Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : PG c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2022 TSS 719

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : P. G.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Représentante : Rebekah Ferriss
Mise en cause : La succession de S. F.

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision datée du 13 mars 2020 rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : George Tsakalis
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Les observations soumises le 16 décembre 2021 et après l’audience
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 11 juillet 2022
Numéro de dossier : GP-21-308

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelante, P. G., n’a pas droit aux prestations d’Allocation au survivant (ALS) qu’elle a perçues de juin 2014 à mai 2019, parce qu’elle ne vivait pas en union de fait avec le défunt, S. F. Cette décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] L’appelante a présenté une demande d’ALS en octobre 2013. Le ministre de l’Emploi et du Développement social (le ministre) a approuvé la demande d’ALS de l’appelante au motif qu’elle était en union de fait avec le défunt. L’appelante a commencé à percevoir l’ALS en juin 2014.

[4] Le ministre a reçu une lettre de l’appelante en mai 2015. Elle demandait au ministre d’annuler l’ALS à partir de mai 2015. Toutefois, le ministre a reçu une autre lettre de l’appelante plus tard au cours du même mois. Elle avait changé d’avis sur l’annulation de l’ALS.

[5] Le ministre a reçu une demande de supplément de revenu garanti (SRG) de la part de l’appelante en septembre 2015. L’appelante a déclaré qu’elle était célibataire sur cette demande.

[6] En novembre 2016, le ministre a envoyé à l’appelante une lettre dans laquelle il lui demandait de prouver son état matrimonial. Le ministre n’a pas reçu de réponse à cette lettre et a envoyé une lettre de rappel en janvier 2017. Le ministre a une nouvelle fois écrit à l’appelante en juillet 2017, lui demandant des renseignements sur son état civil.

[7] En mai 2018, le ministre a commencé une enquête sur l’état civil de l’appelante. Le ministre a terminé son enquête en juillet 2019. Le ministre a conclu que l’appelante n’était pas en union de fait avec le défunt pendant qu’elle touchait des prestations d’ALS de juin 2014 à mai 2019. Cela a entraîné un trop-perçu d’ALS de 60 547,09 $.

[8] L’appelante a demandé au ministre de réviser sa décision selon laquelle elle n’était pas admissible à la prestation d’ALS. Le ministre a remis à l’appelante sa décision à la suite de la révision. Il maintenait sa position selon laquelle l’appelante n’avait pas le droit de recevoir des prestations d’ALS de juin 2014 à mai 2019. L’appelante a interjeté appel de la décision rendue par le ministre à la suite de la révision auprès du Tribunal de la sécurité sociale Canada (le Tribunal).

[9] L’appelante affirme qu’elle avait droit aux prestations d’ALS parce qu’elle était en union de fait avec le défunt.

[10] Le ministre affirme que l’appelante ne pouvait pas recevoir de prestations d’ALS de juin 2014 à mai 2019, parce qu’elle n’était pas en union de fait avec le défunt à ce moment-là. L’appelante doit donc 60 547,09 $ pour les prestations d’ALS qu’elle a perçues de juin 2014 à mai 2019.

Ce que l’appelant doit prouver

[11] Il incombe à l’appelante d’établir la validité de sa demande de prestations d’ALSFootnote 1.

[12] Pour percevoir une prestation d’ALS, un individu doit être âgé de 60 à 64 ans et être l’époux ou le conjoint de fait d’un pensionné qui reçoit un SRGFootnote 2.

[13] L’appelante avait entre 60 et 64 ans lorsqu’elle a perçu les prestations d’ALS. Le défunt percevait des prestations du SRG. Cela signifie que l’appelante doit démontrer qu’elle était la conjointe de fait du défunt lorsqu’elle a perçu les prestations d’ALS.

[14] La Loi sur la sécurité de la vieillesse (la LSV) définit le terme « conjoint de fait » comme étant la personne qui, au moment considéré, vit avec la personne en cause dans une relation conjugale depuis au moins un anFootnote 3.

[15] Dans la décision McLaughlin c Procureur général du Canada (McLaughlin), la Cour fédérale du Canada a jugé que les caractéristiques généralement acceptées d’une relation conjugale sont les suivantes :

  • le partage d’un toit, notamment le fait que les parties vivaient sous le même toit ou partageaient le même lit ou le fait que quelqu’un d’autre habitait chez elles;
  • les rapports sexuels et personnels, notamment le fait que les parties avaient des relations sexuelles, étaient fidèles l’une à l’autre, communiquaient bien entre elles sur le plan personnel, prenaient leurs repas ensemble, s’entraidaient face aux problèmes ou à la maladie ou s’offraient des cadeaux;
  • les services, notamment le rôle des parties dans la préparation des repas, le lavage, les courses, l’entretien du foyer et d’autres services ménagers;
  • les activités sociales, notamment le fait que les parties participaient ensemble ou séparément aux activités du quartier ou de la collectivité et leurs rapports avec les membres de la famille de l’autre;
  • l’image sociétale, notamment l’attitude et le comportement de la collectivité envers chacune des parties, considérées en tant que couple;
  • le soutien, notamment les dispositions financières prises par les parties pour ce qui était de fournir les choses nécessaires à la vie et la propriété de biens;
  • l’attitude et le comportement des parties à l’égard des enfantsFootnote 4.

[16] Toutes les caractéristiques d’une relation conjugale peuvent être présentes à des degrés divers, mais toutes ne sont pas nécessaires pour que la relation soit conjugaleFootnote 5.

[17] Les unions de fait diffèrent des mariages légaux. Souvent, il n’y a pas de preuve précise permettant de démontrer que les conjoints de fait ont un engagement l’un envers l’autre, comme un certificat de mariage. Les parties à une union de fait doivent démontrer, par leurs actes et leur comportement, une intention mutuelle de vivre ensemble dans une relation s’apparentant au mariage et ayant une certaine permanenceFootnote 6.

Questions que je dois examiner en premier

J’ai tenu l’audience en l’absence de la succession du défunt

[18] La succession du défunt est une partie mise en cause de l’appel. Le représentant de la succession ne s’est pas présenté à la téléconférence. J’ai demandé à notre bureau du greffe de communiquer avec le représentant de la succession le jour de l’audience. Le représentant de la succession a informé le bureau du greffe qu’il ne participerait pas à l’audience. J’ai décidé de poursuive l’audience sans la mise en cause. Le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale m’autorise à poursuivre sans la présence d’une partie si cette dernière a été avisée de la tenue de l’audienceFootnote 7, et c’est ce qui s’est produit en l’espèce.

Je n’ai pas compétence pour traiter du droit de l’appelante à une pension de survivant

[19] Dans son avis d’appel, l’appelante a déclaré qu’elle avait droit aux prestations d’ALS et à une pension de survivant. Je n’ai pas compétence pour traiter de son droit à une pension de survivant. Ma compétence dans le présent appel se limite à l’examen de la question contenue dans la décision rendue par le ministre à la suite de la révision, à savoir le droit de l’appelante aux prestations d’ALSFootnote 8.

Le ministre a-t-il la compétence de changer d’avis sur l’admissibilité de l’appelante à l’ALS?

[20] Le ministre a initialement décidé que l’appelante avait droit à l’ALS. Il a ensuite changé d’avis.

[21] Au moment de l’audience, les décisions du Tribunal étaient partagées quant à la question de savoir si le ministre avait la compétence de modifier ses décisions initiales concernant l’admissibilité en vertu de la LSV.

[22] Dans la décision BR c Ministre de l’Emploi et du Développement socialFootnote 9 (BR), la division d’appel du Tribunal a tranché que le ministre n’a pas le pouvoir de modifier sa décision initiale au regard de l’admissibilité dans les affaires relevant de la LSV.

[23] Dans d’autres affaires, le membre du Tribunal ne souscrivait pas à la décision BR et a été décidé que le ministre avait le pouvoir de changer ses décisions initiales en matière d’admissibilité dans les affaires relevant de la LSVFootnote 10.

[24] Dans la décision Ministre de l’Emploi et du Développement social c ALFootnote 11 (AL), la division d’appel a conclu que le ministre n’a pas un pouvoir discrétionnaire illimité pour rouvrir les décisions initiales en matière d’admissibilité. La division d’appel a jugé que l’autorité du ministre doit être exercée dans le but de corriger des décisions incorrectes, et que cet objectif doit être interprété de manière restrictive. Le ministre doit tenir compte de la nature et du caractère opportun de la décision proposée à la suite d’une révision. S’agit-il d’une nouvelle évaluation sans nouveaux renseignements importants? Y a-t-il eu un retard excessif? Dans tous les cas, le ministre doit s’assurer que l’avantage de rouvrir la décision initiale est plus important que le caractère définitif de cette décision.

[25] J’ai demandé à l’appelante de présenter des observations sur la question de la compétence du ministre pour modifier sa décision initiale en matière d’admissibilitéFootnote 12. Je n’ai pas reçu de réponse de l’appelante. J’ai demandé au ministre de formuler des observations sur sa compétence pour modifier sa décision initiale en matière d’admissibilitéFootnote 13. Le ministre m’a demandé de mettre l’appel en suspens parce qu’il y avait une affaire en instance devant la Cour d’appel fédérale qui portait sur le pouvoir du ministre de modifier ses décisions initiales en matière d’admissibilitéFootnote 14. J’ai accueilli cette demande du ministreFootnote 15.

[26] La Cour d’appel fédérale a par la suite rendu sa décision dans l’affaire Canada (Attorney General) v BurkeFootnote 16, le 15 mars 2022. J’ai demandé au ministre et à l’appelante de présenter des observations sur l’arrêt BurkeFootnote 17. J’ai reçu des observations de la part du ministreFootnote 18, et aucune de la part de l’appelante.

[27] Je conviens avec le ministre que l’arrêt Burke signifie que le ministre a compétence pour modifier ses décisions initiales en matière d’admissibilité en vertu de la LSV. Je suis également d’accord avec le ministre que la décision rendue par la division d’appel dans AL n’est pas applicable. La raison en est que je dois suivre les décisions de la Cour d’appel fédérale. Je ne suis pas tenu de suivre la décision rendue par la division d’appel dans AL. De plus, dans plusieurs décisions rendues après l’arrêt Burke, la division d’appel a récemment confirmé que le ministre a compétence pour réévaluer l’admissibilité aux prestations en vertu de la LSVFootnote 19.

[28] Dans l’arrêt Burke, la Cour d’appel fédérale a conclu que le texte de la LSV était [traduction] « précis et sans équivoque ». La Cour d’appel fédérale a conclu que l’article 37 de la LSV et l’article 23 du Règlement sur la SV autorisaient le ministre à réexaminer l’admissibilité d’une personne aux prestations de la SV [traduction] « en tout temps » et à [traduction] « recouvrer les paiements qui n’auraient pas dû être versés »Footnote 20.

[29] La Cour d’appel fédérale a également conclu que le contexte du régime de la SV appuie une interprétation qui permet de réévaluer les prestations à tout moment. La cour a conclu que le simple fait qu’une demande de prestations ait été approuvée ne signifie pas qu’une prestation peut être versée à une personne si elle n’y a pas droitFootnote 21.

[30] La Cour d’appel fédérale a rendu le jugement qui suit :

[Traduction]

[...] [U]ne interprétation de la loi qui empêcherait le ministre de réévaluer l’admissibilité initiale aux prestations et de recouvrer les prestations versées à tort n’est pas conforme à l’intention de la Loi, qui est de verser des prestations aux personnes qui répondent aux critères d’admissibilité énoncés dans la LoiFootnote 22.

[31] L’affaire Burke concernait l’admissibilité d’une appelante à une pension de la SV. Elle ne concernait pas l’admissibilité d’une personne à l’ALS. Toutefois, je suis d’accord avec le ministre pour dire que l’arrêt Burke s’applique à toutes les prestations prévues par la LSV, y compris l’ALSFootnote 23. Dans l’arrêt Burke, la Cour d’appel fédérale a analysé l’article 37 de la LSV, qui traite de la restitution et du recouvrement d’une prestation à laquelle une personne n’a pas droit. Elle a également analysé l’article 23 du Règlement sur la SV, qui traite du pouvoir du ministre d’enquêter sur l’admissibilité d’une personne à recevoir une prestation. La LSV donne une définition du terme « prestation », qui inclut l’ALSFootnote 24. Je reconnais donc que le ministre avait compétence pour changer d’avis sur l’admissibilité initiale de l’appelante à l’ALS.

[32] Je conviens avec le ministre que la décision AL ne s’applique pas en l’espèce et que l’arrêt Burke me lie. La Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Burke, n’a pas reconnu le cadre établi dans la décision AL qui a [traduction] « interprété de façon étroite » la compétence du ministre de revoir les décisions en matière d’admissibilité en vertu de la LSV.

[33] Je suis d’accord avec le ministre pour dire que l’arrêt Burke signifie qu’il a un large pouvoir de revoir sa décision en matière d’admissibilité à tout momentFootnote 25. Le pouvoir discrétionnaire du ministre n’est limité que par le libellé de la LSV et les contraintes de la common law en matière de pouvoir discrétionnaire. Le ministre, en vertu de la LSV, doit verser les prestations à ceux qui y ont droit. Les contraintes de la common law sur le pouvoir discrétionnaire sont des règles créées par les juges selon lesquelles le ministre doit exercer son pouvoir de façon judiciaireFootnote 26.

[34] Le ministre n’exerce pas son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire s’il peut être établi qu’il a :

  • agi de mauvaise foi,
  • agi dans un but ou pour un motif irrégulier,
  • pris en compte un facteur non pertinent,
  • ignoré un facteur pertinent,
  • agi de manière discriminatoireFootnote 27.

[35] J’accepte les arguments du ministre selon lesquels il a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaireFootnote 28. L’appelante a présenté sa demande d’ALS en tant que conjointe de fait. Elle a ensuite présenté sa demande de SRG en disant qu’elle était célibataire. Cette contradiction a déclenché une enquête sur l’état civil de l’appelante. Le ministre a conclu que l’appelante n’avait pas démontré qu’elle et le défunt étaient en union de fait pendant qu’elle percevait des prestations d’ALS de juin 2014 à mai 2019.

[36] La décision du ministre ne me lie pas et l’appelante a interjeté appel de cette décision devant le Tribunal. L’appelante affirme qu’elle avait droit à l’ALS parce qu’elle était en union de fait. Je vais maintenant me pencher sur la question de savoir si l’appelante a démontré qu’elle était en union de fait avec le défunt pendant qu’elle percevait des prestations d’ALS.

Motifs de ma décision

[37] Je conclus que l’appelante n’était pas en union de fait avec le défunt, au sens de la LSV, pendant qu’elle percevait des prestations d’ALS de juin 2014 à mai 2019. Je suis parvenu à cette décision en prenant en considération les facteurs indiquant l’existence d’une relation conjugale énoncés par la Cour fédérale dans la décision McLaughlin.

Le logement

[38] L’appelante est née en 1954. Le défunt est né en 1927. L’appelante a déclaré avoir rencontré le défunt en 1999. Il vivait près de chez elle. Ils ont commencé à vivre ensemble en 2008. Elle a déclaré que leur union de fait a commencé en 2008. Elle a dit qu’ils ont vécu ensemble pendant huit ans, jusqu’à ce qu’elle le place dans une maison de retraite pour cause de démence, en 2017. Elle a dit avoir entretenu une relation avec le défunt jusqu’à son décès. Toutefois, elle ne se souvient pas de la date de son décès. Elle pense que c’était environ un an et demi avant la date de l’audience.

[39] Je suis convaincu que l’appelante et le défunt ont vécu ensemble pendant un certain temps. Le dossier du Tribunal comporte un contrat de location daté du 1er février 2015 qui fait mention de l’appelante et du défuntFootnote 29. Il existe également des lettres de sociétés de gestion immobilière indiquant que l’appelante et le défunt ont vécu ensemble pendant un certain tempsFootnote 30.

[40] Toutefois, le fait que l’appelante et le défunt aient vécu ensemble à certains moments ne démontre pas automatiquement qu’ils vivaient en union de faitFootnote 31. Lorsque j’examine les autres facteurs de McLaughlin, la preuve montre qu’il n’y avait pas d’union de fait.

Rapports personnels et sexuels

[41] L’appelante a déclaré ne pas avoir une relation de nature sexuelle avec le défunt. Elle n’avait pas de relations sexuelles avec d’autres personnes et le défunt non plus. Ils avaient tous deux des chambres séparées. Ils partageaient les repas. Elle a dit avoir pris soin du défunt quand il était malade. Le défunt s’est occupé d’elle après qu’elle s’est cassé la hanche. Ils s’offraient aussi des cadeaux.

[42] Cependant, les éléments de preuve documentaire donnent une image différente de la relation.

[43] Le dossier du Tribunal montre qu’un enquêteur employé par le ministre a reçu un appel d’un agent de police le 6 juin 2019Footnote 32. L’agent de police a informé le ministre que le défunt était décédé. L’agent de police a entendu dire que l’appelante essayait d’obtenir des prestations de décès. Il a déclaré qu’il enquêtait depuis des années sur l’appelante pour mauvais traitements envers le défunt.

[44] L’agent de police a déclaré que l’appelante avait commis des actes frauduleux à l’encontre du défunt. Le défunt a dit à la police qu’il ne voulait pas vivre dans le même appartement que l’appelante, parce qu’elle lui prenait constamment son argent. L’agent de police pensait que le défunt ne vivait avec l’appelante que parce qu’il n’avait pas de famille. L’agent de police a déclaré que le défunt devait être admis dans une maison de soins infirmiers. L’appelante venait à la maison de soins infirmiers et emmenait le défunt déjeuner. Elle convainquait le défunt de lui donner de l’argent. L’agent de police a déclaré que l’appelante avait même fait signer de faux papiers au défunt.

[45] L’agent de police a également déclaré que l’appelante n’avait pas placé le défunt dans une maison de soins infirmiers. La police a travaillé avec une agence de services de logement communautaire pour que le défunt soit placé dans une maison de soins infirmiers. La maison de soins infirmiers a été informée que l’appelante ne devait pas être autorisée à rendre visite au défunt. Une ordonnance d’interdiction a été mise à exécution et l’appelante ne pouvait pas rendre visite au défunt.

[46] L’agent de police a déclaré à l’enquêteur du ministre que l’appelante non seulement prenait l’argent du défunt, mais omettait parfois de le nourrirFootnote 33.

[47] L’appelante a nié les allégations de l’agent de police. Elle a dit que c’était elle qui avait placé le défunt dans une maison de soins infirmiers. Cependant, le récit de l’appelante a été contredit par d’autres éléments de preuve documentaire.

[48] L’enquêteur du ministre a reçu des renseignements de la part de la maison de soins infirmiers le 13 septembre 2018. Le défunt a été admis dans la maison de soins infirmiers le 9 août 2017, en provenance des urgences. Il n’était pas accompagné de l’appelante. Il était accompagné d’un travailleur des services de logement communautaire. La maison de soins infirmiers a dit à l’enquêteur que le tuteur public avait une procuration pour le défunt. L’état civil à l’admission était « célibataire ». Le défunt a déclaré à la maison de retraite qu’il avait une [traduction] « amie », mais il n’a pas parlé d’une union de faitFootnote 34.

[49] Un enquêteur du ministre s’est entretenu avec un représentant d’un organisme de services de logement communautaire le 13 février 2019. Le représentant a dit à l’enquêteur que le défunt vivait dans la rue avant son admission à la maison de soins infirmiers. Un travailleur social a fait admettre le défunt dans une maison de soins infirmiersFootnote 35.

[50] Une lettre du 1er mars 2019 d’un organisme de services de logement communautaire indique que l’organisme est intervenu parce que le défunt [traduction] « présentait un risque extrêmement élevé ». Lorsqu’ils ont rendu visite au défunt en décembre 2015, il vivait seul. Toutefois, ils ont dit qu’après l’avoir rencontré en décembre 2015, il s’est retrouvé dans une [traduction] « situation précaire sur le plan du logement ». Leurs dossiers ne faisaient pas état d’une union de fait entre l’appelante et le défuntFootnote 36.

[51] Le dossier du Tribunal contient des renseignements qui proviennent de la maison de soins infirmiers et qui confirment qu’il existait une ordonnance restrictive contre l’appelanteFootnote 37.

[52] L’appelante a nié les renseignements transmis par l’agent de police, la maison de soins infirmiers et l’organisme de services de logement communautaire. Elle a nié que le défunt vivait dans la rue. Elle a nié avoir abusé de lui. Cependant, je n’ai aucune raison de ne pas croire les renseignements provenant de sources multiples selon lesquels l’appelante avait négligé le défunt.

Socialisation et services

[53] L’appelante a dit qu’elle et le défunt socialisaient. Ils allaient déjeuner et prendre un café ensemble. La fille de l’appelante les emmenait faire des achats. Elle a indiqué que le défunt entretenait de bonnes relations avec ses petits-enfants. L’appelante dit qu’elle préparait les repas et faisait les lessives. Ils faisaient leurs achats ensemble tout le temps. Le défunt effectuait des tâches d’entretien de la maison, même s’il était âgé. Toutefois, le témoignage de l’appelante au sujet d’une relation étroite est difficile à concilier avec les éléments de preuve obtenus auprès de l’agent de police, de la maison de soins infirmiers et de l’organisme de services de logement communautaire. Le défunt a également déclaré au ministre en mai 2018 que, même s’il allait au restaurant avec l’appelante, ils ne se rendaient pas à des événements sociaux ensembleFootnote 38.

Attitude de la société

[54] L’appelante a déclaré qu’elle et le défunt étaient reconnus comme un couple vivant en union de fait. Ils ont été enregistrés en tant que couple en union de fait par Service Canada. Elle a également déclaré que leur propriétaire les reconnaissait comme un couple en union de fait. Les documents racontent une autre histoire.

[55] L’agent de police, la maison de soins infirmiers et l’organisme de services de logement communautaire ne considéraient pas la relation entre l’appelante et le défunt comme une union de fait. Le tuteur et curateur public (TCP) ne reconnaissait pas non plus d’union de fait. Le TCP a informé le ministre qu’il avait commencé la tutelle en janvier 2018. Le TCP ne disposait d’aucune information indiquant que le défunt avait déjà vécu en union de fait. Le TCP a indiqué au ministre que la capacité mentale du défunt était diminuée et que ce dernier [traduction] « pouvait être très vulnérable aux activités suspectes ». Le TCP a déclaré qu’il travaillait avec les autorités de police au nom du défunt concernant sa relation avec l’appelante. Le TCP a également informé le ministre que le défunt avait déclaré être célibataire dans ses déclarations de revenusFootnote 39.

[56] Une lettre d’une société de gestion immobilière de l’immeuble où l’appelante et le défunt ont vécu de mai 2014 à mai 2015 n’a pas confirmé l’existence d’une union de faitFootnote 40.

[57] Le dossier du Tribunal contient une autre lettre d’une société de gestion immobilière de l’immeuble où l’appelante et le défunt ont vécu de 2015 à 2017. Le gestionnaire immobilier a décrit le défunt comme étant le colocataire de l’appelanteFootnote 41. Les lettres reçues des sociétés de gestion immobilière contredisent le témoignage de l’appelante selon lequel les sociétés reconnaissaient leur union de fait. Je n’ai aucune raison de ne pas croire les renseignements reçus des sociétés de gestion immobilière.

Soutien

[58] Les documents contenus dans le dossier du Tribunal ne permettent pas de conclure que l’appelante et le défunt se sont mutuellement soutenus économiquement.

[59] L’appelante a déclaré qu’elle et le défunt ne travaillaient pas. Le défunt percevait une pension de vieillesse. Ils se partageaient le loyer et les courses. Elle payait les frais câblodistribution et de téléphonie. Elle avait ses propres meubles lorsqu’ils ont commencé à vivre ensemble. Ils n’avaient pas d’assurance-vie ni d’assurance en tant que locataires. Elle avait son propre régime de soins de santé, tandis que le défunt payait lui-même ses médicaments. Elle a déclaré que les funérailles du défunt avaient été payées et planifiées des années avant sa mort. Elle n’a pas reçu de prestations de décès. Elle a déclaré qu’elle avait un compte bancaire commun avec le défunt, mais qu’un agent de police lui avait retiré ce compte. Elle a également dit qu’elle avait une procuration, mais que l’agent de police lui avait retiré cette procuration.

[60] Les documents au dossier ont contredit le témoignage de l’appelante selon lequel elle partageait le loyer à parts égales avec le défunt. Une lettre d’un gestionnaire immobilier indiquait que le défunt avait payé directement à l’appelante les frais de chambre et pension s’élevant à 800 $ par mois. Les dossiers du Tribunal montrent que le loyer de l’appartement qu’ils occupaient était de 1 150 $ par moisFootnote 42. Cela signifie que le défunt payait la majeure partie du loyer.

[61] Le dossier du Tribunal montre que l’appelante et le défunt avaient des comptes bancaires communs en 2013Footnote 43. Toutefois, ces comptes ont été fermés en 2016Footnote 44.

[62] Je doute fortement que l’appelante ait fourni un soutien financier au défunt, compte tenu des allégations d’abus et de négligence formulées par la police. La maison de soins infirmiers a également informé l’enquêteur du ministre qu’elle n’avait pas reçu à temps le règlement des frais du défunt, parce qu’il n’avait pas d’argent. C’est l’organisme de logement des services communautaires qui a payé ces frais et non l’appelante. Le TCP a commencé à payer les frais de la maison de soins infirmiers du défunt après avoir commencé à gérer ses affairesFootnote 45.

[63] Le dossier du Tribunal contient une procuration sur les biens signée par le défunt en mai 2018. Le défunt a révoqué toute procuration antérieure et a désigné l’appelante comme son mandataire pour les biensFootnote 46. Cependant, l’enquête du ministre a montré que le défunt avait été jugé incapable de prendre certaines décisions par le TCP en février 2018Footnote 47. Cela signifie que la procuration de l’appelante n’était probablement pas valide, ce qu’elle a semblé confirmer dans son témoignage lorsqu’elle a dit que la police lui avait [traduction] « retiré » sa procuration.

L’attitude et le comportement des parties à l’égard des enfants

[64] L’appelante affirme que le défunt connaissait ses enfants et entretenait de bonnes relations avec eux. Elle a déclaré que ses enfants considéraient le défunt comme un membre de la famille.

[65] Cependant, l’appelante avait peu de liens avec la famille du défunt. Elle pense que le défunt avait des enfants. Elle ne s’est jamais liée à ses enfants. Elle a déclaré que le défunt n’avait pas beaucoup de famille autour de lui.

Commentaires finaux

[66] Les parties à une union de fait doivent démontrer une intention mutuelle de vivre ensemble dans une relation s’apparentant au mariage et ayant une certaine permanence. Une union de fait ne peut exister sans l’intention mutuelle des deux partiesFootnote 48.

[67] Le défunt avait déclaré vivre en union de fait avec l’appelante dans une demande de SRG qu’il a signée en juillet 2017Footnote 49. Il a rempli un questionnaire le 11 août 2017, dans lequel il dit vivre toujours en union de fait avec l’appelanteFootnote 50.

[68] Toutefois, en août 2018, le défunt a déclaré à l’enquêteur du ministre qu’il ne vivait pas en union de fait avec l’appelante. Il avait décrit l’appelante comme étant [traduction] « une personne à problèmes » et a confirmé que la police avait introduit une ordonnance d’interdiction contre elleFootnote 51.

[69] Je conclus que l’appelante n’a pas prouvé qu’elle vivait en union de fait avec le défunt lorsqu’elle a perçu des prestations d’ALS de juin 2014 à mai 2019.

[70] L’appelante et le défunt ont vécu ensemble pendant un certain temps. Toutefois, je suis d’accord avec le gestionnaire immobilier pour dire que leur relation est celle de colocataires.

[71] L’appelante et le défunt n’avaient pas de relations sexuelles. Je ne crois pas que l’appelante ait fourni des soins au défunt lorsqu’il était malade. La police, la maison de soins infirmiers, l’organisme des services de logement communautaire et le TCP ont tous fait référence à des abus ou à un manque de soins de la part de l’appelante.

[72] L’appelante ne fournissait pas de soutien financier au défunt. Le défunt semblait avoir payé la majeure partie du loyer. Les allégations de l’agent de police selon lesquelles l’appelante aurait pris de l’argent au défunt sont soutenues par le TCP. Le TCP est intervenu et est devenu le tuteur des biens du défunt. Le TCP a écrit au ministre et lui a demandé d’annuler toutes les directives de transfert électronique de fonds antérieures qu’il aurait pu avoir dans son dossierFootnote 52. La police, la maison de soins infirmiers, l’organisme de services de logement communautaire et le gestionnaire immobilier n’ont pas reconnu l’appelante et le défunt comme étant en union de fait.

[73] J’ai également de sérieux doutes sur la crédibilité de l’appelante. Elle a obtenu des prestations d’ALS parce qu’elle avait déclaré être dans une union de fait. Cependant, lorsqu’elle a demandé le SRG, en 2015, elle a déclaré être célibataire. Les documents du dossier contiennent également de multiples allégations selon lesquelles elle aurait profité du défunt.

[74] Je ne vois pas de preuve que l’appelante et le défunt cohabitaient dans une relation s’apparentant à un mariage lorsque l’appelante recevait des prestations d’ALS.

Conclusion

[75] Je conclus que l’appelante n’est pas admissible à recevoir l’ALS de juin 2014 à mai 2019 parce qu’elle n’était pas en union de fait avec le défunt.

[76] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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