Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : YA c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2022 TSS 83

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : Y. A.
Représentante ou représentant : D. C.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Représentante ou représentant : Jared Porter

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 15 décembre 2021 (GP-21-1631)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Mode d’audience : Sur la foi du dossier
Date de la décision : Le 10 février 2022
Numéro de dossier : AD-22-2

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] Cet appel porte sur ce qu’il faut faire pour présenter une demande au titre de la Loi sur la sécurité de la vieillesse.

[3] Le requérant, Y. A., a posté une demande de Supplément de revenu garanti (SRG) à Service Canada quelque part en juin 2020. Service Canada a estampillé la demande comme ayant été reçue le 2 juillet 2020 et l’a par la suite approuvée à partir d’août 2019. D’après Service Canada, la date de ce premier paiement, 11 mois avant la date de demande, était la date la plus antérieure permise par la loi.

[4] Le requérant était d’avis que son SRG aurait dû commencer à être versé un mois plus tôt. Il a fait appel de la décision de Service Canada concernant la date de son premier paiement devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Il a fait valoir que Service Canada n’a pas reçu sa demande avant juillet, mais qu’il l’avait bel et bien postée en juin.

[5] La division générale a rejeté de façon sommaire l’appel du requérant parce qu’elle n’était pas convaincue que l’appel avait une chance raisonnable de succès.

[6] Le requérant fait maintenant appel du rejet sommaire devant la division d’appel du Tribunal. Il insiste sur le fait que Service Canada a reçu sa demande avant le 2 juillet 2020. Il prétend que la demande n’a pas été traitée et estampillée avant le 2 juillet 2020 en raison des mesures préventives contre la COVID-19. Il soutient que Service Canada ne l’a pas informé des options autres que la poste pour envoyer sa demande.

[6] J’ai décidé qu’il n’était pas nécessaire de tenir une audience orale dans cette affaire. Les questions en litige sont claires, tout comme le sont les faits pertinents et le droit applicable. La décision est fondée sur mon examen des documents déjà versés au dossier, soit les observations du requérant et l’information qui a été portée à la connaissance de la division générale.

Questions en litige

[7] Le mois dernier, j’ai tenu une conférence préparatoire à l’audience pour discuter des questions en litige dans cette affaireNote de bas page 1. À la conférence, j’ai résumé le raisonnement expliquant le rejet sommaire de l’appel du requérant. J’ai également décrit les quatre moyens d’appel à la division d’appel qui exigent que le requérant démontre que la division générale :

  • a agi de façon injuste;
  • a outrepassé ses pouvoirs ou a refusé de les exercer;
  • a mal interprété la loi;
  • a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas page 2.

[8] J’ai dit au requérant que la loi définit précisément le moment où la demande est faite. Il s’agit du moment où Service Canada la reçoit, et non du moment où le demandeur l’envoie. J’ai informé le requérant que sa meilleure chance de succès en appel dépendait de sa capacité à démontrer que la division générale n’avait pas tenu compte de la preuve selon laquelle Service Canada avait reçu la demande en juin, mais que, pour une raison quelconque, il n’avait pas estampillé la date avant le mois suivant. J’ai donné aux parties l’occasion de présenter des observations écrites supplémentaires sur cette question, et les deux parties s’en sont prévaluesNote de bas page 3.

[9] Je considère que les questions en litige dans cet appel sont les suivantes :

  • La division générale a-t-elle appliqué le critère approprié relativement aux rejets sommaires?
  • L’un ou l’autre des motifs d’appel du requérant est-il fondé?

Analyse

[10] J’ai examiné la décision de la division générale, ainsi que le droit et la preuve qu’elle a utilisée pour parvenir à sa décision. J’ai conclu que la décision doit être maintenue.

La division générale a appliqué le critère approprié relativement aux rejets sommaires

[11] À mon avis, la division générale a jugé l’appel du requérant d’une manière appropriée. Dans sa décision, la division générale a déclaré à juste titre qu’elle pouvait rejeter sommairement un appel s’il n’avait aucune chance raisonnable de succèsNote de bas page 4. Je suis convaincu que la division générale a bien compris le critère juridique et l’a appliqué correctement aux faits.

[12] Le seuil relatif au rejet sommaire est élevéNote de bas page 5. Il ne suffit pas d’examiner le fond d’une cause en l’absence des parties et de conclure que l’appel n’a aucune chance de succès. Un décideur doit déterminer s’il est évident et manifeste sur la foi du dossier que l’appel est voué à l’échecNote de bas page 6. La question n’est pas celle de savoir si le décideur doit rejeter l’appel après avoir examiné à fond les faits, la jurisprudence et les arguments des parties. Il s’agit plutôt de savoir si l’appel est voué à l’échec, peu importe les éléments de preuve ou arguments qui pourraient être présentés lors d'une audience.

[13] Dans cette affaire, la division générale a rejeté l’appel du requérant en raison d’une règle qui prévoit qu’une demande est faite à la date à laquelle elle est reçue et non à la date de son envoi. La division générale a ainsi appliqué correctement un seuil élevé en concluant que l’appel n’avait « aucune chance raisonnable de succès ». Pour des raisons que j’expliquerai plus en détail, il était évident et manifeste sur la foi du dossier que l’appel du requérant était voué à l’échec.

Aucun motif d’appel du requérant n’est fondé

[14] Je ne vois pas en quoi la division générale a commis des erreurs en rendant sa décision. La division générale a examiné le dossier et a conclu que le requérant a soumis sa demande le 2 juillet 2020. Je ne vois aucune raison d’interférer avec cette conclusion.

La loi définit précisément quand une demande est faite

[15] L’article 3(2) du Règlement de la sécurité de la vieillesse prévoit qu’une demande « n’est réputée présentée que si une formule de demande remplie par le demandeur ou en son nom est reçue par le ministre ».

[16] Le libellé de cette disposition est clair. C’est la réception de la demande, et non son envoi, qui active la demande. L’expression « que si » laisse entendre qu’il n’y a pas d’autre mécanisme pour faire une demande que de la remettre entre les mains du ministre ou de l’un de ses agents autorisés, comme Service Canada.

Les tentatives du requérant pour envoyer sa demande en juin ne sont pas pertinentes

[17] Devant la division générale, le requérant a soutenu qu’il avait mis sa demande à la poste à la mi‑juin, mais qu’elle avait été égarée, soit par Postes Canada ou par Service Canada, pendant deux semainesNote de bas page 7.

[18] Dans sa décision, la division générale a abordé cette affirmation, mais elle a décidé qu’elle n’avait aucune portée sur le résultat de l’appel. La division générale a conclu qu’il n’était pas suffisant d’envoyer ou d’essayer d’envoyer une demande.

[19] Je ne vois pas en quoi la division générale a commis une erreur en arrivant à cette conclusion.

[20] La division générale a reconnu à juste titre que la loi ne laisse aucune ambiguïté quant au moment où une demande est faite. Pour être valide, une demande doit être reçue par le ministre. Dans la présente affaire, le fait que le requérant a posté sa demande en juin était sans importance si elle n’arrivait pas à destination avant le mois suivant.

[21] J’ai offert au représentant du requérant une occasion de démontrer que la division générale a ignoré la preuve selon laquelle la demande de son client a été livrée à Service Canada en juin, mais qu’elle avait été égarée jusqu’au 2 juillet 2020. En guise de réponse, le représentant a fourni une lettre qui dressait une liste de trois bureaux de Service Canada à Halifax où il dit avoir essayé de déposer la demande du requérant. La lettre disait que chaque tentative avait été infructueuse parce que les bureaux étaient fermés en raison de la COVID‑19.

[22] Malheureusement, cette information n’aide pas le requérant. Premièrement, il s’agit seulement d’une version plus complète d’une histoire qui a déjà été entendue et rejetée par la division générale. Deuxièmement, l’information n’a rien changé au fait que peu importe si les bureaux de Service Canada étaient ouverts ou fermés, la loi obligeait le requérant à livrer sa demande au ministre ou à ses agents d’une manière ou d’une autre.

[23] Le requérant dit qu’il n’était pas au courant que sa demande aurait pu être transmise par d’autres moyens, comme le courriel, mais ce point n’est pas non plus pertinent. Telle qu’elle est rédigée, la loi est stricte et ne tient pas compte du manque de familiarité d’un requérant avec le processus de demande. La loi ne prévoit pas non plus d’éventualités pour des événements imprévus, comme des urgences de santé publique, qui pourraient empêcher les Canadiens d’avoir accès aux services gouvernementaux.

Les allégations du requérant concernant le courrier égaré sont spéculatives et ne peuvent en aucun cas être prises en compte

[24] Le requérant fait aussi valoir qu’étant donné qu’un grand organisme comme Service Canada reçoit une très grande quantité de courrier, il est immanquable que certains envois se perdent.

[25] Encore une fois, cet argument n’aide pas le requérant parce qu’il s’agit simplement de l’élaboration d’un point qu’il a déjà soulevé devant la division générale. Dans sa décision, la division générale a brièvement fait référence à la suggestion du requérant selon laquelle sa demande aurait pu demeurer en suspens dans un bureau de Service CanadaNote de bas page 8. Cependant, la division générale a vraisemblablement rejeté cette suggestion en raison du manque de preuve. Pour ma part, je ne peux pas examiner si une telle hypothèse est fondée parce que le mandat de la division d’appel se limite à l’examen de quatre types d’erreurs précis. Cependant, je peux dire que si j’étais autorisé à examiner cette hypothèse sur le fond, je la trouverais probablement spéculative, au mieux.

La division générale et la division d’appel doivent toutes deux appliquer la loi

[26] Le requérant fait valoir qu’il a fait de son mieux pour soumettre sa demande en juin, mais qu’il n’a pas pu le faire, et que ce n’était pas de sa faute.

[27] Je peux comprendre la frustration du requérant. Malheureusement, cet argument ne peut pas lui donner gain de cause.

[28] Le représentant du requérant insiste pour dire qu’il a fait au moins trois tentatives pour livrer la demande de son client dans divers bureaux de Service Canada, seulement pour constater qu’ils étaient tous fermés en raison des mesures contre la COVID. Il dit avoir posté la demande à la mi-juin et que Postes Canada ou Service Canada n’y a pas touché pendant deux semaines.

[29] Aucun de ces arguments n’a toutefois d’importance du moment que la demande a été estampillée en juillet. La division générale est tenue d’appliquer la loi. Elle ne pouvait pas tenir compte de quelconques circonstances atténuantes concernant la demande du requérant. Je ne peux pas le faire non plus. Malgré l’empathie que nous pouvons ressentir à l’égard du requérant, nous ne pouvons pas ignorer les dispositions explicites de la Loi sur la sécurité de la vieillesse et de son Règlement afin de simplement lui donner ce qu’il veutNote de bas page 9.

Conclusion

[30] Le requérant n’a pas démontré que la division générale avait commis une erreur lorsqu’elle a conclu qu’il n’était pas admissible à un paiement rétroactif de SRG supplémentaire.

[31] L’appel est donc rejeté.

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