Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : HS c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2022 TSS 1131

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission d’en appeler

Partie demanderesse : H. S.
Partie défenderesse :

Ministre de l’Emploi et du Développement social


Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 5 juillet 2022 (GP-21-2186)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Date de la décision : Le 27 octobre 2022
Numéro de dossier : AD-22-720

Sur cette page

Décision

[1] Je refuse la permission de faire appel. Cet appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le requérant est né en Inde et est âgé de 79 ans. Il est entré au Canada pour la première fois le 26 mai 2006 à titre de visiteur. Depuis, il a passé du temps au Canada et en Inde. Il est devenu résident permanent en 2008 et citoyen canadien en 2013. Il vit actuellement au Canada.

[3] Le requérant a présenté deux demandes de pension de la Sécurité de la vieillesse (SV). Dans sa première demande, présentée en mai 2018, il a dit qu’il voulait que sa pension commence dès qu’il devient admissible. En avril 2020, l’unité des opérations internationales de Service Canada a informé le requérant qu’étant donné qu’il avait accumulé 10 années de résidence au Canada, il n’avait pas besoin de recourir à l’entente de sécurité sociale entre l’Inde et le CanadaNote de bas de page 1. Puis, quelques semaines plus tard, le bureau régional de Service Canada à Scarborough a dit au requérant qu’il n’avait pas finalement dix ans de résidence, mais plutôt sept ans et 251 joursNote de bas de page 2.

[4] Service Canada a refusé de reconsidérer sa position, mais a encouragé le requérant à présenter une nouvelle demande s’il croyait qu’il satisfaisait maintenant à l’exigence de résidenceNote de bas de page 3. Cela a incité le requérant à présenter sa deuxième demande le 21 juillet 2021, demande que Service Canada a approuvée, puisque le requérant avait alors accumulé trois années supplémentaires de résidence au CanadaNote de bas de page 4. Service Canada a accordé au requérant une pension dont le taux correspond à 10/40e d’une pleine pension, les paiements commençant en septembre 2020.

[5] Le requérant estimait qu’on aurait dû accepter plus tôt sa demande de pension de la SV. Il a fait appel de la première décision de Service Canada — son refus — auprès de la division généraleNote de bas de page 5. Il a soutenu qu’il avait été résident du Canada pendant une période de plus de trois ans entre 2014 et 2017, lorsque Service Canada a dit qu’il avait vécu en Inde. Il a insisté sur le fait qu’il avait accumulé les 10 années de résidence requises au moment de sa première demande.

[6] La division générale a tenu une audience par téléconférence et a rejeté l’appel. Elle a convenu avec Service Canada que le requérant avait été résident du Canada pendant les périodes suivantes :

  • Du 22 juillet 2007 au 13 février 2014;
  • Du 24 mars 2017 au 28 août 2020.

[7] La division générale a conclu qu’en date du 28 août 2020, le requérant avait accumulé 10 années de résidence au Canada. Elle a accordé au requérant une pension partielle de la SV au taux de 10/40e d’une pleine pension, les paiements devant commencer en septembre 2020.

Motifs du requérant pour faire appel

[8] Le requérant demande maintenant la permission de faire appel de la décision de la division générale. Il conteste les conclusions de la division générale et prétend que la division générale a ignoré les facteurs suivants :

  • Il vit dans la maison de son fils au Canada, où il a une chambre à coucher exclusive qui contient tous ses biens.
  • Il a de nombreux amis et parents au Canada et il est membre de plusieurs clubs pour aînés et de plusieurs groupes religieux.
  • Il possède une carte d’assurance-maladie canadienne depuis 2007 et un permis d’agent de sécurité depuis 2012.
  • Il n’a pas d’attaches en Inde, à part son fils marié et sa fille mariée et leur famille.
  • Il a passé plus de temps au Canada qu’en Inde depuis 2007.
  • Il a toujours eu l’intention de demeurer résident du Canada, même s’il a quitté le pays pour s’occuper de sa belle-mère pendant sa dernière maladie.

[9] Le requérant a également relevé un certain nombre d’erreurs précises que, selon lui, la division générale a commises en rendant sa décision.

Question en litige

[10] Il existe quatre moyens d’appel devant la division d’appel. Une partie requérante doit démontrer que la division générale :

  • n’a pas suivi les principes d’équité procédurale;
  • a commis une erreur de compétence;
  • a commis une erreur de droit;
  • a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 6.

Un appel peut aller de l’avant seulement avec la permission de la division d’appelNote de bas de page 7. À cette étape, la division d’appel doit être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 8. Il s’agit d’un critère relativement facile à satisfaire, la partie requérante doit présenter au moins un argument valableNote de bas de page 9.

[11] Je dois décider si le requérant a présenté un argument valable.

Analyse

[12] J’ai examiné la décision de la division générale, ainsi que la loi et les éléments de preuve qu’elle a utilisés pour en arriver à cette décision. J’ai conclu que le requérant n’a pas de cause défendable.

Une partie requérante ne peut pas avoir gain de cause en plaidant sa cause à nouveau

[13] Le requérant vient à la division d’appel en présentant bon nombre des points qu’il avait soulevés à la division générale. Il insiste sur le fait qu’il a été résident canadien du 13 février 2014 au 24 mars 2017. Il affirme qu’il n’avait d’autre choix que de quitter le Canada pour s’occuper d’un parent malade et qu’il n’a jamais eu l’intention de cesser de vivre au Canada.

[14] Malheureusement, compte tenu des motifs d’appel particuliers prévus par la loi, le requérant ne peut obtenir gain de cause à la division d’appel en répétant les éléments de preuve et les arguments qu’il a déjà présentés à la division générale. En bref, la division d’appel ne se veut pas une « reprise » de l’audience de la division générale.

[15] Le requérant soutient que la division générale a rejeté son appel malgré la preuve selon laquelle il a toujours été un résident canadien depuis le 22 juillet 2007. Je ne crois pas que cet argument a une chance raisonnable de succès.

[16] L’une des tâches de la division générale est d’établir les faits. Ce faisant, elle a droit à une certaine latitude quant à la façon dont elle choisit d’évaluer les éléments de preuve disponibles. En l’espèce, la division générale a examiné le mode de vie du requérant pendant la période pertinente et a conclu qu’il avait cessé d’être un résident canadien pendant plus de trois ans. Cette conclusion repose sur les constatations suivantes :

  • Bien que la présence ne détermine pas la résidence, l’absence prolongée et ininterrompue du requérant du Canada donne à penser qu’il n’a pas résidé au pays du 13 février 2014 au 24 mars 2017.
  • Le requérant a peut-être produit des déclarations de revenus au Canada pendant la période pertinente, mais il ne travaillait pas dans ce pays, et son seul revenu provenait de prestations gouvernementales.
  • Le fait que le requérant ait été membre de la bibliothèque publique de Brampton et du YMCA pendant son séjour en Inde ne signifie pas qu’il avait des liens continus avec le Canada.
  • Lorsque le requérant suivait des cours ou participait à des clubs sociaux et à des activités de bénévolat au Canada, il le faisait avant ou après son séjour de trois ans en Inde.
  • La loi permet aux résidents canadiens de conserver leur statut même s’ils quittent le pays pendant un an, mais ils doivent également assumer le fardeau de démontrer que leur absence du Canada était temporaire.

[17] J’estime qu’il n’y a pas d’argument valable grâce auquel on pourrait soutenir que la division générale a commis une erreur en tirant ces conclusions. Mon examen de la décision de la division générale me convainc qu’elle s’est concentrée correctement sur les facteurs pertinents indiquant la résidenceNote de bas de page 10. Elle a analysé de façon significative les renseignements disponibles et a tiré la conclusion défendable que le requérant n’était pas un résident canadien du 13 février 2014 au 24 mars 2017.

Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a commis des erreurs de fait ou de droit

[18] Pour obtenir gain de cause à la division d’appel, il ne suffit pas de simplement être en désaccord avec la décision de la division générale. En l’espèce, une partie importante des observations écrites du requérant formulent des critiques et des commentaires au sujet de la décision de la division générale sans nécessairement préciser comment la division générale a commis des erreurs. Cela dit, le requérant fait plusieurs allégations précises d’erreur, que je vais aborder comme suit :

La division générale n’a pas déformé la conclusion initiale de Service Canada au sujet de la résidence du requérant

[19] Le requérant prétend que la division générale a eu tort de dire que Service Canada avait avoué qu’ils avaient commis une « erreur » lorsqu’ils ont reconnu initialement ses 10 années de résidence. Le requérant affirme que le bureau de Scarborough de Service Canada n’a jamais utilisé ce mot dans sa lettre datée du 3 juin 2020 pour décrire les conclusions de l’unité des opérations internationales.

[20] Je n’y vois pas d’argument défendable. Le requérant a toujours soutenu que l’unité des opérations internationales avait raison d’indiquer qu’il avait accumulé 10 années de résidence au Canada. Il a toujours soutenu que le bureau de Scarborough de Service Canada avait conclu à tort qu’il n’avait que sept ans et 251 jours. Bien qu’il soit vrai que Service Canada n’a jamais utilisé le mot « erreur », je ne vois pas en quoi il s’agissait d’une erreur d’utiliser ce mot pour caractériser la disparité entre les positions des deux unités.

[21] De plus, le requérant a présenté un argument semblable à la division générale, qui l’a rejeté après y avoir bien réfléchi. La division générale a conclu — à juste titre à mon avis — qu’on devait accorder moins de poids à ce qu’a dit l’unité des opérations internationales, car sa décision n’était pas celle qui comptait. C’était le bureau de Scarborough qui devait faire l’évaluation initiale de la résidence canadienne du requérant. À plus forte raison, c’est le bureau de Scarborough qui a par la suite rendu la décision de révision. Conformément à l’article 82 du Régime de pensions du Canada, seule cette décision peut faire l’objet d’un appel devant la division générale.

Un élément redondant n’invalide pas l’analyse qui se trouve dans la décision de la division générale

[22] Le requérant conteste la conclusion de la division générale selon laquelle il n’a pas résidé au Canada du 26 mai 2006 au 21 juillet 2007. Il dit qu’il n’a jamais prétendu être résident pendant cette période. Il laisse entendre que le fait que la division générale n’ait pas remarqué cela trahit son manque d’attention à l’ensemble de ses observations.

[23] J’estime que ce point ne correspond pas à un argument valable. Il est vrai que le requérant n’a jamais prétendu qu’il résidait au Canada du 26 mai 2006 au 21 juillet 2007Note de bas de page 11. Toutefois, le fait que la division générale ait examiné inutilement cette période n’invalide pas le reste de son analyse. Pour obtenir gain de cause à la division d’appel, une partie requérante doit démontrer que la division générale a commis une erreur selon un ou plusieurs des motifs d’appel autorisés. Ces motifs sont très précis et n’incluent pas un manque d’attention qui n’a aucune incidence sur l’issue d’une décision.

La division générale ne s’est pas contredite

[24] Le requérant prétend que la décision de la division générale contient une contradiction. D’une part, la division générale a déclaré que de nombreux facteurs doivent être pris en compte pour décider si une partie requérante est une résidente canadienne et à quel moment elle l’a étéNote de bas de page 12. D’autre part, la division générale a déclaré que le long séjour du requérant en Inde l’emportait sur sa preuve selon laquelle il était demeuré résident canadienNote de bas de page 13.

[25] J’estime qu’il ne s’agit pas d’un argument valable, car je ne vois pas la contradiction. Il est vrai que la loi exige que les décideurs prennent en ligne de compte de nombreux facteurs lorsqu’ils évaluent la résidenceNote de bas de page 14, mais cela ne signifie pas que tous les facteurs doivent avoir le même poids. En l’espèce, la division générale a conclu que la présence ininterrompue du requérant en Inde pendant trois ans l’emportait sur les éléments de preuve indiquant qu’il demeurait au Canada, le fait qu’il avait obtenu la citoyenneté canadienne, le fait qu’il avait produit des déclarations de revenus canadiennes, et le fait qu’il était toujours membre de la bibliothèque publique de Brampton et du YMCA. Dans son rôle de juge des faits, la division générale avait le pouvoir d’accorder du poids à la preuve comme elle l’entendait.

La division générale n’a pas mal interprété le règlement au sujet des absences temporaires

[26] Selon le requérant, la division générale a oublié que les résidents canadiens peuvent quitter le pays pendant plus d’un an tout en conservant leur statut.

[27] J’estime que l’on ne peut pas soutenir que la division générale a négligé ou mal interprété cet aspect de la loi. Dans sa décision, la division générale a écrit :

Dans ses observations écrites, l’appelant a également mentionné que sa résidence au Canada ne pouvait être interrompue une fois qu’elle avait été établie en 2007. Cependant, ce n’est pas ce que dit la loi. La loi dit qu’une personne qui établit sa résidence au Canada peut toujours être considérée comme une personne résidant au Canada même si elle quitte le pays pendant un an. Pour que cette règle s’applique, la personne doit également démontrer que son absence du Canada était temporaire. Cette règle n’aide pas l’appelant, qui a été absent du Canada pendant plus d’un an entre le 13 février 2014 et le 24 mars 2017 [Je souligne]Note de bas de page 15.

[28] Dans le passage ci-dessus, la division générale cite la règle qui se trouve au paragraphe 21(4) du Règlement sur la sécurité de la vieillesse. La division générale l’a correctement interprété. Qu’une absence soit « temporaire » ou non, c’est une question de fait. La division générale a examiné cette question et, après s’être penchée sur l’ensemble de la preuve, a décidé que l’absence du requérant du Canada n’était pas temporaire. C’était son droit en tant que juge des faits. Le requérant ne peut pas revenir sur ce point devant ce tribunal.

Les précédents pour la décision de la division générale

[29] Le requérant prétend également que la division générale a omis d’interpréter le paragraphe 21(4) du Règlement sur la sécurité de la vieillesse conformément à la décision récente de la division d’appel intitulée G.D. [sic] c Ministère de l’Emploi et du Développement socialNote de bas de page 16.

[30] J’estime qu’il ne s’agit pas d’un argument valable. Dans la décision G. D.[sic], la division générale n’a pas du tout tenu compte des éléments de preuve importants que la requérante a présentés à l’appui de son statut de résidente. Il n’y a rien de tel dans ce cas-ci. La division générale n’a peut-être pas accordé autant de poids à la preuve préférée du requérant, mais on ne peut pas dire que la division générale l’a ignoré ou a omis de l’examiner.

La division générale ne pouvait pas tenir compte de la lettre de l’unité des opérations internationales

[31] Le requérant reconnaît que l’unité des opérations internationales n’avait pas [traduction] « plus de pouvoir en matière de résidence que le bureau régionalNote de bas de page 17 ». Toutefois, le requérant soutient que la division générale aurait néanmoins dû tenir compte de la lettre d’avril 2020 de l’unité des opérations internationales, qui reconnaissait 10 ans de résidence au Canada.

[32] J’estime que l’on ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur en n’accordant pas de poids à la lettre de l’unité des opérations internationales. Comme je l’ai déjà mentionné, cette lettre n’est pas une lettre de révision; elle ne pouvait donc pas servir de fondement à l’appel auprès de la division générale. Elle ne peut pas non plus être considérée comme un élément de preuve — il s’agit simplement d’une lettre standardisée que Service Canada envoie aux parties requérantes après avoir décidé qu’elles ne peuvent pas bénéficier de l’une des dizaines d’ententes de sécurité sociale que le Canada a conclues avec d’autres pays. Il est vrai que la lettre informait le requérant qu’il avait 10 ans de résidence au Canada, mais cette « constatation » ne semble s’appuyer que sur une recherche sommaire de sa demande initiale de prestations de la SV. Rien n’indique que l’unité des opérations internationales ait mené une évaluation complète de la période de résidence du requérant ou qu’elle ait eu accès à des renseignements qu’on a par la suite refusé de partager avec le bureau de Scarborough de Service Canada ou avec la division générale.

Conclusion

[33] Le requérant n’a pas soulevé de moyen d’appel qui confèrerait à l’appel une chance raisonnable de succès.

[34] La permission de faire appel est donc refusée.

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