Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

Informations sur la décision

Résumé :

Sécurité de la vieillesse – pouvoir du ministre de réexaminer ses décisions – requérante tenue de rembourser la pension de la Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti après de nouveaux renseignements révélant qu’elle n’avait pas résidé au Canada pendant au moins 10 ans

La requérante a immigré au Canada en 2002. Une pension partielle de la Sécurité de la vieillesse (SV) au taux de 10/40e lui a été accordée en 2012. Elle a commencé à recevoir le Supplément de revenu garanti (SRG) peu de temps après. En 2019, le ministre a suspendu ses prestations après avoir décidé qu’elle avait résidé au Canada pendant seulement cinq ans sur les 17 années précédentes. Il a exigé qu’elle rembourse la somme de 89 400 $.

La requérante a fait appel devant la division générale (DG). La DG a tenu une audience par questions et réponses écrites et a rendu une décision en l’absence d’une réponse de la requérante.

La DG a rejeté l’appel. S’appuyant sur une décision rendue récemment par la division d’appel, intitulée SF et CF, la DG a décidé que le ministre avait le droit implicite de réexaminer ses décisions d’admissibilité initiales, pour autant qu’il le fasse de manière judiciaire. Le ministre peut seulement réexaminer des décisions antérieures s’il reçoit de nouveaux renseignements susceptibles de modifier le résultat original. De plus, le ministre doit décider rapidement s’il convient d’ouvrir une enquête et informer dès que possible la requérante si une décision est révisée par suite de l’enquête.

Dans la présente affaire, le ministre a décidé qu’une enquête était nécessaire après qu’il a reçu en juillet 2018 de l’information selon laquelle la requérante se trouvait en Iran. Le ministre a alors lancé une enquête et il a décidé que la requérante avait passé 31 mois à l’extérieur du Canada. Dans le mois qui a suivi la réception de l’historique des demandes de règlement de la requérante à l’Assurance santé de l’Ontario, en juin 2019, le ministre a mis fin à la pension de la SV et au SRG de la requérante. La DG a conclu que ces mesures étaient raisonnables et conformes à la décision SF et CF.

La DG a ensuite examiné la preuve concernant le lieu de résidence de la requérante. En examinant les timbres d’entrée et de sortie du passeport de la requérante, ainsi que les dossiers de l’Agence des services frontaliers du Canada, la DG a confirmé la conclusion du ministre selon laquelle elle avait passé de longues périodes à l’extérieur du Canada. Ses séjours au Canada étaient généralement beaucoup plus courts que ses séjours en Iran. Elle avait des liens financiers et sociaux limités au Canada et n’avait jamais eu la citoyenneté. Après avoir appliqué les critères de la décision Ding, la DG a conclu que la requérante avait accumulé des périodes de résidence au Canada entre ses visites en Iran qui totalisaient un peu plus de six ans, soit une année de plus que la période de résidence reconnue par le ministre dans sa décision de révision. Puisque la requérante ne répondait toujours pas à l’exigence minimale d’admissibilité des 10 années de résidence au Canada, la DG a exigé qu’elle rembourse toutes les sommes qu’elle avait touchées au titre de la pension de la SV et du SRG au cours des neuf années précédentes.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : FZ c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 854

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : F. Z.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Représentante ou représentant : Jordan Fine

Décision portée en appel : Décision de révision du ministre de l’Emploi et du Développement social datée du 2 mars 2020 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Pierre Vanderhout
Mode d’audience : Questions et réponses
Date de la décision : Le 15 novembre 2021
Numéros de dossier : GP-20-797

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli en partie.

[2] En date du 2 mars 2020, la requérante, F. Z., réside au Canada depuis 6 ans et 41 jours. Il s’agit d’une période de résidence au Canada supérieure à celle que le ministre de l’Emploi et du Développement social a reconnue dans sa décision de révision du 2 mars 2020.

[3] Toutefois, la requérante n’est toujours pas admissible à une pension de la Sécurité de la vieillesse ou au Supplément de revenu garanti. Cela signifie qu’elle doit rembourser les prestations qu’elle a reçues d’août 2012 à juin 2019. La requérante pourrait avoir accumulé plus de journées de résidence au Canada après le 2 mars 2020. Elle pourrait donc être admissible à la pension de la Sécurité de la vieillesse et au Supplément de revenu garanti à un moment donné.

[4] La présente décision explique pourquoi j’accueille l’appel en partie.

Aperçu

[5] La requérante a 76 ans. Elle est née en Iran et est arrivée au Canada le 24 juillet 2002. Elle a le statut juridique de « résidente permanente » du Canada. Elle ne semble pas être devenue citoyenne canadienne.

[6] En juillet 2011, la requérante a demandé une pension de la Sécurité de la vieillesse. Elle a reçu une pension partielle à un taux de 10/40e à compter d’août 2012. Elle a également demandé le Supplément de revenu garanti qu’elle a reçu pendant plusieurs années à compter d’août 2012. Le ministre a fini par enquêter sur son admissibilité à la pension de la Sécurité de la vieillesse et au Supplément de revenu garanti. Les prestations de la requérante ont été suspendues après les paiements de juin 2019, car le ministre a conclu qu’elle avait très peu résidé au Canada au cours des 17 années précédentes.

[7] Le ministre a jugé que la requérante n’avait accumulé que 5 ans et 81 jours de résidence au Canada. Par conséquent, elle n’a jamais été admissible à la pension de la Sécurité de la vieillesse et au Supplément de revenu garanti. Le ministre a exigé un remboursement de 89 440,45 $. Cela représentait les prestations de la Sécurité de la vieillesse et du Supplément de revenu garanti que la requérante a reçues d’août 2012 à juin 2019. Le 14 mai 2020, la requérante a fait appel au Tribunal de la sécurité sociale.

[8] La requérante a déclaré que le ministre avait décidé à l’origine qu’elle avait résidé au Canada, de sorte qu’elle devait pouvoir se fier à l’expertise et à l’approbation du ministre. Elle a ajouté qu’elle vivait principalement au Canada. Elle a aussi dit qu’elle était en mauvaise posture parce qu’elle n’avait pas de propriété, de revenu, d’emploi ou d’argentNote de bas page 1.

[9] Le ministre affirme que certaines des périodes revendiquées par la requérante comme étant des périodes de résidence au Canada n’auraient pas dû être traitées comme telles parce qu’elle n’a pas divulgué toutes ses absences du Canada dans sa demande. Une partie du temps qu’elle a passé au Canada était de simples périodes de « présence » et non de « résidence ». Ses longues absences fréquentes du Canada montrent qu’elle résidait en Iran. Par conséquent, le ministre affirme que la requérante n’a résidé au Canada que pendant quatre périodes totalisant 5 ans et 81 jours. Cela signifie qu’elle n’a jamais été admissible à la pension de la Sécurité de la vieillesse et au Supplément de revenu garanti.

Ce que la requérante doit prouver

[10] Pour que son appel soit accueilli, la requérante doit d’abord prouver qu’elle était admissible à une pension de la Sécurité de la vieillesse. Pour ce faire, elle doit prouver qu’elle a été « résidente » du Canada pendant au moins dix ans. De plus, elle peut uniquement recevoir le Supplément de revenu garanti si elle est admissible à une pension de la Sécurité de la vieillesse et si elle répond aux critères financiers du Supplément de revenu garanti. Enfin, si elle est admissible à la pension de la Sécurité de la vieillesse et au Supplément de revenu garanti, elle peut seulement continuer à les recevoir si elle réside toujours au CanadaNote de bas page 2.

Questions que je dois examiner en premier

La requérante n’était pas présente à l’audience

[11] La requérante souhaitait que son audience se déroule par questions et réponses écritesNote de bas page 3. Le 20 mai 2021, des questions écrites lui ont été envoyées, ainsi qu’au ministre. Les deux parties avaient jusqu’au 21 juin 2021 pour y répondreNote de bas page 4, mais aucune d’elles ne l’a fait. Le 17 août 2021, le Tribunal a donné à la requérante et au ministre jusqu’au 1er octobre 2021 pour répondre aux questions écrites. On a expliqué aux parties que le Tribunal pouvait rendre une décision finale après ce délai. Seul le ministre a répondu aux questionsNote de bas page 5. La requérante a même eu un mois de plus pour commenter les réponses du ministreNote de bas page 6. Toutefois, elle n’a rien fait. Les tentatives pour la joindre par téléphone ont échoué : les numéros qu’elle a fournis n’étaient pas en service. Je souligne que la requérante doit aviser le Tribunal « sans délai » de tout changement de ses coordonnéesNote de bas page 7.

[12] Une audience peut avoir lieu en l’absence de la requérante si elle a reçu l’avis d’audienceNote de bas page 8. J’ai jugé que la requérante avait reçu cet avis parce que le Tribunal avait tout envoyé à l’adresse fournie par la requérante, à London, en Ontario. Aucune des lettres n’a été renvoyée à l’expéditeur. Les documents postés par le Tribunal sont réputés avoir été reçus 10 jours après leur mise à la posteNote de bas page 9. Cela signifie que les questions initiales sont réputées avoir été communiquées à la requérante le 30 mai 2021. L’audience s’est donc déroulée par questions écrites, mais sans réponse de la part de la requérante.

Motifs de ma décision

[13] Avant d’examiner les périodes de résidence de la requérante au Canada, je dois d’abord décider si le ministre est autorisé à réexaminer sa décision initiale de lui accorder une pension de la Sécurité de la vieillesse. Le ministre a rendu sa décision initiale moins de trois mois après avoir reçu la demande de pension de la requéranteNote de bas page 10.

Le ministre peut-il réexaminer sa décision initiale d’admissibilité?

[14] La décision du ministre d’annuler la pension de la Sécurité de la vieillesse qu’il avait initialement accordée à la requérante est importante. Cela est particulièrement vrai lorsqu’on considère le montant qui doit être remboursé (89 440,45 $). La division d’appel du Tribunal a récemment examiné dans la décision SF et CF si le ministre pouvait le faireNote de bas page 11.

[15] Selon la décision SF et CF, le ministre peut réexaminer ses décisions initiales d’admissibilité. Toutefois, il doit le faire « de façon judiciaire ». Le ministre peut uniquement réexaminer des décisions antérieures si de nouveaux renseignements sont susceptibles de modifier l’issue initiale. De plus, dans la mesure où les délais relèvent du contrôle du ministre, celui-ci doit décider rapidement s’il y a lieu de réexaminer une décision antérieure ou non. Le ministre doit ensuite informer la partie requérante de la décision révisée, car un retard excessif pourrait constituer un abus de procédureNote de bas page 12.

[16] Dans le cas présent, le ministre a rendu la décision initiale très rapidement. Lorsque la requérante a présenté sa demande, elle a précisé qu’elle vivait au Canada depuis juillet 2002. Elle a présenté sa demande le 26 juillet 2011, et sa pension a été approuvée le 21 novembre 2011Note de bas page 13. Bien que la date exacte de sa demande de Supplément de revenu garanti ne soit pas claire, son Supplément de revenu garanti a été approuvé le 9 octobre 2012. Celui-ci était payable à compter d’août 2012Note de bas page 14.

[17] En réponse à une lettre du ministre, la requérante a déposé une déclaration en juillet 2018. Elle a déclaré avoir passé du temps en IranNote de bas page 15. Le ministre lui a ensuite demandé de remplir des questionnaires supplémentaires, qu’elle a déposés en août 2018 et en avril 2019Note de bas page 16. Le ministre a reçu d’autres documents entre janvier 2019 et juin 2019. Il s’agissait notamment de passeports, d’un rapport de l’Agence des services frontaliers du Canada et d’un historique de ses demandes de règlement à l’Assurance-santé de l’OntarioNote de bas page 17.

[18] J’estime que le ministre a reçu de nouveaux renseignements en juillet 2018, en fonction desquels il était raisonnable de décider qu’une enquête était nécessaire. Un questionnaire a rapidement été envoyé. J’estime aussi que le ministre n’a pas retardé inutilement le processus. Moins d’un mois après avoir reçu l’historique des demandes de règlement à l’Assurance-santé de l’Ontario en juin 2019, le ministre a décidé de mettre fin aux prestations de la Sécurité de la vieillesse et du Supplément de revenu garanti de la requéranteNote de bas page 18.

[19] De plus, j’estime que le ministre disposait en juin 2019 de nouveaux renseignements susceptibles de modifier la décision initiale. Cela a commencé avec la découverte en juillet 2018 que la requérante passait du temps en Iran. En avril 2019, le ministre a appris que ces absences pouvaient durer jusqu’à 31 mois d’affilée. L’absence de 31 mois a commencé en 2008, mais la requérante ne l’a pas divulguée dans sa demande de 2011Note de bas page 19. Le ministre a également appris que l’époux de la requérante était malade en IranNote de bas page 20. En juin 2019, l’examen de l’historique des demandes de règlement à l’Assurance‑santé de l’Ontario a révélé que les rendez‑vous médicaux de la requérante avaient été [traduction] « regroupés ». Ses rendez-vous étaient espacés, parfois même jusqu’à 30 moisNote de bas page 21.

[20] Tous ces renseignements donnent fortement à penser que la requérante résidait à l’étranger. Le ministre n’en savait rien lorsqu’il a accueilli la demande de 2011. Par conséquent, j’estime que le ministre avait le droit de réexaminer sa décision initiale d’admissibilité. Cela est conforme à la décision SF et CF.

[21] Je vais maintenant évaluer à quel moment la requérante a résidé au Canada.

À quel moment la requérante a-t-elle résidé au Canada?

[22] L’admissibilité de la requérante à la Sécurité de la vieillesse dépend du fait qu’elle ait résidé au Canada pendant au moins dix ans. Il est important de distinguer le fait d’être « résident » du fait d’être simplement « présent » au Canada. Une personne réside au Canada si elle « établit sa demeure et vit ordinairement dans une région du Canada ». Cela est différent du simple fait d’être physiquement présent au CanadaNote de bas page 22. Une personne peut donc être présente au Canada sans y résider. Le simple fait de fournir une adresse au Canada est différent de résider au Canada.

[23] Bien que le fait d’être « présent » au Canada ne permette pas de trancher l’appel de la requérante, il s’agit tout de même d’un facteur important. Par conséquent, j’ai compilé le tableau suivant en me fondant principalement sur les renseignements fournis par la requéranteNote de bas page 23. Il n’indique que ses périodes de « présence » au Canada, alors je vais y faire référence comme étant le « tableau de présence ».

Date de début Date de fin Pays Durée Sources supplémentaires
Le 5 octobre 1945 Le 24 juillet 2002 Iran Plus de 56 ans GD2-12 et GD2-105
Le 24 juillet 2002 Le 23 sept. 2002 Canada 62 jours GD2-12 et GD2-105
Le 23 sept. 2002 Le 27 juillet 2004 Iran 674 jours GD2-63
Le 27 juillet 2004 Le 29 sept. 2004 Canada 65 jours GD2-63
Le 29 sept. 2004 Le 25 mai 2006 Iran 604 jours GD2-91
Le 25 mai 2006 Le 11 nov. 2006 Canada 171 jours GD2-91
Le 11 nov. 2006 Le 12 juin 2007 Iran 214 jours GD2-91
Le 12 juin 2007 Le 26 avril 2008 Canada 320 jours GD2-91
Le 26 avril 2008 Le 7 déc. 2010 Iran 956 jours GD2-91
Le 7 déc. 2010 Le 18 août 2011 Canada 255 jours GD2-91
Le 18 août 2011 Le 5 avril 2012 Iran 232 jours GD2-99
Le 5 avril 2012 Le 22 février 2013 Canada 324 jours GD2-99
Le 22 février 2013 Le 27 déc. 2013 Iran 309 jours GD2-48
Le 27 déc. 2013 ? ? ? jours GD2-48
? Le 27 déc. 2014 Iran ? jours GD2-98
Le 27 déc. 2014 Le 8 octobre 2015 Canada 286 jours GD2-98
Le 8 octobre 2015 Le 21 avril 2017 Iran 562 jours GD2-91
Le 21 avril 2017 Le 2 mars 2020 Canada 1 047 jours GD2-91 et GD2-15

[24] Certaines entrées du tableau de présence apparaissent en caractères gras italiques. Le ministre admet que la requérante a résidé au Canada pendant ces périodes.

[25] Je remarque que la période du 27 décembre 2013 au 27 décembre 2014 est incertaine. La requérante laisse entendre que son départ apparent de l’Iran le 27 décembre 2013 a donné lieu à une entrée immédiate au Canada. Cependant, je ne vois aucune entrée au Canada autour du 27 décembre 2013. De plus, la version que la requérante a de ce tableau suggère à tort qu’elle est entrée au Canada le 27 décembre 2014, après avoir quitté le pays le 8 octobre 2015Note de bas page 24. Cela est impossible. Dans les circonstances, j’estime qu’il est probable que la requérante ne soit pas entrée au Canada en décembre 2013. Soit elle s’est rendue dans un pays tiers à ce moment‑là, soit le timbre de sortie de l’Iran de décembre 2013 date en fait de décembre 2014. Je remarque également qu’elle n’a reçu aucun soin médical en Ontario entre septembre 2012 et janvier 2015Note de bas page 25. Je conclus qu’elle n’était pas au Canada entre le 22 février 2013 et le 27 décembre 2014.

[26] Le ministre semble avoir accepté une grande partie de la présence de la requérante au Canada en tant que « résidence », lorsque cette présence a duré plus de six mois. La seule exception est la période du 5 avril 2012 au 22 février 2013 (le séjour de 2012). Je reviendrai au séjour de 2012 plus tard.

[27] La présence au Canada est importante pour établir la résidence d’une personne, mais ce n’est pas le seul facteur à considérer. La résidence est une question de fait qui nécessite d’examiner la situation de la requérante dans son ensemble. La Cour fédérale du Canada affirme que je dois tenir compte des facteurs suivants (facteurs établis dans la décision DingNote de bas page 26) :

  1. a) les liens prenant la forme de biens mobiliers;
  2. b) les liens sociaux au Canada;
  3. c) les autres liens au Canada (assurance-maladie, permis de conduire, bail de location, dossiers fiscaux, etc.);
  4. d) les liens dans un autre pays;
  5. e) la régularité et la durée du séjour au Canada, ainsi que la fréquence et la durée des absences du Canada;
  6. f) le mode de vie de la personne, ou la question de savoir si la personne vivant au Canada y est suffisamment enracinée et établie.

[28] Je vais maintenant appliquer ces facteurs aux faits de la présente affaire.

Application des facteurs établis dans la décision Ding

[29] La requérante a dit qu’elle n’avait de biens dans aucun paysNote de bas page 27. En ce qui concerne les liens sociaux au Canada, elle a déclaré en 2018 vivre avec son fils à London, en Ontario. Elle a dit que son fils avait le pouvoir de la représenter lorsqu’elle n’était pas disponibleNote de bas page 28. Son fils a appelé l’agent du ministre en août 2019Note de bas page 29. Lorsque la requérante a présenté sa demande de pension de la Sécurité de la vieillesse, son fils vivait dans une autre ville, mais des amis l’ont aidéeNote de bas page 30. Je ne vois aucune preuve de participation communautaire, comme dans des clubs ou des organisations. La requérante dit que sa capacité de communiquer en anglais est limitéeNote de bas page 31. Je conclus qu’elle avait des liens sociaux limités au Canada.

[30] La requérante avait d’autres liens au Canada, bien qu’ils ne soient pas très importants. Elle a reçu des soins médicaux en Ontario de temps à autre, bien que ses rendez-vous aient généralement été regroupésNote de bas page 32. Elle a déposé une carte Santé de l’Ontario qui était valide de juillet 2017 à octobre 2020Note de bas page 33. Elle a dit avoir payé un loyer, bien qu’elle n’ait pas déposé de bail et que son fils semble aussi vivre à la même adresseNote de bas page 34. Je n’ai vu aucun relevé d’impôt ni dossier de conduite.

[31] La requérante a manifestement des liens importants avec l’Iran. Elle conserve sa citoyenneté iranienne et ne semble pas être devenue citoyenne canadienne. Elle admet s’y rendre parfoisNote de bas page 35. Elle a dit qu’elle a dû s’occuper de son époux lorsqu’il était malade en IranNote de bas page 36. Elle pouvait y rester jusqu’à 31 mois d’affilée.

[32] La requérante a séjourné assez régulièrement au Canada, bien que bon nombre de ses séjours aient été assez courts. Le tableau de présence confirme que ces séjours étaient habituellement plus courts que ceux en Iran, surtout au cours des premières années. Ce n’est qu’en 2017 que la requérante a passé plus de 11 mois d’affilée au Canada. Entre 2002 et 2010 seulement, elle a fait trois séjours en Iran qui ont duré plus de 600 jours chacun. Elle a également passé 562 jours en Iran à compter de 2015, et probablement 673 jours entre février 2013 et décembre 2014.

[33] Le mode de vie de la requérante au Canada pendant les cinq premières années n’était certainement pas celui d’une personne bien enracinée et établie au pays. Ses séjours au Canada pendant cette période étaient tous de moins de six mois. Je vois davantage de preuves d’une existence bien établie depuis 2017. La requérante  a mentionné qu’elle avait de la difficulté à assumer ses dépenses quotidiennes, comme le loyer, la nourriture et les vêtementsNote de bas page 37. Néanmoins, son mode de vie au Canada jusqu’en 2017 semble instable. Elle était souvent à l’étranger pendant plus d’un an.

[34] Je reconnais que la requérante a résidé au Canada pendant les périodes admises par le ministre. Ces périodes sont indiquées en caractères gras italiques dans le tableau de présence. En appliquant les facteurs établis dans la décision Ding, j’accepte également le séjour de 2012 comme étant une période de résidence au Canada de 324 jours. Le séjour de 2012 de la requérante était plus long que son séjour précédent en Iran et que son séjour précédent au Canada (qui a déjà été accepté comme étant une période de résidence au Canada). J’accorde plus de poids à la durée de son séjour qu’aux autres facteurs établis dans la décision Ding, car bon nombre d’entre eux ne sont pas concluants. Je souligne toutefois que la requérante a reçu des soins médicaux en Ontario plus d’une fois en septembre 2012Note de bas page 38. Bien que j’y accorde très peu de poids, je note aussi que son fils a dit qu’elle vivait au Canada depuis 2012Note de bas page 39.

[35] Je n’admets pas que la requérante a résidé au Canada pendant les périodes en Iran entre les périodes de résidence au Canada. La période la plus courte en Iran était de 232 jours, tandis que la plus longue était de 956 jours. Ces périodes sont trop longues pour que la requérante ait maintenu sa résidence au Canada. Par ailleurs, l’application des facteurs établis dans la décision Ding à ces périodes ne permet pas de tirer cette conclusion.

[36] Je ne tire aucune conclusion au sujet de la résidence après la date de la décision de révision, soit le 2 mars 2020. Bien que la requérante ait pu accumuler plus de journées de résidence au Canada depuis, les parties ne se sont pas penchées sur cette période. Il serait injuste de tirer des conclusions sur la résidence après le 2 mars 2020.

[37] Dans l’ensemble, j’estime que la requérante a accumulé 2 232 jours (6 ans et 41 jours) de résidence au Canada jusqu’au 2 mars 2020. C’est plus que la période de résidence que le ministre a reconnue dans sa décision de révision du 2 mars 2020. Toutefois, cela ne suffit pas pour être admissible à la pension de la Sécurité de la vieillesse. Par ailleurs, sans pension de la Sécurité de la vieillesse, la requérante n’est pas admissible au Supplément de revenu garanti. Elle pourrait éventuellement accumuler dix ans de résidence au Canada et être admissible à la pension de la Sécurité de la vieillesse.

[38] La requérante affirme qu’elle devrait tout de même recevoir la pension de la Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti, car sans eux, elle ne pourra pas payer ses frais de subsistance. Je conviens que le Supplément de revenu garanti vise à aider les personnes âgées à faible revenu à payer leurs frais de subsistance. Toutefois, le Supplément de revenu garanti n’est offert qu’aux personnes âgées à faible revenu qui sont admissibles à la pension de la Sécurité de la vieillesse. L’admissibilité à la pension de la Sécurité de la vieillesse n’est pas fondée sur les besoins. Elle est fondée sur l’âge, le statut et la durée de la résidence au Canada. Comme la requérante ne satisfait pas à l’exigence relative à la durée de la résidence, sa situation financière n’est pas pertinente.

Quelle est l’incidence de mes conclusions sur la pension de la Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti de la requérante?

[39] La requérante n’a jamais été admissible à une pension de la Sécurité de la vieillesse. Comme elle n’avait accumulé que 6 ans et 41 jours de résidence au Canada jusqu’au 2 mars 2020, elle n’a jamais eu 10 ans de résidence au Canada. Cela signifie qu’elle n’a jamais été admissible au Supplément de revenu garanti non plusNote de bas page 40. Par conséquent, elle doit rembourser les prestations de 89 440,45 $ qu’elle a reçues d’août 2012 à septembre 2019Note de bas page 41.

La requérante doit-elle rembourser la totalité du trop-payé?

[40] La requérante laisse entendre que le ministre est responsable de tout trop‑payé et qu’il ne devrait donc pas exiger de remboursementNote de bas page 42. La loi permet au ministre de faire remise d’une partie ou de la totalité du montant du trop-payéNote de bas page 43. Toutefois, il s’agit d’un pouvoir discrétionnaire du ministre. Le Tribunal n’a pas le pouvoir de tirer des conclusions sur les décisions discrétionnaires du ministre. Si la requérante estime qu’elle ne devrait pas avoir à rembourser le trop-payé, elle devra demander au ministre de lui faire « remise » du trop-payé. Si la requérante n’est pas satisfaite de la décision du ministre concernant la remise, son seul recours est de demander à la Cour fédérale de procéder à un contrôle judiciaire de la décision du ministreNote de bas page 44.

Conclusion

[41] Je conclus que la requérante avait accumulé 6 ans et 41 jours de résidence au Canada jusqu’au 2 mars 2020. Cela signifie qu’elle n’a jamais été admissible à la pension de la Sécurité de la vieillesse ou au Supplément de revenu garanti, bien qu’elle pourrait éventuellement le devenir. Elle n’était donc pas admissible à la pension de la Sécurité de la vieillesse et aux prestations du Supplément de revenu garanti qu’elle a reçues. Par conséquent, elle doit rembourser le trop-payé de 89 440,45 $. Si elle estime qu’elle devrait être dispensée d’une partie ou de la totalité de ce montant, elle doit en faire la demande directement au ministre.

[42] Le ministre avait jugé que la requérante avait accumulé seulement 5 ans et 81 jours de résidence jusqu’au 2 mars 2020. J’ai admis que la requérante avait une période supplémentaire de résidence au Canada. L’appel est donc accueilli en partie, même si la requérante a toujours une obligation de remboursement.

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