Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation: GS c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 996

Numéro de dossier du Tribunal : GP-19-1701

ENTRE :

G. S.

Appelante

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Intimé


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


DÉCISION RENDUE PAR : François Guérin
DATE DE L’AUDIENCE : 13 mars 2021 et 22 avril 2021
DATE DE LA DÉCISION : 27 octobre 2021

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli en partie.

[2] Le Ministre a la juridiction afin de décider à nouveau sur l’admissibilité des demandeurs sans devoir alléguer ou prouver une fraude ou de fausses déclarations.

[3] L’appelante était une résidente du Canada au sens de la Loi sur la sécurité de la vieillesse (LSV) du 31 mai 1995 au 10 février 2007, soit un total de 11 ans, 8 mois et 10 jours.

[4] L’appelante n’était pas admissible à recevoir une prestation d’Allocation pour la période d’avril 2006 à juillet 2006.

[5] L’appelante était admissible à recevoir une pension partielle de la sécurité de la vieillesse (SV) et le Supplément de revenu garanti (SRG) d’août 2006 à août 2007, soit six mois après la fin de sa résidence canadienne telle que décidé dans cette décision.

[6] L’appelante n’est pas admissible à recevoir une pension partielle de la SV de septembre 2007 à juin 2018 car elle n’était par résidente du Canada et n’avait pas encore résidé au Canada au moins 20 ans après l’âge de 18 ans pour que cette pension partielle de la SV lui soit payée à l’étranger.

Aperçu

[7] L’appelante est née en Algérie le 27 juillet 1941. Elle est entrée au Canada pour la première fois le 31 mai 1995 à l’âge de 54 ans. L’appelante a soumis une demande de pension de la SV le 15 novembre 2006. L’appelante a également présenté une demande d’allocation le 1er mars 2007. Suite à ces demandes, une prestation d’allocation lui a été versée pour la période d’avril 2006 à juillet 2006, et une pension partielle de la SV au taux de 11/40ième et le SRG ont été approuvés et lui ont été versés durant la période d’août 2006 à août 2018.

[8] Suite à une enquête, l’intimé a déterminé que l’appelante n’avait cumulé que 7 années de résidence canadienne et qu’elle ne rencontrait pas le minimum requis afin d’être admissible aux bénéfices.Note de bas de page 1 Le Ministre lui réclame des trop-payés de 3,502.45$ au titre de l’allocation pour la période d’avril 2006 à juillet 2006, de 21,563.24$ au titre de la SV et de 136,139.72$ au titre du SRG pour la période d’août 2006 à août 2018.

[9] L’appelante a demandé un réexamen de cette décision à l’intimé qui a maintenu celle-ci.

[10] L’appelante a logé un appel de cette décision au Tribunal.Note de bas de page 2

Question préliminaire

[11] L’audience s’est déroulée en deux parties compte-tenu de problèmes techniques au moment d’initier l’audience initiale, et en raison de la longueur des témoignages des parties.

[12] Lors de l’audience, deux des filles de l’appelantes étaient présentes, M. et Z. Elles ont été assermentées et ont témoigné.

[13] Lors de l’audience, le Tribunal a informé les parties qu’il désirait ajouter une question en litige, à savoir si le Ministre a la juridiction afin de décider à nouveau sur l’admissibilité de l’appelante à l’allocation, à la pension de SV et à la prestation de SRG. Le Tribunal a donné aux parties jusqu’au 4 juin 2021 afin de soumettre leurs soumissions.Note de bas de page 3 Le Ministre a soumis ses observations sur cette question le 4 juin 2021.Note de bas de page 4 L’appelante a soumis ses observations au Tribunal le 10 juin 2021.Note de bas de page 5

[14] Le 14 juin 2021, le Tribunal a partagé les soumissions aux parties et leurs a donné jusqu’au 2 juillet 2021 afin de présenter des observations écrites supplémentaires. Le 2 juillet 2021, le Ministre a répondu au Tribunal en disant qu’il n’avait aucune observation supplémentaire à soumettre.Note de bas de page 6 Considérant le volume de la documentation soumise par le Ministre, l’appelante a demandé au Tribunal un délai jusqu’au 23 juillet 2021 afin d’y répondre.Note de bas de page 7 Le Tribunal a accepté et l’appelante a envoyé ses observations écrites supplémentaires le 19 juillet 2021.Note de bas de page 8

[15] Lors de l’audience, le Tribunal a aussi demandé à l’appelante de soumettre des documents additionnels d’Air Algérie confirmant ses voyages en Algérie pour la période de 2007 à 2010 et depuis 2018. Le Tribunal a donné à l’appelante jusqu’au 4 juin 2021 afin de soumettre ces documents. Le Tribunal a reçu la soumission de l’appelante le 10 juin 2021Note de bas de page 9 dans laquelle elle informait le Tribunal qu’Air Algérie n’avait pas répondu à ses demandes multiples. Il est donc impossible d’établir les voyages en Algérie de l’appelante depuis le 19 juillet 2018 et cette décision ne couvrira que la résidence canadienne de l’appelante jusqu’à cette date.

Quelle sont les questions en litige

[16] Est-ce que le Ministre a la juridiction afin de décider à nouveau sur l’admissibilité de l’appelante à l’allocation, à la pension de SV et à la prestation de SRG?

[17] Est-ce que l’appelante était une résidente du Canada depuis le 13 octobre 2002 au sens de la LSV ?

[18] Est-ce que l’appelante est admissible à recevoir une prestation d’Allocation pour la période d’avril 2006 à juillet 2006?

[19] Est-ce que l’appelante est admissible à recevoir une pension partielle de la SV et une prestation de SRG à partir d’août 2006?

Quelle est la position de l'Intimé

[20] L’intimé soumet que l’appelante était une résidente du Canada au sens de la LSV à partir du 31 mai 1995 jusqu’au 12 octobre 2002 pour un total de 7 ans et 135 jours de résidence canadienne. Après enquête, le Ministre considère que depuis le 13 octobre 2002 l’appelante ne fait que de la présence au Canada. De plus, l’appelante ne se qualifie plus pour l’allocation pour la période d’avril 2006 à juillet 2006 étant donné que son conjoint n’est plus admissible à la pension de SV et à la prestation de SRG.  Une lettre concernant le réexamen de la décision à cet effet a été envoyée à la succession de Monsieur H. le 16 juillet 2019Note de bas de page 10 et aucune suite n’a été donnée à cette lettre par la succession dans les délais prescrits.

Quelle est la position de l'Appelante

[21] L’appelante soumet qu’elle a été continuellement une résidente du Canada au sens de la LSV depuis son entrée initiale au Canada le 31 mai 1995 et qu’elle est admissible à recevoir l’allocation, la SV et le SRG.

Analyse

Est-ce que le Ministre a la juridiction afin de décider à nouveau sur l’admissibilité de l’appelante à l’allocation, à la pension de SV et à la prestation de SRG?

[22] Revoir une décision initialement prise par le Ministre est un remède extraordinaire. Cependant, il peut être nécessaire de l’utiliser afin de rencontrer les objectifs de la Loi. C’est le cas dans cette cause.

Dans sa soumission, le Ministre soutient que le libellé de l’article 23 du Règlement lui accorde d’évaluer « en tout temps » l’admissibilité des demandeurs aux prestations. Voici l’article 23 du Règlement sur la sécurité de la vieillesse :

23(1) Le ministre peut, avant ou après l’agrément d’une demande ou après l’octroi d’une dispense, exiger que le demandeur, la personne qui a fait la demande en son nom, le prestataire ou la personne qui touche la pension pour le compte de ce dernier, selon le cas, permettre l’accès à des renseignements ou des éléments de preuve additionnels concernant l’admissibilité du demandeur ou du prestataire à une prestation.

23(2) Le ministre peu, en tout temps, faire enquête sur l’admissibilité d’une personne à une prestation, y compris sur la capacité du prestataire pour ce qui est de l’administration de ses propres affaires.

L’expression « en tout temps » signifie que lorsque le Ministre exerce son pouvoir, ses décisions ne sont pas finales. Le Ministre se réfère à l’article 23.1 du Règlement sur la sécurité de la vieillesse et un rapport d’expert rédigé par Elizabeth Charron, agente principale de la législation. L’objet de l’article 23, qui était l’article 12 dans la loi précédente, a pour objet d’accorder au Ministre la discrétion de procéder à des enquêtes afin de s’assurer qu’un demandeur ou un bénéficiaire est admissible à la pension ou à des prestations. Dans le cas présent, le Ministre considère que l’appelante recevait des bénéfices auxquels elle n’avait pas droit.

[24] L’appelante soumet que l’article 23 du Règlement sur la SV n’autorise pas le Ministre à modifier ses décisions initiales en matière d’admissibilité. L’appelante considère que l’expression « en tout temps » n’est pas une autorisation à revisiter une décision initiale à une prestation en l’absence d’une disposition législative conférant clairement ce pouvoir. L’appelante soutient que la LSV ne comporte pas une telle disposition, et que ceci représente une différence importante avec d’autres lois, telle la Loi sur l’assurance-emploi et celle sur le Régime de pensions du Canada.Note de bas de page 11 Donc, dans le cas présent, l’appelante considère que le Ministre ne peux pas revoir sa première décision sur son admissibilité.

[25] Dans B.R., la Division d’appel est « d’accord pour dire que le Ministre jouit d’un vaste pouvoir pour sommer les prestataires à lui fournir des documents prouvant leur admissibilité à une pension de la SV, avant que celle-ci soit agréée. D’après l’interprétation de la Division d’appel de l’article 23 du Règlement de la SV, le Ministre n’est toutefois pas autorisé, après l’agrément d’une pension de la SV, à revenir sur ses pas pour changer sa décision initiale sur l’admissibilité. En effet, dès lors qu’est accordée une pension de la SV à un pensionné, l’article 23 du Règlement de la SV autorise seulement le Ministre à faire enquête dans le but de déterminer si la personne demeure admissible aux prestations et si leur montant demeure exact ».Note de bas de page 12

[26] Cependant, les règles de bases pour l’interprétation des lois requièrent que le décideur lise les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur.Note de bas de page 13 Récemment, la Cour d’appel fédérale a décrit les règles pour l’interprétation d’une loi ainsi : « [l]e fond de l’interprétation de celle-ci par le décideur administratif doit être conforme à son texte, à son contexte et à son objetNote de bas de page 14 ».

[27] Les règles pour l’interprétation d’un règlement requièrent qu’il soit interprété de façon à approfondir l’objectif de la loi dans son ensemble. La Cour suprême du Canada affirme que l’intention d’une loi « transcende et régit » l’intention du règlementNote de bas de page 15.

[28] Dans la décision R.S., la Division générale a rejeté la notion selon laquelle le pouvoir du Ministre de déterminer l’admissibilité serait extraordinaire et ne cadrerait pas avec une interprétation libérale de la législation de la SV.Note de bas de page 16 Le Tribunal est d’accord avec le raisonnement dans cette décision, particulièrement les paragraphes 32 à 38. Le pouvoir du Ministre est vaste et il met en équilibre de manière appropriée l’objectif de verser des pensions et des prestations de la SV et de les verser rapidement, et le besoin de protéger les fonds publics.

[29] L’objectif de la LSV, incluant sa nature altruiste, est bien mis en contexte dans une décision de la Cour fédéraleNote de bas de page 17 :

Je dirais du régime de la SV qu’il a un objectif altruiste. Contrairement au Régime de pensions du Canada, les prestations de la SV sont universelles et non contributives, et fondées exclusivement sur la résidence au Canada. Ce type de législation répond à un objectif social large et ouvert, que l’on pourrait même qualifier de caractéristique du paysage social au Canada. Il convient donc de l’interpréter de façon large, et il ne faudrait pas qu’une personne soit privée inconsidérément du droit aux prestations de la SV.

[30] Cette interprétation de la Cour fédérale semble contempler le fait qu’une personne peut être privée des prestations de la SV. Cependant, cela ne peut être fait inconsidérément. De plus, cette interprétation de la Cour fédérale met en évidence la différence entre la SV, des prestations universelles et non contributives, avec le Régime de pensions du Canada (RPC) auquel contribue un bénéficiaire. Donc, comparer le vocabulaire utilisé dans la LSV et l’objectif de la LSV et le vocabulaire utilisé dans le RPC et dans la Loi de l’assurance-emploi et leurs objectifs serait une erreur. Ces régimes ont des fondements différents de par leurs natures mêmes, le premier ayant des prestations universelles et non contributives, et les deux autres, répondant aux demandes de leurs contributeurs. En utilisant les mots « contrairement au Régime de pensions du Canada » dans la citation ci-haut, la Cour fédérale démontre que ces programmes doivent être traités différemment.

[31] Tel que mentionné dans la décision R.S., la loi prévoyant la suspension d’une prestation, ou l’arrêt du paiement d’une prestation, présume tout d’abord que cette prestation était payable en premier lieu. Les cas où des prestataires ne rencontraient pas les critères d’admissibilité à une pension ou à une prestation sont complétement différents.  Comme c’était le cas dans la décision R.S., la pension et les prestations n’étaient pas payables lorsque les paiements ont commencé, étant donné que l’appelante ne rencontrait pas le minimum requis de dix années de résidence au Canada afin de se qualifier.

[32] Je crois que le Parlement était clair lorsqu’il a conféré au Ministre les pouvoirs afin de reconsidérer des décisions sur l’admissibilité et ainsi demander le remboursement de pensions ou de prestations trop-payées. Bien que ce soit le Gouvernement du Canada qui paie les pensions de SV et les prestations de l’allocation et du SRG, ce sont tous les contribuables qui financent ces bénéfices. Ces pouvoirs inscrits dans les Règlements sont nécessaires étant donné qu’ils permettent au Ministre de payer rapidement les bénéfices en empêchant des délais trop longs dans le traitement des demandes, et le besoin de protéger les coffres publics en refusant les paiements de pensions et de prestations aux demandeurs non admissibles à les recevoir.

[33] Je ne suis pas tenu de suivre le raisonnement des décisions émises par la Division d’appel du Tribunal et je considère que le Ministre a la juridiction afin de décider à nouveau sur l’admissibilité des demandeurs sans devoir alléguer ou prouver une fraude ou de fausses déclarations.

Ce que je dois décider

[34] Je dois donc décider quelle est la période de résidence au Canada de l’appelante au sens de la LSV depuis le 13 octobre 2002 afin d’établir son admissibilité à l’allocation, la SV et le SRG.Note de bas de page 18

La jurisprudence et la résidence canadienne

[35] Le fardeau de la preuve, selon la balance des probabilités, repose sur l’appelante.Note de bas de page 19

[36] La prestation d’allocation est une prestation mensuelle payée au conjoint (époux ou conjoint de fait) âgé entre 60 et 64 ans d’un pensionné de la SV à faible revenu. Le conjoint pensionné de la SV doit aussi être admissible au SRG.Note de bas de page 20 L’allocation est rajustée au moment de la déclaration de revenu si le revenu déclaré a changé.

[37] L’article 19 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse (LSV) prévoit le paiement de la prestation d’allocation aux personnes admissibles en fonction des dispositions prévues à la Loi et à ses règlements. La prestation d’allocation n’est versée que sur demande. Le conjoint admissible à une prestation d’allocation doit présenter une demande annuellement pour se qualifier.

[38] Les revenus des pensionnés sont basés sur les revenus durant l’année de référence selon les articles 21 et 22 de la LSV. Dans le cas de partenaires conjugaux, les revenus des deux conjoints sont utilisés pour le calcul de l’allocation à être payée au conjoint admissible.

[39] La LSV prévoit qu’une pension partielle peut être versée à un pensionné âgé de plus de 65 ans si celui-ci a résidé au Canada au moins 10 ans après l’âge de 18 ans, et si celui-ci résidait au Canada le jour précédant la date d’agrément de sa demande. Si le pensionné n’est plus un résident du Canada, le pensionné doit avoir une période de résidence d’au moins 20 ans au Canada après l’âge de 18 ans pour que cette pension lui soit payée à l’étranger.Note de bas de page 21

[40] Aux fins de la LSV, une personne réside au Canada si elle établit sa demeure et vit ordinairement dans une région du Canada. Ce concept est distinct de celui de la présence. Une personne est présente au Canada lorsqu’elle se trouve physiquement dans une région du Canada.Note de bas de page 22  Une personne peut être présente au Canada sans être une résidente du Canada.

[41] La résidence est une question de fait qui doit être tranchée selon les faits particuliers de chaque cause. Les intentions d’une personne ne sont pas des éléments décisifs. La décision DingNote de bas de page 23 a établi une liste non exhaustive de facteurs à prendre en considération afin de guider le Tribunal à décider la question de la résidence :

  1. a. Liens prenant la forme de biens mobiliers;
  2. b. Liens sociaux au Canada;
  3. c. Autres liens au Canada (assurance-maladie, permis de conduire, bail de location, dossiers fiscaux, etc.);
  4. d. Liens dans un autre pays;
  5. e. Régularité et durée des séjours au Canada par rapport à la fréquence et à la durée des absences du Canada;
  6. f. Le mode de vie de l’intéressé, ou la question de savoir si l’intéressé vivant au Canada y est enraciné de façon significative.

[42] L’appelante doit prouver qu’il est plus probable que non qu’elle rencontre maintenant l’exigence minimale de la LSV de 10 années de résidence canadienne afin d’être admissible à la SV et au SRG.

Le Tribunal a discuté avec l’appelante afin d’établir ses liens avec le Canada conformément à la décision DingNote de bas de page 24.

La crédibilité et la fiabilité de l’appelante

[43] Lors de son témoignage, l’appelante s’est présentée comme une personne très agréable. Elle donnait des réponses assez détaillées mais, comme elle le disait, sa mémoire n’était pas toujours la meilleure, surtout au moment de donner des dates exactes. Cependant, elle a fait du mieux qu’elle pouvait afin d’expliquer la chronologie des évènements et les raisons de ses affirmations.

[44] Le Tribunal note également que l’appelante ne répondait pas toujours aux questions qui lui étaient posées mais en clarifiant celles-ci, l’appelante donnait des explications appropriées.

[45] L’appelante a soumis un questionnaire au Ministre en donnant des dates de son séjour en Algérie de 2006 à 2016.Note de bas de page 25 Cependant, lors de l’audience, M., la fille de l’appelante, a admis que c’est elle qui a complété ce questionnaire en présence de sa sœur et de sa mère, de mémoire et au meilleurs de leur connaissance sur la base de l’affirmation à savoir que l’appelante et son mari allaient en général approximativement deux mois en Algérie durant l’été, et à partir de certains événements ou occasions spéciales. Le Tribunal constate cependant qu’à certaines dates durant lesquelles l’appelante affirmait être au Canada, elle était plutôt en Algérie. Par exemple, son passeport canadien a été renouvelé à Alger le 25 mars 2014Note de bas de page 26 et l’appelante a témoigné être au Canada. De plus, ces dates ne concordent pas avec la liste des vols soumis par Air Algérie depuis 2010.Note de bas de page 27 Pour ces raisons, le Tribunal préfère ne pas donner beaucoup de poids aux dates soumises par l’appelante dans ce questionnaire.

[46] L’appelante a indiqué qu’elle a des problèmes avec la preuve qui a été soumise par l’intimé. Par exemple, l’intimé a soumis un reçu d’un billet d’avion d’Air Algérie daté le 10 septembre 2002.Note de bas de page 28 L’appelante a confirmé que lorsqu’elle allait en Algérie avant le début des vols d’Air Algérie sur Montréal le 15 juin 2007, elle utilisait Royal Air Maroc et faisait une escale à Casablanca. Depuis juin 2007, elle utilise Air Algérie qui offre une liaison directe et sans escales. À cet effet, elle a soumis un article du journal La Presse confirmant cette affirmation.Note de bas de page 29 L`intimé a soumis l’hypothèse que le billet d’Air Algérie aurait pu être un vol en partage d’occupation ou en sous-traitance d’une autre compagnie aérienne afin d’assurer le vol. Le Tribunal considère qu’une telle situation aurait été rapportée sur la facture avec une mention indiquant le nom de la compagnie aérienne qui aurait assuré le service. Cependant, cet article soulève un doute raisonnable aux yeux du Tribunal concernant les informations de vols utilisées par l’intimé avant le 15 juin 2007 et plus particulièrement au reçu d’un vol d’Alger à Montréal le 10 septembre 2002 avec un retour sur Alger le 12 octobre 2002Note de bas de page 30 et étant donné qu’aucune entrée au Canada le 10 septembre 2002 est inscrite pour l’appelante dans l’historique de voyage de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC).Note de bas de page 31 Par contre, le Tribunal note que c’est l’appelante qui a fourni ce reçu à l’enquêteur.Note de bas de page 32 Le Tribunal préfère ne pas donner beaucoup de poids à ce reçu comme une preuve d’entrée ou de sortie du Canada les 10 septembre et 12 octobre 2002.

[47] Le Tribunal note que pour le billet acheter à Alger pour le vol Alger-Montréal le 25 janvier 2007 avec retour sur Alger le 15 février 2007,Note de bas de page 33 l’entrée au Canada le 25 janvier 2007 est corroborée dans l’historique de voyage de l’ASFC.Note de bas de page 34 Cependant, le Tribunal préfère ne pas donner beaucoup de poids à ce voyage étant donné le doute raisonnable soulevé par l’appelante suite à l’article du 23 avril 2007 dans la Presse indiquant que les vols d’Air Algérie entre Alger et Montréal n’auraient commencé que le 15 juin 2007.

[48] L’appelante a soumis trois demandes de passeport canadien, soit une à Montréal en 2002,Note de bas de page 35 et deux à Alger en 2009Note de bas de page 36 et en 2014.Note de bas de page 37

[49] Dans sa demande de passeport de 2002, qu’elle a signée, elle a identifié une adresse de résidence à Montréal. Elle a témoigné qu’elle ne se souvenait plus si c’est elle qui a complété ce formulaire mais a confirmé que c’était son adresse. L’appelante a témoigné qu’elle a fait sa demande de passeport canadien de 2002 en préparation d’un voyage en Algérie le 23 mars 2002, son premier depuis son arrivée au Canada en 1995, ce qu’elle a confirmé lors de l’audience. Le Tribunal accepte le 23 mars 2002 comme date de départ du Canada pour effectuer un voyage en Algérie. Le Tribunal note cependant que suite à cette date du 23 mars 2002, la première date d’entrée confirmée dans l’historique des voyages de l’ASFC au Canada est le 28 novembre 2003.Note de bas de page 38 De plus, entre ces deux dates, le Tribunal constate que l’appelante n’avait aucune visite médicale assurée par la RAMQ.Note de bas de page 39 Cependant, l’appelante a soumis au Tribunal des photographies qui démontrent qu’elle était bel et bien au Canada le 31 décembre 2002 pour la naissance d’un petit-filsNote de bas de page 40 et le 18 octobre 2003 pour la collation des grades de sa fille.Note de bas de page 41 Ces informations laissent un doute raisonnable aux yeux du Tribunal sur les voyages et la durée de ceux-ci durant cette période.

[50] Lorsque le Tribunal lui a demandé pourquoi elle avait attendu deux ans avant de demander le renouvellement de son passeport après que son passeport de 2002 soit échu en 2007, elle a répondu que c’était parce qu’elle était ici au Canada. Le Tribunal accorde peu de poids à cette affirmation étant donné que ceci contredit la soumission de l’appelante dans un questionnaire remis au MinistreNote de bas de page 42 et étant donné que dans sa demande de passeport canadien de 2009 émis à Alger et datée le 11 février 2009, l’appelante a soumis qu’elle résidait en Algérie durant les deux années précédant la demande de ce passeport.

[51] Dans ses demandes de passeport de 2009 et 2014, qu’elle a signées, elle a identifié une adresse de résidence à Alger et aussi confirmé qu’elle habitait à cette adresse, la même dans les deux demandes, depuis les deux dernières années précédant les dates de ces demandes de passeports. Elle ne se souvenait plus si c’est elle qui a complété ces formulaires mais a confirmé que c’était bien l’adresse de la maison de son époux en Algérie. Lorsqu’interrogée sur cette question, l’appelante a affirmé qu’elle avait tout simplement fait une erreur d’inattention et qu’elle avait indiqué cette adresse parce qu’elle était en Algérie. Le Tribunal préfère donner plus de poids aux déclarations de résidence faites par l’appelante dans ses demandes de passeports de 2009 et 2014 car elle a fait ces déclarations à deux reprises à des moments différents et a confirmé dans une autre section de ces formulaires qu’elle était résidente à cette adresse depuis au moins deux ans avant la signature de la demande de passeport du 11 février 2009, donc au moins depuis le 11 février 2007.

[52] En ce qui a trait à la raison pour laquelle elle a procédé au renouvellement de son passeport canadien en Algérie, l’appelante a témoigné que lorsqu’elle voyage en Algérie, elle voyage avec ses deux passeports mais elle entre dans ce pays avec son passeport algérien. En ce qui a trait à sa demande du 11 février 2009, l’appelante a soumis qu’elle est entrée en Algérie en présentant son passeport algérien et ne s’est pas rendue compte que son passeport canadien était déjà expiré. Sa fille Z. a aussi expliqué qu’en Algérie, un citoyen peut quand même entrer au pays avec un passeport expiré. Relativement au renouvellement de son passeport canadien fait en Algérie en 2014, l’appelante a répondu qu’elle ne savait pas.

[53] Le Tribunal constate qu’en fonction du rapport de l’ASFC, l’appelante est entrée au Canada le 13 novembre 2007 alors que son passeport canadien émis en 2002 avait expiré le 5 mars 2007Note de bas de page 43 et qu’elle n’avait plus de passeport canadien valide. Lorsqu’interrogé à ce sujet, l’appelante a dit ne plus se souvenir avec quel passeport elle était entrée au Canada à cette date. La fille de l’appelante a soumis que l’entrée du 13 novembre 2007 dans le rapport de l’ASFC serait une erreur et devrait être au mois de janvier 2007. Le Tribunal note que selon le rapport de la RAMQ,Note de bas de page 44 l’appelante aurait reçu un service assuré le 8 juin 2007 et le 15 novembre 2007, soit deux jours après son entrée au Canada du 13 novembre 2007. Le Tribunal note également qu’une entrée en janvier 2007 n’a pas été rapportée dans le questionnaire que l’appelante a soumisNote de bas de page 45 et que l’appelante y avait déclaré être en Algérie de juin à juillet 2007.Note de bas de page 46

[54] L’appelante a soumis deux décisions datées du 11 avril 2017 (audience le 8 février 2017)Note de bas de page 47 et du 15 février 2021 (audience le 18 janvier 2021)Note de bas de page 48 du Tribunal administratif du logement du Québec (TALQ) afin de présenter la taille de la maison de Montréal au Tribunal. Dans cette dernière décision du TALQ, le Tribunal a remarqué un commentaire à l’effet que la locataire a soulevé un doute quant à la régularité de la cohabitation de la mère de la locatrice dans la maison.Note de bas de page 49 Lorsqu’interrogée sur cette question, la fille de l’appelante a soumis que la locataire essaie de mettre toutes les chances de son côté et que ça ne veut pas dire que c’est la vérité. Elle a aussi soumis que durant cette période sa mère était chez sa sœur qui avait subi une opération aux yeux et avait besoin d’assistance. Cette sœur a témoigné avoir été opérée en 1995, 1997, en 2010, en 2016, en 2017 et en 2019. Ce commentaire dans la décision du TALQ laisse cependant un doute aux yeux du Tribunal.

[55] Le Tribunal préfère donc retenir les renseignements objectifs inscrits sur le relevé d’Air Algérie indiquant les voyages de l’appelante depuis 2010Note de bas de page 50, les historiques de visite de la RAMQ,Note de bas de page 51 l’historique des voyageurs de l’ASFCNote de bas de page 52 (dates qui correspondent avec le relevé des billets d’Air Algérie) et également et surtout les informations données par l’appelante elle-même dans ses demandes de passeport de 2009 et 2014 afin d’établir la résidence de l’appelante au Canada. Le Tribunal considère que l’appelante était de bonne foi lorsqu’elle a rempli ses demandes de passeports de 2009 et 2014 étant donné que la même adresse est inscrite dans les deux formulaires et que l’information concernant cette adresse est confirmée plus loin dans les questionnaires quand l’appelante indique y avoir résidé durant les deux années précédant la signature des dits formulaires.

Est-ce que l’appelante était une résidente du Canada au sens de la LSV depuis le 13 octobre 2002?

Les liens de l’appelante au Canada et en Algérie

[56] L’appelant a témoigné qu’elle n’est jamais allée s’établir en Algérie depuis octobre 2002. Elle considère que sa résidence a toujours été au Canada depuis sa première entrée en 1995. Elle a habité un logement qui était loué par son époux jusqu’à ce que son fils S. achète une maison sur la rue X en 2003. Elle habite cette maison depuis cette date.

[57] L’appelante a témoigné s’être mariée le 9 août 1960 avec Monsieur T. H., selon la loi algérienne, sous le régime de la séparation de biens et sans contrat de mariage. L’appelante a témoigné qu’elle vivait selon la tradition algérienne. Son rôle était de voir au bien-être de la famille et tenir maison. Son mari était responsable de pourvoir aux besoins financiers de la famille et était responsable de passer tous les contrats. L’appelante n’a jamais signé de bail ou eu de comptes de services publics à son nom, ni au Canada, ni en Algérie. C’est l’époux de l’appelante qui a acheté en 1984 leur maison en Algérie et signé tous les documents. Sur papier, il est encore propriétaire de cette maison même s’il est maintenant décédé. L’appelante a témoigné que s’ils avaient divorcé durant leur mariage, en fonction de la loi algérienne, l’époux aurait été obligé de payer sa juste part à son épouse et payer une pension pour les enfants. C’est son mari qui a aussi signé seul leur bail au Canada.

[58] Quand leur fils S. a acheté sa première maison au Canada, l’appelante et son époux sont déménagés chez leur fils en juillet 2003, soit après la fin de leur bail. Selon la tradition algérienne, il revient aux enfants de s’occuper de leurs parents lorsqu’ils prennent de l’âge. À cette époque, c’est le fils qui s’occupait de tout pour ses parents et, par la suite, étant donné son retour en Algérie, ce fut au tour de sa fille M., qui a acheté la maison de S. en 2007, de s’occuper de ses parents. Ceci a été une continuité d’habitation au même endroit appréciée par les parents qui y ont conservé la même chambre.

[59] L’appelante a témoigné qu’elle a tardé à déposer une demande d’allocation car elle ne savait pas qu’elle y avait droit et que c’est son mari qui s’occupait normalement de tout.

[60] Dans le dossier concernant l’époux de l’appelante, une décision sur la résidence de celui-ci a été émise en octobre 2018 par l’intimé. L’intimé a témoigné qu’une décision après réexamen a été envoyée le 16 juillet 2019Note de bas de page 53 à la succession de l’appelant donnant à la succession la possibilité de loger un appel auprès de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Aucun appel n’a été logé dans cette cause. La fille de l’appelante a témoigné qu’une succession n’a pas été nommée et qu’un avocat lui avait recommandé d’attendre que le dossier de l’appelante soit réglé avant de procéder dans le dossier du défunt époux de l’appelante. Cependant le Tribunal constate que la décision dans le dossier de l’époux de l’appelante est considérée comme étant finale étant donné qu’aucune suite, dans les délais requis, n’a été donnée à celle-ci.

[61] M., la fille de l’appelante, a témoigné qu’elle a travaillé pour le même employeur de 2003 à 2017 et que sa mère gardait ses enfants lorsqu’elle était au travail. Sa mère habitait chez son frère à partir de 2003. Lorsqu’elle a acheté la maison de son frère en 2007 pour y habiter avec son époux et ses deux enfants, sa mère, qui y habitait déjà, a gardé la chambre.

[62] La fille de l’appelante a témoigné que son père a été opéré en octobre 2012 et que suite à cette opération il a fait une grave dépression. En 2013 il a été diagnostiqué avec la maladie d’Alzheimer. Lors de leur voyage de février 2015, ses parents n’étaient pas supposés rester en Algérie. Cependant, son père a eu un ACV, son médecin en Algérie lui a interdit de prendre l’avion pour revenir au Canada et il y est mort suite à un deuxième ACV. L’appelante, une musulmane pratiquante, a donc dû faire Ida en Algérie pendant 4 mois et 10 jours et ce, conformément à sa pratique religieuse. L’appelante est revenue au Canada deux jours après la fin de Ida. M. a témoigné qu’à partir d’octobre 2012, son père voulait passer plus de temps en Algérie et disait qu’il ne voulait pas mourir au Canada.

[63] Z., la seconde fille de l’appelante a témoigné avoir toujours habité avec ses parents jusqu’à son mariage en 2000. Son premier fils est né en 2002. Z. a témoigné qu’en raison de ses problèmes relatifs à sa cécité partielle, l’appelante lui a toujours apporté du soutien, de même que lors des naissances de ses enfants.

[64] L’appelante a témoigné que son fils C., né en 1972, occupe la maison en Algérie. C’est lui qui paie pour les services publics de cette maison. C. n’est jamais venu s’établir au Canada. L’appelante a témoigné que son mari est toujours propriétaire de cette maison sur papier bien qu’il soit maintenant décédé.

[65] Je vais maintenant regarder plus spécifiquement les facteurs mentionnés plus haut afin de déterminer si l’appelante était une résidente du Canada au sens de la LSV depuis le 13 octobre 2002.

  1. a. Liens prenant la forme de biens mobiliers. Depuis 2002, l’appelante a témoigné qu’elle n’a aucun bien à elle, ni au Canada, ni en Algérie. Les meubles dans sa chambre appartiennent à sa fille. Lorsqu’elle est en Algérie elle partage la chambre de ses petits-enfants. Elle visite aussi ses frères et sœurs toujours en Algérie pour quelques jours. Depuis 2003, l’appelante a une chambre à son usage exclusif (avec son mari de son vivant) chez son fils S., puis chez sa fille M. qui a acheté la maison en 2007. Depuis à peu près deux ans (2019) elle partage sa chambre avec une de ses petites-filles qui est infirmière. Lors de la deuxième audience, l’appelante a clarifié que ses biens, telles ses choses de maison et sa vaisselle, font parties des biens communs de la maison de sa fille.
  2. b. Liens sociaux. L’appelante était mariée. Elle a toujours été avec son époux depuis leur mariage en 1960, tant au Canada qu’en Algérie, jusqu’à sa mort. Elle voyageait toujours avec lui, sauf à une occasion lors du décès de sa sœur en 2013. De 2002 à 2006, quatre de ses cinq enfants habitaient au Canada. Un est retourné vivre définitivement en Algérie en 2005 (F.) et un autre (S.) est retourné définitivement en Algérie en 2007, ce qu’a confirmé M.. Lors de la deuxième audience, l’appelante et sa fille ont corrigé cet énoncé et affirmé que F. avait quitté vers avril 2006. L’appelante a donc depuis 2007 trois enfants en Algérie (S., S. et F.) et 14 petits-enfants. Il ne lui reste au Canada que 2 filles (Z. et M.) et 7 petits-enfants. Elle n’a que peu de famille en France qui n’est, par ailleurs, que de la famille par alliance. L’appelante a témoigné avoir beaucoup d’amis au Canada qu’elle voit lors d’occasions spéciales, comme lors de mariages, et l’été lors de pique-niques. Elle a témoigné avoir encore plus d’amis en Algérie. Elle fait à peu près la même chose avec ses amis que ce soit au Canada ou en Algérie, qu’elle qualifie quand même comme « encore mieux en Algérie car il fait beau et chaud et que les gens se rencontrent l’après-midi ».
  3. c. Autres liens au Canada. L’appelante a témoigné qu’elle n’a et n’a eu absolument rien au Canada. Aucuns investissements ou fond de pension de quelque sorte que ce soit, aucuns plans d’assurance que ce soit vie, automobile ou logement. Elle n’en a et n’en a pas plus eu en Algérie. Elle n’a jamais eu de voiture ou de permis de conduire, ni au Canada ni en Algérie. Elle a témoigné qu’elle et son mari ont reçu l’aide sociale de 2002 à 2006 approximativement, soit jusqu’à ce que son époux soit admissible à la SV en décembre 2005. Selon les témoignages entendus, ils auraient reçu de l’aide sociale jusqu’en mars 2007. L’intimé a clarifié que la pension de SV de l’époux de l’appelante a été approuvée en mars 2007 rétroactivement à décembre 2005. Une subrogation légale est intervenue au bénéfice de l’aide sociale pour la période de décembre 2005 à mars 2007. Donc, le Tribunal note que l’aide sociale du Québec a reconnu l’admissibilité de l’époux de l’appelante pour des paiements jusqu’en mars 2007, soit jusqu’à ce que l’intimé approuve la demande de SV.
  4. d. Liens avec l’Algérie. Lorsqu’elle voyage en Algérie elle a témoigné entrer dans ce pays avec son passeport algérien. L’époux de l’appelante a conservé une maison en Algérie suite à son départ de l’Algérie pour le Canada. La maison est toujours au nom de son époux sur papier bien qu’il soit maintenant décédé. Le fils de l’appelante y habite et paie les services publics associés à cette maison. L’appelante a témoigné qu’elle n’a pas de biens personnels qui demeurent en Algérie. Elle n’a jamais eu de compte de banque en Algérie. Son mari avait une couverture médicale en Algérie (carte d’assurance maladie) mais elle n’en avait pas. Si elle était malade, elle se présentait chez le médecin et payait ses prescriptions. Elle n’a aucun fond de pension, carte de crédit ou quoi que ce soit en Algérie. Elle n’a jamais travaillé sauf pour s’occuper de ses enfants et de son foyer, ce qui est typique des femmes algériennes traditionnelles de sa génération.
  5. e. Régularité et durée des séjours au Canada par rapport à la fréquence et à la durée des absences du Canada. L’appelante a admis lors de l’audience que de 2012 à 2018 l’appelante a été en Algérie plus longtemps qu’au Canada. L’appelante a témoigné que son mari, duquel elle était la proche-aidante, préférait être en Algérie, surtout depuis son opération et en raison de ses problèmes reliés à la démence et à la maladie d’Alzheimer. La sœur de l’appelante y est aussi décédée en 2013 de même que son beau-frère. De plus, suite aux décès de son époux, en tant que musulmane pratiquante, elle devait faire Ida. L’appelante a témoigné toujours voyagé avec son mari sauf à une exception en 2013 lors du décès de sa sœur. Lorsque le Tribunal a demandé à l’appelante pourquoi ses billets d’avion sont Alger-Montréal-Alger et non Montréal-Alger-Montréal, l’appelante a témoigné qu’elle achète ses billets d’avion à Alger car ils sont moins chers que si elle les achète à Montréal. L’appelante a témoigné que de son vivant, son mari prenait les décisions relativement à leurs voyages en Algérie et à leurs durées. Lors de l’audience, l’appelante a témoigné que sa dernière entrée au Canada a été le 3 mars 2019 ou 2020 et qu’elle n’est pas retournée en Algérie depuis cette date. Ce tableau représente les dates d’entrée et de sorties du Canada et de l’Algérie de l’appelante. Il a été établi à partir des billets de l’historique de voyage d’Air AlgérieNote de bas de page 54 que l’enquêteur a reçu de la compagnie après avoir reçu le consentement de l’appelante.Note de bas de page 55

Date de début

Date de fin

Pays

Durée

Commentaire

(si nécessaire)

2010-10-29

2010-12-28

Canada

61 jours

GD2-101

2010-12-29

2011-05-06

Algérie

128 jours

 

2011-05-06

2011-06-07

Canada

32 jours

 

2011-06-08

2011-12-13

Algérie

188 jours

 

2011-12-13

2012-01-13

Canada

31 jours

 

2012-01-14

2012-08-31

Algérie

230 jours

 

2012-08-31

2012-11-03

Canada

64 jours

 

2012-11-04

2013-06-14

Algérie

222 jours

 

2013-06-14

2013-07-14

Canada

30 jours

 

2013-07-15

2014-03-25

Algérie

253 jours

 

2014-03-25

2014-05-14

Canada

67 jours

 

2014-05-15

2015-01-10

Algérie

240 jours

 

2015-01-10

2015-02-10

Canada

31 jours

 

2015-02-11

2016-03-01

Algérie

384 jours

 

2016-03-01

2016-05-28

Canada

88 jours

 

2016-05-29

2016-07-17

Algérie

49 jours

 

2016-07-17

2016-08-19

Canada

33 jours

 

2016-08-20

2016-11-12

Algérie

84 jours

 

2016-11-12

2017-02-11

Canada

91 jours

 

2017-02-12

2017-04-14

Algérie

61 jours

 

2017-04-14

2017-06-17

Canada

64 jours

 

2017-06-18

2017-11-11

Algérie

146 jours

 

2017-11-11

2018-01-27

Canada

77 jours

 

2018-01-28

2018-06-19

Algérie

220 jours

 

2018-06-19

2018-07-19

Canada

30 jours

GD2-101

2018-07-20

Incertain

Algérie

 

 

Incertain

Date de l’audience

Canada

 

 

  1. f. Le mode de vie de l’intéressé, ou la question de savoir si l’intéressé vivant au Canada y est enraciné de façon significative. Quand les enfants de M. étaient plus jeunes, l’appelante allait chercher les enfants à l’école et s’occupait de ceux-ci ce qui permettait à M. de faire du temps supplémentaire à son travail. L’appelante a témoigné qu’elle fréquentait aussi sa mosquée et allait au patro local (centre communautaire). Durant la journée, l’appelante a témoigné aller à des organismes pour rapporter de la nourriture, elle allait au supermarché. Lorsqu’elle est en Algérie, l’appelante a témoigné passer du temps avec ses amis et sa famille et pouvait y passer quelques jours en visite. Elle fait de la couture, du crochet et du tricot. Depuis qu’elle est plus fatiguée et malade, elle passe plus de temps à se reposer et se soigner. L’appelante a témoigné qu’elle est mieux au Canada et considère que c’est ici qu’elle est plus libre et elle participe à des activités avec ses filles. L’appelante a témoigné qu’elle considère que depuis 2002, elle a plus d’attaches au Canada parce qu’elle a ses filles et ses petits-enfants ici, qu’elle a des amis ici et qu’elle s’est habituée au Canada, s’est intégrée ici et qu’elle est en sécurité ici. Elle a témoigné que ses enfants en Algérie sont mariés et ont leurs enfants et qu’elle ne les voit pas autant.

Période du 13 octobre 2002 au 10 février 2007

[66] Le Tribunal considère que, selon la balance des probabilités, l’appelante était une résidente du Canada au sens de la LSV.

[67] Le Tribunal comprend la dynamique culturelle et sociale de l’appelante de son rôle d’épouse et de personne responsable du foyer alors que son époux est responsable de tous les contrats, que ce soit des hypothèques, de comptes publics ou d’enregistrements légaux. Le Tribunal est conscient également du peu de biens matériels et financiers de l’appelante dans ses circonstances particulières. C’est pour ces raisons que, du 13 octobre 2002 au 10 février 2007, le Tribunal considère que, selon la balance des probabilités, l’appelante était une résidente du Canada au sens de la LSV. Durant cette période, elle avait un loyer avec son époux jusqu’au 30 juin 2003. Suite à cela, elle est déménagée avec son époux chez son fils S. qui s’occupait d’eux. Jusqu’à la fin mars 2007, l’assistance sociale du Québec lui payait, à elle et son mari, une assistance de dernier recours. Durant cette période, la majorité de ses enfants étaient encore au Canada, F. étant retourné en Algérie vers avril 2006 et S. en 2007 pour s’y marier et avoir eux-mêmes des enfants.

[68] Bien que l’appelante et son époux aient toujours une maison au nom de l’époux en Algérie, le Tribunal considère que les paiements de l’assistance de dernier recours de l’assistance sociale du Québec et le fait que la majorité de la famille immédiate du couple soit également au Canada, démontrent au Tribunal des liens plus forts avec le Canada qu’avec l’Algérie et font pencher la balance vers une résidence canadienne jusqu’au 10 février 2007. Le Tribunal considère également que l’appelante a semé un doute raisonnable aux yeux du Tribunal concernant sa présence au Canada jusqu’au 10 février 2007.

[69] Cependant, cette situation change le 11 février 2007, avec l’admission de l’appelante dans sa demande de passeport canadien de 2009 faite à Alger. L’appelante y admet qu’elle réside en Algérie en date du 11 février 2009 et d’y avoir résidé durant au moins les deux années précédant la signature de cette demande. Lorsqu’interrogé à ce sujet, l’appelante a témoigné qu’elle avait donné une adresse en Algérie parce qu’elle y était avant de dire plus tard qu’il s’agissait d’une erreur. Le Tribunal préfère les renseignements que l’appelante a partagé dans ses demandes de passeport canadien de 2009 et 2014 et donne beaucoup de poids à ces admissions dans ses demandes de passeport.

Période du 11 février 2007 au 19 juillet 2018

[70] Le Tribunal considère que, selon la balance des probabilités, l’appelante n’était pas une résidente du Canada au sens de la LSV à partir du 11 février 2007 jusqu’au 19 juillet 2018.

[71] Dans ses demandes de passeport de 2009 et 2014 qu’elle a signées elle-même, l’appelante n’a pas que simplement identifié une adresse de résidence à Alger dans ses demandes, mais elle a aussi confirmé qu’elle habitait à cette adresse, la même dans les deux demandes de passeport, depuis les deux dernières années précédant les dates auxquelles ces demandes de passeport canadien ont été signées. Le Tribunal conçoit que l’appelante aurait pu faire une erreur au moment d’écrire son adresse de résidence dans une seule demande de passeport, cependant, elle l’a fait à deux reprises tout en confirmant dans une autre section de ces mêmes formulaires qu’elle y avait résidé durant les deux années précédant la date de signature de ces demandes de passeport. Le Tribunal considère donc qu’une erreur à ce sujet n’est que peu probable.

[72] Le Tribunal ne peut que constater que même si l’appelante a certains liens avec le Canada, ses liens avec l’Algérie sont plus forts depuis le 11 février 2007. À cette date, l’appelante admet avoir sa résidence en Algérie dans sa demande de passeport canadien de 2009 qu’elle a déposée à Alger. Ceci n’est cependant qu’un des facteurs que le Tribunal doit considérer en fonction des facteurs Ding. De plus, la date du 11 février 2007 coïncide approximativement avec le retour en Algérie de deux de ses enfants. L’appelante a toujours, de par son mariage, une maison en Algérie, qui est toujours au nom de son mari sur papier bien qu’il soit décédé, comparativement à une chambre chez une de ses deux filles à Montréal. De plus, la majorité de sa famille immédiate se trouve en Algérie. Le Tribunal constate également que l’appelante passe régulièrement du temps en l’Algérie, et ce depuis le 23 mars 2002, et que ses voyages sont fréquents et de longues durées, atteignant jusqu’à 384 jours consécutifs lors du décès de son époux en 2015.  Plus particulièrement, en se référant au tableau ci-haut, du 29 octobre 2010 au 19 juillet 2018, l’appelante a passé un total de 699 jours au Canada, comparativement aux 2,205 jours qu’elle a passés en Algérie. De plus, ses billets d’avion, émis à Alger, sont des Alger-Montréal-Alger plutôt que des billets Montréal-Alger-Montréal.

[73] Le Tribunal est satisfait que sur la balance des probabilités, l’appelante n’était pas une résidente du Canada au sens de la LSV du 11 février 2007 au 19 juillet 2018, soit la dernière date de départ du Canada documentée de l’appelante.Note de bas de page 56

[74] Si le pensionné n’est plus un résident du Canada, le pensionné doit avoir une période de résidence d’au moins 20 ans au Canada après l’âge de 18 ans pour que cette pension lui soit payée à l’étranger.Note de bas de page 57 Le Tribunal conclu donc qu’à la date d’agrément de sa demande (le jour de son soixante-cinquième anniversaire), l’appelante avait accumulé un total de 11 ans de résidence canadienne. Elle était donc admissible à une pension partielle de la SV de 11/40ième à partir d’août 2006 à août 2007. Étant donné que l’appelante n’a pas accumulé 20 ans de résidence suite à ses 18 ans, l’appelante n’est pas admissible à ce qu’une pension partielle de la SV lui soit versée pendant plus de six mois suite à la fin de sa résidence au Canada, le 11 février 2007, soit jusqu’en août 2007. Elle n’est pas admissible non plus à une prestation du SRG à partir de septembre 2007.

Conclusion

[75] Bien que le Tribunal comprenne culturellement la situation de l’appelante dans son rôle d’épouse musulmane traditionnelle de sa génération, le Tribunal doit rendre une décision conformément à la LSV.

[76] Le Ministre a la juridiction afin de décider à nouveau sur l’admissibilité des demandeurs sans devoir alléguer ou prouver une fraude ou de fausses déclarations.

[77] Le Tribunal considère que selon la balance des probabilités, l’appelante était une résidente du Canada au sens de la LSV du 31 mai 1995 jusqu’au 10 février 2007, soit un total de 11 ans, 8 mois et 11 jours.

[78] L’appelante n’était pas admissible à recevoir une prestation d’Allocation pour la période d’avril 2006 à juillet 2006 étant donné que son époux n’était pas admissible à la SV et au SRG, celui-ci, ou une succession, n’ayant pas contesté la décision du Ministre dans les délais requis.

[79] L’appelante était admissible à recevoir une pension partielle de la sécurité de la vieillesse (SV) et le Supplément de revenu garanti (SRG) d’août 2006 à août 2007, soit six mois après la fin de sa résidence canadienne telle que décidé dans cette décision.

[80] L’appelante n’est pas admissible à recevoir une pension partielle de la SV de septembre 2007 à juin 2018, la dernière date de départ du Canada documentée de l’appelante étant le 19 juillet 2018,Note de bas de page 58 car elle n’était par résidente du Canada et n’avait pas encore résidé au Canada au moins 20 ans après l’âge de 18 ans pour que cette pension partielle de la SV lui soit payée à l’étranger.

[81] L’appel est accueilli en partie.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.