Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : RP c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2022 TSS 26

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission d’en appeler

Partie demanderesse : R. P.
Partie défenderesse : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 21 juillet 2021 et du 26 juillet 2021

Membre du Tribunal : Shirley Netten
Date de la décision : Le 20 janvier 2022
Numéro de dossier : AD-21-266

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Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le requérant, R. P., a un dossier d’appel qui est en cours de traitement à la division générale du Tribunal. En avril 2020, Service Canada a rendu une décision découlant de la révision de l’admissibilité du requérant aux prestations en vertu de la Loi sur la sécurité de la vieillesse. Dans cette décision, Service Canada faisait apparemment état d’un paiement en moins de la pension de la Sécurité de la vieillesse, d’un trop-payé de Supplément de revenu garanti et d’une dette de 717,78 $ qui en découlaitNote de bas page 1. La division générale a rendu plusieurs décisions provisoires en réponse aux demandes du requérant, mais n’a pas encore rendu de décision définitive dans le cadre de l’appel.

[3] Entre-temps, le 10 mai 2021, Service Canada a rappelé au requérant le trop-payé de 717,78 $. Dans sa lettre, Service Canada a informé le requérant qu’il pouvait demander une révision, ce que le requérant a fait le 6 juin 2021. Comme il n’a pas reçu de réponse, le requérant a présenté une nouvelle demande d’appel à la division générale le 8 juillet 2021.

[4] La division générale a décidé qu’elle ne pouvait pas traiter l’appel du requérant sans la décision découlant de la révision de Service Canada ou la réponse à la demande de révision. Le requérant cherche maintenant à obtenir la permission d’appeler de cette décision de la division générale devant la division d’appel.

[5] Je n’accorde pas la permission d’en appeler au requérant, car son appel n’a pas de chance raisonnable de succès.

Question préliminaire – statut du défendeur

[6] Le requérant voulait savoir comment cette question (et toute autre question de sécurité du revenu) pourrait être traitée s’il n’y a pas de ministre de l’Emploi et du Développement social.

[7] En novembre 2019, l’honorable Carla Qualtrough a été nommée « [m]inistre de l’Emploi et du Développement social devant porter le titre de ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et de l’Inclusion des personnes handicapéesNote de bas page 2 ». Par conséquent, l’honorable Carla Qualtrough est la ministre de l’Emploi et du Développement social.

Question en litige – ce que je dois décider

[8] Le présent appel ne peut être instruit que si j’accorde d’abord la permission d’en appelerNote de bas page 3. À cette étape, la division d’appel doit être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas page 4. Cela signifie qu’il doit y avoir un motif défendable (moyen d’appel) qui pourrait donner gain de cause à l’appel du requérantNote de bas page 5.

[9] Les moyens d’appel possibles à la division d’appel sont les suivants :

  • la division générale a agi de façon inéquitable;
  • la division générale n’a pas exercé sa compétence ou l’a excédée;
  • la division générale a commis une erreur de droit en rendant sa décision;
  • la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qui est contraire aux éléments de preuve ou qui ne tient pas compte des éléments de preuveNote de bas page 6.

[10] Je dois donc décider si le requérant a une cause défendable fondée sur l’une de ces erreurs.

Analyse

[11] La division générale a déclaré qu’elle ne pouvait pas traiter l’appel du requérant sans la décision découlant de la révision de Service Canada ou sa réponse à la demande de révision du requérant. La division générale a fondé cette décision sur :

  • le fait que le requérant n’a pas présenté une décision découlant de la révision ou de réponse à sa demande de révision;
  • l’exigence énoncée à l’article 24 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle un appel devant la division générale doit comprendre une copie de la décision découlant de la révisionNote de bas page 7.

[12] Il y a un chevauchement entre les nombreux arguments soulevés par le requérant. J’ai abordé ses arguments ci-dessous. Les titres des rubriques reflètent les moyens d’appel permis ci-dessous.

Il n’est pas possible de soutenir que le processus de la division générale était inéquitable

[13] Le requérant affirme que la division générale n’a pas tenu d’audience sur une question de droit avant de rendre sa décision.

[14] La division générale n’est pas obligée de tenir une audience de vive voix pour décider si les exigences pour faire appel ont été respectées. L’obligation d’équité procédurale est souple. Les audiences orales ne sont pas toujours nécessaires, à condition qu’un tribunal rende ses décisions selon une procédure équitable, adaptée à la nature de la décisionNote de bas page 8.

[15] Dans le présent dossier, la division générale n’a pas rendu de décision de fond ou définitive liée à l’appel du requérant; elle a plutôt déclaré que la demande d’appel était incomplète (ou prématurée) sans la réponse de la ministre à la demande de révision. Le requérant a eu l’occasion d’exposer les faits dans son avis d’appel, et les faits pertinents ne sont pas contestés. Le requérant a conservé le droit de déposer un autre avis d’appel dans le futur. Je ne vois aucune cause défendable selon laquelle la division générale aurait dû tenir une audience orale dans ce contexte.

[16] Le requérant affirme également que la division générale a fait preuve de partialité ou n’a pas agi de façon indépendante en permettant à la ministre de retarder sa réponse à sa demande de révision, ce qui est contrairement à l’obligation réglementaire. Cet argument traduit une mauvaise compréhension de la compétence de la division générale. La division générale ne « permet » pas à la ministre de retarder sa réponse; elle n’a aucun rôle à jouer à l’étape de la révision du processus de recours. La division générale peut modifier ou remplacer la décision découlant de la révision de la ministre, mais elle n’a aucun pouvoir sur les processus internes de la ministreNote de bas page 9. Je ne vois pas de quelle façon on pourrait soutenir que le manque de contrôle de la division générale sur les processus de la ministre laisse croire qu’elle a eu un parti pris lorsqu’elle a décidé de ne pas traiter l’appel du requérant.

Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a commis des erreurs de compétence

[17] Le requérant affirme que la division générale a commis une erreur en n’acceptant pas sa compétence dans le cadre de son appel. Je ne vois pas de quelle façon on pourrait soutenir que la division générale avait la compétence pour entendre l’appel du requérant tel que présenté.

[18] La compétence de la division générale, ou son mandat statutaire, se limite à instruire les appels des décisions découlant de révisions en vertu de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, du Régime de pensions du Canada et de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 10. À la division générale, il n’y a pas eu de décision découlant d’une révision à porter en appelNote de bas page 11 et il n’y a pas eu de refus de rendre une décision découlant d’une révisionNote de bas page 12. La décision découlant de la révision concernant les prestations du requérant (sous-jacente au rappel du trop-payé du 10 mai 2021) faisait déjà l’objet d’un appel en cours à la division générale.

[19] Le requérant soutient également que la division générale aurait dû aborder les questions suivantes :

  • La ministre a-t-elle contrevenu à l’article 27.1(2) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse (qui l’oblige à rendre une décision découlant d’une révision sans délai)?
  • Service Canada a-t-il le pouvoir de rendre des décisions au nom de la ministre?

[20] Je ne vois pas de chance raisonnable de succès pour ces arguments. Non seulement le mandat de la division générale se limite aux appels des décisions découlant de révisions, mais elle ne peut conclure ces appels que de la façon suivante :

La division générale peut rejeter l’appel ou confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision visée par l’appel ou rendre la décision que la ministre ou la Commission aurait dû rendreNote de bas page 13.

[21] La division générale ne peut pas orienter les procédures internes de la ministre ni sanctionner la ministre pour ne pas avoir suivi les procéduresNote de bas page 14. Pour en arriver à sa décision, la division générale peut trancher des questions de droit ou de fait, mais seulement les questions nécessaires pour statuer sur l’appelNote de bas page 15. La division générale ne dispose d’aucun pouvoir autonome lui permettant de faire une déclaration sur une question de fait ou de droit en dehors des limites d’un appel d’une décision précise découlant d’une révision. Bien que la Cour fédérale puisse émettre un bref de mandamusNote de bas page 16 enjoignant à la ministre de rendre une décision découlant d’une révision dans un certain délai, ce n’est pas le cas pour la division générale (et la division d’appel)Note de bas page 17.

Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en rendant sa décision

[22] Le requérant affirme que la division générale a commis de nombreuses erreurs de droit.

[23] Premièrement, le requérant affirme que la division générale n’a pas fourni par écrit les motifs de sa décision, comme l’exige l’article 54(2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social. Toutefois, l’article 54(2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social exige seulement des motifs par écrit pour les décisions rendues sur le fond. Dans le présent dossier, la division générale a simplement rendu une décision procédurale selon laquelle l’appel du requérant ne peut pas encore être traité. Quoi qu’il en soit, la division générale a justifié sa décision en expliquant que le requérant n’avait pas présenté de décision découlant de la révision ou de réponse à sa demande de révision, comme l’exige le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale. Je crois qu’il est impossible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en ne fournissant pas par écrit les motifs de sa décision.

[24] Deuxièmement, le requérant affirme que la division générale a commis une erreur en lui ordonnant d’envoyer son avis d’appel à Service Canada pour obtenir une décision. Toutefois, le Secrétariat du Tribunal n’a rien fait d’autre que de suggérer au requérant d’envoyer ses renseignements à Service Canada. Il ne s’agissait pas d’une directive, d’un ordre ou d’une décision. De plus, le Secrétariat n’a pas indiqué que Service Canada rendrait une décision au sujet de l’appel du requérant. Je ne vois pas de quelle façon on pourrait soutenir que la suggestion faite par le Secrétariat au requérant reflète une erreur de droit.

[25] Troisièmement, le requérant affirme que la division générale a commis des erreurs de droit en décidant que seul lui, et non la ministre, devait présenter la décision découlant de la révision. Le requérant soutient qu’il n’y a aucune obligation légale ou réglementaire selon laquelle il doit présenter la décision découlant de la révision devant le Tribunal. C’est inexact. Comme il a déjà été mentionné, aux termes de l’article 24(1)(a) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, le requérant doit présenter la décision découlant de la révision pour entamer le processus d’appel. La division générale n’a fait aucun commentaire au sujet de l’obligation de la ministre de présenter la décision découlant de la révision et n’a pas attendu que la ministre la présente, car l’obligation de la ministre s’applique à une étape ultérieure, soit après que le processus d’appel ait été enclenchéNote de bas page 18. L’obligation de la ministre ne change rien à la question de savoir si l’appel du requérant pourrait être traité. Je ne vois pas de quelle façon on pourrait soutenir que la division générale a commis une erreur en exigeant du requérant et non de la ministre qu’il présente la décision découlant de la révision avant que le dossier d’appel puisse être ouvert.

[26] Quatrièmement, le requérant affirme que la division générale a commis une erreur en ne renonçant pas à l’obligation de présenter la décision découlant de la révision. Le requérant a raison d’affirmer que le Tribunal a le pouvoir d’exempter une partie de l’application de toute disposition du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale s’il existe des « circonstances spéciales »Note de bas page 19. Le Tribunal a utilisé ce pouvoir pour permettre à un appel d’aller de l’avant lorsque la décision découlant de la révision existait, mais qu’elle n’avait pas été présentée dans les délais prescritsNote de bas page 20.

[27] Je ne connais pas de dossier où la division générale (ou la division d’appel dans le cadre d’un appel) a traité un appel sans une décision découlant de la révision ou sans un refus documenté de rendre une décision découlant d’une révision. C’est logique, car (comme nous l’avons vu plus haut) la compétence de la division générale se limite aux appels concernant les décisions découlant d’une révision. L’appel du requérant n’a pas révélé de circonstances spéciales qui permettraient à la division générale d’aller de l’avant en l’absence d’une décision découlant d’une révision. En effet, il ne servirait à rien de traiter un appel s’il n’y a pas de décision à porter en appel. Je ne vois pas de quelle manière on pourrait soutenir que la division générale a commis une erreur en ne renonçant pas à l’obligation pour le requérant de présenter une décision découlant d’une décision.

[28] Enfin, le requérant affirme que la division générale a commis une erreur de droit, parce que le vice-président a appuyé une décision du Secrétariat du Tribunal et que le Secrétariat ne peut pas prendre ce genre de décision. Je ne vois pas l’utilité de cet argument. Le Tribunal peut donner des directives au Secrétariat quant au moment où un appel peut être traité ou non, pourvu qu’il donne « suffisamment de précisions »; il ne s’agit pas d’une délégation illégale de pouvoir, car les fonctions du Secrétariat demeurent de nature administrativeNote de bas page 21. Même si ce n’était pas le cas, un membre de la division générale (le vice-président) a confirmé la décision de ne pas traiter l’appel du requérant. Bien que le requérant n’aime pas l’utilisation du terme [traduction] « approbation » par le vice-président, cela permet simplement de reconnaître qu’une décision initiale a été communiquée par le Secrétariat. Selon moi, il est impossible de soutenir que la division générale aurait commis une erreur de droit dans la façon dont elle a rendu sa décision dans cette affaire.

Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a fondé sa décision sur des erreurs de fait

[29] Le requérant affirme que division générale a commis des erreurs de fait :

  • en ne reconnaissant pas qu’il avait déjà présenté une demande de révision de la lettre de Service Canada datée de mai 2021 en temps opportun;
  • en ne reconnaissant pas que la ministre est tenue de rendre sans délai une décision concernant une demande de révision.

[30] Je ne vois pas de chance raisonnable de succès pour ces arguments. La division générale n’a tiré aucune conclusion de fait concernant la demande de révision du requérant ou le délai de réponse de la ministre. C’est parce que ces faits n’étaient pas pertinents à sa décision de ne pas traiter l’appel du requérant. Ce qui importait, c’était l’absence d’une décision découlant de la révision. Les faits qui sous-tendent la décision de la division générale ne sont pas contestés : lorsque le requérant a présenté son avis d’appel à la division générale, Service Canada n’avait pas rendu de décision découlant de la révision et n’avait pas répondu à la demande de révision. Je ne vois pas de quelle façon on pourrait soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait.

Commentaires et demande du conseil de la ministre

[31] Le requérant soutient également que le conseil de la ministre a présenté un nouvel élément de preuve (une lettre datée du 30 août 2021) sans la permission de la division d’appel. Cela ne signifie pas que la division générale a commis une erreur.

[32] J’ai demandé expressément au conseil de la ministre une copie de la réponse de Service Canada à la demande de révision du requérant. C’était dans le but de peut-être faciliter le règlement de l’appel du requérantNote de bas page 22. La lettre du 30 août 2021, dans laquelle il est indiqué que la lettre du 10 mai 2021 est retirée, n’est pas pertinente à la question de savoir si la division générale a commis une erreur en ne traitant pas l’appel du requérant en juillet 2021. Je ne vois rien de suspect dans le fait que le conseil de la ministre ait adressé sa lettre au gestionnaire des Opérations de la division d’appel. Peu importe la façon dont cela est abordé, la correspondance relative à une demande ou à un appel est présentée au membre de la division d’appel.

[33] Faisant référence aux décisions interlocutoires rendues par la division générale, le conseil de la ministre demande que je ne permette pas au requérant d’ [traduction] « diriger l’instance d’une manière qui mobilise des ressources, empêche les autres parties de répondre et retarde la décision liée à ses prestations de la Sécurité de la vieillesseNote de bas page 23 ». Je suis d’accord avec le conseil de la ministre selon lequel la division d’appel a le pouvoir général de contrôler ses propres procédures. Puisqu’aucune instance impliquant le requérant n’est en cours à la division d’appel, je ne ferai part d’aucune directive pour l’instant. Si le requérant présente une nouvelle demande à la division d’appel dans le futur, je déciderai (avec l’aide du requérant) s’il est approprié de mettre cette demande en attente jusqu’à ce que l’appel à la division générale soit terminé.

Conclusion

[34] Bien qu’il ait demandé la révision de la lettre de Service Canada datée du 10 mai 2021, le requérant affirme maintenant qu’il ne veut pas faire appel de cette lettreNote de bas page 24. Il veut faire appel de la décision sous-jacente concernant le trop-payé, mais le processus pour cet appel est déjà enclenché à la division générale. Alors, pourquoi le requérant continue-t-il avec cet appel? Sous son meilleur jour, le requérant veut défendre celles et ceux qui attendent longtemps pour obtenir une décision découlant d’une révision. Par exemple, il veut une déclaration selon laquelle la ministre (et non Service Canada) doit répondre sans délai aux demandes de révision, plus précisément dans une période de 30 joursNote de bas page 25. Toutefois, comme je l’ai expliqué plus haut, cette demande traduit une mauvaise compréhension du mandat législatif de la division générale.

[35] La division générale n’a tranché qu’une seule question préliminaire, en juillet 2021 : l’appel du requérant peut-il être traité maintenant? La division générale a décidé que l’appel ne pouvait pas être traité en l’absence d’une réponse à la demande de révision du requérant. Je n’ai trouvé aucun argument défendable selon lequel la division générale a commis une erreur de compétence, de procédure, de droit ou de fait en rendant cette décision. Comme il n’y a aucune chance raisonnable de succès, la permission d’en appeler est refusée.

[36] Étant donné que le requérant peut trouver nébuleuse la question en litige portée en appel devant la division généraleNote de bas page 26, je demande qu’une copie de cette décision soit versée au dossier de cet appel.

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