Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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[TRADUCTION]

Citation : AP c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2023 TSS 917

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : A. P.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision du ministre de l’Emploi et du Développement social datée du 27 juillet 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Wayne van der Meide
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 28 juin 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 7 juillet 2023
Numéro de dossier : GP-22-1744

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelant, A. P., n’est pas admissible à une pension de la Sécurité de la vieillesse. La présente décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] L’appelant a 72 ans. Il est né en Irak. Il a déménagé à Bahreïn en 1975 et y a démarré une entreprise en 1979. Il n’a jamais été résident permanent ni citoyen de Bahreïn.

[4] L’appelant est arrivé au Canada en tant que résident permanent en décembre 1993. Il dit qu’il est venu au Canada pour être avec sa famille qui vivait ici. Il a enregistré et exploité une entreprise canadienne pour promouvoir des produits canadiens, y compris ses inventions et les modifications qu’il a apportées aux inventions de son père. Il est devenu citoyen canadien, mais je ne sais pas quand.

[5] L’appelant affirme qu’il réside au Canada depuis son arrivée en 1993. Il soutient que ses absences n’ont pas interrompu sa résidence parce qu’il travaillait pour une entreprise canadienne, qu’il avait un lieu de résidence permanent où il avait l’intention de retourner et qu’il est revenu au Canada dans les six mois suivant la fin de son emploi.

[6] Le ministre de l’Emploi et du Développement social affirme que l’appelant a seulement commencé à résider au Canada le 28 juin 2020, lorsque son entreprise à Bahreïn a finalement été liquidée par une ordonnance du tribunal et qu’il est retourné au Canada pour y vivre à temps plein.

Ce que l’appelant doit prouver

[7] Pour recevoir une pleine pension de la Sécurité de la vieillesse, l’appelant doit prouver qu’il a résidé au Canada pendant au moins 40 ans après avoir eu 18 ansNote de bas de page 1. Cette règle comporte quelques exceptions. Cependant, les exceptions ne s’appliquent pas à l’appelantNote de bas de page 2.

[8] Si l’appelant n’est pas admissible à la pleine pension de la Sécurité de la vieillesse, il pourrait avoir droit à une pension partielle. Une pension partielle est fondée sur le nombre d’années (sur 40) pendant lesquelles une personne a résidé au Canada après ses 18 ans. Par exemple, une personne ayant 12 ans de résidence reçoit une pension partielle de 12/40 du plein montant.

[9] Pour recevoir une pension partielle de la Sécurité de la vieillesse, l’appelant doit prouver qu’il a résidé au Canada pendant au moins 10 ans après avoir eu 18 ans. Toutefois, si l’appelant ne résidait pas au Canada la veille du jour où sa demande a été approuvée, il doit prouver qu’il a résidé au Canada pendant au moins 20 ansNote de bas de page 3.

[10] Dans certaines circonstances, on peut considérer que les absences n'interrompent pas la résidence. Je vais expliquer ci-après pourquoi les absences de l’appelant ne correspondent à aucune de ces circonstances.

[11] L’appelant doit prouver qu’il résidait au Canada. Il doit le faire selon la prépondérance des probabilités, c’est-à-dire qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il a résidé au Canada pendant les périodes pertinentesNote de bas de page 4.

Le critère juridique lié à la résidence

[12] Selon la loi, le fait d’être présent au Canada n’équivaut pas à résider au Canada. Les termes « résidence » et « présence » ont chacun leur propre définition. Je dois utiliser ces définitions pour rendre ma décision.

[13] Une personne réside au Canada si elle établit sa demeure et vit ordinairement dans une région du CanadaNote de bas de page 5.

[14] Une personne est présente au Canada lorsqu’elle se trouve physiquement dans une région du CanadaNote de bas de page 6.

[15] Pour décider si l’appelant résidait au Canada, je dois examiner l’ensemble de la situation. Je dois aussi examiner des facteurs commeNote de bas de page 7 :

  • où il avait des biens, comme des meubles, un compte bancaire et des intérêts commerciaux;
  • où il avait des liens sociaux, comme des amis, des parents, l’appartenance à un groupe religieux et l’adhésion à un club ou à une organisation professionnelle;
  • où il avait d’autres liens, comme une assurance maladie, un contrat de location, une hypothèque ou un prêt;
  • où il a produit des déclarations de revenus;
  • les liens qu’il avait dans un autre pays;
  • la durée de ses séjours au Canada;
  • la fréquence et la durée de ses séjours à l’étranger, et où il allait;
  • son mode de vie au Canada;
  • ses intentions.

[16] Cette liste n’est pas complète. D’autres facteurs peuvent être importants. Je dois examiner la situation de l’appelant dans son ensembleNote de bas de page 8.

Motifs de ma décision

[17] J’estime que l’appelant n’est pas admissible à une pension de la Sécurité de la vieillesse. Il n’a pas résidé au Canada pendant au moins 10 ans après avoir eu 18 ans.

[18] J’ai tenu compte de l’admissibilité de l’appelant du 22 décembre 1993 jusqu’à la date de l’audience, soit le 28 juin 2023. J’ai choisi la première date parce que c’est à ce moment-là que l’appelant est arrivé au Canada en tant que résident permanent. J’ai choisi la deuxième date parce que j’avais des éléments de preuve fiables jusqu’à cette date.

[19] Voici les motifs de ma décision.

Périodes de résidence de l’appelant au Canada

[20] L’appelant n’a pas résidé au Canada du 22 décembre 1993 au 27 juin 2020.

[21] L’appelant a résidé au Canada du 28 juin 2020 au 28 juin 2023.

[22] Pour chaque période, j’expliquerai pourquoi j’ai décidé que l’appelant résidait ou non au Canada.

L’appelant n’a pas résidé au Canada du 22 décembre 1993 au 27 juin 2020

[23] L’appelant est venu au Canada de Bahreïn pour les raisons suivantes :

  • il ne voulait pas vivre en Irak avec les problèmes politiques et sociaux;
  • il n’avait pas le statut de résident permanent à Bahreïn, mais seulement un statut temporaire alors qu’il y avait une entreprise;
  • il voulait faire du Canada sa patrie;
  • il voulait être là où vivaient sa mère et sa fratrie, les seuls membres de sa famille proche.

[24] L’appelant a seulement apporté des biens personnels. Il voulait apporter sa voiture, mais elle ne répondait pas aux exigences relatives à l’importation au CanadaNote de bas de page 9. Comme il n’avait ni épouse ni enfants, il a emménagé avec sa famille plutôt que de vivre seul. Cependant, l’appelant n’a pas rompu ses liens avec Bahreïn lorsqu’il est arrivé au Canada. Il y possédait toujours une partie d’entreprise. Au cours de ses cinq à six premières années au Canada, il est retourné régulièrement à Bahreïn pour l’entreprise. Il y louait un appartement. Par la suite, il s’est rendu à Bahreïn moins souvent, mais de façon régulière jusqu’en 2020.

[25] L’appelant a aussi établi des liens avec le Canada. En 1990, il a déposé une demande de brevet, et en 1998, il a enregistré une entreprise et a déposé une autre demande de brevetNote de bas de page 10. Il a établi d’autres liens avec le Canada lorsqu’il est arrivé en 1993. Il a ouvert un compte bancaire au Canada, a souscrit à l’assurance maladie provinciale (interrompue en 2010) et a trouvé un médecin de familleNote de bas de page 11. Il n’a pas fourni de preuve de tous ces liens à partir de 1993, mais il a fourni des preuves pour des périodes subséquentesNote de bas de page 12. Je crois ce que l’appelant dit au sujet des liens qu’il a tissés avec le Canada à son arrivée. L’appelant a été franc tout au long du processus. Il ne se souvient peut-être pas de tous les détails, mais je ne m’attends pas à ce qu’il le fasse.

[26] L’appelant affirme que le ministre ne comprend pas les défis auxquels font face les personnes immigrantes. Il a dit qu’il avait choisi de vivre au Canada, et non ailleurs. Il a dit avoir essayé de s’établir au Canada. Cependant, il ne pouvait pas générer de revenus au Canada. C’est pourquoi il n’a pas produit de déclarations de revenus au Canada avant 2020. C’est aussi la raison pour laquelle il a décidé de faire des allers‑retours à Bahreïn pour promouvoir des produits et des inventions d’entreprises canadiennes, dont la sienne.

[27] L’appelant a expliqué pourquoi il n’a pas loué de logement au Canada lorsqu’il faisait des allers-retours à Bahreïn. Comme il n’avait pas d’épouse ni d’enfants, il a dit qu’il préférait vivre avec sa famille lorsqu’il était au Canada. Il a ajouté qu’il ne voulait pas être responsable d’un logement inoccupé pendant certaines périodes.

[28] J’ai de la sympathie pour l’appelant et je crois que son intention était de devenir citoyen canadien, comme il le dit. Je comprends aussi sa décision de vivre avec sa famille. Cependant, ses intentions ne sont qu’un facteur. Bien qu’il ait eu certains liens avec le Canada, comme sa famille, son statut d’immigrant et d’autres liens, il n’a pas établi sa demeure ni vécu ordinairement au Canada pendant cette période.

[29] L’appelant n’a pas pu obtenir le succès qu’il voulait au Canada. Il a donc fait un choix. Entre 1993 et 2010, il s’est souvent rendu à Bahreïn pour y exploiter son entreprise. De 2010 à 2020, il a continué de se rendre à Bahreïn pour s’occuper des procédures judiciaires liées à son entreprise bahreïnienne et pour faire la promotion de son entreprise canadienne. Il a fourni une preuve de ses tentatives pour obtenir du financement et d’autres formes de soutien pour son entreprise canadienneNote de bas de page 13. Je crois ce que l’appelant dit au sujet des objectifs de son entreprise canadienne.

[30] L’appelant précise que je dois tenir compte du fait que son entreprise canadienne visait à promouvoir les produits canadiens et à soutenir l’économie du paysNote de bas de page 14. Il dit qu’une bonne politique économique appuierait ces objectifs. Je ne suis ni d’accord ni en désaccord avec ce qu’il dit au sujet de la politique économique. Cependant, je ne peux pas fonder ma décision sur une politique. Je dois vérifier si l’appelant s’est établi et vivait ordinairement au Canada.

[31] Lorsque j’examine l’ensemble de cette période, je constate que les liens de l’appelant avec Bahreïn étaient plus étroits qu’avec le Canada.

Les règles relatives à la résidence ou à la présence présumée ne s’appliquent pas durant cette période

[32] Je ne suis pas d’accord avec l’appelant pour dire que ses absences du Canada pendant cette période n’ont pas interrompu sa résidence. Premièrement, comme je l’ai mentionné, il ne résidait pas au Canada lorsqu’il est parti à Bahreïn.

[33] J’admets qu’il représentait une société canadienne depuis 1998. Cependant, même à ce moment-là, il n’avait pas de « demeure permanente » ni « gardé au Canada un établissement domestique autonomeNote de bas de page 15 ». Pendant cette période, il n’a jamais loué d’appartement au Canada. Il vivait avec une personne de sa fratrie, tout dépendant de qui pouvait l’accueillir pendant son séjour au Canada.

L’appelant a résidé au Canada à compter du 28 juin 2020

[34] Le ministre convient que l’appelant réside au Canada depuis le 28 juin 2020. Je suis d’accord avec le ministre.

[35] À ce moment-là, l’entreprise canadienne de l’appelant s’est révélée infructueuse et un tribunal de Bahreïn a rendu l’ordonnance définitive d’y liquider son entreprise. Il est revenu au Canada et a loué un appartement.

L’appelant n’est pas admissible à une pension de la Sécurité de la vieillesse

[36] L’appelant n’est pas admissible à une pension de la Sécurité de la vieillesse parce qu’il n’a pas résidé au Canada assez longtemps. En date du 28 juin 2023, l’appelant avait résidé au Canada pendant trois ans et un jour après avoir eu 18 ans.

[37] L’appelant n’a pas résidé au Canada pendant au moins 10 années complètes. Par conséquent, il n’est pas admissible à une pension de la Sécurité de la vieillesse.

Conclusion

[38] Je conclus que l’appelant n’est pas admissible à une pension de la Sécurité de la vieillesse.

[39] L’appel est donc rejeté.

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