Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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[TRADUCTION]

Citation : IF c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1366

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : I. F.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision du ministre de l’Emploi et du Développement social datée du 26 octobre 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Antoinette Cardillo
Mode d’audience : Sur la foi du dossier
Date de la décision : Le 12 mai 2022
Numéro de dossier : GP-22-55

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Décision

[1] La requérante n’a pas droit à un délai plus long pour demander une révision de la décision du ministre. Cette décision explique mes motifs.

Aperçu

[2] La plus récente demande de pension de la Sécurité de la vieillesse de la requérante a été estampillée par le ministre le 7 mai 2019Note de bas de page 1.

[3] Le 29 mai 2019, le ministre a approuvé la pension de la Sécurité de la vieillesse de la requérante au taux de 40/40e. Le rajustement actuariel sur sa pension était de 8,4 %. Sa pension entrait en vigueur en juin 2018, soit 11 mois avant que le ministre reçoive la demandeNote de bas de page 2.

[4] La requérante n’était pas satisfaite des paiements rétroactifs qu’elle a reçus. Elle a donc demandé une révision le 12 mai 2021Note de bas de page 3.

[5] Selon le ministre, elle n’a pas présenté la demande de révision dans les 90 jours suivant la date à laquelle la décision initiale a été reçue. La demande de révision a été reçue 721 jours après la décision initiale. Par conséquent, elle est traitée comme une demande reçue plus d’un an après le délai de 90 jours accordé. Le ministre devait tenir compte de quatre critères pour décider si la demande de révision était accordée ou refusée. Le 26 octobre 2021, le ministre a refusé d’accorder à la requérante une prolongation du délai de 90 jours pour présenter une demande de révisionNote de bas de page 4.

[6] Le 4 janvier 2022, la requérante a porté en appel la décision du ministre devant le Tribunal de la sécurité socialeNote de bas de page 5.

Question en litige

[7] Le ministre a-t-il exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire quand il a conclu que la requérante n’avait pas droit à un délai plus long pour présenter une demande de révision?

Analyse

i. Ce que le ministre doit faire quand il exerce son pouvoir discrétionnaire

[8] Le ministre a le pouvoir discrétionnaire d’accorder ou non plus de temps pour présenter une demande de révision tardive. Plus précisément, le ministre peut accorder un délai plus long, mais il n’a pas l’obligation de le faire, pourvu qu’il agisse de façon judiciaire. La Loi sur la sécurité de la vieillesse et le Règlement sur la sécurité de la vieillesse prévoient les modalités appropriées et les circonstances pertinentes dont le ministre doit tenir compte pour décider s’il accorde ou non un délai plus long pour présenter une demande de révision.

[9] Le ministre peut accorder plus de temps s’il est convaincu que la partie requérante a fourni une explication raisonnable pour justifier le retard et qu’elle a démontré l’intention constante de demander une révision. Si la demande de révision est présentée plus d’un an après que la partie requérante a été informée de la décision, le ministre doit aussi être convaincu que : (i) la demande de révision a une chance raisonnable de succès; (ii) l’autorisation du délai supplémentaire ne porte préjudice à aucune partie. Le ministre doit tenir compte des quatre critères et être convaincu qu’ils sont tous remplisNote de bas de page 6.

[10] Comme je l’ai mentionné, le ministre doit agir de façon judiciaire lorsqu’il décide s’il accorde ou non une demandeNote de bas de page 7. Un pouvoir discrétionnaire n’est pas exercé de façon « judiciaire » s’il est possible d’établir que la personne qui a rendu la décision a :

  1. a) agi de mauvaise foi;
  2. b) agi dans un but ou pour un motif irrégulier;
  3. c) pris en compte un facteur non pertinent;
  4. d) ignoré un facteur pertinent;
  5. e) agi de manière discriminatoireNote de bas de page 8.

[11] Mon rôle n’est pas de déterminer l’issue de la révision ni de décider si le ministre a pris la bonne décision. Mon rôle est de décider si le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire. Il incombe à la requérante de prouver que le ministre n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire comme il se doit.

ii. Je conclus que le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire

[12] Le ministre devait tenir compte des quatre critères suivants :

a) Explication raisonnable pour demander une prolongation du délai

[13] Le ministre a tenu compte des explications fournies par la requérante, dont la période pendant laquelle elle a pris soin de ses parents malades, la période de deuil, le temps qu’il a fallu pour régler la succession et le fait qu’il a été difficile de retrouver des documents à la suite d’un incendie. Le ministre a conclu que la requérante avait une explication raisonnable justifiant le retard de sa demande révisionNote de bas de page 9.

b) Intention constante de demander une révision

[14] Le ministre a tenu compte de l’intention constante de demander une révision de la requérante. Le ministre a déclaré que le dossier confirme qu’elle a eu recours au service téléphonique du ministre une seule fois le 16 janvier 2020, ce qui dépasse de loin la date à laquelle la décision de lui accorder une pension de la Sécurité de la vieillesse a été rendue (le 29 mai 2019). Le ministre a ajouté que, même si la requérante a appelé après le délai de 90 jours accordé pour demander une révision, on lui a tout de même conseillé de présenter une demande écrite. Sa lettre de révision est datée du 25 avril 2021. Rien n’indique que la requérante a communiqué avec le ministre à d’autres reprises concernant sa pension de la Sécurité de la vieillesse, que ce soit par téléphone ou par la poste. Le ministre a conclu que la requérante n’a pas démontré l’intention constante de demander une révision, puisque la lettre de décision initiale contenait des directives claires au sujet du processus de révision. De plus, on lui a conseillé par téléphone de présenter une demande écrite. Elle a présenté sa demande plus de 90 jours après que la décision initiale a été rendue, et plus d’un an après avoir eu recours au service téléphonique du ministre.

c) Chance raisonnable de succès

[15] Le ministre devait décider si la demande avait une chance raisonnable de succès, puisque la requérante l’a présentée plus d’un an après que la décision initiale a été rendue.

[16] La pension de la Sécurité de la vieillesse de la requérante lui a été accordée le 29 mai 2019, mais elle entrait en vigueur en juin 2018. La demande a été reçue le 7 mai 2018 [sic], donc la requérante a reçu 11 mois de paiements rétroactifs à partir de la date à laquelle la demande a été reçue. La requérante a demandé une période de rétroactivité plus longue. La Loi sur la sécurité de la vieillesse ne prévoit pas plus de 11 mois de paiements rétroactifs, donc le ministre a conclu que la demande de révision n’avait aucune chance raisonnable de succès. La décision concernant la demande de révision a été prise conformément à la Loi sur la sécurité de la vieillesse. Le ministre a aussi tenu compte de la déclaration de la requérante figurant dans sa demande de révision. Plus précisément, elle n’a pas présenté une demande plus tôt, car il lui manquait des documents. Elle pensait que ses documents étaient nécessaires pour présenter la demande. Selon le ministre, la preuve au dossier n’appuie pas cet argument : la requérante a fourni un certificat de citoyenneté canadienne en décembre 2011, et un agent l’a informée en mars 2012 qu’aucun autre document n’était requis.

d) Pas de préjudice au ministre ni à aucune autre partie

[17] Finalement, le ministre a évalué s’il était injuste pour l’une ou l’autre des parties d’accorder une prolongation. Le ministre a conclu qu’il n’y aurait pas d’injustice, car tous les documents nécessaires pour procéder à l’examen de la demande étaient encore accessibles.

[18] Le ministre a fait parvenir une lettre à la requérante le 26 octobre 2021, dans laquelle il refusait la demande de révision présentée en retard. Après avoir examiné cette lettre, j’estime qu’elle explique pourquoi le ministre a refusé la demande.

[19] Le ministre a aussi pris en considération les explications de la requérante concernant le retard de sa demande, c’est-à-dire si les explications étaient raisonnables, et l’intention constante de la requérante de demander une révision. De plus, étant donné que la demande de révision a été reçue plus d’un an après que la décision initiale a été rendue, le ministre devait aussi décider si la demande de révision avait une chance raisonnable de succès. Il devait aussi s’assurer que l’autorisation de la demande de révision tardive ne lui portait pas préjudice ni à aucune autre partie.

[20] Après avoir examiné le dossier, je n’ai trouvé aucune preuve démontrant que le ministre a agi de mauvaise foi, dans un but ou pour un motif irrégulier ou de manière discriminatoire lorsqu’il a tiré sa conclusion, ou qu’il a pris en compte un facteur non pertinent ou ignoré un facteur pertinent. Le ministre a informé la requérante qu’elle avait le droit de présenter une demande de révision dans les 90 jours suivant le refus de sa demande initiale. On lui a également conseillé de présenter une demande écrite lorsqu’elle a eu recours au service téléphonique du ministre. La preuve a confirmé que la requérante n’a pas présenté sa demande de révision dans le délai de 90 jours accordé et qu’elle a présenté sa demande de révision plus d’un an après que la décision initiale a été rendue.

[21] Le ministre a tenu compte des quatre critères pour décider s’il accordait ou non un délai plus long à la requérante pour présenter une demande de révision, comme il est prévu par la Loi sur la sécurité de la vieillesse et par le Règlement sur la sécurité de la vieillesse.

[22] Je conclus que le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’il a refusé la demande de révision de la requérante.

Conclusion

[23] L’appel est rejeté. Le ministre a agi de façon judiciaire lorsqu’il a décidé de ne pas accorder à la requérante un délai plus long pour présenter une demande de révision.

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