Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Citation : CV c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2022 TSS 209

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission d’en appeler

Partie demanderesse : C. V.
Partie défenderesse : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 22 octobre 2021 (GP-19-1475)

Membre du Tribunal : Jude Samson
Date de la décision : Le 25 mars 2022
Numéro de dossier : AD-22-37

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Décision

[1] Je refuse la permission de faire appel. L’appel n’ira pas de l’avant.

Contexte

[2] C. V. est le requérant dans la présente affaire. Il a présenté une demande de pension de la Sécurité de la vieillesse. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a approuvé sa demande et lui a accordé une pleine pension à partir d’août 2017, soit le mois suivant son 65e anniversaireNote de bas de page 1.

[3] Le requérant a ensuite présenté une demande de Supplément de revenu garanti (SRG). Avant d’accueillir sa demande, le ministre a voulu examiner la question de sa résidence au CanadaNote de bas de page 2. Selon le ministre, le requérant devait résider au Canada pour avoir droit au SRG. Cependant, sa demande de pension de la Sécurité de la vieillesse portait à croire qu’il vivait à l’étrangerNote de bas de page 3.

[4] En décembre 2017, le ministre a communiqué avec le requérant pour obtenir des informations supplémentaires. Le requérant a précisé qu’il avait rétabli sa résidence au Canada à partir de juin 2017. De plus, il a fourni des informations à l’appui de sa déclaration en février 2018. Cependant, le ministre semble avoir égaré ces informations.

[5] Plutôt que de rendre une décision sur la base des informations que le requérant avait fournies, le ministre a lancé une enquête sur la question de sa résidence au Canada. Le requérant dénonce cette enquête comme étant inutile, abusive et une violation de ses droits en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés.

[6] À la suite de l’enquête, le ministre a conclu que le requérant n’avait pas droit au SRG parce qu’il résidait à l’étrangerNote de bas de page 4. Toutefois, cette décision a été prise sans évaluer s’il avait rétabli sa résidence au Canada en juin 2017 et sans tenir compte des documents qu’il avait fournis en février 2018Note de bas de page 5.

[7] Le requérant a ensuite demandé au ministre de réviser sa décision initiale.

[8] Enfin, en août 2019, après avoir évalué le dossier dans son intégralité, le ministre a annulé sa décision initiale et a accordé le SRG au requérant à partir du mois suivant son 65e anniversaire, sous réserve du maximum de revenu admissible.

[9] À ce sujet, le ministre a constaté que les revenus du requérant pour l’année 2016 dépassaient le maximum permis, alors aucun SRG ne pouvait lui être versé pour les mois d’août 2017 à juin 2018. Toutefois, les revenus du requérant pour les années 2017 et 2018 ont permis au ministre de lui verser le SRG dans les années subséquentes.

[10] Le requérant a fait appel de la décision du ministre auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[11] Au cours de l’instance devant la division générale, le requérant a soulevé des arguments fondés sur la CharteNote de bas de page 6. La division générale a donc donné des informations au requérant concernant son devoir de présenter un avis de contestation constitutionnelle, y compris les exigences que son avis devait respecterNote de bas de page 7.

[12] Le requérant a bel et bien soumis un avis de contestation constitutionnelle. Cependant, la division générale a souligné certaines lacunes que l’avis semblait présenter. Elle lui a donc accordé un délai supplémentaire pour rectifier son avis et soumettre ses observationsNote de bas de page 8.

[13] La division générale a évalué le tout et jugé dans une décision interlocutoire rendue le 22 octobre 2021 que l’avis de contestation constitutionnelle du requérant ne respectait pas les exigences prévues par la loi. Par conséquent, l’appel a été traité comme un appel régulier.

[14] Le requérant a ensuite demandé la permission de faire appel de la décision interlocutoire rendue par la division générale le 22 octobre 2021. Il s’agit de la seule décision qui fait l’objet du présent appel.

[15] Avant que cette affaire puisse aller de l’avant, je dois d’abord décider si j’accorde la permission de faire appel ou non.

[16] Le requérant soutient que la division générale a commis des erreurs de compétence et de droit et qu’elle a mal interprété des faits importants dans l’affaire. J’estime que l’appel du requérant n’a aucune chance raisonnable de succès. Je n’ai donc d’autre choix que de lui refuser la permission de faire appel.

Questions en litige

[17] Voici les questions que je vais examiner dans cette décision :

  1. a) La division générale aurait-elle pu commettre une erreur de compétence en omettant de considérer si les actes reprochés aux fonctionnaires sont contraires aux principes de la Charte?
  2. b) La division générale aurait-elle pu commettre une erreur de droit en fondant sa décision sur le mauvais article de la loi?
  3. c) La division générale aurait-elle pu fonder sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire?

Analyse

[18] Une procédure en deux étapes s’applique aux dossiers de la division d’appel. Le présent appel en est à la première étape : la permission de faire appel.

[19] À cette étape, le critère juridique auquel le requérant doit satisfaire est peu rigoureux : a-t-il soulevé un argument défendable pouvant mener à l’accueil de l’appelNote de bas de page 9? Si l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès, je dois refuser la permission de faire appelNote de bas de page 10.

[20] Pour répondre à cette question, je me suis demandé si la division générale avait peut-être commis une erreur reconnue par la loiNote de bas de page 11.

La division générale n’a pas commis une erreur de compétence en ignorant une question fondamentale

[21] Le requérant soutient que la division générale n’a pas répondu à une question fondamentale, soit celle de savoir si les actes reprochés aux fonctionnaires sont contraires aux principes de la Charte.

[22] J’avoue que la division générale aurait pu examiner les allégations du requérant de plus près. Cependant, je ne peux retenir son argument voulant que la division générale ait ignoré cette question.

[23] Au contraire, la division générale a résumé les allégations du requérant et les a prises en considérationNote de bas de page 12.

[24] De plus, je souligne le fait que le requérant se plaint surtout de l’enquête qui a eu lieu sur la question de sa résidence au Canada. Puis, il attaque les limites imposées par les articles 11(7)(c) et 11(7)(d) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse comme étant une violation inconstitutionnelle de son droit à la liberté de mouvement.

[25] Toutefois, il manque un lien factuel essentiel entre les arguments du requérant en vertu de la Charte et la décision de lui refuser des prestationsNote de bas de page 13. Plus précisément, le ministre a reconnu que le requérant avait rétabli sa résidence au Canada en juin 2017, comme il le prétendait. De plus, le ministre n’a refusé aucune prestation au requérant en raison de ses absences du Canada. Plutôt, le ministre lui a refusé certaines prestations en raison de ses revenus.

[26] Finalement, le requérant a exposé ses attentes dans son avis de question constitutionnelle. Plus spécifiquement, le requérant demandeNote de bas de page 14 :

  • un dédommagement;
  • la correction de ses impôts par l’Agence de revenu du Canada;
  • une réparation (non précisée) pour les préjudices psychologiques subis.

[27] La division générale n’avait pas le pouvoir de lui accorder ces réparations. En outre, la Charte n’élargit pas l’éventail de réparations que le Tribunal peut accorderNote de bas de page 15. Le Tribunal ne doit pas trancher des questions relatives à la Charte s’il ne peut pas accorder le type de réparation demandé.

[28] De plus, le requérant a demandé qu’on lui verse le SRG en fonction de ses revenus, sans considération de temps ou d’endroit, ce que le ministre a fait.

[29] Pour toutes ces raisons, j’estime que l’argument du requérant voulant que la division générale ait ignoré une question importante ne pourrait pas mener à l’accueil de l’appel.

La division générale n’a pas commis une erreur de droit en fondant sa décision sur le mauvais article de la loi

[30] Le requérant soutient que la division générale a commis une erreur en appliquant l’article 20(1)(a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement). Selon lui, l’interprétation donnée à cet article par la division générale donne l’immunité aux fonctionnaires qui agissent de façon criminelle.

[31] L’article (20)(1)(a) du Règlement s’applique clairement dans cette situation. Pour soulever une contestation constitutionnelle devant le Tribunal, le requérant devait d’abord satisfaire aux exigences prévues par cette disposition législative.

[32] Les obligations imposées par l’article (20)(1)(a) du Règlement ne sont pas lourdesNote de bas de page 16. Cette disposition veille à ce que les questions constitutionnelles soient clairement énoncées et communiquées aux parties pertinentes.

[33] Par conséquent, une personne soulevant une contestation constitutionnelle est tenue de préciser la disposition attaquée et de présenter des observations « suffisamment précises pour permettre à un décideur à tout le moins de percevoir les grandes lignes d’un argument relatif à la CharteNote de bas de page 17. »

[34] La division générale a le pouvoir de déterminer si une personne soulevant des arguments fondés sur la Charte serait autorisée à poursuivre ses arguments constitutionnels ou nonNote de bas de page 18.

[35] La division générale a constaté que le requérant n’avait pas satisfait à cette exigence de préavis minimal. Le fait que le requérant n’a pas présenté des observations suffisamment précises dans le cadre d’une contestation constitutionnelle ne signifie nullement que les fonctionnaires peuvent commettre des actes criminels en toute impunité. La division générale n’a pas interprété l’article (20)(1)(a) du Règlement de cette façon.

[36] Cet argument n’a aucune chance raisonnable de succès.

La division générale n’a pas fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire

[37] Le requérant maintient que la division générale a commis plusieurs erreurs de fait importantes.

[38] Cependant, ce ne sont pas toutes les erreurs de fait qui peuvent justifier l’intervention de la division d’appel. Plus spécifiquement, la division d’appel ne peut intervenir en raison d’une erreur de fait que si la division générale a fondé sa décision sur cette erreur. De plus, la division générale doit avoir tiré sa conclusion de fait erronée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[39] Les allégations du requérant ne s’élèvent pas à ce niveau. En effet, le requérant semble critiquer certaines façons dont la division générale s’est exprimée, ainsi que sa caractérisation de certains détails contextuels.

[40] Par conséquent, ces arguments n’ont aucune chance raisonnable de succès.

[41] En plus des arguments du requérant, j’ai examiné le dossier et la décision de la division généraleNote de bas de page 19. Toutefois, je n’ai pas constaté d’autres raisons d’accorder la permission de faire appel.

Conclusion

[42] Je conclus que l’appel du requérant n’a aucune chance raisonnable de succès. Je n’ai donc d’autre choix que de lui refuser la permission de faire appel. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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