Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

Informations sur la décision

Résumé :

La requérante a demandé la pension de la Sécurité de la vieillesse en août 2020. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté la demande parce qu’elle ne vivait pas au Canada. Il a expliqué qu’elle avait besoin d’au moins 20 ans de résidence au Canada pour recevoir une pension de la Sécurité de la vieillesse pendant qu’elle vivait à l’étranger. Le ministre a souligné que la requérante comptait seulement 10 années complètes de résidence, soit les périodes où elle résidait effectivement au Canada plus le temps ajouté en application de l’accord de sécurité sociale conclu entre le Canada et l’Estonie.

La requérante a porté la décision du ministre en appel à la division générale. Celle-ci a accueilli l’appel et accordé à la requérante une pension partielle de la Sécurité de la vieillesse au taux de 11/40e de la pleine pension. Le ministre a contesté la décision de la division générale devant la division d’appel.

La loi précise qu’une absence du Canada n’interrompt pas la résidence au Canada si la personne résidait au pays et que son départ a eu lieu dans certaines circonstances prévues par le Règlement sur la sécurité de la vieillesse. Voici l’une de ces circonstances :

- une personne est engagée hors du Canada à titre d’employée, de membre ou de fonctionnaire d’une organisation internationale de bienfaisance et :

- elle revient au Canada dans un délai de six mois après la fin de sa période d’emploi ou d’engagement hors du Canada ou;

- elle atteint, au cours de sa période d’emploi ou d’engagement hors du Canada, l’âge la rendant admissible à la pension de la Sécurité de la vieillesse.

Dans la présente affaire, la requérante a cofondé une organisation lettone à but non lucratif appelée X. Il semble qu’elle siège au conseil de direction depuis la fondation de l’organisation en septembre 2020. Elle affirme que X exerce ses activités en Lettonie, en Ouzbékistan et en Serbie et recueille de l’argent pour offrir de la nourriture, des vêtements et des formations aux personnes dans le besoin.

La division d’appel a conclu qu’au sens du Règlement sur la sécurité de la vieillesse, les mots « engagé », « membre » et « organisation internationale de bienfaisance » sont sujets à une interprétation large. La division d’appel a confirmé que, même si elle admettait que la requérante était et continue d’être engagée comme membre d’une organisation internationale de bienfaisance, la requérante ne pourrait pas gagner sa cause. En effet, cette dernière ne remplissait pas toutes les conditions requises pour que son absence soit comptabilisée comme une période de résidence au Canada. La division d’appel ne pouvait pas conclure que la requérante était toujours une résidente canadienne, même si elle était peut-être engagée auprès de X, parce qu’elle n’avait pas atteint l’âge d’admissibilité à la pension de la Sécurité de la vieillesse. Quand la requérante a quitté le Canada en juin 2017, elle avait déjà 67 ans. C’était bien après ses 65 ans, c’est-à-dire le moment où elle a « atteint » l’âge d’admissibilité à la pension de la Sécurité de la vieillesse. La loi exige que les personnes qui demandent la pension et qui travaillent à l’étranger pour une organisation internationale de bienfaisance soient non seulement admissibles, mais qu’elles deviennent aussi admissibles à la pension pendant leur séjour à l’étranger.

Même si la requérante travaillait pour une organisation internationale de bienfaisance, la division d’appel a conclu qu’elle n’était pas résidente du Canada en août 2020, lorsqu’elle a demandé la pension de la Sécurité de la vieillesse. À ce moment-là, la requérante comptait un peu moins de 11 ans de résidence au Canada, c’est-à-dire moins que les 20 ans dont elle avait besoin pour toucher une pension partielle de la Sécurité de la vieillesse pendant qu’elle vivait hors du Canada. La division d’appel a accueilli l’appel du ministre. La requérante n’a pas droit à une pension partielle de la Sécurité de la vieillesse.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : Ministre de l’Emploi et du Développement social c LK, 2024 TSS 62

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Parties appelantes : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Représentant : Yanick Bélanger
Partie intimée :

L. K.


Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 2 juin 2023
(GP-22-1147)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 11 janvier 2024
Personnes présentes à l’audience : Représentant de l’appelante
Appelante
Date de la décision : Le 19 janvier 2024
Numéro de dossier : AD-23-827

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. L’intimée n’a pas droit à une pension partielle de la Sécurité de la vieillesse.

Aperçu

[2] L’intimée est née en Union soviétique en juin 1950. Elle a vécu et travaillé dans de nombreux pays, y compris la Lettonie, l’Estonie, l’Ouzbékistan et la Serbie. Elle a immigré au Canada le 25 septembre 2007 et est restée ici jusqu’au 6 juin 2016, date à laquelle elle est retournée en Serbie. Elle y vit toujours.

[3] L’intimée a demandé une pension de la Sécurité de la vieillesse en août 2020. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté la demande parce que l’intimée ne vivait pas au Canada. Le ministre a déclaré qu’elle avait besoin d’au moins 20 ans de résidence au Canada pour recevoir une pension de la Sécurité de la vieillesse alors qu’elle vivait à l’étranger. Le ministre a fait remarquer que l’intimée avait seulement 10 ans de résidence, selon sa période de résidence réelle au Canada et la durée ajoutée par l’accord de sécurité sociale du Canada avec l’EstonieNote de bas de page 1.

[4] L’intimée a porté le refus du ministre en appel au Tribunal de la sécurité sociale. La division générale du Tribunal a tenu une audience par écrit et a accueilli l’appel, accordant à l’intimée une pension partielle de la Sécurité de la vieillesse de 11/40 du montant d’une pleine pension.

[5] Le ministre n’était pas d’accord avec la décision de la division générale. Il a demandé la permission de faire appel à la division d’appel, soutenant que la division générale avait commis une erreur de droit en accordant une pension à une non-résidente qui avait vécu au Canada pendant moins de 20 ans. En septembre dernier, une de mes collègues de la division d’appel a accordé au ministre la permission de faire appel. Plus tôt ce mois-ci, j’ai tenu une audience pour discuter de l’ensemble de sa cause.

[6] Après avoir examiné les observations des deux parties, j’ai conclu que l’intimée n’avait pas droit à une pension partielle de la Sécurité de la vieillesse. La preuve montre que l’intimée ne résidait pas au Canada lorsqu’elle a demandé la pension et qu’elle n’avait pas le minimum requis de 20 ans de résidence au Canada pour la recevoir à l’étranger.

Questions préliminaires

[7] Au cours des mois précédant son audience, l’intimée a déposé des douzaines de courriels et d’autres documents, dont bon nombre se rapportaient à sa demande de prestations du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées, qui n’avaient rien à voir avec les questions en litige dans la présente instance. Bien que j’aie examiné tous les documents de l’intimée, je me suis concentré uniquement sur les renseignements qui étaient pertinents pour son admissibilité à la pension de la Sécurité de la vieillesse, en particulier ses périodes de résidence au Canada et la question de savoir si elle pouvait bénéficier d’accords de sécurité sociale avec d’autres pays.

[8] Après l’audience, l’intimée a déposé au Tribunal des courriels supplémentaires qui développaient des arguments qu’elle avait déjà présentés oralement et par écritNote de bas de page 2. J’ai décidé de ne pas tenir compte de ces arguments parce que, d’abord, ils ne contiennent rien de nouveau et, ensuite, ils ont été présentés non seulement après la date limite de dépôt, mais aussi après l’audience.

[9] Les courriels répétaient également l’affirmation de l’intimée, initialement formulée lors de l’audience, selon laquelle M. Bélanger n’était pas dûment autorisé à représenter le ministre. Contrairement à l’objection de l’intimée, j’ai procédé à l’audience parce que je n’ai rien vu qui laisse croire que M. Bélanger, qui est selon moi un employé du ministère de la Justice, ne pouvait pas parler au nom du ministre dans cette affaire. Ma décision sur cette question était définitive, et je ne vois aucune raison de la réexaminer.

Analyse

[10] J’ai appliqué la loi à la preuve disponible. Je suis convaincu que l’intimée ne s’est pas acquittée du fardeau de démontrer qu’elle avait droit à la pension de la Sécurité de la vieillesse. L’intimée a démontré qu’elle avait presque neuf ans de résidence réelle au Canada et plus de deux ans de périodes admissibles de l’Estonie. Cependant, même si l’intimée a travaillé pour une organisation internationale de bienfaisance au cours des quatre années précédant sa demande de pension, elle vivait à l’étranger lorsqu’elle l’a présentée. Les périodes de résidence ne représentent pas les 20 ans requis pour recevoir une pension de la Sécurité de la vieillesse pendant qu’elle vivait à l’étranger.

L’intimée avait presque neuf ans de résidence au Canada

[11] Une personne réside au Canada si elle établit sa demeure et vit ordinairement dans une région du CanadaNote de bas de page 3.

[12] L’intimée est arrivée au Canada à titre de résidente permanente le 25 septembre 2007 et s’est établie à Brampton, en Ontario. Elle a loué un appartement, ouvert un compte bancaire, s’est fait des amis et a reçu des soins de santé et des prestations sociales. Elle est restée au Canada jusqu’au 6 juin 2016, date à laquelle elle a déménagé en Serbie. Elle ne semble pas avoir entretenu de liens importants avec le Canada depuis.

[13] L’intimée et le ministre s’entendent sur les dates mentionnées ci-dessus. Pour cette raison, je conviens que l’intimée a en fait vécu au Canada pendant huit ans et 257 jours.

L’intimée avait plus de deux ans de périodes admissibles de l’Estonie

[14] L’intimée soutient que ses années de résidence dans trois pays l’aident à remplir les conditions requises pour recevoir une pension de la Sécurité de la vieillesse. Je suis d’accord avec elle, mais seulement jusqu’à un certain point.

[15] Le Canada a conclu des accords de sécurité sociale avec l’Estonie, la Lettonie et la Serbie. Les accords prévoient tous que les périodes admissibles aux termes des lois de ces pays peuvent être considérées comme des périodes de résidence au Canada dans le but d’aider une partie prestataire à remplir les conditions requises pour recevoir certaines prestations fédéralesNote de bas de page 4.

[16] Le ministre a demandé des renseignements aux trois pays, mais seule l’Estonie a affirmé que l’intimée avait des périodes admissibles aux termes de son accord avec le Canada. Selon le gouvernement de l’Estonie, l’intimée avait des périodes admissibles qui ajoutaient deux ans et 103 jours à sa période de résidence au CanadaNote de bas de page 5.

[17] Les réponses aux demandes semblables faites à la Lettonie ou à la Serbie n’ont pas aidé l’intimée. Aucun des deux pays n’a reconnu de périodes admissibles aux termes de leurs accords avec le CanadaNote de bas de page 6.

[18] L’intimée a insisté sur le fait qu’elle avait des périodes admissibles de la Lettonie et de la Serbie et que le gouvernement du Canada aurait dû faire quelque chose pour forcer ces pays à les divulguer. Toutefois, je peux m’appuyer uniquement sur la preuve dont je dispose. Même si aucun des deux pays n’a dit ce que l’intimée voulait entendre, je n’ai aucune raison de croire qu’ils dissimulent des renseignements.

L’intimée a peut-être travaillé pour un organisme de bienfaisance international, mais elle n’était pas résidente du Canada lorsqu’elle a demandé la pension de la Sécurité de la vieillesse

[19] L’intimée n’a pas réellement vécu au Canada depuis le 6 juin 2016. Elle affirme qu’elle est tout de même une résidente du Canada depuis cette date parce qu’elle travaille pour une organisation internationale de bienfaisance depuis huit ans.

[20] La loi précise que l’absence d’une personne n’interrompt pas sa résidence au Canada si elle y résidait et est partie dans certaines circonstances précisées dans le Règlement sur la sécurité de la vieillesseNote de bas de page 7. Voici l’une d’entre elles :

  • lorsqu’une personne est engagée hors du Canada à titre d’employée, de membre ou de fonctionnaire d’une organisation internationale de bienfaisance, si elle remplit une des conditions suivantes :
    • Elle est revenue au Canada dans les six mois suivant la fin de son emploi ou de son engagement à l’étranger.
    • Elle a atteint un âge la rendant admissible à une pension de la Sécurité de la vieillesse pendant qu’elle était employée ou engagée à l’étranger [c’est moi qui souligne]Note de bas de page 8.

[21] L’intimée a cofondé une organisation lettone à but non lucratif nommée X en septembre 2000 et semble avoir siégé à son comité exécutif depuisNote de bas de page 9. L’intimée a déclaré que X exerce ses activités en Lettonie, en Ouzbékistan et en Serbie. L’organisation recueille des fonds pour fournir de la nourriture et des vêtements et enseigner des compétences aux gens dans le besoin.

[22] Les mots « engagée », « membre » et « organisation internationale de bienfaisance » peuvent faire l’objet d’une interprétation large. Je ne sais pas si X est toujours active ni dans quelle mesure l’intimée est « engagée » dans ses activités. Cependant, même si je conviens que l’intimée a été et continue d’être engagée comme membre d’une organisation internationale de bienfaisance, elle ne peut toujours pas gagner sa cause.

[23] En effet, l’intimée ne remplissait pas toutes les conditions requises pour que son absence soit comptée comme une période de résidence au Canada. L’intimée résidait au Canada immédiatement avant de partir pour la Serbie, et elle n’est pas revenue au Canada depuis. Cependant, je ne peux pas conclure qu’elle demeure résidente du Canada, même si elle a travaillé avec X, parce qu’elle n’avait pas atteint un âge la rendant admissible à une pension de la Sécurité de la vieillesse. L’intimée avait déjà 67 ans lorsqu’elle a quitté le Canada en juin 2017. Elle avait dépassé 65 ans, l’âge auquel elle a initialement « atteint » le seuil d’admissibilité à la pension de la Sécurité de la vieillesse.

[24] Il est vrai que si elle était restée au Canada, l’intimée aurait été admissible à demander la pension à tout moment après son 65e anniversaire. Cependant, l’intimée n’est pas restée au Canada. Plus précisément, « être » admissible à la pension de la Sécurité de la vieillesse en vivant au Canada est différent d’« atteindre » le seuil d’admissibilité à la pension de la Sécurité de la vieillesse en vivant à l’étranger. La loi, telle qu’elle est rédigée, exige clairement qu’une partie prestataire qui travaille pour une organisation internationale de bienfaisance à l’étranger non seulement soit admissible, mais devienne admissible à la pension pendant qu’elle est à l’étranger.

L’intimée n’avait pas les 20 ans requis de résidence au Canada pour recevoir la pension de la Sécurité de la vieillesse pendant qu’elle vivait à l’étranger

[25] L’intimée a réellement résidé au Canada pendant huit ans et 257 jours et, aux termes de l’accord sur la sécurité sociale conclu avec la Lettonie, elle a une période admissible de deux ans et 103 jours. Cela totalise 10 ans et 360 jours.

[26] Comme mentionné, les quatre années que l’intimée a passées à travailler pour X entre son départ du Canada en juin 2016 et sa demande de prestations de la Sécurité de la vieillesse en août 2020 ne peuvent pas être comptées comme une période de résidence au Canada. En effet, elle n’est ni revenue au Canada dans les six mois suivant son désengagement de X ni n’a « atteint » l’âge de 65 ans alors qu’elle travaillait pour X à l’étranger.

[27] Selon la loi, les personnes qui demandent une pension de la Sécurité de la vieillesse et résident à l’étranger au moment de présenter leur demande doivent prouver qu’elles ont résidé au Canada pendant au moins 20 ansNote de bas de page 10. En août 2020, lorsqu’elle a demandé la pension de la Sécurité de la vieillesse, l’intimée résidait à l’étranger. À ce moment-là, elle n’avait pas les 20 ans requis pour recevoir la pension pendant qu’elle vivait à l’étranger.

Conclusion

[28] Même si elle travaillait pour une organisation internationale de bienfaisance, l’intimée n’était pas résidente du Canada lorsqu’elle a demandé la pension de la Sécurité de la vieillesse en août 2020. À ce moment-là, elle avait un peu moins de 11 ans de résidence au Canada, ce qui est loin des 20 ans dont elle avait besoin pour toucher une pension partielle de la Sécurité de la vieillesse pendant qu’elle vivait à l’étranger.

[29] L’appel du ministre est accueilli. L’intimée n’a pas droit à une pension partielle de la Sécurité de la vieillesse.

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