Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Citation : JM c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 813

Numéro de dossier du Tribunal: GP-20-740

ENTRE :

J. M.

Appelante

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Intimé


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – section de la sécurité du revenu


DÉCISION RENDUE PAR : François Guérin
DATE DE L’AUDIENCE : 3 juin 2021
DATE DE LA DÉCISION : 8 juin 2021

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Motifs et décision

Aperçu

[1] L’appelante est née le 24 septembre 1956 et a fait une demande d’allocation au survivant (allocation au survivant) sous le Programme de la Sécurité de la vieillesse (SV) le 13 mai 2019Note de bas de page 1 suite au décès de Y. B. (le défunt).Note de bas de page 2

[2] La demande de l’appelante a été refusée par l’intimé le 23 août 2019Note de bas de page 3 sous prétexte que l’appelante n’était plus l’épouse du défunt depuis un jugement de divorce prononcé par la Cour supérieure du Québec le 30 avril 2004.Note de bas de page 4

[3] Le 30 août 2019, l’appelante a demandé le réexamen de cette décisionNote de bas de page 5 et le 17 mars 2020 l’intimé a maintenu sa décision finale.Note de bas de page 6 L’appelante a logé un appel de cette décision devant le Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) le 29 avril 2020.Note de bas de page 7

Question en litige

[4] Il n’y a qu’une question en litige dans cet appel. Il s’agit de déterminer si l’appelante était l’épouse ou la conjointe de fait du défunt et, si tel est le cas, établir les dates de leur relation.

Loi et règlement

[5] L’article 2 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse (LSV), un « survivant » est « la personne dont l’époux ou conjoint de fait est décédé et qui n’est pas, depuis ce décès, devenue l’époux ou conjoint de fait d’une autre personne. »

[6] Au sens de l’article 2 de la LSV, un « conjoint de fait » est « la personne qui, au moment considéré, vit avec la personne en cause dans une relation conjugale depuis au moins un an. Il est entendu que, dans le cas du décès de la personne en cause, moment considéré s’entend du moment du décès. »

[7] L’article 21 de la LSV prévoit le paiement d’une allocation au survivant admissible en fonction des dispositions prévues à la Loi et à ses règlements. L’allocation au survivant n’est versée que sur demande du survivant admissible. L’article 21(9)(a) de la LSV spécifie qu’il n’est versé aucune allocation au survivant pour tout mois antérieur de plus de onze mois à celui de la réception de la demande.

Quelle est la position de l’intimé ?

[8] L’intimé soumet que l’appelante était divorcée du défunt suite à une décision rendue par la Cour supérieure du Québec en date du 30 avril 2004 et que, en conséquence, elle ne satisfait pas aux exigences associées à l’admissibilité à l’allocation au survivant.Note de bas de page 8

Quelle est la position de l’appelante?

[9] L’appelante soumet qu’elle se considère toujours comme femme mariée, qu’elle n’a jamais signé de consentement de divorce que ce soit au Canada ou en France, et qu’elle est mariée en France selon le régime de la communauté légale. Elle demande au Tribunal d’invalider le jugement de divorce de la Cour supérieure du Québec du 30 avril 2004 et d’approuver sa demande d’allocation au survivant.Note de bas de page 9 Cependant, elle a témoigné qu’elle ne demande pas l’annulation du jugement ou de la convention en séparation.

Témoignage

[10] Lors de son témoignage, l’appelante a maintenu qu’elle se considère toujours comme femme mariée, qu’elle n’a jamais signé de consentement de divorce que ce soit au Canada ou en France, et qu’elle est mariée en France selon le régime de la communauté légale. L’appelante a expliqué le régime français du droit de la famille.Note de bas de page 10 L’appelante a expliqué que durant leur mariage et lorsqu’ils étaient au Canada, son époux a quitté la maison familiale vers 1999 et que, sans son consentement, il a entamé des procédures de séparation de corps et, par la suite, de divorce.

[11] L’appelante a témoigné que, d’après ses démarches et les informations qu’elle a obtenues, elle était toujours mariée conformément à la loi française. Elle considère que ce jugement de divorce nuit à son état civil réel et qu’en fonction de la loi française, on n’obtient le divorce qu’à l’amiable et que le tribunal n’intervient que dans des cas de force majeure.

[12] L’appelante a témoigné qu’elle habite à la même adresse depuis approximativement 35 ans. Elle a témoigné qu’elle y a toujours habité seule. Elle n’a jamais demeuré avec le défunt suite à son départ en 1999.

[13] Le Tribunal a demandé à l’appelante pourquoi, dans ses formulaires de demandes de l’allocation au survivantNote de bas de page 11 et de ses états de revenus,Note de bas de page 12 elle cochait plusieurs états civils. Elle a expliqué qu’ayant la double citoyenneté française et canadienne, qu’elle ne savait pas quel était vraiment son état civil et qu’elle ne savait pas non plus qu’il ne fallait cocher qu’une seule case. Elle a donc décidé de laisser l’intimé déterminer le statut.

[14] L’intimé a envoyé un questionnaireNote de bas de page 13 à l’appelante afin de clarifier sa réponse sur l’état civil dans sa demande d’allocation au survivant. Dans sa réponse au questionnaire en date du 16 juillet 2019, l’appelante a répondu qu’elle était mariée. Le Tribunal a demandé à l’appelante pourquoi elle avait répondu de la sorte, connaissant la décision de la Cour supérieure du Québec de 2004 et étant donné que l’option de répondre divorcée était également offerte. L’appelante a répondu qu’elle a répondu ainsi étant donné les informations qu’elle avait obtenues de la Régie des rentes du Québec (RRQ) et du Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale (MTES). Elle a également témoigné que pour obtenir le certificat de décès du défunt réclamé par l’intimé auprès du Directeur de l’état civil du Québec, elle a dû prouver qu’elle était mariée avec le défunt. Lorsqu’interrogée par le Tribunal, elle a confirmé avoir informé le Directeur de l’état civil du jugement de divorce de 2004 et que le Directeur de l’état civil du Québec avait tous les documents. Elle a donc coché « marié » sur le questionnaire de l’intimé car le Directeur de l’état civil du Québec avait accepté qu’elle était mariée afin de lui remettre le certificat de décès du défunt. Elle agirait de la même façon aujourd’hui, quel que soit l’endroit où elle va dans le système français, car elle a vérifié dans les registres qui indiquent qu’elle est mariée, et qu’elle doit bientôt déclarer le défunt comme décédé en vertu de la loi française car elle n’a pas signé de consentement à ce divorce et qu’elle y est toujours considérée comme étant mariée.

[15] L’appelante a témoigné qu’elle n’avait jamais consenti à ce divorce de la Cour supérieure du Québec. Lorsque le Tribunal lui a demandé si elle avait entamé des démarches auprès de la Cour supérieure du Québec afin de faire annuler ce jugement de divorce, l’appelante a témoigné n’avoir fait aucune démarche parce qu’elle n’en avait pas les moyens étant ruinée par la situation de santé de sa fille et sa situation financière personnelle. Elle n’en avait tout simplement pas les moyens.

[16] L’appelante a témoigné que suite au jugement de divorce de la Cour supérieure du Québec, elle n’a jamais épousé personne ou avoir été la conjointe de fait de quiconque.

[17] Elle a aussi témoigné que le défunt a commencé une relation avec une dame de la région de Trois-Rivières à peu près un an suite à son départ de la résidence familiale en 1999 et qu’il y est déménagé à peu près deux ans plus tard afin d’habiter avec cette dame. Le défunt a été en relation avec cette dame jusqu’à à peu près deux ans avant son décès. Bien qu’il soit décédé à Montréal, il habitait toujours à Trois-Rivières. Elle a témoigné ne pas avoir eu de contacts avec le défunt mais avoir été mis au courant de cette situation par son fils qui la tenait informée de la vie du défunt.

Analyse

Est-ce que l’appelante et le défunt étaient époux ou conjoints de fait au sens de la LSV à la date du décès du défunt, soit le 23 août 2018 ?

[18] L’appelante ne remet pas en question qu’il existe bel et bien un jugement de divorce entre elle et le défunt qui a été prononcé le 30 avril 2004 par la Cour supérieure du Québec. Elle demande plutôt au Tribunal de l’invalider, ce pourquoi le Tribunal n’a pas la juridiction.

[19] L’appelante admet n’avoir fait aucune démarche auprès de la Cour supérieure du Québec suite à ce jugement parce qu’elle n’en avait pas les moyens. Étant donné qu’elle n’a fait aucune démarche afin de faire un suivi et modifier ce jugement de divorce par les autorités compétentes, le Tribunal considère que ce jugement de divorce est toujours valide et que l’appelante est donc divorcée conformément à la loi canadienne.

[20] Le Tribunal a aussi posé des questions à l’appelante afin de savoir si, suite au prononcé de ce divorce, celle-ci et le défunt avaient pu rétablir une relation conjugale. Cependant, l’appelante a témoigné qu’elle et le défunt n’ont jamais établis de relation conjugale de conjoints de fait suite au prononcé du jugement de divorce du 30 avril 2004 par la Cour supérieure du Québec. Le Tribunal ne peut que conclure que l’appelante et le défunt n’étaient pas dans une relation conjugale de conjoints de fait au moment du décès de celui-ci.

Conclusion

[21] Je suis sensible aux arguments de l’appelante et sa situation personnelle. Cependant, étant donné que l’appelante n’était plus l’épouse du défunt au sens de la Loi et qu’elle n’avait pas établi une relation conjugale de conjoints de fait avec celui-ci suite au jugement de divorce du 30 avril 2004 par la Cour supérieure du Québec et avant le décès du défunt, l’appelante ne répond pas à la définition de survivante au sens de la LSV.

[22] L’appel est rejeté.

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