Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : MW c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 912

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : (requérante) M. W.
Partie intimée : (ministre) Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision datée du 19 novembre 2020 rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Raymond Raphael
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 7 septembre 2021
Personnes présentes à l’audience : Partie appelante
Date de la décision : Le 18 septembre 2021
Numéro de dossier : GP-21-391

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Décision

[1] La requérante n’est pas admissible à une pension au titre de la Sécurité de la vieillesse (SV). Elle n’a pas établi qu’elle a résidé au Canada pendant au moins 20 ans après l’âge de 18 ans.

Aperçu

[2] La requérante est née aux États-Unis en juin 1952. Elle a eu 65 ans en juin 2017. Elle a fait une première demande de pension de la SV en juin 2019. Dans cette demande, elle a déclaré qu’elle a été résidente du Canada de septembre 1978 à 2009Note de bas page 1. Elle a soumis une deuxième demande en août 2019. Dans cette demande, elle a déclaré qu’elle avait été résidente du Canada de 1977 à 1982, puis (sans date) jusqu’en 1999. Elle a résidé aux États-Unis après 1999. Elle a fait remarquer que sa résidence au Canada était [traduction] « extrêmement compliquée », car son travail d’artiste l’obligeait à être à l’étrangerNote de bas page 2.

[3] En décembre 2019, le ministre a rejeté sa première demande parce qu’elle n’avait pas présenté les documents supplémentaires demandés par le gouvernement pour appuyer sa résidence au CanadaNote de bas page 3. La requérante n’a pas demandé de révision de cette décision. En janvier 2020, le ministre a rejeté sa deuxième demande parce qu’elle avait de nouveau omis de soumettre les documents supplémentaires demandésNote de bas page 4.

[4] En novembre 2020, le ministre a rejeté la demande de révision de la requérante. Le ministre a déclaré qu’il ne pouvait pas déterminer combien de temps la requérante avait résidé au Canada parce qu’elle n’avait pas soumis de documents à l’appui de ses dates de résidence.Note de bas page 5 La requérante a fait appel de la décision de révision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[5] Le ministre reconnaît que la requérante a pu considérer le Canada comme son [traduction] « port d’attache » à partir duquel elle voyageait en tant qu’artiste professionnelle. Toutefois, elle n’a pas établi qu’elle a résidé au Canada pendant un certain temps.

Question en litige

[6] Je dois décider si la requérante a établi qu’elle était une résidente du Canada, et si oui, pendant combien de temps.

Analyse

[7] Une pleine pension de la SV est payable à toute personne ayant résidé au Canada pendant au moins 40 ans après l’âge de 18 ansNote de bas page 6. Si la personne n’a pas résidé au Canada pendant au moins 40 ans, la loi prévoit la possibilité de verser une pension partielle. Afin d’être admissible à une pension partielle, la personne doit avoir résidé au Canada pendant au moins 10 ansNote de bas page 7. Le montant de la pension partielle correspond au même taux que celui de la pension mensuelle complète par rapport à la durée de résidence de 40 ans. Le montant est arrondi au chiffre inférieur d’une année donnéeNote de bas page 8. Donc, par exemple, si une personne a résidé au Canada pendant 10 ans et 9 mois après l’âge de 18 ans (et qu’elle remplit également les autres critères d’admissibilité), elle sera alors admissible à 10/40e d’une pleine pension de la SV. Pour les personnes qui ne résident plus au Canada, la période minimale de résidence est de 20 ans.

[8] Le Règlement sur la sécurité de la vieillesse établit une distinction entre la résidence au Canada et la présence au Canada. Une personne réside au Canada si elle établit sa demeure et vit ordinairement dans une région du CanadaNote de bas page 9. Une personne est présente au Canada lorsqu’elle se trouve physiquement dans une région du CanadaNote de bas page 10.

[9] Je dois évaluer tous les faits de l’affaire et la situation de la requérante. L’intention de la requérante de résider au Canada ne suffit pas à établir qu’elle y réside. La résidence est une question de fait qui nécessite un examen de l’ensemble des circonstances de la requérante.

[10] Je dois tenir compte d’un certain nombre de facteurs pour décider si la requérante a établi sa demeure au Canada et y vivait ordinairement pendant la période en question (de septembre 1978 à 1999). Ces facteurs sont notamment les suivantsNote de bas page 11 :

  • le mode de vie et liens de la requérante au Canada (biens mobiliers, liens sociaux, assurance-maladie, permis de conduire, bail de location, dossiers fiscaux, etc.) comparativement aux liens dans un autre pays;
  • la régularité et la durée de ses séjours au Canada;
  • la fréquence et la durée de ses absences du Canada;
  • son mode de vie, ou si elle était suffisamment enracinée et installée au Canada.

La requérante n’a pas établi qu’elle était une résidente du Canada

[11] La requérante est une chanteuse professionnelle et une professionnelle du spectacle. Elle a eu des engagements aux États-Unis, au Canada, en Europe occidentale, au Japon et sur des bateaux de croisière. Elle déclare qu’elle a été résidente du Canada de 1977 à 1999 pour les raisons suivantes :

  • Tout d’abord, son [traduction] « port d’attache » était le Canada. Elle devait voyager à l’extérieur du Canada en raison de son travail.
  • Elle a été mariée à un membre de l’armée canadienne de décembre 1982 à sa mort en 1985. Elle estime que la résidence de son mari en Nouvelle-Écosse devrait être considérée comme étant également sa résidence.
  • Après 1986, elle venait au Canada tous les six mois. Elle restait généralement une à deux semaines dans un hôtel de Fort Erie. Elle était sur la liste d’attente pour obtenir un appartement militaire et prévoyait de vivre à Fort Erie de façon permanente.

[12] À plusieurs reprises, le ministre a écrit à la requérante pour lui demander des preuves de sa période de résidence au Canada. De plus, j’ai mené deux conférences de cas. J’ai dit à la requérante qu’elle devait fournir une preuve de sa résidence au Canada. Bien que la requérante ait déposé des documents, ceux-ci établissaient seulement qu’elle avait été présente au Canada pendant des périodes indéterminées, la plupart du temps dans le but de travailler. Aucun des documents ne montre qu’elle a déjà eu des liens profonds et durables avec le CanadaNote de bas page 12.

[13] Lors de l’audience, la requérante n’a pas fourni de preuves claires sur sa prétendue résidence au Canada. Elle a surtout parlé de la mort tragique de son mari dans un accident en 1985, de la mort récente de sa mère et des problèmes médicaux qu’elle rencontre actuellement. Toutefois, ces questions ne sont pas pertinentes pour sa demande de pension de la SV. Elle a déclaré à plusieurs reprises que le Canada était son [traduction] « port d’attache », mais ce qu’elle entendait par là n’était pas clair.

[14] Sa première réservation au Canada a eu lieu dans un hôtel de Toronto pendant trois ou quatre mois en 1977. Pendant cette période, elle a joué et vécu à l’hôtel. Après cela, elle a loué une chambre dans une maison à Toronto. Après 1986, elle logeait dans l’appartement de son agent lorsqu’elle était à Toronto. Elle a été engagée pour se produire dans d’autres endroits en Ontario et en Nouvelle-Écosse. Elle a également été engagée aux États-Unis, en Europe, au Japon et sur des bateaux de croisière. Elle ne se souvenait pas combien de temps elle était restée à ces endroits à Toronto, si ce n’est que c’était pendant plus de quelques semaines. Elle ne se souvenait pas si elle avait abandonné les logements locatifs pendant les périodes où elle se produisait en dehors de Toronto.

[15] Elle a déclaré que pendant son mariage (de 1982 à 1985), elle et son mari voyageaient tous deux pour leur travail. Elle se produisait [traduction] « un peu partout ». Lorsqu’elle ne voyageait pas, elle rendait parfois visite à son mari en Nouvelle-Écosse et il lui rendait parfois visite à la maison de ses parents en Floride. Elle a dit qu’elle avait deux ports d’attache : un en Floride et un en Nouvelle-Écosse. Elle ne se souvenait pas combien de fois elle rendait visite à son mari en Nouvelle-Écosse.

[16] Elle ne se souvenait pas combien de fois elle s’était produite au Canada après 1986. En 1986, elle a commencé à revenir au Canada tous les six mois. Elle restait à Fort Erie dans un hôtel pendant une ou deux semaines. Elle avait un compte à la Banque Royale, mais elle ne pouvait pas dire quelles sommes étaient déposées dans ce compte. Elle a ouvert le compte parce qu’elle prévoyait de vivre de façon permanente à Fort Erie. Elle y a suivi des séances de physiothérapie, mais à deux reprises seulement, en juillet 1995 et en mai 2000Note de bas page 13. Elle essayait de trouver un endroit où vivre de façon permanente là-bas; elle a été inscrite sur la liste des appartements « militaires ». Cependant, elle n’a jamais vécu à Fort Erie.

[17] La requérante a reconnu les faits suivants :

  • Ses chèques de pension ont été déposés dans son compte bancaire aux États-Unis.
  • Ses chèques de pension ont été envoyés au domicile de ses parents aux États-Unis.
  • Elle avait un permis de conduire américain et n’a jamais eu de permis de conduire canadien.
  • Elle a seulement produit des déclarations de revenus au Canada de 1977 à 1979. Après cela, toutes ses déclarations de revenus ont été faites aux États-Unis.
  • Elle n’a jamais possédé de propriété au Canada.
  • Son feuillet de revenu de 1977 pour son spectacle à l’hôtel de Toronto lui a été envoyé par la poste à une adresse aux États-UnisNote de bas page 14.
  • En mai et en novembre 1978, des lettres de Revenu Canada lui ont été envoyées par la poste à une adresse aux États-UnisNote de bas page 15.
  • Ses déclarations de revenus des États-Unis et de l’État de New York de 1978 indiquaient que son adresse personnelle se trouvait aux États-UnisNote de bas page 16.
  • Une demande américaine de déclaration de revenus de 1980 lui a été envoyée par courrier à une adresse aux États-UnisNote de bas page 17.
  • Elle a été traitée par un gynécologue aux États-Unis sur une base régulière d’avril 1982 à février 2000Note de bas page 18.
  • Une enveloppe postée vers 1985 lui était adressée à une adresse aux États-UnisNote de bas page 19.

[18] Le fardeau de la preuve incombe à la requérante. Elle n’a pas établi qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle ait été résidente du Canada (par opposition à une simple présence au Canada) pendant une période donnée. Pour avoir droit à une pension de la SV, elle devait établir qu’elle avait résidé au Canada pendant au moins 20 ans.

Conclusion

[19] L’appel est rejeté.

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