Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Contenu de la décision

Citation : JN c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2024 TSS 235

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : J. N.
Partie défenderesse : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 26 octobre 2023 (GP-20-1532)

Membre du Tribunal : Jude Samson
Date de la décision : Le 7 mars 2024
Numéro de dossier : AD-23-1115

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Décision

[1] Je refuse au requérant, J. N., la permission de faire appel. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le requérant a demandé une pension de la Sécurité de la vieillesse (SV) en août 2015. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a approuvé sa demande à partir de juin 2016. Toutefois, il a suspendu le versement de la pension, avant même que le requérant reçoive son tout premier paiement.

[3] La décision du ministre est fondée sur l’article 5(3) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse (Loi sur la SV). Cet article prévoit qu’une personne emprisonnée en vertu d’une loi fédérale n’a pas droit à une pension de la SV pendant sa période d’incarcération.

[4] Le requérant tente de contester la décision du ministre depuis qu’elle a été rendue en 2016. À l’appui de ses arguments, le requérant invoque les articles 1, 7, 12, 15, 24, 26, 31 et 52 de la Charte canadienne des droits et libertés.

[5] La division générale a rejeté l’appel du requérant à la suite d’une longue procédure qui s’est déroulée par écrit, comme il l’avait demandé. Le requérant veut maintenant faire appel de la décision de la division générale auprès de la division d’appel.

[6] J’estime que la demande du requérant ne soulève aucune cause défendable selon laquelle la division générale aurait commis une erreur reconnue par la loi. De plus, le requérant n’a pas présenté de nouveaux éléments de preuve. Je n’ai donc d’autre choix que de lui refuser la permission de faire appel.

Questions en litige

[7] Les questions en litige sont les suivantes :

  1. a) La demande du requérant soulève-t-elle une cause défendable selon laquelle la division générale aurait commis une erreur reconnue par la loi?
  2. b) La demande contient-elle des éléments de preuve qui n’ont pas été présentés à la division générale?

Je n’accorde pas la permission de faire appel

[8] Je peux accorder la permission de faire appel si, dans sa demande, le requérant a soulevé une cause défendable selon laquelle la division générale a :

  • omis d’offrir un processus équitable;
  • tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire ou omis de trancher une question qu’elle aurait dû trancher;
  • mal interprété ou appliqué la loi;
  • commis une erreur par rapport aux faitsNote de bas de page 1.

[9] Je peux aussi accorder la permission de faire appel si la demande du requérant contient des éléments de preuve qui n’ont pas été présentés à la division généraleNote de bas de page 2.

La demande du requérant ne soulève aucune cause défendable

[10] Le requérant n’a pas soulevé une cause défendable selon laquelle la division générale aurait commis une erreur reconnue par la loi. Ses arguments sont plutôt voués à l’échec principalement pour les raisons suivantes :

  • Le requérant s’appuie sur d’importants malentendus concernant la Loi sur la SV.
  • Il y a un manque de preuves pour appuyer une contestation fondée sur la Charte.
  • Le requérant n’a pas établi qu’il y a eu violation à première vue de ses droits.
  • Le Tribunal n’a pas le pouvoir d’accorder au requérant une grande partie des réparations qu’il demande.

La demande repose sur d’importants malentendus concernant la Loi sur la SV

[11] D’abord, le principal argument du requérant est que les personnes incarcérées qui sont en couple peuvent rediriger leur pension de la SV vers une conjointe ou un conjoint, mais qu’on lui refuse à tort cette prestation parce qu’il est célibataire. En d’autres termes, il soutient que la Loi sur la SV est discriminatoire sur la base de l’état civil et qu’elle viole son droit à l’égalité garanti par la Charte.

[12] L’argument du requérant est mal fondé.

[13] La Loi sur la SV prévoit certaines situations qui tiennent compte de l’état civil de la personne concernée. Par exemple, le montant du Supplément de revenu garanti dépend de l’état civil d’une personne et des revenus du couple (le cas échéant).

[14] De plus, si une personne est admissible au Supplément de revenu garanti, il se peut que sa conjointe ou son conjoint soit admissible à l’AllocationNote de bas de page 3. Par conséquent, si une personne est incarcérée, sa conjointe ou son conjoint pourrait être lésé et n’aurait pas le droit de recevoir des prestations au titre de la Loi sur la SV.

[15] Toutefois, la loi protège la conjointe ou le conjoint de la personne incarcérée dans cette situation. Elle ne permet pas à la personne incarcérée de rediriger ses prestations vers sa conjointe ou son conjoint. Elle permet plutôt le versement des prestations auxquelles la conjointe ou le conjoint aurait droit, comme si la personne n’était pas incarcérée.

[16] En d’autres termes, il n’est pas possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a tiré les conclusions suivantes :

  • L’Allocation ne constitue pas la pension de la SV de la personne incarcéréeNote de bas de page 4.
  • La loi ne contient aucun mécanisme qui fait que la pension de la SV d’une personne incarcérée devient payable à sa conjointe ou à son conjointNote de bas de page 5.

[17] À l’appui de son appel, le requérant soutient également qu’il ne devrait pas être privé des prestations qui découlent de ses cotisations au Régime de pensions du Canada et au Régime des rentes du QuébecNote de bas de page 6.

[18] Cependant, ces cotisations n’affectent aucunement le droit du requérant aux prestations au titre de la Loi sur la SV.

[19] Le droit de recevoir des prestations au titre de la Loi sur la SV dépend plutôt sur d’autres critères, principalement sur le nombre d’années pendant lesquelles la personne a résidé au CanadaNote de bas de page 7.

[20] Les arguments du requérant ne soulèvent donc aucune cause défendable selon laquelle la division générale aurait commis une erreur reconnue par la loi.

Il y a un manque de preuves pour appuyer une contestation fondée sur la Charte

[21] La division générale a conclu que le requérant n’a pas présenté suffisamment de preuves pour démontrer une violation de la CharteNote de bas de page 8. À ce sujet, les arguments du requérant ne soulèvent aucune cause défendable selon laquelle la division générale aurait commis une erreur reconnue par la loi.

[22] Il est clair que la division générale n’a pas commis d’erreur en tirant les conclusions suivantes :

  • Les arguments fondés sur la Charte doivent s’appuyer sur un fondement factuel solideNote de bas de page 9.
  • Le requérant ne s’est pas acquitté du fardeau de preuve qui appartient aux personnes qui veulent présenter une contestation constitutionnelle.

[23] Au contraire, la preuve présentée dans le cadre de cet appel consiste principalement en de longues lettres (parfois décousues) du requérant. Ces éléments ne permettaient pas à la division générale de procéder à l’analyse approfondie qu’exige l’évaluation d’un appel fondé sur la Charte.

[24] De plus, le requérant n’a pas proposé de présenter de nouveaux éléments de preuve pour combler cette lacune.

Le requérant n’a pas établi qu’il y a eu violation à première vue de ses droits

[25] Le requérant invoque l’article premier de la Charte et soutient que la division générale a commis une erreur en omettant d’évaluer comment l’article 5(3) de la Loi sur la SV est raisonnable dans une société libre et démocratique.

[26] Cet argument est également voué à l’échec. L’argument renverse le fardeau de la preuve qui incombe d’abord au requérant d’établir que la Loi sur la SV viole un droit garanti par la Charte.

[27] La décision de la division générale explique l’ordre des questions qui doivent être évaluées lors d’une analyse fondée sur la CharteNote de bas de page 10. Tout d’abord, une personne doit établir qu’il y a eu violation à première vue de ses droits garantis par la Charte. Ensuite, le gouvernement sera appelé à justifier la limite en question.

[28] La division générale a conclu que le requérant n’avait pas établi qu’il y a eu violation à première vue de ses droits garantis par la Charte. Par conséquent, elle n’était pas tenue d’évaluer si l’article 5(3) de la Loi sur la SV est raisonnable dans une société libre et démocratiqueNote de bas de page 11.

[29] Cet argument ne soulève donc aucune cause défendable selon laquelle la division générale aurait commis une erreur reconnue par la loi.

Le Tribunal n’a pas le pouvoir d’accorder au requérant une grande partie des réparations qu’il demande

[30] Tout au long de cette procédure, le requérant a demandé au ministre (et à d’autres personnes qui représentaient le gouvernement) de lui fournir beaucoup d’informations.

[31] Cependant, tout argument voulant que la division générale n’ait pas ordonné au ministre de remettre des informations au requérant est voué à l’échec. Je ne peux pas reprocher à la division générale de ne pas avoir rendu une ordonnance qu’elle n’avait pas le pouvoir de rendre.

[32] Le Tribunal a souligné à plusieurs reprises qu’il n’a que les pouvoirs que la loi lui confère. Cela ne comprend pas le pouvoir d’ordonner au ministre de divulguer des documents.

[33] J’en déduis que le requérant a tenté de rassembler ces informations en faisant des demandes au titre de la Loi sur l’accès à l’information. Il s’agit de la bonne manière de procéder. Toutefois, le Tribunal n’a pas le pouvoir d’examiner les décisions prises en vertu de cette loi.

La demande ne contient pas de nouveaux éléments de preuve

[34] Alors que le requérant prétend apporter de nouveaux éléments de preuve, j’estime que sa demande ne contient aucun nouvel élément pertinent qui n’a pas été présenté à la division généraleNote de bas de page 12. En effet, la demande du requérant reprend essentiellement les arguments qu’il a déjà présentés à la division générale.

[35] En plus des arguments du requérant, j’ai examiné le dossier et la décision de la division généraleNote de bas de page 13. Toutefois, je n’ai constaté aucune autre raison d’accorder la permission de faire appel.

Conclusion

[36] Puisque le requérant n’a pas soulevé de cause défendable et n’a pas présenté de nouvel élément de preuve, je dois lui refuser la permission de faire appel. Cela met donc un terme à l’appel.

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