Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : SS c Ministre de l’Emploi et du Développement Social et PS, 2022 TSS 1210

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Parties demanderesse  : S. S.
Partie défenderesse  : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Partie mise en cause  : P. S.

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 11 juillet 2022 (GP 20-1825)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Date de la décision : Le 31 octobre 2022
Numéro de dossier : AD-22-738

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Je ne vois aucune raison d’aller de l’avant dans cet appel.

Aperçu

[2] Le demandeur est un pensionné de la Sécurité de la vieillesse âgé de 77 ans qui reçoit le Supplément de revenu garanti. Il est marié à la mise en cause depuis 1975. Elle est aussi bénéficiaire de la Sécurité de la vieillesse et du Supplément de revenu garanti.

[3] Le Supplément de revenu garanti du demandeur a été calculé au taux applicable aux personnes mariées. En mars 2017, l’Agence du revenu du Canada a réévalué les revenus de 2014 de la mise en cause. Ses revenus de 2014 étaient désormais supérieurs à ceux que Service Canada avait utilisés pour déterminer si le demandeur était admissible au Supplément de revenu garantiNote de bas de page 1. Par conséquent, Service Canada a décidé que le demandeur n’était plus admissible au Supplément de revenu garanti de juillet 2015 à juin 2016. Service Canada a exigé qu’il rembourse les 4 230 $ qu’il avait reçus pendant cette période de paiement.

[4] Le demandeur a ensuite communiqué avec Service Canada. Il a dit que sa femme et lui n’étaient plus ensemble. Il voulait que son Supplément de revenu garanti soit calculé au taux applicable aux personnes célibataires. Il a signé une déclaration solennelle disant que la mise en cause et lui vivaient séparément depuis le 1er septembre 2015Note de bas de page 2. La mise en cause a signé une déclaration solennelle semblable en février 2020Note de bas de page 3.

[5] Service Canada a refusé de changer sa position. Le demandeur a fait appel de ce refus devant le Tribunal de la sécurité sociale. Il a insisté sur le fait que la mise en cause et lui menaient des vies séparées, même s’ils continuaient à vivre à la même adresse. Entre autres choses, il a fait remarquer que son épouse et lui avaient inscrit que leur état matrimonial était « séparé » dans leurs déclarations de revenus respectives.

[6] La division générale du Tribunal a tenu une série d’audiences par téléconférence et a rejeté l’appel. Elle a déclaré que Service Canada avait raison de continuer à calculer le Supplément de revenu garanti du demandeur au taux applicable aux personnes mariées. Elle a conclu que le demandeur n’avait pas prouvé que la mise en cause et lui étaient séparés depuis le 1er septembre 2015, ou pendant une période continue d’au moins trois mois depuis cette date. La division générale a également estimé que le fait que le demandeur et la mise en cause n’avaient plus de relations sexuelles était compensé par le fait qu’ils étaient demeurés mariés et qu’ils n’avaient pris aucune mesure pour diviser leurs finances.

[7] Le demandeur cherche maintenant à obtenir la permission de porter la décision de la division générale en appel. Il avance que la division générale a commis les erreurs suivantes :

  • elle n’a pas tenu compte des déclarations de revenus indiquant que son état matrimonial était « séparé »;
  • elle a estimé à tort qu’il recevait des prestations provinciales en tant que personne mariée;
  • elle a mis en cause son épouse dans l’appel, ce qui a embrouillé la situation et rendu sa position plus difficile à défendre sans représentation juridique.

[8] J’ai examiné la décision de la division générale ainsi que le droit applicable et les éléments de preuve qui ont mené à cette décision. Je conclus que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[9] Il y a quatre moyens d’appel à la division d’appel. Une partie demanderesse doit démontrer que la division générale :

  • a agi de façon inéquitable;
  • a outrepassé sa compétence ou a refusé de l’exercer;
  • a mal interprété la loi;
  • a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 4.
Un appel peut aller de l’avant seulement avec la permission de la division d’appelNote de bas de page 5. À cette étape, la division d’appel doit être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 6. Il s’agit d’un critère relativement facile à satisfaire. Cela signifie que la partie demanderesse doit présenter au moins un argument défendableNote de bas de page 7.

[10] Dans le présent appel, je devais décider si le demandeur a soulevé un argument défendable.

Analyse

[11] Le demandeur se présente devant la division d’appel avec les mêmes arguments qu’il a soumis à la division générale. Il soutient que son épouse et lui sont effectivement séparés depuis septembre 2015 même s’ils partagent la même adresse. Il insiste sur le fait qu’ils conservent un certain degré d’interdépendance financière seulement parce que cela est plus commode.

[12] Je ne vois pas le bien-fondé de ces arguments.

[13] Pour avoir gain de cause à la division d’appel, une partie demanderesse ne doit pas seulement plaider sa cause à nouveau. Elle doit aussi relever les erreurs précises que la division générale a commises en rendant sa décision et expliquer comment ces erreurs, le cas échéant, relèvent d’au moins un des quatre moyens d’appel prévus par la loi.

[14] Dans cette affaire-ci, je ne vois aucune indication laissant croire que la division générale a commis des erreurs en rendant sa décision. La division générale a examiné les éléments de preuve disponibles avant de tirer les conclusions suivantes :

  • la question de savoir si le demandeur et la mise en cause vivent ensemble dans une relation conjugale dépend de nombreux facteurs, et pas seulement de leurs modalités de vie et du fait qu’ils partagent ou non le même lit;
  • bien que le demandeur et la mise en cause vivent séparément dans la même maison, ils continuent à vivre de manière interdépendante, par exemple :
    • ils partagent ou divisent les dépenses ménagères, comme les impôts fonciers, les factures de services publics et les coûts associés à l’entretien extérieur;
    • ils ne comptabilisent pas officiellement leurs dépenses respectives, mais ont trouvé un arrangement que chacun juge juste;
    • la mise en cause prépare à l’occasion des repas pour le demandeur.
  • ni le demandeur ni la mise en cause n’ont jamais pris de mesures pour partager leurs biens;
  • ni le demandeur ni la mise en cause n’ont informé l’Agence du revenu du Canada ou Service Canada qu’ils s’étaient séparés jusqu’à ce qu’il ne devienne avantageux pour eux de le faire;
  • les déclarations solennelles respectives du demandeur et de la mise en cause ont peu de poids parce qu’elles sont incompatibles avec le reste des éléments de preuve disponibles.

[15] L’un des rôles de la division générale est d’établir les faits. Pour ce faire, elle a droit à une certaine latitude dans la façon dont elle choisit d’évaluer la preuveNote de bas de page 8. Je ne vois aucune raison de remettre en question la conclusion de la division générale, car elle y est parvenue après ce qui me semble être une évaluation minutieuse de la preuve et du droit applicable.

[16] Je vais maintenant aborder brièvement certaines des allégations du demandeur :

Il n’est pas possible de soutenir que la division générale n’a pas tenu compte des déclarations de revenus du demandeur

[17] Le demandeur allègue que la division générale n’a pas tenu compte du fait que ses déclarations de revenus indiquent que son état matrimonial est « séparé ».

[18] Cet argument n’est selon moi pas défendable. La division générale était parfaitement au courant des déclarations de revenus du demandeur et y a consacré une section dans sa décision. La division générale a souligné que le demandeur avait d’abord dit qu’il était marié dans ses déclarations de 2015, de 2016 et de 2017, mais qu’il les avait ensuite r en affirmant qu’il était séparé. Toutefois, la division générale n’était pas encline à accorder beaucoup de poids à ces modifications parce qu’elles n’ont été effectuées qu’en 2019, après que le demandeur a réalisé que son état matrimonial avait des répercussions financières.

[19] Je ne vois aucune raison d’intervenir dans cette conclusion de la division générale.

Il n’est pas possible de soutenir que la division générale n’a pas tenu compte du changement apporté à la police d’assurance automobile du demandeur

[20] Il s’agit d’une histoire semblable à celle des déclarations de revenus du demandeur. Pendant des années, le demandeur a désigné la mise en cause sur sa police d’assurance automobile comme étant son épouse. La division générale a entendu l’explication du demandeur selon laquelle cette désignation était uniquement due au fait qu’ils vivaient à la même adresse et avaient accès aux clés de l’autre. Toutefois, la division générale a quand même jugé que la police d’assurance constituait une preuve qu’ils vivaient selon toute vraisemblance ensemble dans une relation assimilable au mariageNote de bas de page 9.

[21] Le demandeur affirme que la division générale a ignoré une lettre au dossier confirmant que la police a été annulée en juillet 2020Note de bas de page 10.

[22] Encore une fois, j’estime qu’il est impossible de soutenir que la division générale a commis une erreur ici. En tant que juge des faits, la division générale est présumée avoir examiné tous les éléments de preuve portés à sa connaissance et n’a pas à faire référence à chacun d’entre eux dans sa décisionNote de bas de page 11. La division générale n’a peut-être pas mentionné l’annulation de la police dans sa décision, mais encore une fois, elle avait de bonnes raisons de ne pas le faire. Le fait demeure que, pendant des années, le demandeur a volontairement assumé le risque de la mise en cause, dont il était censé être séparé. La division générale a considéré à juste titre qu’il s’agissait d’un élément de preuve de plus d’une relation continue entre mari et femme.

Il n’est pas possible de soutenir que la division générale n’a pas tenu compte de l’état matrimonial du demandeur lorsque sa demande de prestations provinciales a été approuvée

[23] Le demandeur allègue que la division générale n’a pas tenu compte du fait qu’il a commencé à recevoir des prestations pour personnes âgées de l’Alberta en raison de son état de célibataire.

[24] Je ne vois pas le bien-fondé de cet argument. Comme il est indiqué dans sa décision, la division générale était bien consciente des prestations pour personnes âgées de l’Alberta que le demandeur reçoit et de la façon dont il y est devenu admissibleNote de bas de page 12. Toutefois, la division générale a souligné que le gouvernement de l’Alberta avait classé le demandeur comme étant célibataire en se fondant sur le changement d’état matrimonial que celui-ci avait lui-même déclaré à l’Agence du revenu du Canada en 2019. La division générale a expliqué qu’elle a choisi de ne pas accorder beaucoup de poids aux déclarations du demandeur sur son état matrimonial après mars 2017, car c’est à cette date qu’il a pris conscience des répercussions financières qui y étaient associées.

[25] En l’absence d’une erreur de fait importante, la division générale avait le pouvoir de ne pas tenir compte des déclarations postérieures que le demandeur a faites à d’autres institutions versant des prestations selon lesquelles son état matrimonial était « séparé ».

Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a commis une erreur en mettant en cause l’épouse du demandeur

[26] Le demandeur reproche à la division générale d’avoir évalué l’état matrimonial de la mise en cause ainsi que le sien.

[27] Je ne vois pas ce qui justifie cette critique. Selon l’article 10 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, le Tribunal peut, « de sa propre initiative », mettre en cause toute personne si elle a un « intérêt direct » dans la décision. À première vue, cette disposition donne au Tribunal une assez grande latitude pour mettre en cause des parties comme bon lui semble. Bien que la division générale n’ait pas exposé les raisons pour lesquelles elle a mis en cause l’épouse du demandeur, il est évident que l’état matrimonial du demandeur a une incidence directe sur le sien. Comme nous l’avons vu, le fait qu’une personne soit séparée ou mariée a une incidence sur le montant du Supplément de revenu garanti auquel elle a droit. Pour cette raison, il est évident que la mise en cause avait un « intérêt direct » dans l’issue de l’appel du demandeur.

Conclusion

[28] Le demandeur n’a invoqué aucun moyen d’appel qui aurait pu conférer à l’appel une chance raisonnable de succès.

[29] La permission de faire appel est refusée.

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