Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Citation : VB c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2023 TSS 1966

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : V. B.
Représentante ou représentant : R. B.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision datée du 19 juillet 2022 rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Antoinette Cardillo
Mode d’audience : Par écrit
Date de la décision : Le 9 novembre 2023
Numéro de dossier : GP-22-377

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelant, V. B., n’est pas admissible à la pension de la Sécurité de la vieillesse (SV) et aux prestations de Supplément de revenu garanti (SRG). Cette décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] L’appelant est né le 26 septembre 1935 en Haïti. Il a fait une demande pour la pension de la SV et les prestations du SRG le 31 juillet 2020.Note de bas de page 1 Sur sa demande (complétée par sa mandataire), il est indiqué qu’il est arrivé au Canada le 21 juillet 2010 comme résident permanent. Il s’est marié le 15 février 2014 en Haïti et son épouse réside en Haïti.

[4] L’appelant a soutenu qu’il réside au Canada depuis son entrée initiale, précisant qu’il se rend en Haïti pour visiter son pays et que c’est seulement à deux reprises qu’il s’est absenté du Canada plus de six mois.

[5] Selon le ministre, l’appelant n’était pas admissible à la pension de la SV et aux prestations du SRG parce qu’il n’avait pas fourni les renseignements nécessaires afin que sa demande de pension de la SV et du SRG puisse être étudiée. Par la suite, l’appelant a fourni des renseignements supplémentaires.

[6] Toutefois, le ministre a maintenu sa décision initiale, car la preuve supplémentaire ne permettait pas de déterminer que l’appelant avait satisfait aux exigences associées au versement d’une pension de la SV et aux prestations du SRG selon la Loi sur la sécurité de la vieillesse (Loi sur la SV) et son règlement.

[7] Le ministre était d’avis que, depuis son arrivée au Canada le 21 juillet 2010, l’appelant n’avait pas maintenu un mode de vie centralisé au Canada. Ses allers-retours continus entre la résidence de sa fille au Canada et sa résidence en Haïti, où son épouse résidait, étaient caractéristiques d’un visiteur à long terme. Ses liens principaux de résidence se trouvaient en Haïti et non au Canada.

Ce que l’appelant doit prouver

[8] Pour gagner son appel, l’appelant doit prouver qu’il a résidé au Canada depuis son arrivée le 21 juillet 2010.

Pension de la SV

[9] Une pleine pension de la SV est payable aux personnes qui ont, après l’âge de 18 ans, résidé en tout au Canada pendant au moins 40 ansNote de bas de page 2. La loi prévoit toutefois la possibilité d’une pension partielle pour les personnes n’ayant pas résidé au Canada pendant au moins 40 ans. Pour être admissible à une pension partielle, une personne doit avoir résidé au Canada pendant au moins dix ansNote de bas de page 3.

[10] Si une personne cesse de vivre au Canada et veut recevoir une pension de la SV alors qu’elle habite dans un autre pays, elle doit avoir résidé au Canada après l’âge de 18 ans pendant au moins 20 ansNote de bas de page 4.

Résidence

[11] Le Règlement sur la sécurité de la vieillesse (Règlement sur la SV) régit la question de savoir si une personne réside au Canada ou si elle y est seulement présente. Une personne réside au Canada si elle établit sa demeure et vit ordinairement dans une région du Canada. Une personne est présente au Canada lorsqu’elle se trouve physiquement dans une région du CanadaNote de bas de page 5.

[12] La Cour fédérale s’est penchée sur la question de la résidence au Canada. La Cour a précisé ce qui suit :

[…] Il est bien établi en droit que la résidence est une question de fait qui requiert l’examen de toute la situation de la personne concernée. Pour l’application de la [Loi sur la SV], l’intention de résider au Canada n’équivaut pas à la résidence.Note de bas de page 6

[13] Le libellé du Règlement sur la SV rend encore plus claire la composante factuelle de la définition de la résidence dans la Loi sur la SV.Note de bas de page 7 En liant la notion de résidence à la demeure d’une personne et en utilisant les mots « vit ordinairement », il ne fait aucun doute qu’une personne devra établir que le Canada est l’endroit où elle est ancrée dans les faits pour la période prescrite par la loi.

[14] Aussi, la Cour fédérale a établi une liste non exhaustive de facteurs à prendre en considération afin de guider le Tribunal à décider la question de la résidence :

  1. a. liens au Canada prenant la forme de biens mobiliers;
  2. b. liens sociaux au Canada;
  3. c. autres liens au Canada (assurance-maladie, permis de conduire, bail de location, dossiers fiscaux, etc.);
  4. d. liens dans un autre pays;
  5. e. régularité et durée des séjours au Canada par rapport à la fréquence et à la durée des absences du Canada;
  6. f. le mode de vie de l’intéressé, ou la question de savoir si l’intéressé vivant au Canada y est enraciné de façon significative.

Supplément de revenu garanti

[15] Le SRG est une prestation mensuelle fondée sur le revenu et l’état civil qui est versée aux personnes qui reçoivent la pension de la SV et qui réside au Canada. Si le bénéficiaire du SRG quitte le Canada, il ne peut recevoir le SRG que pendant six mois après le mois de son départ. Il en est ainsi, quel que soit le nombre d’années de résidence de la personne au CanadaNote de bas de page 8.

Motifs de ma décision

[16] L’appelant n’était pas un résident du Canada en vertu de la Loi sur la SV et du Règlement sur la SV depuis son arrivée au Canada le 21 juillet 2010.

[17] Selon un questionnaire daté du 7 octobre 2020, l’appelant a indiqué qu’il est entré pour la première fois au Canada le 7 octobre 2009 comme visiteur.Note de bas de page 9 Il est revenu pour y habiter le 21 juillet 2010. Il était résident permanent. Il a produit ses déclarations de revenus à chaque année comme résident. Il rend visite à son épouse une ou deux fois par année, elle demeure toujours en Haïti. Il avait l’intention de vivre avec elle au Canada. Il fera une demande de parrainage lorsqu’il en aura les moyens et l’énergie pour le faire.

[18] L’appelant a fourni un Acte de mariage qui indique qu’il s’est marié le 15 février 2014 en Haïti.Note de bas de page 10 D’après ce document, il est domicilié à X, Section Commune de X, en Haïti.

[19] Dans un autre questionnaire daté du 25 janvier 2021, l’appelant a indiqué qu’il a des enfants au Canada.Note de bas de page 11 Il vit avec sa fille, son gendre et ses petits-enfants. Il n’a pas de meubles ou de biens personnels, et n’a aucune facture à son nom, mais il a un compte bancaire. En Haïti, il détient une maison familiale qui est en construction et une terre. Il vit avec son épouse qu’il visite chaque année. Il a aussi des enfants en Haïti. L’appelant considère le Canada comme étant le pays où il vit en permanence et il quitte le Canada seulement pour effectuer des visites dans son pays. Il a indiqué qu’il était au Canada de juillet 2010 à mars 2011, de juin 2011 à janvier 2012, de mai 2012 à novembre 2013. De plus, il a noté qu’entre 2010 et 2021, ses absences du Canada étaient de moins de six mois.

[20] Selon un questionnaire daté du 25 mai 2021, l’appelant était en Haïti du 2 juin 2019 au 25 août 2019. Il ne pouvait pas quitter en raison de problèmes d’insécurité à Port-au-Prince. Il était aussi en Haïti du 14 octobre 2020 au 25 mai 2021, à cause de la pandémie. Il n’y avait pas de vol de retour vers le Canada.Note de bas de page 12

[21] Selon un rapport de la Régie de l’assurance maladie du Québec, l’appelant a eu les visites médicales suivantes entre le 1er décembre 2010 et le 28 décembre 2020:Note de bas de page 13

  • une visite en janvier 2012;
  • une visite en avril 2016;
  • une visite en juin 2018;
  • trois visites entre octobre et décembre 2019;
  • deux visites en janvier 2020, une en mars 2020, une en août 2020 et une autre en septembre 2020.

[22] Selon une lettre datée du 20 juillet 2021, l’appelant a laissé son pays pour la première fois le 7 octobre 2009 pour visiter ses enfants et petits-enfants au Canada. Il est retourné en Haïti le 5 janvier 2010.Note de bas de page 14 Le 21 juillet 2010, il est arrivé au Canada comme résident permanent et depuis il retourne en Haïti pour des périodes pas plus longues que six mois, sauf pour les deux périodes suivantes : du 6 février 2019 au 25 août 2019 (soit six mois et 19 jours à cause de la situation politique et d'insécurité dans la capitale d’Haïti) et à partir du 14 octobre 2020, il n'est pas revenu à cause la pandémie.

[23] Selon une autre lettre datée du 27 juillet 2021, l’historique de résidence au Canada de l’appelant est le suivant:Note de bas de page 15

  • du 21 juillet 2010 au 9 mars 2011 (presque huit mois au Canada);
  • du 8 juin 2011au 24 janvier 2012 (environ sept mois);
  • du 7 mai 2012 au 27 novembre 2013 (environ 18 mois);
  • du 13 mai 2014 au 25 novembre 2014 (environ six mois);
  • du 19 mai 2015 au 29 septembre 2015 (environ quatre mois);
  • du 8 mars 2016 au 16 novembre 2016 (environ huit mois);
  • du 10 mai 2017 au 22 novembre 2017 (environ six mois);
  • du 16 mai 2018 au 14 novembre 2018 (environ cinq mois);
  • du 23 janvier 2019 au 6 février 2019 (environ un mois);
  • du 25 août 2019 au 14 octobre 2020 (environ 14 mois).

[24] Les étampes du passeport haïtien de l’appelant, valide du 24 septembre 2007 au 23 septembre 2012Note de bas de page 16, montrent les entrées et sorties suivantes :

Entrées - Haïti Sorties - Haïti
  7 octobre 2009 et entrée au Canada le même jour
5 janvier 2010 21 juillet 2010
9 mars 2011 8 juin 2011 et entrée au Canada le même jour
24 janvier 2012 7 mai 2012

[25] Les étampes du passeport haïtien de l’appelant, valide du 10 octobre 2013 au 9 octobre 2018 Note de bas de page 17, montrent les entrées et sorties suivantes : 

Entrées - Haïti Sorties - Haïti
27 novembre 2013 13 mai 2014 et entrée le même jour au Canada
25 novembre 2014 entrée au Canada le 19 mai 2015
29 septembre 2015 8 mars 2016 et entrée le même jour au Canada
16 novembre 2016 10 mai 2017 et entrée le même jour au Canada
22 novembre 2017 16 mai 2018

[26] Les étampes du passeport haïtien de l’appelant, valide du 28 septembre 2018 au 27 septembre 2023Note de bas de page 18, montrent les entrées et sorties suivantes : 

Entrées - Haïti Sorties - Haïti
14 novembre 2018 23 janvier 2019
6 février 2019 25 août 2019
14 octobre 2020  

[27] Selon une étampe sur la carte de visa de l’appelant, il serait retourné au Canada le 17 avril 2022.Note de bas de page 19

[28] Tel que précisé, l’appelant soutient qu’il réside au Canada depuis son entrée initiale, qu’il se rend en Haïti seulement pour visiter son pays et que c’est seulement à deux reprises qu’il s’est absenté du Canada pour plus de six mois.

[29] Toutefois, la durée des séjours d’un appelant à l’extérieur du Canada n’est qu’un des facteurs à prendre en considération pour déterminer s’il est un résident du Canada ou s’il y est uniquement présent. Il faut qu’un mode de vie centralisé au Canada soit établi, qu’un appelant n’ait pas établi sa résidence dans un autre pays, qu’il ait maintenu des liens étroits avec le Canada pendant son absence et qu’il ait démontré son intention de revenir au Canada dans un délai raisonnable.

[30] Bien que l’appelant ne se soit pas absenté pour de longues périodes du Canada entre son entrée initiale au mois de juillet 2010 et le mois de novembre 2013, à partir de 2014, ses absences étaient fréquentes et de longues durées. L’appelant a expliqué qu’il y a eu deux périodes où il ne pouvait pas revenir d’Haïti en raison de la situation politique et d'insécurité dans la capitale d’Haïti et la pandémie. Toutefois, outre ces deux périodes d’absence, selon la preuve, l’appelant n’avait pas un mode de vie ancré ou centralisé au Canada entre 2010 et 2022.

[31] Au Canada, l’appelant a plusieurs membres de sa famille. Il occupe une chambre chez sa fille, il ne paie pas de loyer ou autre dépense. Il ne possède aucun meuble ou bien personnel. Il a un compte bancaire et il a reçu sporadiquement des soins de santé au Canada.

[32] En Haïti, il a des enfants, des frères et son épouse avec qui il s’est marié le 15 février 2014. Il a une maison familiale et une terre. Lorsqu’il retourne en Haiti, il retourne vivre dans sa maison avec son épouse.

[33] Ses allers-retours fréquents entre le Canada, où il occupe une chambre chez sa fille, et Haïti, où son épouse réside, où il a une maison et une terre, démontrent que ses liens principaux de résidence se trouvent en Haïti.

[34] Selon les faits, l’appelant ne demeurait pas ordinairement au Canada depuis juillet 2010. Je ne peux donc pas déterminer que l’appelant était un résident du Canada depuis son arrivée initiale.

Conclusion

[35] Je conclus que l’appelant n’est pas admissible à la pension de la SV et aux prestations du SRG.

[36] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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