Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Citation : La succession de W. W. c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2024 TSS 296

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : La succession de W. W.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision du ministre de l’Emploi et
du Développement social datée du 24 février 2023
(communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Wayne van der Meide
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 7 mars 2024
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 13 mars 2024
Numéro de dossier : GP-23-928

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Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] Le versement de la pension de W. W. (demandeur) commence en novembre 2020.

Aperçu

[3] Le demandeur a eu 65 ans en octobre 2016 et 70 ans en octobre 2021. Il a présenté en ligne en octobre 2021 une demande de pension de la Sécurité de la vieillesse. Il a déclaré qu’il voulait que sa pension commence en novembre 2021.

[4] Le demandeur est décédé en novembre 2021. Sa veuve, qui est la représentante de sa succession et l’appelante dans cet appel, a avisé le ministre de son décès.

[5] Dans une lettre datée de janvier 2022, le ministre a informé l’appelante que la demande de pension avait été approuvée et que les versements commenceraient en novembre 2021Note de bas de page 1. Quelques semaines plus tard, l’appelante a écrit au ministre indiquant que son défunt mari souhaitait que sa pension soit versée de façon rétroactive 11 mois avant la date de sa demandeNote de bas de page 2. Le ministre a répondu ce qui suit : [traduction] « Depuis le 3 mai 2007, la Loi sur la sécurité de la vieillesse ne nous permet pas d’approuver une demande de pension de la Sécurité de la vieillesse reçue après la date du décès d’une personneNote de bas de page 3. »

[6] L’appelante a demandé au ministre de réviser sa décision, mais le ministre a répondu qu’il la maintenait. Dans une lettre, le ministre a passé en revue l’historique du dossier et a conclu ce qui suit : [traduction] « Comme [le demandeur] a demandé que sa pension de la Sécurité de la vieillesse commence en novembre 2021, sa demande a été approuvée, avec la date de début qu’il a demandéeNote de bas de page 4. »

Ce que dit la loi

[7] Voici ce que dit la loi.

Loi sur la sécurité de la vieillesse

8 (1) Le premier versement de la pension se fait au cours du mois qui suit l’agrément de la demande présentée à cette fin; si celle-ci est agréée après le dernier jour du mois de sa réception, l’effet de l’agrément peut être rétroactif au jour — non antérieur à celui de la réception de la demande — fixé par règlement.

(2) Toutefois, si le demandeur a déjà atteint l’âge de soixante-cinq ans au moment de la réception de la demande, l’effet de l’agrément peut être rétroactif à la date fixée par règlement, celle-ci ne pouvant être antérieure au jour où il atteint cet âge ni précéder de plus d’un an le jour de réception de la demande.

29 (1) Par dérogation à toute autre disposition de la présente loi, les personnes éventuellement désignées par règlement, la succession, le liquidateur, l’exécuteur ou l’administrateur de la succession ou l’héritier d’une personne qui, avant son décès, aurait eu droit, une fois sa demande agréée, au versement d’une pension visée par la présente loi peuvent demander celle-ci dans l’année qui suit le décès.

Règlement sur la sécurité de la vieillesse

5 (2) Lorsque le ministre est convaincu que le demandeur visé au paragraphe (1) a atteint l’âge de 65 ans avant la date de réception de sa demande, l’agrément de celle-ci prend effet à celle des dates suivantes qui est postérieure aux autres :

  1. a) la date qui précède d’un an celle de la réception de la demande;
  2. b) la date à laquelle le demandeur a atteint l’âge de 65 ans ;
  3. c) la date à laquelle le demandeur est devenu admissible à une pension selon les articles 3 à 5 de la Loi ;
  4. d) le mois précédant la date indiquée par écrit par le demandeur.

Motifs de ma décision

[8] L’appelante souhaite modifier la date de début de la pension de son mari décédé. Dans ses observations, le ministre déclare que la question en litige dans cet appel est de savoir si une succession peut modifier la date de début d’une pensionNote de bas de page 5.

[9] Je suis d’accord pour dire qu’il s’agit de la question en litige.

[10] Les faits et les questions en litige dans cet appel sont semblables à ceux d’un appel précédentNote de bas de page 6. Je pense qu’il est utile de citer longuement cette décision :

[27] L’appelante fait valoir que la date marquée sur sa formule de demande était une erreur et doit être modifiée de la façon indiquée, par écrit, dans sa demande de réexamen. Cependant, le ministre soutient que la date ne peut pas être modifiée après le début des versements. À l’appui de sa position, le ministre ne cite aucune disposition législative particulière, mais prétend que la Loi sur la SV doit être interprétée de cette façon, vu l’ensemble du texte et l’article 9.3 de la Loi sur la SV qui, depuis 2013, permet aux bénéficiaires d’une pension de demander son annulation.

[28] À ce sujet, le Tribunal estime que ce régime législatif contient une ambiguïté. L’alinéa 5(2)d) du Règlement sur la SV (cité ci-dessus) fait une simple référence à « la date indiquée par écrit par le demandeur ». Le législateur a estimé qu’il valait la peine de définir le terme « formule de demande » au paragraphe 2(1) du Règlement sur la SV. D’après le paragraphe 3(2) de ce même Règlement, le ministre peut insister pour qu’une formule de demande soit utilisée. Alors, si le législateur avait voulu tenir un demandeur à la date indiquée sur sa formule de demande, il aurait facilement pu le faire en ajoutant une référence à l’alinéa 5(2)d) à la date inscrite par le demandeur sur sa formule de demande. Mais ces mots ne figurent pas dans la disposition pertinente. Le Tribunal doit donner effet à la décision du législateur d’omettre ces mots de l’alinéa 5(2)d).

[29] Le Tribunal constate alors que l’appelante n’était pas tenue à la date inscrite sur sa formule de demande. L’appelante retenait donc la possibilité de modifier cette date, tant que la demande de modification soit par écrit.

[30] En fait, cette conclusion n’est pas contestée par le ministre. Le ministre reconnaît qu’une personne peut porter des modifications à sa demande de pension ; cependant, il fait valoir qu’une telle demande devrait être présentée dans un certain délai, soit avant le premier versement de la prestation. En l’espèce, puisque le versement de la pension avait débuté, l’appelante n’avait que le choix de demander l’annulation du service de la pension en vertu de l’article 9.3 de la Loi sur la SV et de l’article 26.1 du Règlement sur la SV. En effet, ces dispositions prévoient que :

  1. a) un pensionné peut présenter une demande d’annulation au ministre par écrit dans les six mois qui suivent le premier versement de la pension ;
  2. b) la demande d’annulation doit être approuvée par le ministre ; et
  3. c) toutes les sommes versées doivent être remboursées dans les six mois qui suivent la date d’agrément de la demande.

[11]  Je suis d’accord. Je ne vois rien dans la loi qui empêche une personne de modifier la date de début de sa pension, ce qui permet au ministre de modifier la date d’approbation de la pension. Compte tenu de l’objectif du régime de la Sécurité de la vieillesse, je n’interpréterai pas la loi comme si elle comportait une interdiction que le législateur n’a pas créée.

[12] La loi autorise explicitement une personne à demander l’annulation d’une pension dans les six mois suivant son débutNote de bas de page 7. Dans cette affaire, la demande a été faite dans les semaines suivant la date à laquelle l’appelante a été informée de l’approbation de la pension. Bien qu’elle n’ait pas demandé l’annulation de la pension, mais simplement la modification de sa date de début, ces articles de loi m’indiquent que le législateur voulait que les parties demanderesses et les bénéficiaires disposent d’une certaine marge de manœuvre pour modifier leur choix.

[13] Le ministre a affirmé ce qui suit : [traduction] « Depuis le 3 mai 2007, la Loi sur la sécurité de la vieillesse ne nous permet pas d’approuver une demande de pension de la Sécurité de la vieillesse reçue après la date du décès d’une personne. » L’appelante ne demande pas au ministre d’approuver une demande de pension. Le demandeur a présenté sa demande avant son décès. L’appelante demande au ministre de modifier la date d’approbation de la pension.

[14] Le ministre soutient qu’il ne peut pas faire ce que l’appelante demande parce que le demandeur est décédé. Le ministre ne cite aucune loi à l’appui de cette position. Je n’en vois aucune qui la soutienne. En fait, la loi prévoit qu’une succession peut demander une pension au nom d’une partie demanderesse après son décèsNote de bas de page 8.

[15] En l’absence d’une interdiction, il est raisonnable d’interpréter la loi comme permettant également à une succession de modifier une demande. Voici ce que la Cour fédérale a déclaré à ce sujetNote de bas de page 9 :

Je dirais du régime de la SV qu’il a un objectif altruiste. Contrairement au Régime de pensions du Canada, les prestations de la SV sont universelles et non contributives, et fondées exclusivement sur la résidence au Canada. Ce type de législation répond à un objectif social large et ouvert, que l’on pourrait même qualifié de caractéristique du paysage social au Canada. Il convient donc de l’interpréter de façon large, et il ne faudrait pas qu’une personne soit privée inconsidérément du droit aux prestations de la SV.

[16] Il est possible de soutenir que la loi est quelque peu ambiguë ou qu’elle contient des lacunes. Par conséquent, je pense qu’il est important de noter que le ministre n’a pas fait valoir que la façon dont j’interprète la loi lui causerait un préjudice dans cette affaire ou de manière plus générale.

Conclusion

[17] L’appel est accueilli.

[18] Le ministre modifie la date d’approbation de la pension au 8 octobre 2020Note de bas de page 10.

[19] Le versement de la pension commence en novembre 2020.

[20] Étant donné la date d’approbation antérieure, l’appelante ne pourra plus bénéficier du même niveau d’augmentation que celui utilisé lorsque son mari a reporté sa pension jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge de 70 ans. Le ministre peut bien entendu réduire le montant mensuel de la pension du demandeur compte tenu de cette date d’approbation antérieure.

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