemble depuis 1991.

[39] Cependant, le fait que les parties vivaient ensemble ne démontre pas automatiquement qu’elles vivaient en union de faitNote de bas de page 13 .

Rapports sexuels et personnels

[40] Durant leurs témoignages, le fils et la fille du cotisant décédé ont déclaré que ce dernier avait eu des relations avec d’autres femmes pendant qu’il vivait avec la mise en cause. Les deux témoins ne rendaient pas souvent visite au cotisant et à la mise en cause. Pendant les visites, les témoins n’ont pas vu le cotisant et la mise en cause manger ensemble. La fille du cotisant décédé ne croyait pas que son père et la mise en cause partageaient une chambre à coucher. Elle a dit que le cotisant vivait avec la mise en cause dans un appartement de deux chambres à coucher et que les deux restaient dans des chambres séparées. Elle a ajouté qu’elle ne pensait pas que son père et la mise en cause partageaient une chambre à coucher parce que seuls les biens du cotisant décédé se trouvaient dans sa chambre à coucher lorsque ses proches ont ramassé ses effets personnels après son décès. La fille du cotisant décédé a déclaré que la mise en cause lui a dit qu’elle avait attrapé le cotisant au lit avec une autre femmeNote de bas de page 14 . Les enfants du cotisant décédé ont également dit qu’il ne voulait pas voir la mise en cause à l’hôpital avant son décès.

[41] La mise en cause a déclaré qu’elle dormait dans le même lit que le cotisant et qu’elle avait des relations sexuelles avec lui jusqu’à quelques mois avant sa mort. Elle n’a pas eu de relation avec un autre homme pendant qu’elle vivait avec lui. Elle ne savait pas si le cotisant avait d’autres petites amies, mais elle a affirmé qu’elle était toujours avec lui. Elle a dit qu’elle mangeait avec lui et s’occupait de lui quand il était malade. Elle est allée à l’hôpital tous les jours avant qu’il décède. Elle était avec lui lorsqu’il est décédé à leur appartement.

[42] La cousine germaine de la mise en cause a déclaré que celle-ci et le défunt étaient comme mari et femme. Le couple partageait tout. Les deux mangeaient ensemble et magasinaient ensemble. La mise en cause avait une relation monogame avec le cotisant. La témoin a ajouté que la mise en cause était avec le cotisant lorsqu’il est décédé à leur appartement.

[43] Il est difficile d’évaluer les témoignages livrés à l’audience. La fille du cotisant décédé a déclaré que le cotisant avait des relations avec d’autres femmes pendant qu’il vivait soi-disant en union de fait avec la mise en cause. Elle a aussi dit au ministre qu’elle ne savait pas si son père fréquentait quelqu’un d’autre alors qu’il vivait avec la mise en causeNote de bas de page 15 . Les enfants du cotisant ne vivaient pas dans la même ville que leur père et la mise en cause. Celle-ci a affirmé de façon catégorique qu’elle vivait en union de fait. La témoin de la mise en cause a affirmé que la relation était une union de fait.

[44] Toutefois, la preuve documentaire ne montre pas que le cotisant et la mise en cause ont manifesté, par leurs actions et leur conduite, une intention mutuelle de vivre ensemble dans une relation d’une certaine permanence qui ressemble au mariage. Un élément m’a semblé dommageable pour la mise en cause : lorsqu’elle a écrit au ministre en 2011, elle a précisé que le cotisant avait sa propre chambreNote de bas de page 16 .

[45] En août 1998, la mise en cause a rempli une déclaration solennelle. Elle y explique qu’elle n’a pas vécu en union de fait avec le cotisant depuis mars 1998Note de bas de page 17 . En septembre 1998, le cotisant a aussi présenté au ministre une déclaration solennelle dont le contenu était semblableNote de bas de page 18 . Le défunt et la mise en cause avaient également signé une déclaration en septembre 1998 pour faire savoir que l’union de fait avait pris fin en mars 1998Note de bas de page 19 .

[46] La mise en cause a informé le ministre qu’elle était célibataire lorsqu’elle a demandé le Supplément de revenu garanti en septembre 2003Note de bas de page 20 .

[47] De 1992 à 2008, le cotisant a décrit son état matrimonial comme une union de fait dans ses déclarations de revenusNote de bas de page 21 . De 2009 à 2013, il se disait célibataire dans ses déclarations de revenusNote de bas de page 22 .

[48] La mise en cause a déposé la lettre d’un avocat, qui, selon ce qu’elle a déclaré, l’avait employée pendant près de 30 ans. L’avocat a déclaré que la mise en cause avait abordé le sujet de l’union de fait à plusieurs reprises avec le cotisant, mais que ce dernier avait toujours refusé de définir leur relation ainsi. Le cotisant a finalement accepté de reconnaître la relation et la mise en cause a communiqué avec l’Agence du revenu du Canada pour amorcer le processus visant à changer leur état matrimonial. Le cotisant a cependant changé d’avis. L’avocat affirme que le cotisant a physiquement forcé la mise en cause à annuler le processus entaméNote de bas de page 23 .

[49] La preuve documentaire montre qu’en janvier 2013, le cotisant a informé l’Agence du revenu du Canada qu’il refusait tout changement de son état matrimonial. Il a décrit la mise en cause comme sa propriétaire et a précisé qu’elle et lui ne vivaient pas en union de faitNote de bas de page 24 . Il a écrit à l’Agence en avril 2013 pour dire qu’il avait reçu des lettres l’informant qu’il devait rembourser de l’argent en raison du changement de son état matrimonial. Il a affirmé qu’il n’avait aucune idée de la raison pour laquelle son état matrimonial de célibataire avait été modifiéNote de bas de page 25 .

[50] La représentante de la mise en cause a déclaré que le cotisant voulait le statut de célibataire pour obtenir un avantage financier de la part de l’Agence du revenu du Canada. Je juge cependant que les échanges entre le cotisant et l’Agence montrent qu’il n’avait pas l’intention de vivre en union de fait.

[51] La mise en cause a affirmé qu’elle avait été agressée physiquement par le cotisant. Elle a présenté des éléments de preuve selon lesquels le cotisant l’avait physiquement forcée à annuler le processus amorcé auprès de l’Agence du revenu du Canada pour faire changer son état matrimonial.

[52] Cependant, j’ai des doutes sur la crédibilité de la mise en cause.

[53] En juillet 2016, la mise en cause a envoyé un courriel au fils du cotisant décédé. Elle a écrit qu’elle ne pensait pas que la succession du cotisant aurait à payer quoi que ce soit si elle recevait une pension de survivant. Elle a précisé que le fils du cotisant aurait juste à dire au ministre que la succession était réglée et que la succession n’aurait rien à payer. Elle a écrit que le cotisant n’avait pas déclaré qu’il entretenait une relation de fait, mais que le ministre l’avait informée qu’elle [traduction] « avait droit à une partie de sa pension ». Elle croyait mériter la pension parce qu’il payait seulement la moitié du loyer, une petite partie de l’épicerie et la moitié des coûts pour la télévision. Elle a expliqué que le fait de recevoir une petite partie de sa pension ne ferait aucun mal au cotisant décédé ou à sa famille. Elle a écrit qu’elle avait pris soin du cotisant et qu’elle l’aimait, même s’il lui avait fait subir de la violence. Ce que je juge important dans ce courriel, c’est que la mise en cause a écrit que le fils du cotisant décédé l’avait traitée de menteuseNote de bas de page 26 . Il est clair, à la lecture des documents, que le fils du cotisant décédé ne reconnaît pas l’existence d’une union de fait.

[54] À mon avis, les témoignages du fils et de la fille du cotisant décédé étaient plus convaincants. Sa fille a déclaré que la mise en cause et le cotisant entretenaient peut-être une relation amoureuse dans les premières années. Le fils du cotisant décédé a également dit au ministre que le cotisant et la mise en cause avaient peut-être eu une relation amoureuse à un moment donné. Toutefois, une telle relation n’existait pas au moment du décès du cotisantNote de bas de page 27 .

[55] La fille du cotisant décédé a déclaré que la mise en cause l’avait approchée alors que le cotisant était hospitalisé. La mise en cause lui a dit que la seule chose qu’elle avait toujours voulue de la part du cotisant, c’était sa pension. La fille du cotisant a trouvé cela inappropriéNote de bas de page 28 .

[56] La mise en cause a nié avoir dit à la fille du cotisant décédé que la seule chose qu’elle avait toujours voulue de la part du cotisant était sa pension. Il semble toutefois qu’avant le décès du cotisant, elle cherchait une façon d’obtenir la pension de survivant.

[57] La mise en cause a écrit au ministre en juillet 2011. Elle décrit le cotisant comme son époux. Elle a expliqué qu’il payait la moitié du loyer et qu’il produisait une déclaration de revenus distincte de la sienne. Elle a demandé au ministre si elle avait droit à la moitié de la pension du Régime de pension du Canada lorsque le cotisant allait décéderNote de bas de page 29 . Elle a également demandé à l’Agence du revenu du Canada de changer l’état matrimonial du cotisant pour qu’il soit conjoint de fait avant son décès, mais sa tentative a échoué.

[58] Une enquêteuse employée par le ministre a interviewé la mise en cause en 2016. Celle-ci a dit à l’enquêteuse que le cotisant vivait dans l’appartement. Il aurait pu partir à tout moment parce que le bail était seulement au nom de la mise en cause et c’est elle qui devait payer le loyer. Elle était frustrée que le cotisant ne veuille pas reconnaître leur union de fait [traduction] « par écrit » et qu’il ne paie pas sa juste part des dépenses. Elle a abordé le problème avec le cotisant, qui lui a répondu qu’il était prêt à payer seulement un certain montant. Elle était d’accord pour lui offrir un soutien financier parce que sa santé n’était pas très bonne et qu’elle craignait que son état ne s’aggrave si elle ne prenait pas soin de luiNote de bas de page 30 . L’enquête du ministre n’a pas révélé une intention mutuelle du côté du cotisant de vivre avec la mise en cause dans une relation semblable au mariage.

[59] L’examen de la preuve documentaire me montre clairement que le cotisant n’avait pas l’intention de reconnaître l’existence d’une relation de fait entre la mise en cause et lui.

[60] J’ai aussi des doutes au sujet de la crédibilité de la mise en cause. Je n’ai pas les mêmes doutes quant à la crédibilité des enfants du cotisant décédé. Je peux certainement les comprendre de s’opposer à la demande de pension de survivant de la mise en cause après que le ministre a demandé à la succession du cotisant décédé de lui rembourser de l’argent à la suite de l’approbation de la demande de pension de survivant de la mise en cause. Toutefois, le fils du défunt s’opposait de toute évidence à l’octroi d’une pension de survivant à la mise en cause avant même que le ministre exige un remboursement de la part de la successionNote de bas de page 31 . La preuve a montré que la famille du cotisant décédé ne reconnaissait pas l’existence d’une union de fait.

Services

[61] La fille du cotisant décédé a déclaré qu’elle croyait que la mise en cause et le cotisant préparaient leurs propres repas. Le cotisant aimait cuisiner. Elle a su qu’il faisait sa propre lessive. Elle ne savait pas qui nettoyait l’appartement où il vivait. Le fils du cotisant décédé ne savait pas qui faisait les tâches ménagères.

[62] La mise en cause a déclaré qu’elle préparait les repas pour le cotisant. Elle a écrit dans un courriel qu’elle faisait la lessive, magasinait et entretenait le logementNote de bas de page 32 .

[63] Toutefois, le fait que le cotisant et la mise en cause aient pu faire des tâches ménagères l’une et l’un pour l’autre ne veut pas dire que les deux vivaient ensemble dans une relation de fait. En effet, il y a d’autres caractéristiques, dont je dois tenir compte et qui sont énoncées dans la décision McLaughlin, qui n’appuient pas l’existence d’une union de fait.

Activités sociales

[64] La fille du cotisant décédé a déclaré que la mise en cause et le cotisant ne vivaient pas en union de fait. Elle a dit que la mise en cause et le cotisant lui ont rendu visite à deux reprises. Les deux dormaient séparément. Le cotisant lui rendait également visite seul. Elle n’a jamais considéré la mise en cause comme une figure maternelle ou une membre de la famille. Le fils du cotisant décédé a déclaré qu’il ne faisait pas confiance à la mise en cause et qu’il ne lui avait jamais parlé au téléphone.

[65] La mise en cause a déclaré qu’elle passait Noël avec sa mère, le cotisant et la mère du cotisant. Elle entretenait une bonne relation avec la mère du cotisant. Elle croyait avoir une bonne relation avec les enfants du cotisant. Elle a affirmé qu’elle s’occupait du cotisant avant son décès, notamment en l’aidant à s’habiller.

[66] La cousine de la mise en cause a déclaré que la mise en cause et le cotisant participaient ensemble aux activités sociales. La sœur du cotisant était présente aux activités sociales. Elle a dit que la famille de la mise en cause reconnaissait la relation entre la mise en cause et le cotisant comme une union de fait.

[67] Les documents montrent que la famille du cotisant décédé ne reconnaissait pas l’union de fait. L’appelante a déposé les déclarations d’autres membres de la famille qui niaient l’existence d’une union de faitNote de bas de page 33 . La notice nécrologique du cotisant décédé décrit la mise en cause comme une camarade de longue dateNote de bas de page 34 . Le fils du cotisant décédé a permis à la mise en cause d’avoir un flacon contenant les cendres du cotisant décédéNote de bas de page 35 . Cependant, je ne crois pas que ce geste reconnaissait nécessairement l’existence d’une union de fait. Il s’agissait plutôt de la reconnaissance que la mise en cause et le cotisant décédé avaient entretenu une amitié pendant longtemps.

Image sociétale

[68] La fille du cotisant décédé a déclaré que le cotisant se présentait comme ne vivant dans aucune relation de fait. Elle croyait que le cotisant était un pensionnaire qui restait dans l’appartement de la mise en cause. Elle a participé à la rédaction de la notice nécrologique et elle a décrit la mise en cause comme une camarade parce qu’elle était une amie du cotisant décédé.

[69] La mise en cause a déclaré que le cotisant et elle vivaient en union de fait depuis 1991. Les deux participaient à des activités ensemble comme un couple non marié. Leur propriétaire, leur médecin et la collectivité les voyaient comme un couple en union de fait.

[70] Cependant, les documents montrent que la mise en cause et le cotisant ne se présentaient pas comme un couple en union de fait.

[71] La mise en cause et le cotisant ont rempli une déclaration solennelle qui mentionnait leur séparation en 1998Note de bas de page 36 . Un document juridique datant de 2003 décrit la mise en cause comme étant divorcéeNote de bas de page 37 . Après avoir demandé le Supplément de revenu garanti à titre de célibataire, la mise en cause touchait des versements depuis février 2004Note de bas de page 38 .

[72] La mise en cause a écrit au ministre en juillet 2013 pour l’aviser que le cotisant ne voulait pas reconnaître l’union de faitNote de bas de page 39 . Cela ne montre pas que le cotisant avait l’intention de vivre en union de fait avec la mise en cause. De plus, la mise en cause a dit au ministre que le cotisant louait sa chambre. Cette déclaration contredisait son témoignage selon lequel elle partageait une chambre à coucher avec lui.

[73] En juillet 2013, la mise en cause a dit au ministre qu’elle avait commencé à vivre en union de fait en janvier 2012Note de bas de page 40 . Cette affirmation contredit son témoignage et ses observations voulant que l’union de fait ait commencé en 1991Note de bas de page 41 .

[74] La mise en cause a déposé une liste avec le nom de proches qui disaient qu’elle vivait effectivement en union de fait avec le cotisantNote de bas de page 42 . Cependant, je suis d’accord avec la fille du cotisant décédé : elle croit que je dois accorder peu d’importance à ce document, car un bon nombre des signatures figurant dans la liste présentent la même écriture.

[75] La mise en cause a fourni les déclarations d’un avocat, d’une gestionnaire immobilière, d’une amie et d’un médecin de famille pour appuyer sa position, c’est-à-dire qu’elle vivait en union de fait avec le cotisantNote de bas de page 43 . Après avoir examiné ces déclarations, je suis d’accord avec le ministre : je ne peux pas leur accorder beaucoup d’importance parce que les signataires ont simplement supposé qu’il s’agissait d’un couple en union de fait parce que les deux personnes vivaient ensembleNote de bas de page 44 . La déclaration produite par la mise en cause contenait également peu de détails sur sa relation au quotidien avec le cotisant et sur leur mode de vie.

Soutien

[76] La fille du cotisant décédé a déclaré que le cotisant était à la retraite lorsqu’il est décédé. Il n’était pas propriétaire. Elle n’a jamais discuté avec lui de ses arrangements financiers avec la mise en cause. Elle savait juste qu’il payait la mise en cause pour une chambre et les repas. Le cotisant ne possédait pas de véhicule. La mise en cause le conduisait où il devait aller.

[77] Le fils du cotisant décédé a déclaré qu’il avait été nommé exécuteur testamentaire de la succession. Dans son testament, le cotisant a laissé 5 000 $ à la mise en cause, et le reste appartenait à la famille du cotisant décédé. Le fils du cotisant a dit que la mise en cause n’avait rien eu à voir avec la planification ou le paiement des funérailles. Il a été désigné comme le plus proche parent sur le certificat de décèsNote de bas de page 45 .

[78] La mise en cause a affirmé que le cotisant payait la moitié du loyer et une partie de l’épicerie. Le cotisant recevait son courrier à l’appartement. Il payait la moitié de l’assurance habitation. C’est lui qui a payé la commode et le lit dans lequel les deux couchaient. La mise en cause a reconnu que le cotisant lui prêtait de l’argent. Elle lui a demandé à de nombreuses reprises de remplir leurs déclarations de revenus ensemble, mais il a toujours refusé de le faire. Le nom du cotisant n’a jamais été ajouté au bail.

[79] La cousine de la mise en cause a déclaré qu’elle n’était pas au courant des arrangements financiers entre la mise en cause et le cotisant. Elle a cru comprendre qu’il y avait un partage de certaines dépenses.

[80] Je conviens que certaines preuves montrent l’existence d’un soutien financier mutuel. Il semble que la mise en cause et le cotisant contribuaient au paiement de l’assurance habitationNote de bas de page 46 . Il y a également des preuves montrant que le cotisant a cosigné les documents pour un prêt automobileNote de bas de page 47 .

[81] Toutefois, la majorité des documents fournis n’appuient pas la conclusion selon laquelle la mise en cause et le cotisant vivaient en union de fait au moment où il est décédé.

[82] Dans les déclarations de revenus produites de 1992 à 2007, la mise en cause et le cotisant ont déclaré vivre en union de fait. De 2008 à 2015, les deux ont déclaré être célibataires dans leurs déclarations de revenusNote de bas de page 48 . La mise en cause et le cotisant touchaient le Supplément de revenu garanti au taux prévu pour les célibataires.

[83] La mise en cause a rempli un questionnaire où elle déclare que ni elle ni le cotisant n’avaient de police d’assurance-vieNote de bas de page 49 . Elle a déclaré que le bail du logement ne portait pas leurs deux signatures et que leurs comptes bancaires n’étaient pas conjointsNote de bas de page 50 . Elle a confirmé que leurs déclarations de revenus étaient produites séparémentNote de bas de page 51 .

[84] Les documents indiquent que le cotisant prêtait de l’argent à la mise en cause, ce qui ne témoigne pas d’une vie partagée sur le plan financierNote de bas de page 52 .

[85] Le cotisant a nommé son fils, et non la mise en cause, comme exécuteur testamentaire de sa succession. Il a laissé 5 000 $ à la mise en cause, et le reste de ses biens devait être réparti entre les membres de sa familleNote de bas de page 53 .

[86] Durant les enquêtes du ministre, la mise en cause lui a aussi dit que le cotisant ne voulait pas être désigné comme bénéficiaire de son régime d’assurance-maladieNote de bas de page 54 .

[87] La preuve documentaire contient également des reçus pour le loyer et des chèques qui confirment que le cotisant décédé versait un loyer à la mise en cause, ce qui témoigne plus d’une relation entre une propriétaire et son locataire que d’une union de faitNote de bas de page 55 .

Attitude et comportement à l’égard des enfants

[88] Par leurs témoignages, le fils et la fille du cotisant décédé ont montré que leur relation avec la mise en cause n’était pas très bonne. La mise en cause a dit croire qu’elle avait une bonne relation avec les enfants du cotisant décédé. Toutefois, à l’examen de la preuve, il est clair que les enfants du cotisant ont passé peu de temps avec la mise en cause et ne la considéraient pas comme une membre de la famille.

[89] L’appelante a déposé des cartes que le cotisant a envoyées à ses enfants et à ses petits-enfants. Les cartes étaient signées seulement par le cotisant. La mise en cause n’y est pas mentionnéeNote de bas de page 56 .

Remarques finales

[90] Les parties d’une union de fait doivent démontrer qu’il y a une intention mutuelle de vivre ensemble dans une relation d’une certaine permanence qui ressemble au mariage. Une union de fait ne peut pas exister sans l’intention mutuelle des deux partiesNote de bas de page 57 .

[91] La preuve a montré que la mise en cause et le cotisant vivaient ensemble depuis 1991. Le fait que les parties vivaient ensemble ne suffit cependant pas à démontrer l’existence d’une union de faitNote de bas de page 58 .

[92] Je conclus que les parties ne vivaient pas dans une relation semblable au mariage. La mise en cause a dit au ministre que le cotisant avait sa propre chambreNote de bas de page 59 . La mise en cause et le cotisant ne se présentaient pas comme un couple en union de fait. Les deux recevaient le Supplément de revenu garanti au taux prévu pour les célibataires. La famille du cotisant ne reconnaissait pas l’union de fait. La mise en cause et le cotisant décédé avaient une vie séparée sur le plan financier. La preuve montre que le cotisant prêtait de l’argent à la mise en cause et qu’il s’attendait à se faire rembourser. Ce type de comportement témoigne plus d’une relation entre une emprunteuse et son créancier que d’une union de fait.

[93] La représentante de la mise en cause m’a demandé d’accorder plus d’importance aux propos des témoins de la mise en cause parce que ces personnes voyaient la mise en cause et le cotisant plus souvent. Cependant, les témoignages et les déclarations des témoins de la mise en cause étaient vagues. Les témoins supposaient que la mise en cause et le cotisant avaient une relation de fait parce que les deux vivaient ensemble. Ce fait n’est toutefois pas suffisant pour démontrer l’existence d’une union de fait.

[94] Je suis convaincu que la mise en cause et le cotisant participaient ensemble à des activités sociales. La preuve a toutefois montré que le cotisant ne reconnaissait pas l’union de fait après 1998. La mise en cause a également fait une déclaration solennelle selon laquelle l’union de fait a pris fin en 1998.

[95] La mise en cause a expliqué que le cotisant a reconnu l’union de fait et qu’elle a demandé à l’Agence du revenu du Canada de modifier leur état matrimonialNote de bas de page 60 . Cependant, le cotisant a fini par déposer un avis d’opposition auprès de l’Agence et il a affirmé qu’il était célibataire. La preuve documentaire montre également qu’avant le décès du cotisant, la mise en cause ne se déclarait pas comme vivant en union de fait avec lui dans ses échanges avec le ministre.

[96] La mise en cause a écrit au ministre en 2011 pour lui demander si elle avait droit à une pension de survivant. Manifestement, elle voulait toucher une pension de survivant. Toutefois, le cotisant ne reconnaissait pas l’union de fait. L’existence d’une telle union aurait permis à la mise en cause d’obtenir la pension de survivant qu’elle convoitait.

[97] Je juge que la preuve ne démontre pas l’existence d’une union de fait après 1998, année durant laquelle la mise en cause et le cotisant ont déclaré ne plus vivre dans une telle relation. Je ne vois rien qui montre que le cotisant a manifesté l’intention de vivre avec [la mise en cause] dans une relation d’une certaine permanence qui ressemble au mariage. La preuve a aussi démontré que les parties ne vivaient pas ensemble dans une relation semblable au mariage quand le cotisant est décédé.

[98] Même si les parties ont vécu en union de fait de 1992 à 1998, la mise en cause ne peut tout de même pas bénéficier de la pension de survivant. Il aurait en effet fallu que [la mise en cause] vive en union de fait avec le cotisant pendant au moins un an avant le décès du cotisant.

[99] La représentante de la mise en cause a invoqué une affaire dans laquelle le Tribunal a affirmé qu’il n’était pas nécessaire que la période de cohabitation d’un an vienne juste avant le décès d’une cotisante ou d’un cotisantNote de bas de page 61 . Le Tribunal a mentionné la décision que la Cour d’appel fédérale a rendue dans l’affaire Beaudoin. La décision laissait entendre qu’il n’était pas nécessaire que la période de cohabitation d’un an précède immédiatement le décès d’une cotisante ou d’un cotisantNote de bas de page 62 .

[100] Cependant, dans l’affaire Redman, la Cour d’appel fédérale a affirmé qu’elle n’avait jamais décidé explicitement qu’il n’était pas nécessaire qu’une partie vive dans une relation conjugale avec une cotisante ou un cotisant pendant une période d’un an juste avant son décèsNote de bas de page 63 . La Cour d’appel fédérale a renvoyé l’affaire Redman à la division d’appel du Tribunal pour qu’elle interprète la définition de « conjoint de fait » qui se trouve dans le Régime de pensions du Canada.

[101] La division d’appel du Tribunal a décidé qu’on peut bénéficier de la pension de survivant seulement si l’on a vécu avec la cotisante ou le cotisant pendant la période d’un an qui s’est écoulée avant le décès de la personneNote de bas de page 64 . J’ai décidé de suivre cette décision, même si je ne suis pas obligé de le faire, car je la trouve persuasive. En rendant sa décision, la division d’appel a analysé le texte, le contexte et l’objet de la définition de « conjoint de fait ».

[102] Par conséquent, la mise en cause n’a pas droit à une pension de survivant parce que, même si elle a habité avec le cotisant dans une relation conjugale de 1992 à 1998, avant qu’il décède, elle n’habitait pas avec lui dans une relation conjugale depuis au moins un an.

[103] De plus, à la suite de ma décision, l’admissibilité au Supplément de revenu garanti doit reposer sur le fait que la mise en cause et le cotisant étaient célibataires, et non sur l’existence d’une union de fait.

Conclusion

[104] L’appel est accueilli.

[105] Je conclus qu’au moment où le cotisant est décédé, la mise en cause ne vivait pas avec lui dans une relation conjugale depuis au moins un an.

[106] Je conclus que, de 1998 à la date du décès en 2015, la mise en cause ne vivait pas en union de fait avec le cotisant.

[107] Par conséquent, durant cette période, leur admissibilité au Supplément de revenu garanti doit reposer sur l’état matrimonial « célibataire » ou « divorcé ».

[108] Ainsi, la mise en cause ne peut pas bénéficier de la pension de survivant du Régime de pensions du Canada.

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