Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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[TRADUCTION]

Citation : AM c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2022 TSS 499

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Parties demanderesse : A. M.
Partie défenderesse :

Ministre de l’Emploi et du Développement social


Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 23 décembre 2021 (GP-21-251)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Date de la décision : Le 20 avril 2022
Numéro de dossier : AD-22-192

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Je ne vois aucune raison d’aller de l’avant dans cet appel.

Aperçu

[2] Le requérant, A. M., a 77 ans. En novembre 2008, il a demandé une pension de la Sécurité de la vieillesse (SV). Le ministre a accueilli sa demande, à compter de septembre 2009. En même temps, le ministre lui a donné des renseignements sur la façon de présenter une demande de Supplément de revenu garanti (SRG), une prestation versée aux parties requérantes de la SV à faible revenu. Le ministre a finalement approuvé la demande de SRG du requérant à compter de janvier 2010, soit 11 mois avant la date de la demande. Selon le ministre, il s’agissait du paiement rétroactif maximal autorisé par la loi.

[3] Cependant, le requérant pensait que son SRG aurait dû commencer plus tôt. Il a insisté sur le fait qu’il avait demandé le SRG en mars 2010 et non, comme le ministre l’a jugé, en décembre 2010. Il a demandé au ministre de lui donner plus de paiements rétroactifs du SRG.

[4] Le ministre a rejeté la demande du requérant. Il a dit n’avoir reçu aucune demande du requérant autre que celle qu’il a présentée le 31 décembre 2010.

[5] Le requérant a porté la décision du ministre en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Il a soutenu qu’il avait présenté une demande de SRG avant décembre 2010. Il a ajouté qu’il avait une incapacité depuis sa crise cardiaque survenue en août 2009. Il a également affirmé qu’il s’était fié à l’avis du ministre de ne pas présenter une autre demande de SRG avant décembre 2010.

[6] La division générale du Tribunal a tenu une audience par téléconférence. Elle a rejeté l’appel. Elle n’a trouvé aucun élément de preuve indiquant que le requérant avait présenté une demande en mars 2010 et elle n’a pas vu d’indication qu’il « n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demandeNote de bas de page 1 » d’août 2009 à décembre 2010. Enfin, la division générale a décidé qu’elle n’avait pas le pouvoir d’ordonner une réparation à la suite d’une erreur administrative ou d’un avis erroné du ministre.

[7] Le requérant demande maintenant à la division d’appel la permission de faire appel. Il soutient que la division générale a commis les erreurs suivantes :

  • Elle n’a pas tenu compte de son témoignage selon lequel une agente ou un agent de Service Canada a rempli et accepté une demande de SRG en son nom en mars 2010;
  • Elle a examiné son allégation d’incapacité uniquement sous l’angle de sa crise cardiaque, tout en ignorant les nombreux autres problèmes de santé qui ont contribué à son incapacité à présenter une demande.

Question en litige

[8] Il y a quatre moyens d’appel à la division d’appel. Une partie requérante doit démontrer l’une des choses suivantes :

  • la division générale a agi de façon injuste;
  • elle a outrepassé ses pouvoirs ou a refusé de les exercer;
  • elle a mal interprété la loi;
  • elle a fondé sa décision sur une erreur de fait importante Note de bas de page 2.

[9] Un appel peut aller de l’avant seulement avec la permission de la division d’appelNote de bas de page 3. À cette étape, la division d’appel doit être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 4. Il s’agit d’un critère relativement facile à satisfaire, car il faut présenter au moins un argument défendableNote de bas de page 5.

[10] Je dois décider si le requérant a soulevé une cause défendable qui relève d’un ou de plusieurs des moyens d’appel autorisés.

Analyse

[11] J’ai examiné la décision de la division générale, ainsi que la loi et les éléments de preuve qu’elle a utilisés pour en arriver à cette décision. Je ne vois aucune raison d’aller de l’avant avec cet appel.

On ne peut pas soutenir que la division générale a ignoré le témoignage du requérant

[10] Le requérant se présente devant la division d’appel en soumettant essentiellement les mêmes arguments que ceux qu’il a présentés devant la division générale. Il soutient que la division générale n’a pas tenu compte de ses éléments de preuve. Il soutient que, même s’il a une incapacité depuis qu’il a fait une crise cardiaque en août 2009, il a néanmoins réussi à présenter une demande de SRG en mars 2010. Il insiste sur le fait que Service Canada a perdu ou mal traité cette demande.

[11] Je ne vois pas de cause défendable selon ces arguments. Premièrement, la division d’appel ne réexamine pas les éléments de preuve qui ont déjà été présentés à la division générale. Deuxièmement, la division générale est présumée avoir examiné tous les éléments de preuve dont elle est saisie.

La division d’appel ne réexamine pas les éléments de preuve

[12] Pour que l’appel d’une personne soit accueilli par la division d’appel, elle doit faire plus que simplement être en désaccord avec la décision de la division générale. Elle doit également indiquer les erreurs précises que la division générale a commises en rendant sa décision et expliquer comment ces erreurs, s’il y a lieu, s’inscrivent dans au moins un des quatre moyens d’appel prévus par la loi. Il ne suffit pas de présenter les mêmes éléments de preuve et les mêmes arguments à la division d’appel dans l’espoir qu’elle tranchera l’affaire de la personne de manière différente.

On présume que la division générale a pris en considération tous les éléments de preuve disponibles

[13] L’une des tâches de la division générale consiste à tirer des conclusions de fait. Ce faisant, on présume qu’elle a examiné tous les éléments de preuve dont il disposaitNote de bas de page 6. Dans la présente affaire, je ne vois aucune indication selon laquelle la division générale n’aurait pas tenu compte du témoignage du requérant. En fait, la division générale a longuement discuté du témoignage du requérant dans sa décision. Cependant, la division générale a finalement conclu que ce témoignage était loin d’être convaincant.

La division générale a examiné la capacité du requérant

[14] La division générale a conclu que le requérant n’avait pas été incapable de présenter une demande de SRG d’août 2009 à décembre 2010. Elle en est arrivée à cette conclusion pour les raisons suivantes :

  • Le requérant a déclaré, en contradiction apparente avec sa demande d’incapacité, qu’il avait présenté une demande de SRG en mars 2010;
  • La preuve médicale disponible ne laissait pas entendre que le requérant « n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention » de faire une demande avant décembre 2010 :
    • Il a rempli une déclaration de revenu estimatif le 31 août 2009, peu de temps après la crise cardiaque qui, selon lui, était la principale source de son incapacité;
    • Les notes cliniques du Dr Phan datant de la période pertinente ne révélaient pas de limitations cognitives et décrivaient un patient qui participait activement à ses soins médicaux et qui était capable de consentir au traitement;
    • Les déclarations d’incapacité au dossier étaient soit incomplètes (une, remplie par le Dr Phan, n’était pas signéeNote de bas de page 7), soit peu fiables (une autre, remplie par le Dr Vale, affirmait que le requérant avait une incapacité en raison d’une polyarthrite rhumatoïde en 2007 — bien avant que le Dr Vale le voie pour la première foisNote de bas de page 8).

[15] Je ne vois rien qui laisse entendre que la division générale a mal appliqué la loi en tenant compte des éléments mentionnés précédemment. Comme la Cour d’appel fédérale l’a souligné récemment :

[traduction]
La jurisprudence nous informe que le critère juridique applicable n’est pas de savoir si la partie demanderesse a la capacité de présenter, de préparer, de traiter ou de remplir une demande de prestations d’invalidité. Autrement dit, cela ne dépend pas de sa capacité physique à remplir la demande. Il s’agit plutôt de savoir si elle a la capacité mentale, tout simplement, de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande. Cette capacité équivaut à former ou à exprimer l’intention de faire d’autres choses. [mis en évidence par le soussigné]Note de bas de page 9

[16] Le requérant fait remarquer qu’il a déjà reçu une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Cependant, une invalidité et une incapacité sont deux concepts différents. L’une est l’incapacité de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice; l’autre est l’incapacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestations. La deuxième est généralement beaucoup plus difficile à prouver que la première. Bien que le requérant ait présenté des éléments de preuve concernant un problème cardiaque, cela ne signifie pas qu’il s’est acquitté du fardeau relativement lourd de prouver qu’il n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de SRG.

La division générale a examiné la première demande du requérant

[17] La division générale s’est ensuite penchée sur l’affirmation du requérant selon laquelle il avait présenté une demande de SRG en mars 2010. La division générale a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve à l’appui de cette affirmation pour les motifs suivants :

  • Le requérant n’avait pas de reçu pour sa prétendue demande de mars 2010, et sa copie de la demande ne portait pas de timbre dateur;
  • Le requérant n’a produit une copie de sa demande de mars 2010 qu’en décembre 2020, soit bien après le début du processus de demande;
  • Le requérant n’avait pas une bonne explication quant à la raison pour laquelle il a mis autant de temps à produire sa demande de mars 2010;
  • La déclaration de revenu estimatif de novembre 2009 du requérant ne constituait pas une demande de SRG.

[18] La division générale a conclu que, même si le requérant avait peut-être eu l’intention d’envoyer un formulaire de demande en mars 2010, cela n’était pas suffisant pour satisfaire à l’obligation légale selon laquelle le ministre devait effectivement recevoir le formulaireNote de bas de page 10.

[19] Étant donné que la division générale a droit à une certaine latitude dans la façon dont elle choisit d’évaluer la preuveNote de bas de page 11, je ne vois aucune raison d’intervenir dans l’une ou l’autre des conclusions ci-dessus. Dans la présente affaire, la division générale a effectué une analyse sérieuse de l’information dont elle disposait et en est arrivée à une conclusion raisonnée et défendable.

La division générale doit respecter la loi

[20] La division générale n’avait d’autre choix que de suivre le texte de la loi. Sans preuve d’incapacité ou sans demande préalable, la division générale ne pouvait pas accorder au requérant des prestations rétroactives supplémentaires. Elle n’était pas non plus autorisée à tenir compte des circonstances atténuantes entourant la demande du requérant. Même si la division générale a pu sympathiser avec le requérant, elle ne pouvait pas simplement ignorer les dispositions explicites de la Loi sur la sécurité de la vieillesse (Loi sur la SV) et lui donner ce qu’il voulaitNote de bas de page 12.

[21] Même si le requérant avait été en mesure de démontrer que le ministre avait égaré sa demande de mars 2010, la division générale n’aurait pas été en mesure de faire quoi que ce soit à ce sujet. Comme l’a fait remarquer la division générale, le Tribunal n’a aucun pouvoir sur les erreurs administratives ou les conseils erronés du ministre. Si Service Canada a bel et bien commis de telles erreurs, la Loi sur la SV indique clairement que toute décision visant à corriger ces erreurs serait laissée à la discrétion du ministreNote de bas de page 13.

On ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur en mettant l’accent sur la crise cardiaque du requérant

[22] Le requérant affirme que la division générale a fondé sa conclusion en matière de capacité uniquement sur son problème cardiaque. Il soutient que, ce faisant, la division générale a ignoré les multiples autres maladies qui ont contribué à son incapacité.

[23] Je ne vois pas comment cet argument pourrait avoir une chance raisonnable de succès.

[24] Comme il a été mentionné, la division générale est présumée avoir examiné tous les éléments de preuve dont elle disposait. Dans sa correspondance, le requérant a mentionné de nombreux autres problèmes médicaux en plus de sa maladie cardiaque, y compris une polyarthrite rhumatoïde, de la fibrose, de la fibromyalgie, de l’hypertension artérielle, du diabète, une surdité partielle et une cécité, une dépression, de l’inflammation à la langue, de l’eczéma, de l’hypogonadisme, des tumeurs de la colonne vertébrale, une gastrite et un trouble de somatisation. Le dossier médical du requérant figurait au dossierNote de bas de page 14, et rien n’indique que la division générale ait ignoré des renseignements importants qu’il contenait.

[25] Dans sa décision, la division générale a porté une attention particulière aux problèmes cardiaques du requérant, en grande partie parce que le requérant lui-même l’a souligné. À l’audience, le requérant et sa conjointe ont expressément attribué le retard dans la présentation de sa demande de SRG à la crise cardiaque d’août 2009 et à ses séquelles. On ne peut donc pas reprocher à la division générale de prendre le temps d’examiner l’incidence de cet événement sur la capacité du requérant.

[26] La division générale a regardé au-delà de la crise cardiaque du requérant. Elle a reconnu, à juste titre, que la conclusion relative à l’incapacité dépend davantage d’un diagnostic ou d’un problème de santé; elle exige un examen de ce qu’une partie requérante fait réellement au jour le jour pendant la période d’incapacité alléguéeNote de bas de page 15.

[27] La division générale a examiné les notes cliniques du Dr Phan datant d’août 2009 à décembre 2010 et a noté les entrées suivantes :

  • Le requérant a manifesté de l’intérêt pour la vitamine D et d’autres traitements à base d’herbes et de minéraux;
  • Le requérant a demandé une note du médecin pour l’exempter de son rendez-vous à la cour des contraventions routières le lendemain;
  • Le requérant s’est blessé à l’épaule après être allé dans une glissade d’eau;
  • Le requérant s’est blessé la tête après avoir frappé un chien avec sa voiture.

[28] Ces incidents, ainsi que le fait que le requérant ait poursuivi activement et continuellement sa demande de SRG, ont laissé entendre à la division générale qu’il avait conservé la capacité de former ou d’exprimer l’intention de demander des prestations. Je ne vois pas comment on pourrait soutenir que la division générale a commis une erreur en arrivant à cette conclusion.

Conclusion

[29] Le requérant n’a pas relevé de moyens d’appel qui auraient une chance raisonnable de succès en appel. La permission de faire appel est donc refusée.

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