Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : ML c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2023 TSS 1225

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : M. L.
Partie intimée :

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Représentante : Viola Herbert

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 30 novembre 2022 (GP-20-1363)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 29 août 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentante de l’intimé
Date de la décision : Le 5 septembre 2023
Numéro de dossier : AD-23-62

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Décision

[1] L’appel est rejeté. L’appelante n’a pas annulé sa pension de la Sécurité de la vieillesse dans les six mois suivant le début de la pension. Je ne peux rien faire pour l’annuler maintenant.

Aperçu

[2] En septembre 2018, Service Canada a automatiquement approuvé la pension de l’appelante aux termes de la Loi sur la sécurité de la vieillesseNote de bas de page 1. L’appelante prétend qu’elle n’a jamais été avisée de l’approbation. Comme son revenu était élevé à ce moment‑là, sa pension de la Sécurité de la vieillesse était récupérée en entier. Il n’y avait donc aucun dépôt dans son compte.

[3] En juin 2019, après s’être rendu compte qu’elle était officiellement une pensionnée de la Sécurité de la vieillesse, l’appelante a demandé à Service Canada de reporter tous les versements de sa pension jusqu’à nouvel ordre. Le ministre a rejeté la requête parce qu’il l’a reçue plus de six mois après la date du premier paiementNote de bas de page 2.

[4] L’appelante a porté la décision de Service Canada en appel au Tribunal de la sécurité sociale. La division générale du Tribunal a organisé une audience par téléconférence. Elle a rejeté l’appel. Elle a conclu que la preuve était insuffisante pour appuyer ce que l’appelante avançait, soit qu’elle avait annulé sa pension de la Sécurité de la vieillesse dans le délai de six mois. La division générale a conclu qu’il était trop tard pour que l’appelante annule sa pension.

[5] L’appelante a demandé la permission de faire appel à la division d’appel. Plus tôt cette année, une de mes collègues à la division d’appel lui a donné la permission de faire appel. Par la suite, j’ai organisé une audience pour discuter de son appel en profondeur.

Question préliminaire

[6] En décembre 2022, les règles qui régissent le déroulement des appels au Tribunal de la sécurité sociale ont été modifiées. Suivant les nouvelles règles, après avoir donné la permission de faire appel, la division d’appel instruit l’appel de novo, c’est‑à-dire qu’elle organise une nouvelle audience, pour examiner les mêmes questions qui ont été soumises à la division générale. Comme je l’ai expliqué au début de l’audience, cela voulait dire que j’examinerais tous les éléments de preuve disponibles pour savoir si l’appelante a annulé sa pension de la Sécurité de la vieillesse à temps. J’ai aussi précisé que je n’étais pas obligé de retenir les conclusions de la division générale.

Question en litige

[7] Pour gagner sa cause, l’appelante doit prouver qu’elle a envoyé une demande écrite à Service Canada pour faire annuler sa pension de la Sécurité de la vieillesse dans les six mois suivant le début de la pension.

Analyse

[8] J’ai appliqué la loi à la preuve disponible et j’ai conclu que l’appelante n’avait pas annulé sa pension dans le délai de six mois.

L’appelante n’a pas annulé sa pension à temps

[9] Lors de l’audience, l’appelante a déclaré qu’elle savait qu’il était avantageux sur le plan financier de retarder le plus longtemps possible le versement de ses pensions gouvernementales. Elle a insisté sur le fait qu’elle a fait des démarches pour mettre fin à ses pensions de la Sécurité de la vieillesse et du Régime de pensions du Canada après son 65e anniversaire. Elle avance que Service Canada a fait une erreur parce que sa requête a été reconnue seulement en partie.

[10] Je peux comprendre la frustration de l’appelante, mais je dois suivre la loi et les faits vers le résultat où ils mènent. Les éléments de preuve au dossier indiquent que les choses se sont déroulées ainsi :

  • Le 22 août 2017, Service Canada a envoyé une lettre à l’appelante pour lui dire qu’elle serait inscrite automatiquement à la pension de la Sécurité de la vieillesse à compter de septembre 2018, le mois où elle aurait 65 ans. La lettre demandait à l’appelante de communiquer avec Service Canada le plus tôt possible si elle voulait reporter le versement de la pension.
  • Le 29 mars 2018, l’appelante a envoyé une lettre à Service Canada pour lui demander de ne pas commencer à lui verser des prestations du Régime de pensions du Canada en septembre 2018. La lettre ne mentionnait pas la pension de la Sécurité de la vieillesse ni les prestations qui y étaient associéesNote de bas de page 3.
  • En septembre 2018, l’appelante a eu 65 ans. Ce mois‑là, sa pension de la Sécurité de la vieillesse a été approuvée et son paiement est devenu officiel.
  • Au début de l’année 2019, l’appelante a reçu un feuillet T4A indiquant qu’elle était officiellement bénéficiaire de la pension de la Sécurité de la vieillesse, même si elle ne touchait aucun versement. L’appelante a déclaré qu’elle n’avait pas compris ce que le feuillet voulait dire et qu’elle l’avait mis dans un dossier dont se servirait son comptable au moment de remplir sa déclaration de revenus.
  • En avril 2019, son comptable a remarqué le feuillet et a informé l’appelante qu’en principe, elle recevait une pension de la Sécurité de la vieillesse. Dans une lettre datée du 2 juin 2019, l’appelante a demandé à Service Canada de reporter tous les paiements de la pension de la Sécurité de la vieillesseNote de bas de page 4.
  • Le 24 juin 2020, Service Canada a rejeté la requête de l’appelante parce qu’elle l’avait déposée trop tardNote de bas de page 5.

[11] Comme le prévoit l’article 26.1(1) du Règlement sur la sécurité de la vieillesse, la demande d’annulation du service (versement) de la pension est présentée au ministre par écrit dans les six mois suivant la date où le service a débuté.

[12] La pension de l’appelante a commencé en septembre 2018, même si cette dernière n’a rien reçu en raison de l’impôt de récupération, simplement appelé la « récupération », qui s’applique à la pension de la Sécurité de la vieillesse. Mais l’appelante a demandé l’annulation de sa pension par écrit seulement en juin 2019, soit bien après le délai de six mois.

Tous les arguments de l’appelante sont voués à l’échec

[13] L’appelante croit fermement que Service Canada a administré sa pension de la Sécurité de la vieillesse de façon injuste. Elle veut que je reconnaisse qu’elle a annulé sa pension à temps. Elle me demande de tenir compte des éléments suivants :

  • Elle n’a jamais reçu la lettre d’août 2017 dans laquelle Service Canada l’avisait qu’elle serait inscrite automatiquement à la pension de la Sécurité de la vieillesse.
  • Autour du mois de mars 2018, elle a téléphoné à Service Canada pour demander le report du paiement de ses pensions de la Sécurité de la vieillesse et du Régime de pensions du Canada jusqu’à nouvel ordre.
  • Service Canada lui a dit qu’il fallait faire une telle demande par écrit, mais la personne à qui elle a parlé ne lui a jamais dit qu’elle devait mentionner les deux pensions.
  • Comme aucune somme d’argent n’a jamais été déposée dans son compte de banque, elle n’avait aucun moyen de savoir qu’elle recevait la pension de la Sécurité de la vieillesse avant qu’il ne soit trop tard.

[14] Rien de tout cela n’aide l’appelante. La Cour fédérale a conclu que le ministre n’a pas l’obligation d’aviser les gens qui pourraient demander une prestation qu’il existe un délai clairement exprimé dans la Loi sur la sécurité de la vieillesseNote de bas de page 6. Quoi qu’il en soit, je suis convaincu que l’appelante a bel et bien été informée de son inscription à la Sécurité de la vieillesse et du délai d’annulation de six mois.

[15] L’appelante affirme n’avoir jamais reçu la lettre que Service Canada a envoyée au mois d’août 2017, mais je préfère m’appuyer sur la preuve du ministre. Service Canada explique qu’après l’envoi des lettres concernant l’inscription automatique, aucune copie n’est conservée. Par contre, le registre des envois postaux qui ont été adressés à l’appelante au cours des 10 dernières années indique que, le 22 août 2017, une lettre portant sur l’« inscription automatique » a été envoyée à l’adresse domiciliaire inscrite à son dossierNote de bas de page 7. J’accorde aussi de l’importance à une affirmation de Service Canada dont la date n’a pas été consignée, mais que l’appelante a invoquée elle‑même : on l’avisait que l’impôt de récupération de la pension de la Sécurité de la vieillesse commencerait en septembre 2018.

[16] L’appelante me demande de conclure que sa lettre du 29 mars 2018 a effectivement annulé sa pension de la Sécurité de la vieillesse ainsi que celle du Régime de pensions du Canada. Malheureusement, je ne peux pas faire cela. J’admets que l’appelante voulait probablement annuler les deux pensions, mais le texte du Règlement sur la sécurité de la vieillesse laisse entendre que l’annulation de la pension de la Sécurité de la vieillesse se fait explicitement par écrit.

Le Tribunal ne peut pas corriger les avis erronés ni les erreurs administratives du ministre

[17] Enfin, l’appelante allègue qu’une personne qui représentait Service Canada lui a donné de mauvais conseils sur la façon d’annuler sa pension. Je n’ai aucun moyen de savoir si c’est vrai, mais même si ce l’était, je n’ai pas le pouvoir d’intervenir.

[18] Le Tribunal a été créé par une loi et, en conséquence, il dispose uniquement des pouvoirs que lui donne la loi habilitante. Le Tribunal doit interpréter et appliquer les dispositions telles qu’elles sont énoncées dans la Loi sur la sécurité de la vieillesse.

[19] Selon l’article 32 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, le ministre peut prendre des mesures correctives s’il est convaincu qu’une personne s’est vu refuser une prestation à la suite d’un avis erroné ou d’une erreur administrative. L’usage des mots « peut » [sic] et « convaincu » à cet article de loi donne à penser qu’une telle décision est purement discrétionnaire – le ministre n’a pas à corriger son erreur s’il pense que ce n’est pas justifié. Toutefois, la jurisprudence dit que les tribunaux administratifs, comme le Tribunal, ne peuvent pas forcer le ministre à réviser ou à annuler une décision qu’il a prise volontairementNote de bas de page 8. Dans la présente affaire, comme le ministre n’a jamais admis qu’il y avait eu une erreur, je ne peux rien faire pour l’obliger à la corriger.

Conclusion

[20] L’appelante n’a pas écrit au ministre pour lui demander d’annuler sa pension de la Sécurité de la vieillesse dans les six mois suivant la date du premier paiement. Même si l’appelante n’a pas respecté le délai en raison d’un avis erroné du ministre, je n’ai pas le pouvoir d’annuler moi‑même la pension après coup.

[21] L’appel est rejeté.

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