Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : AM c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 907

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : A. M.
Représentant : J. M.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de révision (pages GD2-3 à GD2-7 du dossier d’appel) rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social le 16 septembre 2020 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : François Guérin
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 23 septembre 2021
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentant de l’appelant
Interprète pendjabi-anglais

Date de la décision : Le 23 novembre 2021
Numéro de dossier : GP-20-1554

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] Le ministre dispose de vastes pouvoirs pour réévaluer l’admissibilité d’une personne après l’approbation de sa demande et le début des versements.

[3] L’appelant (A. M.) ne résidait pas au Canada du 18 avril 2008 au 12 février 2013.

[4] Il résidait au Canada du 13 février 2013 au 31 mai 2016.

[5] Il résidait au Canada du 1er juin 2016 au 23 septembre 2021.

[6] La date d’admissibilité à la pension partielle de la Sécurité de la vieillesse ne peut pas être modifiée comme le demande l’appelant. Elle demeure le 1er juin 2016.

[7] Je conclus qu’en date du 1er juin 2016, l’appelant peut bénéficier d’une pension partielle de la Sécurité de la vieillesse au taux de 3/40e, car il résidait au Canada du 13 février 2013 au 31 mai 2016, période qui s’ajoute aux 9 années admissibles au sens de l’Accord conclu avec l’Inde.

Aperçu

[8] L’appelant est né en Inde le XNote de bas de page 1. Il est entré au Canada pour la première fois le 18 avril 2008. Il avait près de 61 ans. Il a eu 65 ans le X. Il est devenu résident permanent le 13 février 2013. Il a demandé une pension de la Sécurité de la vieillesse le 26 mai 2017Note de bas de page 2. Le 13 août 2019, l’intimé (aussi appelé le ministre) a accueilli la demande de pension partielle au taux de 3/40e en fonction de la période où l’appelant résidait au Canada, soit du 13 février 2013 au 31 mai 2016, qui s’ajoutait aux 9 années admissibles au sens de l’Accord de sécurité sociale entre le Canada et la République de l’IndeNote de bas de page 3.

[9] Le 29 août 2019, l’appelant a demandé la révision de la décision. Il a présenté des renseignements sur d’autres séjours au Canada, qui ont eu lieu du 18 avril 2008 au 13 février 2013, pour qu’ils soient pris en compte dans le calcul de sa pension partielleNote de bas de page 4. Le ministre a modifié le calcul initial de la résidence et ajusté la pension partielle au taux de 8/40e d’une pleine pension de la Sécurité de la vieillesseNote de bas de page 5.

[10] Le 16 octobre 2020, l’appelant a porté la décision issue de la révision en appel au Tribunal de la sécurité socialeNote de bas de page 6.

[11] Compte tenu du temps écoulé entre la date à laquelle l’appelant a présenté sa demande de pension (le 26 mai 2017) et la date de la décision du ministre (le 13 août 2019), l’appelant a demandé la modification de la date d’admissibilité pour tenir compte du délai écoulé et faire allonger sa période de résidence au Canada.

[12] Le 12 janvier 2021, le ministre a présenté une offre de règlement à l’appelant. Celui-ci a rejeté l’offre le 26 janvier 2021Note de bas de page 7.

Position de l’appelant

[13] L’appelant n’est pas d’accord avec la décision que le ministre a rendue au sujet de sa période de résidence. Il soutient qu’il est résident du Canada depuis sa première entrée au Canada, le 18 avril 2008, et qu’il a toujours résidé au Canada depuis.

[14] L’appelant croit avoir présenté au ministre une demande écrite dans les délais prévus par la loi pour faire changer sa date d’admissibilité à la pension partielle de la Sécurité de la vieillesse. Il veut que sa pension prenne effet le jour où le ministre a rendu sa décision, soit la décision de révision, et que le calcul de ses années de résidence au Canada inclue toute la période précédant la date de la décision finale du ministre.

Position du ministre

[15] Le ministre croit que la lettre de décision qu’il a produite le 13 août 2019 est exacte et que l’appelant peut bénéficier d’une pension partielle de la Sécurité de la vieillesse au taux de 3/40e parce qu’il a résidé au Canada du 13 février 2013 au 31 mai 2016, période à laquelle s’ajoutent 9 années admissibles au sens de l’Accord. Il ajoute que la date d’admissibilité à la pension partielle a été déterminée comme il fautNote de bas de page 8.

Ce que l’appelant doit prouver

[16] Pour gagner sa cause, l’appelant doit prouver qu’il a résidé au Canada pendant au moins 10 ans après avoir eu 18 ans et qu’il résidait au Canada la veille de l’approbation de sa demandeNote de bas de page 9.

[17] L’appelant doit aussi prouver qu’il a écrit au ministre pour lui demander de changer sa date d’admissibilité à la pension partielle de la Sécurité de la vieillesse dans le délai prévu par la loi.

Questions que je dois d’abord examiner

Le ministre n’était pas à l’audience

[18] L’audience peut se dérouler en l’absence du ministre si le Tribunal est convaincu que ce dernier a été avisé de la tenue de l’audienceNote de bas de page 10. L’avis d’audience a été envoyé au ministre par courriel le 6 août 2021 par la voie normale de communication entre le Tribunal et le ministre. Par conséquent, je suis convaincu que le ministre a reçu l’avis d’audience. L’audience a donc eu lieu à la date prévue, mais sans le ministre.

Un représentant accompagnait l’appelant à l’audience

[19] Le fils de l’appelant, J. M., a représenté son père à l’audience. Il a confirmé qu’il n’était pas rémunéré. Il a également livré un témoignage, car il a une connaissance directe de la situation de résidence de la famille. Il a fait une affirmation solennelle à cet effet. L’appelant était présent pendant toute l’audience. Il a répondu aux questions parfois avec l’aide de son fils et par l’intermédiaire d’un interprète parlant le pendjabi. Le Tribunal a rappelé aux parties la nature informelle de l’audience.
Interprète présent à l’audience

[20] L’appelant a demandé la présence d’une ou un interprète en langue pendjabi. L’appel s’est déroulé en anglais avec l’aide d’un interprète parlant le pendjabi.

Motifs de ma décision

Crédibilité de l’appelant

[21] L’appelant a semblé être une personne très gentille et digne de confiance. Il a fourni des réponses complètes aux questions. Le Tribunal a toutefois remarqué que l’appelant avait sa propre interprétation de certains mots. Par exemple, dans son esprit, la résidence est l’endroit où se trouve sa famille. Il est très proche de sa famille, et ses fils étaient au Canada avant même sa première date d’entrée au Canada, le 18 avril 2002. Par conséquent, il considère que sa résidence était au Canada depuis cette dateNote de bas de page 11.

[22] Le Tribunal a demandé à l’appelant pourquoi il estime avoir plus de liens avec le Canada qu’avec l’Inde, étant donné qu’il est venu au Canada alors qu’il avait près de 61 ans. Il a répondu que c’est parce que toute sa famille immédiate se trouve ici et s’est établie au Canada.

[23] Le Tribunal a demandé à l’appelant pourquoi il se rend régulièrement en Inde pour de très longues périodes même si sa famille est ici. Il m’a répondu que l’hiver est très difficile et qu’il n’aime pas la neige. Le Tribunal a aussi demandé à l’appelant pourquoi il croit qu’il est plus enraciné au Canada qu’en Inde, étant donné qu’il avait près de 61 ans lorsqu’il est arrivé au Canada et qu’il semble toujours y avoir quelque chose qui le ramène en Inde. Si le froid et la neige sont la raison pour laquelle il retourne en Inde, il pourrait aussi bien se rendre ailleurs. Il a répondu qu’il était allé au Mexique, aux Émirats arabes unis et dans les Caraïbes, mais qu’en Inde, il possède une résidence secondaire et qu’il lui coûte moins cher de s’y rendre que d’aller ailleurs.

[24] Le Tribunal a demandé à l’appelant pourquoi il avait changé le nom de sa maison en l’appelant [traduction] « résidence secondaire » dans le questionnaire qu’il a présenté au ministre, alors qu’il possède cette maison depuis 40 ans. Il a répondu qu’avant 2008, sa famille vivait également dans cette maison, mais que, comme sa famille immédiate avait déménagé au Canada, son attachement avec le Canada était plus fort, de sorte que ses liens étaient ici.

[25] Le Tribunal a porté à l’attention de l’appelant le fait que les lettres que la Caisse de prévoyance des employés lui a fait parvenir le 26 mars 2009Note de bas de page 12 ont été envoyées à son adresse en Inde. Il soutient cependant qu’il résidait au Canada. Le Tribunal a demandé à l’appelant pourquoi la Caisse avait envoyé la lettre à son adresse en Inde et non à celle au Canada et pourquoi il n’avait pas fait son changement d’adresse auprès de la Caisse en lui fournissant son adresse au Canada s’il vivait maintenant au Canada. Il a répondu que c’était parce qu’il s’agissait de l’adresse au dossier et que la Caisse avait besoin d’une adresse en Inde. Il a déclaré que cette organisation indienne n’envoie jamais de correspondance à une adresse étrangère. Il a admis qu’il était en vacances en Inde à ce moment-là et qu’il avait demandé que cette lettre lui soit envoyée à son adresse en Inde.

[26] Le Tribunal a demandé à l’appelant pourquoi sa carte d’identité des retraités de la Food Corporation of Inde [corporation alimentaire de l’Inde], délivrée le 9 février 2010Note de bas de page 13, montrait que son adresse résidentielle était en Inde. L’appelant a répondu que c’était cette adresse qui figurait à son dossier. Le Tribunal a demandé à l’appelant pourquoi il n’avait pas fait son changement d’adresse. Il a répondu que c’était l’adresse à son dossier. Le Tribunal a demandé à l’appelant pourquoi il n’avait aucun problème à corriger les erreurs du gouvernement du Canada, mais pas celles de son ancienne employeuse. Il a alors répondu que c’était un oubli et que quand la carte lui avait été délivrée, il n’y avait pas porté attention. Lorsque le Tribunal a demandé à l’appelant pourquoi il avait présenté au gouvernement du Canada un document qui comportait une erreur, il a répondu que les renseignements étaient exacts, qu’il s’agissait de son adresse postale et que cette adresse postale était toujours en service. Son fils a précisé que cette organisation n’envoie aucun document par la poste à des adresses à l’extérieur de l’Inde. Il a aussi confirmé que cette adresse est également utilisée comme adresse postale et il a suggéré que la traduction était peut-être inexacte.

[27] Le Tribunal a remarqué qu’une autre lettre envoyée le 27 décembre 2018Note de bas de page 14 par la Caisse de prévoyance des employés, dont une copie était destinée à l’appelant, montre également que l’adresse de l’appelant est celle en Inde. Le fils de l’appelant a insisté sur le fait que cette organisation n’envoie pas de correspondance à des adresses postales situées à l’extérieur de l’Inde et qu’elle ne changera pas son système. Le Tribunal a fait remarquer au fils de l’appelant que, dans un relevé détaillé des renseignements sur la pensionNote de bas de page 15 qui a été imprimé le 27 décembre 2018, l’adresse [traduction] « actuelle » de l’appelant et son adresse [traduction] « permanente » sont les mêmes, soit celle en Inde. Le fils de l’appelant a soutenu qu’encore aujourd’hui, le dossier indique cette adresse en Inde, car le système informatique de l’organisation ne permet pas d’entrer une adresse à l’extérieur de l’Inde. Toutefois, le Tribunal a fait remarquer à l’appelant que, dans une lettre envoyée par la Caisse le 3 janvier 2013Note de bas de page 16, l’adresse au Canada est écrite à la main, ce qui laisse croire que si la Caisse connaît l’adresse à l’étranger, elle peut contourner son système et inscrire la bonne adresse manuellement sur sa correspondance. Le fils de l’appelant a précisé que son père et lui ont négocié pendant environ un an pour que l’organisation accepte de leur faire parvenir cette lettre, qui a été envoyée par Speed Post [service de courrier express]. Le fils de l’appelant a fait remarquer qu’il s’agissait d’une lettre ponctuelle qui n’a pas été générée par le système mais a plutôt été rédigée par une personne responsable ayant écrit leur adresse à la main.

[28] Le Tribunal a demandé à l’appelant pourquoi il a dit dans son témoignage qu’il allait en vacances dans son pays de citoyenneté, où il a résidé pendant 61 ans, et qu’il partait du Canada, un pays qui ne l’avait pas encore accepté comme résident permanent, pour aller en vacances en Inde. Il a répondu que c’était parce que toute sa famille était au Canada et c’est pourquoi il considérait l’Inde comme sa résidence secondaire.

[29] Le Tribunal peut seulement en conclure que l’appelant a sa propre interprétation du concept de résidence. Le Tribunal préfère utiliser la définition généralement admise qui est tirée de la Loi sur la sécurité de la vieillesse au lieu de la déclaration écrite ou du témoignage de l’appelant à ce sujet.

Qui a droit à une pension de la Sécurité de la vieillesse?

[30] Une personne pensionnée peut recevoir une pension partielle. La personne doit avoir au moins 65 ans et avoir résidé au Canada en tout pendant au moins 10 ans après avoir eu 18 ans. Si la personne ne réside pas au Canada la veille de l’approbation de sa pension, il faut qu’elle ait résidé au Canada pendant une période totale d’au moins 20 ans après son 18e anniversaireNote de bas de page 17.

[31] Pour l’application de la Loi sur la sécurité de la vieillesse et de son règlement, une personne réside au Canada si elle établit sa demeure et vit ordinairement dans une région du Canada. Ce concept est différent de la présence au Canada. Une personne est présente au Canada lorsqu’elle se trouve physiquement dans une région du CanadaNote de bas de page 18. Une personne peut donc être présente au Canada sans y résider.

[32] La résidence est une question de fait qui requiert l’examen de la situation globale de la personne. Les intentions subjectives de la personne ne permettent pas de déterminer la résidence. La décision DingNote de bas de page 19 a établi une liste partielle de facteurs à prendre en considération pour guider le Tribunal dans la détermination de la résidence :

  1. les liens prenant la forme de biens mobiliers;
  2. les liens sociaux;
  3. les autres liens au Canada (assurance maladie, permis de conduire, bail, dossiers fiscaux, etc.);
  4. les liens dans un autre pays;
  5. la régularité et la durée des séjours au Canada par rapport à la fréquence et à la durée des absences du Canada;
  6. le style ou mode de vie de la personne ou la question de savoir si la personne qui vit au Canada y est bien enracinéeNote de bas de page 20.

[33] L’appelant doit prouver selon la prépondérance des probabilités qu’il résidait au Canada pendant la période pertinenteNote de bas de page 21.

Accord de sécurité sociale entre le Canada et la République de l’Inde

[34] L’article 40 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse permet au ministre de conclure des arrangements réciproques avec les gouvernements d’autres pays. Cette disposition prévoit que de tels accords pourraient avoir des répercussions sur l’admissibilité aux pensions.

[35] L’article 21(5.3) du Règlement sur la sécurité de la vieillesse précise ceci : lorsque, aux termes d’un accord conclu en vertu de l’article 40(1) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, une personne est assujettie à la législation d’un pays étranger, elle est réputée, pour l’application de la Loi sur la sécurité de la vieillesse et du Règlement sur la sécurité de la vieillesse, ne pas être une résidente du Canada.

[36] Conformément à l’article 40 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, le Canada a conclu un certain nombre d’accords réciproques, dont un avec la République de l’Inde.

[37] L’Accord avec l’Inde a été signé à New Delhi le 6 novembre 2012. Il est entré en vigueur le 1er août 2015. Il s’intitule Accord de sécurité sociale entre le Canada et la République de l’Inde.

[38] L’article 12 de la partie III de l’Accord prévoit ceci : Si une personne n’a pas droit à une prestation vu l’insuffisance de ses périodes admissibles aux termes de la législation d’un État contractant, le droit de cette personne à cette prestation est déterminé par la totalisation de ces périodes et de celles spécifiées aux paragraphes 2 à 4, dans la mesure où ces périodes ne se superposent pas. C’est l’article qui, dans le cas de l’appelant, a permis l’ouverture du droit à une pension partielle de la Sécurité de la vieillesse.

Le ministre a-t-il de vastes pouvoirs pour réévaluer l’admissibilité d’une personne après l’approbation de sa demande et le début des versements?

[39] Le ministre dispose de vastes pouvoirs qui lui permettent de réévaluer l’admissibilité d’une personne après l’approbation de sa demande et le début du versement de la pension.

[40] La révision d’une décision initiale peut être un recours extraordinaire. Il peut aussi s’agir d’un pouvoir nécessaire dont le ministre a besoin pour réaliser l’objectif de la loi. Voilà une des questions en litige dans le présent dossier.

[41] Le 24 septembre 2021, le Tribunal a écrit aux parties. Il leur a demandé de présenter des observations écrites sur la question de savoir si les principes juridiques énoncés dans deux décisions rendues par la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale s’appliquaient à la présente affaireNote de bas de page 22. Plus précisément, le Tribunal leur a posé cette question : [traduction] « Le ministre a-t-il la compétence nécessaire pour modifier sa décision initiale après avoir accordé une pension de la Sécurité de la vieillesse? ». Le Tribunal voulait recevoir les observations au plus tard le vendredi 29 octobre 2021.

[42] L’appelant a déposé sa réponse le 10 octobre 2021Note de bas de page 23, et le ministre n’a pas présenté de réponse. Le Tribunal a fait parvenir la réponse de l’appelant au ministre afin qu’il présente ses observations sur celle-ci. Le ministre n’a fait aucun commentaire sur la réponse de l’appelant.

[43] L’appelant croit que les principes juridiques énoncés par la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale s’appliquent dans la présente affaireNote de bas de page 24.

[44] Le ministre n’a déposé aucune observation à ce sujet.

[45] Dans la décision BR, la division d’appel convient que « le ministre jouit d’un vaste pouvoir pour sommer les prestataires à lui fournir des documents prouvant leur admissibilité à une pension de la [Sécurité de la vieillesse], avant que celle-ci soit agréée [approuvée]. D’après mon interprétation de l’article 23 du Règlement sur la [sécurité de la vieillesse], le ministre n’est toutefois pas autorisé, après l’agrément d’une pension de la [Sécurité de la vieillesse], à revenir sur ses pas pour changer sa décision initiale sur l’admissibilité. En effet, dès lors qu’est accordée une pension de la [Sécurité de la vieillesse] à un pensionné, l’article 23 du Règlement sur la [sécurité de la vieillesse] autorise seulement le ministre à faire enquête dans le but de déterminer si la personne demeure admissible aux prestations et si leur montant demeure exactNote de bas de page 25 ».

[46] Cependant, la division d’appel a rendu une nouvelle décisionNote de bas de page 26. Dans celle-ci, aux paragraphes 1 et 2, la membre qui a jugé l’appel a conclu que le « ministre de l’Emploi et du Développement social du Canada possède le pouvoir discrétionnaire implicite de réexaminer des décisions initiales concernant la sécurité de la vieillesse » et que le ministre a correctement exercé son pouvoir discrétionnaire lorsqu’il est revenu sur ses décisions d’approuver le versement du Supplément de revenu garanti à la requérante.  

[47] La division d’appel a tout de même abouti à un processus en deux étapes. Le Tribunal doit d’abord vérifier si le ministre a utilisé son pouvoir discrétionnaire (pour revoir une décision) de façon judiciaire. Ensuite, si la réponse est non (autrement dit, le ministre n’a pas utilisé son pouvoir de façon judiciaire), le Tribunal doit rendre la décision que le ministre aurait dû rendre.

[48] Un pouvoir discrétionnaire doit être exercé « de façon judiciaire ». Cela signifie qu’une décision discrétionnaire sera annulée si la personne qui a rendu la décision « a agi de mauvaise foi, ou dans un but ou pour un motif irrégulier, [qu’elle] a pris compte un facteur non pertinent ou ignoré un facteur pertinent ou [qu’elle] a agi de manière discriminatoire ». Dans la présente affaire, je crois que le ministre a exercé son pouvoir de façon judiciaire parce qu’il a agi dans le cadre d’un processus de révision amorcé par l’appelant et que ce dernier a refusé l’offre de règlement du ministre. Par conséquent, la réponse à la première question est « oui » et je n’ai pas à passer à la deuxième étape.

[49] Les règles fondamentales régissant l’interprétation d’une loi exigent que la personne qui rend la décision lise les mots de la loi dans leur contexte, selon leur sens grammatical et ordinaire, tout en respectant l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du Parlement. Récemment, la Cour d’appel fédérale a décrit les règles d’interprétation d’une loi ainsi : « l’interprétation de celle‑ci [disposition législative] par le décideur administratif doit être conforme à son texte, à son contexte et à son objetNote de bas de page 27. »

[50] Les règles d’interprétation d’un règlement exigent qu’il soit interprété de manière à favoriser l’atteinte de l’objet de la loi dans son ensemble. Selon la Cour suprême du Canada, l’objet de la loi « transcende et régit » l’objet du règlementNote de bas de page 28.

[51] Le Tribunal est au courant d’une autre décision intitulée RS c Ministre de l’Emploi et du Développement socialNote de bas de page 29. Le Tribunal est d’accord avec le raisonnement qu’elle présente, en particulier les paragraphes 32 à 38, et aborde seulement l’interprétation législative de cette membre. Les vastes pouvoirs conférés au ministre aident à équilibrer les objectifs consistant à honorer la nature altruiste des prestations de la Sécurité de la vieillesse en évitant les retards indus dans le traitement des demandes avec la nécessité de protéger les cordons de la bourse de la Sécurité de la vieillesse en refusant de verser des prestations à ceux qui n’y ont pas droit.

[52] La Cour fédérale a souligné l’objet de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, y compris son objectif altruiste, en ces termesNote de bas de page 30 :

Je dirais du régime de la [Sécurité de la vieillesse] qu’il a un objectif altruiste. Contrairement au Régime de pensions du Canada, les prestations de la [Sécurité de la vieillesse] sont universelles et non contributives, et fondées exclusivement sur la résidence au Canada. Ce type de législation répond à un objectif social large et ouvert, que l’on pourrait même qualifier de caractéristique du paysage social au Canada. Il convient donc de l’interpréter de façon large, et il ne faudrait pas qu’une personne soit privée inconsidérément du droit aux prestations de la [Sécurité de la vieillesse].

[53] Cette interprétation de la Cour fédérale semble tenir compte du fait qu’une personne peut être privée du droit à la pension de la Sécurité de la vieillesse. Cependant, une telle chose ne se fait pas à la légère. L’interprétation de la Cour fédérale souligne aussi la différence entre la Loi sur la sécurité de la vieillesse, un régime universel et non contributif, et le Régime de pensions du Canada. Comparer le vocabulaire utilisé dans la Loi sur la sécurité de la vieillesse et celui du Régime et de la Loi sur l’assurance-emploi serait une erreur. Ces régimes présentent des différences de nature philosophique : le premier est universel et les deux derniers répondent seulement aux besoins des personnes qui y cotisent. Par les mots « contrairement au Régime de pensions du Canada », la décision de la Cour fédérale citée ci-dessus montre qu’il faut aborder ces deux programmes de façon différente.

[54] Comme le mentionne la décision RS, la législation qui traite de la suspension ou de la cessation d’une prestation suppose que celle-ci était payable en premier lieu. La situation est très différente quand les bénéficiaires sont, dès le départ, inadmissibles à la pension ou à la prestation. Dans l’affaire dont je suis saisi, le calcul du nombre d’années de résidence au Canada a mené à l’ouverture du droit à une pension partielle au taux de 3/40e dans la première décision. Le taux a été remplacé par 8/40e dans la décision de révision, puis il est revenu à 3/40e après que le ministre a découvert une erreur. C’est la position que maintient le ministre dans les observations qu’il a déposées au Tribunal.

[55] Je crois que le Parlement a été clair lorsqu’il a accordé au ministre de vastes pouvoirs pour revoir l’admissibilité et récupérer les prestations versées en trop. Même si le gouvernement du Canada paie à la fois la pension de la Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti, l’ensemble des contribuables financent les pensions de la Sécurité de la vieillesse et les prestations du Supplément de revenu garanti. Les pouvoirs accordés par le Règlement sur la sécurité du revenu sont « nécessaires », car ils établissent un équilibre entre la nécessité d’éviter les retards excessifs dans le traitement des demandes et la nécessité de protéger les fonds publics et de refuser de verser des pensions et des prestations aux personnes qui n’y ont pas droit.

[56] Je conclus donc que le pouvoir du ministre de réévaluer l’admissibilité est vaste et s’étend aux situations où il n’y a aucun signe de fraude ou de fausse déclaration.

Liens de l’appelant au Canada et en Inde

[57] Je vais maintenant examiner les facteurs établis dans la décision Ding pour décider quand l’appelant résidait au Canada. Pour en arriver à ma conclusion, je me pencherai sur les documents déposés par les deux parties jusqu’à la date de la présente décision et sur les témoignages que j’ai entendus à l’audience.

[58] L’appelant a certainement des liens solides avec le Canada. Même s’il est né en Inde, il a demandé la citoyenneté canadienne en avril 2020 et il est citoyen canadien depuis juillet 2021. Il a déclaré que la première fois qu’il est entré physiquement au Canada était le 18 avril 2008. Il avait près de 61 ans. Son fils, qui était déjà au Canada, l’a parrainé pour qu’il vienne au Canada en 2007. L’appelant est entré au Canada avec un visa de visiteur. Avant son premier voyage au Canada, il avait déjà décidé de s’établir au pays parce que toute sa famille immédiate, ses fils, ses belles-filles et ses petits-enfants, s’y trouvaient déjà. Il est devenu résident permanent le 13 février 2013.

[59] Il a déclaré qu’il n’est plus citoyen de l’Inde, car ce pays ne reconnaît pas la double citoyenneté. Il n’a pas officiellement renoncé à la citoyenneté indienne pour le moment, mais son passeport indien a été officiellement annulé et il a avisé le consulat indien qu’il détient maintenant la citoyenneté canadienne. Le Tribunal a demandé à l’appelant pourquoi il avait affirmé qu’il allait renouveler son passeport indien dans un questionnaire que le ministre a reçu le 8 février 2019Note de bas de page 31. Son fils a répondu que ces renseignements étaient exacts à l’époque, car l’appelant n’avait pas encore entamé le processus pour obtenir la citoyenneté canadienne.

[60] L’appelant a déclaré qu’il n’est pas propriétaire de la maison où il réside au Canada. Son fils a déclaré qu’il est le propriétaire et qu’il a acheté la propriété aux alentours de septembre 2013. Auparavant, il possédait une maison en rangée, qu’il avait achetée autour de juin 2008. Le fils était et est toujours responsable de payer tous les services publics aux deux endroits. L’appelant a eu un seul compte de service public à son nom depuis son arrivée au Canada en 2008, soit un compte de téléphone cellulaire qu’il paie chaque mois. Son service de téléphonie cellulaire a toujours été fourni par la même entreprise, mais celle-ci a changé de nom ou de propriétaire au fil des ans.

[61] En Inde, l’appelant possède ce qu’il appelle une [traduction] « maison de vacances ». Il possède cette maison depuis environ 40 ans. Elle est payée en entier et il en est le seul propriétaire au registre. Les services publics, le service d’eau et le service d’électricité sont également à son nom. Lorsqu’il vient au Canada, il suspend les services. Il les réactive quand il retourne en Inde. Personne n’habite dans la maison lorsqu’il est au Canada. Il est le seul à l’utiliser. Le Tribunal lui a demandé quelle est la différence entre une « maison de vacances » et une résidence. Il a répondu que sa résidence principale se trouve au Canada et que lorsqu’il se rend en Inde, il reste dans sa « maison de vacances ». Il a également dit que parfois, il s’y rend seul (en Inde) et que toute sa famille est au Canada.

[62] L’appelant a déclaré qu’il a deux fils, un petit-fils et deux petites-filles au Canada. Son épouse est également au Canada. Les deux forment encore un couple, mais elle vit avec son autre fils pour s’occuper de leurs petites-filles, et il vit avec son fils pour s’occuper de son petit-fils. L’appelant a déclaré qu’il n’a plus de famille en Inde. Lorsque le Tribunal lui a demandé des précisions, il a répondu que ses parents et son frère sont décédés. Il a encore des neveux et des nièces en Inde. Sa famille immédiate est au Canada.

[63] Il a déclaré qu’il est couvert par le régime provincial d’assurance-maladie de la Colombie-Britannique (appelé « Medical Services Plan » ou « Régime d’assurance médicale ») depuis 2013Note de bas de page 32. Avant 2013, il payait pour adhérer à un régime privé d’assurance-maladie. Lorsque le Tribunal a demandé à l’appelant pourquoi il n’était pas couvert par le Régime d’assurance médicale depuis 2008, son fils a répondu que, comme son père n’était pas encore résident permanent, il devait se payer un régime privé d’assurance-maladie pour couvrir ses soins médicaux. Le fils de l’appelant a confirmé que, selon les lois canadiennes, son père n’était pas admissible au régime provincial parce qu’il n’était pas un résident permanent. Il a ajouté que cela n’avait rien à voir avec la résidence en tant que telle, car la loi est ainsi faite et son père était ici avec sa famille immédiate. De plus, le fils de l’appelant a soutenu que son père avait déjà demandé la résidence permanente en 2007 et que le dossier de son père était en attente de traitement. L’appelant a déclaré qu’en Inde, il était couvert par un régime privé d’assurance-maladie. Il bénéficiait également d’une assurance-maladie lorsqu’il travaillait pour le gouvernement. La couverture médicale prend fin lorsque les fonctionnaires prennent leur retraite.

[64] L’appelant a déclaré qu’il possède un permis de conduire canadien, qu’il a reçu après être devenu résident permanent du Canada. Il a une voiture ainsi qu’une assurance automobile au Canada depuis 2015. C’est la première voiture qu’il a possédée au Canada. Il n’a plus de voiture en Inde. Il en avait une lorsqu’il travaillait. Il n’a plus de voiture en Inde parce qu’il a déménagé au Canada. Il ne se rappelle pas quand son permis de conduire indien a expiré.

[65] L’appelant a déclaré qu’il n’a aucun bien immobilier ou investissement au Canada. Il a des fonds communs de placement, des placements garantis, des comptes bancaires et une carte de crédit de la Banque TD et de la RBC depuis 2008. Il a ouvert ces comptes avec son passeport, car il n’avait pas de numéro d’assurance sociale. Le compte bancaire est un compte conjoint avec sa femme, mais ses comptes de placement et sa carte de crédit sont seulement à son nom. Il ne se rappelle pas si quelqu’un a cosigné les documents. Il a dû laisser de l’argent en garantie pour sa carte de crédit. Son fils a précisé qu’on lui avait seulement demandé un dépôt de garantie et que cette exigence a été levée par la suite. Il a reçu sa carte d’assurance sociale en 2013, après avoir obtenu la résidence permanente. En 2013, il a souscrit une police d’assurance vie. Il l’a conservée pendant environ deux ans, après quoi il ne la considérait plus utile. En Inde, il a un compte bancaire qu’il a ouvert il y a environ 40 ans. Il détient aussi une carte de crédit. Il les utilise lorsqu’il est en vacances en Inde. Il ne possède aucun placement immobilier, à l’exception de sa « maison de vacances » qu’il possède depuis environ 40 ans.

[66] Dans son témoignage, l’appelant a dit avoir cotisé au Régime de pensions du Canada. Il a déclaré avoir travaillé au Canada de 2013 à 2020. Il cueillait des fruits dans une serre. Il travaillait pour différentes entreprises chaque année. Elles faisaient toutes les retenues à la source, comme requis. Il a affirmé qu’il reçoit maintenant une petite pension du Régime. Il a également cotisé à l’assurance-emploi et a touché des prestations lorsqu’il remplissait les conditions requises. Il a expliqué que, de 2008 à 2013, il n’a pas travaillé au Canada parce qu’il n’était pas résident permanent. Il a déclaré qu’il n’a produit aucune déclaration de revenus au Canada de 2008 à 2012. Il a commencé à le faire en 2013. Chaque année, il produit ses déclarations à temps. Il a déclaré qu’il a cessé de travailler au Canada en 2020. Il a dit qu’il produisait des déclarations de revenus en Inde lorsqu’il travaillait. Il n’a produit aucune déclaration de revenus en Inde depuis qu’il a pris sa retraite, car malgré sa pension indienne, il ne gagne pas le revenu minimum nécessaire pour produire une déclaration de revenus.

[67] L’appelant a déclaré qu’il voyage entre le Canada et l’Inde seulement pour de longues périodes. Il est également allé de l’Inde aux Émirats arabes unis pour un court voyage payé par son fils. Il est allé aux États-Unis pour un court voyage d’une semaine payé par son fils. Habituellement, il se rend seul en Inde durant l’hiver. Son épouse reste au Canada pour s’occuper de leurs petits-enfants. En Inde, il reste chez lui. Il utilise son passeport indien lorsqu’il voyage. Il a expliqué qu’il a maintenant besoin d’un visa pour entrer en Inde à titre d’Indien non résident. Comme ce sera la première fois qu’il se servira d’un tel visa lors de son prochain voyage en Inde, il a dit qu’il n’est pas encore tout à fait certain des règles. Son séjour en Inde devrait se limiter à trois mois selon le type de visa qu’il recevra. L’appelant a déclaré qu’il peut conserver sa maison actuelle, mais ne peut pas acheter de terres agricoles. Il a déclaré qu’il n’a jamais séjourné au Canada pendant une année complète depuis 2008, la première fois qu’il est entré au pays, sauf l’année dernière en raison de la pandémie de COVID‑19.

[68] Voici une liste des entrées et des sorties de l’appelant au Canada et en Inde. Elle a été compilée à partir de la demande de révision présentée par l’appelantNote de bas de page 33, du questionnaire que l’appelant a rempli le 4 janvier 2019Note de bas de page 34 et du rapport sur l’historique de voyage produit le 28 juillet 2017 par l’Agence des services frontaliers du CanadaNote de bas de page 35. À l’audience, l’appelant a témoigné au sujet du voyage qu’il a fait en Inde entre 3 mars 2019 et la date de l’audience, soit le 23 septembre 2021, après avoir vérifié les timbres d’entrée et de sortie dans son passeport.

Date de début Date de fin Pays Durée Commentaires
(au besoin)
2008-04-18 2008-10-14 Canada 180 jours pages GD2-14 et GD2-145 à 148
2008-10-15 2009-04-27 Inde 195 jours  
2009-04-28 2009-10-07 Canada 163 jours  
2009-10-08 2010-05-07 Inde 212 jours  
2010-05-08 2010-10-28 Canada 174 jours  
2010-10-29 2011-05-10 Inde 194 jours  
2011-05-11 2011-11-08 Canada 182 jours  
2011-11-09 2012-02-28 Inde 112 jours  
2012-02-29 2012-04-26 Canada 58 jours  
2012-04-27 2012-05-29 Inde 33 jours  
2012-05-30 2012-11-11 Canada 166 jours  
2012-11-12 2013-01-29 Inde 79 jours  
2013-01-30 2013-02-12 Canada **  
2013-02-13     ** admis – poste frontalier Douglas de Blaine (État de Washington) à Surrey (Colombie-Britannique) – page GD2‑175
2013-02-13 2013-10-25 Canada 269 jours  
2013-10-26 2014-03-02 Inde 128 jours pages GD2‑124 et GD2‑125 et GD2‑145 à GD2‑148
2014-03-03 2014-10-03 Canada 215 jours  
2014-10-04 2015-02-19 Inde 139 jours  
2015-02-20 2015-06-13 Canada 114 jours  
2015-06-14 2015-06-28 Inde 15 jours  
2015-06-29 2015-10-22 Canada 116 jours  
2015-10-23 2016-02-14 Inde 115 jours  
2016-02-15 2016-10-15 Canada 244 jours  
2016-10-16 2017-02-17 Inde / Émirats arabes unis 125 jours  
2017-02-18 2017-09-30 Canada 225 jours dont une semaine aux États-Unis
2017-10-01 2018-03-01 Inde 152 jours  
2018-03-02 2018-10-27 Canada 240 jours  
2018-10-28 2019-03-02 Inde 126 jours  
2019-03-03 2019-11-12 Canada 255 jours  
2019-11-13 2020-01-23 Inde 72 jours à l’audience
2020-01-24 2021-11-23 Canada 670 jours dont une semaine aux États-Unis

[69] L’appelant a déclaré qu’il ne fait pas de bénévolat au Canada et qu’il n’est membre d’aucune organisation, sauf le temple sikh. Il va au parc avec des amis pour faire de l’exercice. Il passe ses journées à travailler dans son grand potager, dans la cour arrière. Il s’occupe aussi de ses petits-enfants. Il les amène à l’école et leur donne des leçons particulières. En Inde, il a aussi un potager dans la cour. C’est son passe-temps, ce qui le détend. Il produit ses propres aliments biologiques au Canada et en Inde. Il aime aussi cuisiner. En Inde, il va aussi au parc avec des amis pour faire de l’exercice. Il a admis qu’il a plus d’amis en Inde, mais il a rapidement dit que la famille est plus importante que les amis.

[70] Au Canada, il se réunit de temps à autre avec sa famille et ses amis lors d’occasions spéciales et de rencontres ordinaires. Il fait la même chose lorsqu’il est en Inde.

Résidence de l’appelant au Canada

L’appelant ne résidait pas au Canada du 18 avril 2008 au 12 février 2013

[71] Le Tribunal conclut que, selon la prépondérance des probabilités, l’appelant ne résidait pas au Canada du 18 avril 2008 au 12 février 2013.

[72] Le Tribunal constate que l’appelant a des liens avec le Canada, puisque sa famille immédiate s’y trouve, qu’elle l’a parrainé pour qu’il vienne au pays et que le processus de parrainage suivait son cours. Cependant, en ce qui a trait à la force des liens avec chaque pays, le Tribunal conclut que la balance n’avait pas encore penché du côté du Canada. L’appelant avait des liens administratifs minimes avec des institutions privées au Canada, comme des comptes bancaires, quelques investissements et une carte de crédit. La situation change le 13 février 2013, lorsque l’appelant obtient sa résidence permanente au Canada.

[73] L’appelant avait toujours une maison en Inde. Il avait également un compte bancaire où sa pension indienne était déposée et une carte de crédit en Inde. De plus, du 18 avril 2008 au 12 février 2013, comme le montre le tableau ci-dessus, l’appelant a passé plus de temps en Inde qu’au Canada, surtout jusqu’au 28 février 2012, date où l’on peut voir que la balance commence à pencher vers le Canada.

[74] Les facteurs relatifs aux autres liens de l’appelant au Canada, à la régularité et à la durée de ses séjours au Canada par rapport à la fréquence et à la durée de ses absences du Canada ainsi qu’à son style ou mode de vie ou à la question de savoir s’il est bien enraciné au Canada sont très importants aux yeux du Tribunal. Le Tribunal croit que, selon la prépondérance des probabilités, le mode de vie et le principal point d’ancrage de l’appelant sont encore en Inde, et non au Canada. Le Tribunal conclut que, selon la prépondérance des probabilités, l’appelant ne résidait pas au Canada du 18 avril 2008 au 12 février 2013.

L’appelant résidait au Canada du 13 février 2013 au 31 mai 2016

[75] Le Tribunal conclut que, selon la prépondérance des probabilités, l’appelant résidait au Canada du 13 février 2013 au 31 mai 2016.

[76] Le Tribunal juge qu’en date du 13 février 2013, les liens de l’appelant avec le Canada sont plus forts qu’avec l’Inde. Sa famille immédiate se trouve au Canada. Il est maintenant officiellement résident permanent du Canada, ce qui lui permet d’obtenir une carte d’assurance sociale, une assurance-maladie provinciale et un permis de conduire. L’appelant a déclaré qu’il a obtenu tout cela lorsqu’il est devenu résident permanent. Il a ajouté qu’il avait commencé à travailler et à cotiser au Régime de pensions du Canada et à l’assurance-emploi et qu’il avait produit sa première déclaration de revenus au Canada. Tous ces liens ont aidé l’appelant à mieux s’enraciner au Canada.

[77] L’appelant a peut-être gardé sa maison en Inde ainsi qu’une carte de crédit et un compte bancaire où sa pension indienne est déposée, mais le Tribunal voit clairement qu’à partir du 13 février 2013, l’appelant passe plus de temps au Canada qu’en Inde. Les facteurs relatifs à la régularité et à la durée des séjours de l’appelant au Canada par rapport à la fréquence et à la durée de ses absences du Canada ainsi qu’à son style ou mode de vie ou à la question de savoir s’il est bien enraciné au Canada sont très importants aux yeux du Tribunal et ils contribuent à faire pencher la balance vers la résidence canadienne.

[78] Le Tribunal est d’accord avec le calcul du ministre et conclut que, selon la prépondérance des probabilités, l’appelant résidait au Canada pendant cette période.

L’appelant résidait au Canada du 1er juin 2016 au 23 septembre 2021

[79] Le Tribunal conclut que, selon la prépondérance des probabilités, l’appelant résidait au Canada du 1er juin 2016 au 23 septembre 2021, soit la date de l’audience.

[80] Le Tribunal croit qu’il y a suffisamment d’éléments de preuve pour soutenir que l’appelant résidait au Canada du 1er juin 2016 au 23 septembre 2021. L’appelant habite avec son fils au Canada. Sa famille immédiate se trouve également au Canada, y compris son épouse, ses deux fils et ses petits-enfants. L’appelant possède des placements, un compte bancaire et une carte de crédit au Canada. Il est citoyen canadien depuis juillet 2021.

[81] [L’appelant] a peut-être encore sa maison en Inde ainsi qu’une carte de crédit et un compte bancaire où sa pension indienne est déposée, mais le Tribunal constate manifestement que, depuis le 1er juin 2016, l’appelant passe plus de temps au Canada qu’en Inde. Les facteurs relatifs à la régularité et à la durée des séjours au Canada par rapport à la fréquence et à la durée des absences du Canada et au style ou mode de vie de l’appelant ou à la question de savoir s’il est bien enraciné sont très importants aux yeux du Tribunal. Le Tribunal peut donc conclure que, selon la prépondérance des probabilités, le mode de vie et le principal point d’ancrage de l’appelant sont maintenant mieux enracinés au Canada qu’en Inde.

Changement de la date d’entrée en vigueur de la pension de la Sécurité de la vieillesse

[82] Dans l’avis d’appel qu’il a déposé au Tribunal, l’appelant demandait que [traduction] « la date du début de la pension soit la date de sanction au lieu de la date d’admissibilitéNote de bas de page 36 ». Comme le Tribunal n’était pas sûr de comprendre le sens de « date de sanction », il a demandé des précisions à l’appelant.

[83] Le ministre a reçu la demande de pension de la Sécurité de la vieillesse le 26 mai 2017Note de bas de page 37. Dans la demande, l’appelant a coché la case indiquant qu’il voulait que sa pension commence dès qu’il y devenait admissibleNote de bas de page 38. La Loi sur la sécurité de la vieillesse prévoit un paiement rétroactif maximal de 11 moisNote de bas de page 39. Pour l’appelant, cela veut dire qu’il avait droit à une pension partielle à compter du 1er juin 2016.

[84] Le ministre a calculé la pension partielle de la Sécurité de la vieillesse en fonction d’une période de résidence allant du 13 février 2013 au 31 mai 2016, ce qui donne un total de 3 ans, 3 mois et 19 jours. Ainsi, l’appelant a droit à une pension partielle correspondant au taux de 3/40e d’une pleine pension de la Sécurité de la vieillesseNote de bas de page 40.

[85] L’appelant a déclaré qu’il avait l’impression que le ministre prendrait seulement quelques mois pour rendre sa décision. Il a dit au Tribunal que, comme le ministre a mis beaucoup trop de temps à rendre une décision, il devrait bénéficier de cette période pour augmenter son nombre d’années de résidence au Canada et, par conséquent, augmenter le montant de sa pension partielle. Cela concorde avec la compréhension du ministre selon un entretien téléphonique qui a eu lieu entre lui et l’appelant le 10 décembre 2020Note de bas de page 41. Par conséquent, l’appelant veut faire changer la date d’entrée en vigueur de sa pension. Il veut qu’elle prenne effet le jour où le ministre a rendu sa décision, soit la décision de révision, et que le calcul de ses années de résidence au Canada inclue toute la période précédant la date de la décision finale du ministre.

[86] Le versement d’une pension de la Sécurité de la vieillesse commence le mois suivant l’approbation de la demande. L’approbation entre en vigueur lorsque toutes les conditions d’admissibilité sont remplies, soit la personne a 65 ans et respecte les exigences de résidenceNote de bas de page 42. Le ministre a reçu la demande de pension le 26 mai 2017. L’appelant avait alors 70 ans et le ministre avait établi qu’il remplissait les critères de résidence. La Loi sur la sécurité de la vieillesse prévoit un paiement rétroactif maximal de 11 moisNote de bas de page 43. Par conséquent, la prise d’effet de la pension pouvait se faire au plus tôt en juin 2016. C’est le mois où l’appelant est devenu admissible à la pension de la Sécurité de la vieillesse. Dans son formulaire de demande, l’appelant a écrit qu’il voulait que sa pension commence [traduction] « dès que je suis admissibleNote de bas de page 44 ».

[87] Dans un questionnaire que le ministre a reçu le 9 octobre 2018Note de bas de page 45, l’appelant a déclaré ce qui suit : [traduction] « la date du début de la pension soit la date de sanction au lieu de la date d’admissibilité ». Toutefois, le Tribunal constate qu’à la date de cette déclaration, la demande était toujours en cours de révision et aucune décision n’avait encore été rendue. L’appelant a dit que le ministre ne lui a demandé aucun renseignement supplémentaire à la suite de cette déclaration et avant de rendre sa décision.

[88] Le ministre a rendu sa décision le 13 août 2019Note de bas de page 46. Elle comprenait les renseignements suivants : la date d’entrée en vigueur de la pension partielle de la Sécurité de la vieillesse (juin 2016), le taux de la pension partielle (3/40e d’une pleine pension) et le mois au cours duquel le paiement a été versé (septembre 2019). Le Tribunal n’a aucune raison de croire que le ministre a ignoré la déclaration faite par l’appelant dans son questionnaire, car le ministre a utilisé les renseignements figurant dans ce questionnaire pour évaluer l’admissibilité de l’appelant et rendre sa décision le 13 août 2019.

[89] Le 29 août 2019, l’appelant a demandé au ministre de réviser sa décisionNote de bas de page 47. Dans la demande de révision, l’appelant a soulevé la question de l’omission de ses séjours au Canada du 18 avril 2008 au 13 février 2013. Il n’a pas mentionné la date d’admissibilité.

[90] Le Tribunal a demandé à l’appelant pourquoi il n’avait pas demandé au ministre de modifier la date d’admissibilité à la pension dans sa demande de révision. L’appelant a répondu que c’était parce qu’il l’avait demandé par écrit le 9 octobre 2018 et que le ministre n’avait pas encore répondu à cette demande. Lorsque le Tribunal a précisé que le ministre avait répondu le 13 août 2019, l’appelant a dit que le ministre n’avait pas répondu à cette demande précise. Le fils de l’appelant a ajouté que, dans l’esprit de son père, sa demande faisait toujours l’objet d’une révision. Toutefois, le Tribunal juge que le ministre enquêtait toujours sur le dossier dans son intégralité lorsque l’appelant a présenté le questionnaire et que le ministre n’avait pas à répondre précisément à chacune des communications de l’appelant. Le 13 août 2019, le ministre a rendu une décision complète à la fin de son enquête, qui portait sur toutes les communications de l’appelant.

[91] Les articles 9.3(1) et 9.3 (2) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse et les articles 26.1(1) et 26.1(2) du Règlement sur la sécurité de la vieillesse prévoient qu’une demande de pension de la Sécurité de la vieillesse ne peut être annulée si la demande est faite plus de six mois après le début du versement de la pension. À cet égard, le versement a commencé au plus tard le 30 septembre 2019. L’appelant avait jusqu’au 31 mars 2020 pour présenter une demande écrite au ministre et faire annuler sa pension de la Sécurité de la vieillesse.

[92] Le Tribunal a été créé par voie législative et, par conséquent, il jouit seulement des pouvoirs qui lui sont conférés par la loi habilitante. Le Tribunal doit interpréter et appliquer les dispositions telles qu’elles sont énoncées dans la Loi sur la sécurité de la vieillesse.

[93] L’appelant a déclaré qu’après avoir reçu la lettre de décision du ministre et après le début du versement de la pension, il n’avait pas demandé au ministre par écrit de revoir la date d’admissibilité à la pension. Cependant, il a expliqué qu’il avait discuté de la question au téléphone avec le ministre. Les observations du ministre montrent que la discussion a eu lieu le 10 décembre 2020. Toutefois, cette date vient après le délai prévu par la Loi sur la sécurité de la vieillesse. La Cour fédérale a confirmé que le ministre n’est pas obligé d’avertir une personne qui demande des prestations de l’existence d’une date limite qui est clairement énoncée dans la Loi sur la sécurité de la vieillesseNote de bas de page 48.

[94] Le Tribunal conclut que le versement de la pension de la Sécurité de la vieillesse a commencé au plus tard le 30 septembre 2019. L’appelant avait jusqu’au 31 mars 2020 pour présenter une demande écrite au ministre et faire annuler sa pension. Il ne l’a pas fait. Par conséquent, il est impossible d’annuler la date d’admissibilité à la pension de la Sécurité de la vieillesse, comme le voudrait l’appelant.

Conclusion

[95] Je conclus que le ministre dispose de vastes pouvoirs pour réévaluer l’admissibilité d’une personne après l’approbation de sa demande et le début des versements.

[96] Je conclus que l’appelant ne résidait pas au Canada du 18 avril 2008 au 12 février 2013.

[97] Je conclus qu’il résidait au Canada du 13 février 2013 au 31 mai 2016.

[98] Je conclus qu’il résidait au Canada du 1er juin 2016 au 23 septembre 2021.

[99] Je conclus que depuis le 1er juin 2016, l’appelant peut bénéficier d’une pension partielle de la Sécurité de la vieillesse au taux de 3/40e, car il résidait au Canada du 13 février 2013 au 31 mai 2016, ce qui s’ajoute aux 9 années admissibles au sens de l’Accord conclu avec l’IndeNote de bas de page 49.

[100] La date d’admissibilité à la pension partielle de la Sécurité de la vieillesse ne peut pas être modifiée comme le demande l’appelant. Elle demeure le 1er juin 2016.

[101] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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