Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

Informations sur la décision

Résumé :

Le défunt a fait face en âge moyen à de graves problèmes de santé. En 2006, à seulement 57 ans, il a été placé à X, un établissement de soins de longue durée. Il y est resté jusqu’à son décès, le 21 septembre 2016.

Le 10 juin 2016, le ministre de l’Emploi et du Développement social a reçu la demande de pension de la Sécurité de la vieillesse du défunt. Le ministre a approuvé la demande. Le versement de la pension a commencé en juillet 2015. Cette date offrait le maximum de rétroaction possible pour une demande reçue en juin 2016.

La requérante, c’est-à-dire la succession du défunt, a contesté la date de début du versement. Elle a dit que le défunt était incapable de demander des prestations pendant les années où il était à l’établissement de soins de longue durée. Selon la requérante, le versement de la pension aurait donc dû commencer plus tôt. Toutefois, le ministre a maintenu sa position. La requérante a fait appel de la décision du ministre devant la division générale. La division générale a conclu que le défunt répondait aux exigences en matière d’incapacité de la Loi sur la sécurité de la vieillesse. La division générale a conclu que le versement de la pension de la Sécurité de la vieillesse du défunt aurait dû commencer en juillet 2014 plutôt qu’en juillet 2015. Le ministre a fait appel de la décision de la division générale devant la division d’appel.

La question en litige dans cet appel était de savoir si le défunt répondait aux exigences en matière d’incapacité prévues par la Loi sur la sécurité de la vieillesse entre le 24 juin 2014 et le 10 juin 2016.

L’article 28.1 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse contient des dispositions qui permettent de devancer la date de début du versement en cas d’incapacité. L’incapacité peut exister au moment où la demande est reçue ou peut avoir pris fin peu de temps avant. Dans les deux cas, le critère juridique de l’incapacité est le même. Une personne satisfait seulement au critère juridique si elle « n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestation ». Toute période d’incapacité doit aussi être continue.

La Cour d’appel fédérale a confirmé que le critère juridique de l’incapacité était de savoir si la personne avait la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande. Dans la décision Walls c Canada (Procureur général), 2022 CAF 47, la Cour d’appel fédérale a affirmé qu’il s’agit de la même capacité « que celle de former ou d’exprimer une intention de faire d’autres choses ». La Cour d’appel fédérale a ajouté qu’il fallait au moins tenir compte des facteurs suivants :

1. le témoignage de la partie demanderesse quant à la nature et à l’étendue de ses limitations physiques ou mentales;

2. tout élément de preuve médical, psychologique ou autre fourni par la partie demanderesse à l’appui de sa demande d’incapacité;

3. les éléments de preuve concernant les autres activités que la partie demanderesse a pu exercer au cours de la période pertinente;

4. la mesure dans laquelle ces autres activités mettent en lumière la capacité de la partie demanderesse de former ou d’exprimer l’intention de demander les prestations en question pendant cette période.

Dans la présente affaire, la division d’appel a conclu que le défunt pouvait former ou exprimer l’intention de faire d’autres choses au cours de la période du 24 juin 2014 au 10 juin 2016. Cette capacité n’avait pas beaucoup changé au fil de ces deux années. Par conséquent, le défunt avait la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande pendant cette période.

La division d’appel a accueilli l’appel. Elle a conclu que le défunt ne répondait pas aux exigences en matière d’incapacité prévues par la Loi sur la sécurité de la vieillesse au cours de la période en cause. La demande de pension de la Sécurité de la vieillesse ne peut donc pas être considérée comme ayant été reçue avant juin 2016. Par conséquent, le versement de la pension de la Sécurité de la vieillesse du défunt peut seulement commencer en juillet 2015.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : Ministre de l’Emploi et du Développement social c La succession de LB, 2024 TSS 269

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Représentante ou représentant : Andrew Kirk
Partie intimée (requérante) :

La succession de L. B.

Représentante ou représentant : Elliot Berlin

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 24 mars 2023 (GP-18-1079)

Membre du Tribunal : Pierre Vanderhout
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 9 février 2024
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentant de l’appelant
Intimée
Représentant de l’intimée
Date de la décision : Le 18 mars 2024
Numéro de dossier : AD-23-633

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. L. B., le défunt, ne répondait pas au critère en matière d’incapacité prévu par la Loi sur la sécurité de la vieillesse. Par conséquent, sa pension de la Sécurité de la vieillesse est payable à compter de juillet 2015.

Aperçu

[2] Le défunt s’est buté à une série de problèmes de santé en âge moyen. En 2006, à seulement 57 ans, il a été admis à X, un centre de soins de longue durée. Il y a vécu jusqu’à son décès, le 21 septembre 2016.

[3] Le 10 juin 2016, le ministre de l’Emploi et du Développement social a reçu la demande de pension de la Sécurité de la vieillesse du défunt. Le ministre a approuvé la demande, pour un versement commençant en juillet 2015. La pension était ainsi payée à la première date possible, comme la demande avait été reçue en juin 2016.

[4] La requérante, c’est-à-dire la succession du défunt, a contesté la date du début de la pension. Elle plaidait que le défunt avait été incapable de faire une demande de pension pendant ses années passées au centre de soins de longue durée. Ainsi, le versement de sa pension aurait dû commencer plus tôt. Le ministre a toutefois maintenu sa position. La requérante a alors fait appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] En mars 2023, la division générale a conclu que le défunt répondait aux exigences de la Loi sur la sécurité de la vieillesse en matière d’incapacité. La division générale a conclu que la pension du défunt aurait dû être versée à partir de juillet 2014 plutôt que juillet 2015. Le ministre a porté la décision de la division générale en appel à la division d’appel du Tribunal.

[6] Dans le présent appel, la question est de savoir si le défunt répondait au critère de l’incapacité prévu par la Loi sur la sécurité de la vieillesse, et ce, du 24 juin 2014 au 10 juin 2016. Dans l’affirmative, je devrai décider de son incidence sur la date où doit commencer sa pension. Dans la négative, sa pension commencera en juillet 2015. Je vais me concentrer sur le 24 juin 2014, comme il s’agit de la date du 65e anniversaire du défuntNote de bas de page 1. Je n’ai pas à examiner sa capacité avant cette date, comme la pension de la Sécurité de la vieillesse devient seulement payable quand la personne atteint 65 ans.

[7] Pour les raisons qui suivront, je conclus que le défunt ne répondait pas, du 24 juin 2014 au 10 juin 2016, au critère prévu par la Loi sur la sécurité de la vieillesse en matière d’incapacité.

Retrait de l’appel conjoint

[8] Dans sa décision, la division générale a aussi traité d’un autre différend qui oppose les parties : la requérante avait-elle droit au Supplément de revenu garanti? La division générale a conclu que la requérante n’avait pas droit à ce supplément étant donné que la demande à cet effet avait été déposée après le décès du défunt.

[9] À la division d’appel, la requérante a aussi fait appel de cet aspect de la décision de la division générale. Cet appel avait son propre numéro de dossier (AD-23-645), mais a été joint à l’appel du ministre portant sur la pension de la Sécurité de la vieillesse (AD-23-633). Le 25 janvier 2024, la requérante a toutefois retiré son appel sur la question du Supplément de revenu garantiNote de bas de page 2. Par conséquent, je ne me prononcerai pas la question du supplément.

Questions en litige

[10] Il y a deux questions en litige dans cet appel :

  1. a) Le défunt répondait-il au critère de l’article 28.1 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse en matière d’incapacité, et ce du 24 juin 2014 au 10 juin 2016?
  2. b) Dans l’affirmative, quelle en est l’incidence sur la date où doit débuter le versement de sa pension de la Sécurité de la vieillesse?

Analyse

[11] Il n’est pas contesté que le ministre a reçu la demande de pension de la Sécurité de la vieillesse du défunt le 10 juin 2016. Le défunt disait alors souhaiter que sa pension lui soit versée aussitôt qu’il y était admissible ou à partir d’août 2013Note de bas de page 3. Cette dernière date n’est pas en cause dans le présent appel, comme une pension de la Sécurité de la vieillesse peut seulement être versée après 65 ans.

[12] Le ministre a approuvé la demande du défunt en novembre 2016Note de bas de page 4. Comme le défunt avait déjà plus de 65 ans en juin 2016, la pension a été approuvée rétroactivement, le plus tôt permissible : juin 2015. Ainsi, le versement de la pension pouvait commencer en juillet 2015Note de bas de page 5. Le ministre a accepté un versement commençant en juillet 2015Note de bas de page 6.

[13] La requérante semblait convenir qu’une pension de la Sécurité de la vieillesse ne pouvait pas commencer avant juillet 2015 dans le cas d’une demande reçue en juin 2016. Elle a toutefois affirmé que la demande devrait être considérée comme reçue à une date antérieure en vertu de dispositions de la Loi sur la sécurité de la vieillesse concernant l’incapacité. Elle défendait que le défunt avait eu une incapacité pendant de nombreuses années avant la réception de sa demande, en juin 2016. Cette incapacité aurait toujours été présente lorsque le ministre a reçu sa demande.

[14] L’article 28.1 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse autorise le versement rétroactif de la pension s’il y avait une incapacité chez la personne qui en a fait la demande. L’incapacité peut encore exister à la réception de la demande, ou s’être terminée peu avant. Dans les deux cas, le critère de l’incapacité est le même. Une personne répond au critère de l’incapacité seulement si elle « n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestationNote de bas de page 7 ». La période d’incapacité doit également être continueNote de bas de page 8.

[15] Je dois maintenant décider si le défunt répondait au critère de l’incapacité durant la période en cause.

Le défunt répondait-il au critère de l’incapacité du 24 juin 2014 au 10 juin 2016?

[16] Le présent appel concerne une pension de la Sécurité de la vieillesse. Cela étant dit, la définition de l’incapacité prévue à la Loi sur la sécurité de la vieillesse est identique à celle prévue au Régime de pensions du CanadaNote de bas de page 9. Le critère de l’incapacité aux fins du Régime de pensions du Canada repose lui aussi sur la question de savoir si une personne « [avait ou non] la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestation ». Ainsi, d’anciennes décisions ayant traité de l’incapacité au sens du Régime de pensions du Canada peuvent aussi être utiles pour juger le présent appel.

[17] Le critère de l’incapacité est difficile à remplir. Je ne peux pas tirer ma conclusion en me demandant simplement si le défunt pouvait présenter, préparer, comprendre et remplir une demande de pension de la Sécurité de la vieillesse. Il ne dépend pas non plus de sa capacité physique à remplir la demande. Je dois plutôt vérifier si le défunt incapable « n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestation ». Il s’agit d’un critère bien plus rigoureux, qui n’intervient que dans des circonstances très précisesNote de bas de page 10.

[18] Je vais maintenant examiner la situation du défunt durant la période ayant précédé le 10 juin 2016.

Situation du défunt jusqu’au 10 juin 2016

[19] Les antécédents médicaux du défunt sont complexes. Il était atteint du diabète de type 1 depuis l’adolescence. Il avait aussi été victime de deux accidents vasculaires cérébraux débilitants, dont le premier était survenu en 1999. L’autre avait eu lieu quelques années plus tard. Il avait aussi d'autres problèmes médicaux, dont les suivantsNote de bas de page 11 :

  • cardiopathie (épaississement/durcissement des artères);
  • attaques ischémiques transitoires (accidents vasculaires cérébraux de courte durée);
  • insuffisance cardiaque congestive;
  • acrosyndrome (circulation réduite vers les parties du corps autres que le cerveau ou le cœur);
  • hypertension;
  • cholestérol élevé;
  • insuffisance rénale chronique;
  • hypertrophie de la prostate;
  • douleur réfractaire chronique;
  • anémie;
  • cataractes;
  • dépression.

[20] Après ses accidents vasculaires cérébraux, le défunt n’a plus été capable de s’occuper de lui-même. Il mangeait trop puis vomissait. Il ne pouvait pas aller seul à la toilette. Il souffrait d’incontinence. Il était peu mobile et avait besoin d’une aide considérable. Il a eu de multiples incidents d’aspiration (quand on avale quelque chose « par le mauvais trou »), à cause desquels il a dû être hospitalisé et intubé. Sa santé mentale en a aussi pris un coup. Il est arrivé chez X en septembre 2006, comme sa famille ne pouvait plus s’occuper de luiNote de bas de page 12.

[21] Un an ou deux après être arrivé chez X, le défunt a commencé à utiliser un fauteuil roulant motorisé, comme il ne pouvait plus marcher. Il avait besoin de l’aide du personnel pour s’asseoir dans le fauteuil et en sortir, mais pouvait se déplacer seul une fois qu’il y était assis.

[22] La vie du défunt s’est ancrée dans une routine. Il passait une partie de la matinée au lit. Une fois dans son fauteuil roulant, il vaquait seul à ses occupations. Il fumait des cigarettes dans l’aire extérieure désignée. Il regardait la télévision. Il achetait des friandises au comptoir à provisions. Même s’il interagissait peu avec les autres résidents, il mangeait habituellement ses repas à la salle à manger, à part le déjeuner. À la fin de chaque journée, le personnel le transférait de son fauteuil roulant à son lit.

[23] La famille du défunt lui rendait parfois visite au centre de soins ou l’emmenait quelque part. Il restait cependant peu bavard, même avec les membres de sa famille. Il ne semblait qu’exprimer ses besoins immédiats, comme le besoin de manger.

[24] Les dossiers de X sont volumineux. Ce sont plus de 1 700 pages, pour la période de janvier 2010 à septembre 2016, qui documentent les soins prodigués au défunt. La quantité de détails consignés est imposante : taux de glycémie, médicaments, autres traitements, selles, préoccupations alimentaires, problèmes de comportementNote de bas de page 13. Ensemble, ils permettent de constater la complexité des soins donnés au défunt.

[25] Il me serait impossible de décrire tout ce qui s’est passé à X durant les six dernières années de vie du défunt. Un mois typique comme le mois de septembre 2015 suffit cependant à en donner un aperçu utile. Le défunt refusait de prendre un bain et de souperNote de bas de page 14. Il a refusé un traitement pour la constipationNote de bas de page 15 et a refusé de l’insuline à trois reprisesNote de bas de page 16. Il avait une plaie qui devait être traitée, mais n’a pas voulu à aller à l’hôpital avant d’avoir fini de regarder un match de baseballNote de bas de page 17. Même s’il refusait fréquemment des soins, il demandait parfois qu’on vérifie sa glycémieNote de bas de page 18.

[26] Toujours en septembre 2015, le défunt a versé 35 sachets d’édulcorant artificiel dans le café de sa tasse de voyage. Lorsque la question a été soulevée, il a simplement dit : [traduction] « Ce n’est pas du sucreNote de bas de page 19. » Ce mois-là, on lui a aussi rappelé l’importance d’utiliser son fauteuil roulant de façon sécuritaire, pour lui comme pour les autresNote de bas de page 20. Le personnel de X a aussi noté qu’il avait déjà refusé de se conformer à une intervention alimentaire, qu’il mangeait des collations à haute teneur en sucre et en calories et qu’il ne voulait pas suivre le régime alimentaire prescritNote de bas de page 21.

[27] La conduite du défunt en septembre 2015 reflète une tendance observée durant les autres mois. Le défunt refusait souvent des soins, même s’ils étaient objectivement bénéfiques pour sa santé. Voici quelques-uns des soins qu’il avait refusés :

[28] Ses interactions avec les autres étaient aussi difficiles. Dans la salle à manger, il lui était arrivé d’injurier un autre résident. Il s’était ensuite dirigé vers lui en brandissant un couteau et une fourchetteNote de bas de page 29. Il avait aussi griffé le doigt d’une employée qui avait essayé de l’empêcher de mettre 52 sachets de sucre dans son caféNote de bas de page 30. Une fois, il avait tenu des propos racistes et porté une fausse accusation contre un membre du personnelNote de bas de page 31. Il était souvent impoli quand il refusait des traitements.

[29] Malgré ses refus fréquents et ses problèmes de comportement, il arrivait que le défunt se montre soucieux de son bien, en apparence du moins. En plus de demander des tests de glycémie, il demandait parfois des médicaments pour la douleur ou des maux de têteNote de bas de page 32.

[30] La requérante a utilisé différents descriptifs quant au comportement du défunt. À l’audience devant la division d’appel, la fille du défunt a qualifié son comportement de [traduction] « primitif » et [traduction] « primaire »Note de bas de page 33. Elle a dit qu’il était essentiellement redevenu un enfant. Leurs rôles s’étaient inversés, et elle était devenue son parentNote de bas de page 34. Elle a aussi dit qu’il ne se souciait pas des conséquences de ses actes. Il était très impulsif et focalisé sur ce qu’il voulait [traduction] « dans l’immédiatNote de bas de page 35 ».

[31] Le défunt téléphonait à sa fille pour se plaindre de choses très simples. Il lui disait qu’il avait faim. Il lui disait qu’il n’aimait pas la nourriture au centre de soins. Il se plaignait du personnel ou du fait qu’on ne le laissait pas aller dehorsNote de bas de page 36.

[32] J’hésite à qualifier de « primitif » le comportement du défunt. Selon le Larousse, « primitif » se rapporte « au premier état d’une chose, […] un état proche de son origine »Note de bas de page 37. On parle notamment de « peurs primales » et d’une [traduction] « envie primaire à se rapprocher de la nature », ce qui cadre mal avec le fait de regarder la télévision tous les jours. J’admets toutefois que le comportement du défunt était axé sur la gratification immédiate. Il ne se préoccupait que peu ou pas des conséquences de ses actes.

[33] Je vais maintenant examiner comment les tribunaux ont évalué l’incapacité, au sens de la Loi sur la sécurité de la vieillesse et du Régime de pensions du Canada.

Comment évaluer l’incapacité

[34] En 2022, la Cour d’appel fédérale a examiné des décisions récentes et confirmé l’état du droit en matière d’incapacité. Elle a confirmé que le critère consiste à savoir si la personne avait la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande. La Cour a déclaré que cette capacité est la même « que celle de former ou d’exprimer une intention de faire d’autres chosesNote de bas de page 38. »

[35] La Cour d’appel fédérale a ajouté qu’il faut, au minimum, tenir compte des facteurs suivantsNote de bas de page 39 :

  1. a) le témoignage du demandeur quant à la nature et à l’étendue de ses limitations physiques ou mentales;
  2. b) toute preuve médicale, psychologique ou autre présentée par le demandeur à l’appui de sa demande d’incapacité;
  3. c) la preuve d’autres activités auxquelles le demandeur a pu se livrer au cours de la période concernée;
  4. d) la mesure dans laquelle ces autres activités jettent un éclairage sur la capacité du demandeur à former ou à exprimer une intention de demander des prestations d’invalidité pendant cette période.

[36] Malheureusement, je ne dispose pas du témoignage du défunt concernant la nature et l’étendue de ses limitations physiques et mentales, comme il est décédé avant le début de cette instance. Je dispose toutefois du témoignage de sa fille, qui a pu l’observer tout au long de la période en cause. Elle a présenté une preuve écrite, en plus des témoignages qu’elle a livrés aux audiences de la division générale et de la division d’appel.

[37] Je dispose aussi d’une preuve médicale très détaillée de la part de X, qui décrit les problèmes médicaux et le comportement du défunt tout au long de la période en cause. Cette preuve, en plus de celle de la fille du défunt, dépeint également ses activités durant cette période.

[38] Je dois maintenant utiliser la preuve qui précède pour décider si le défunt avait ou non la capacité de former ou d’exprimer l’intention de demander une pension de la Sécurité de la vieillesse, et ce, du 24 juin 2014 au 10 juin 2016.

Le défunt pouvait former ou exprimer l’intention de faire d’autres choses

[39] J’ai examiné divers aspects de la preuve pour décider si le défunt pouvait former ou exprimer l’intention de faire d’autres choses.

[40] Selon moi, les activités quotidiennes du défunt, ses signatures dans les formulaires, le fait que X lui permettait de prendre ses propres décisions, parmi d’autres éléments de preuve de ses capacités cognitives, mènent à la même conclusion : le défunt avait la capacité de former ou exprimer l’intention de faire d’autres choses. Je vais maintenant traiter de chacun de ces aspects plus en détail.

Les activités quotidiennes du défunt

[41] La preuve révèle que, pendant la période en cause, le défunt pouvait former ou exprimer l’intention de faire d’autres choses au quotidien.

[42] En juin 2014, le personnel de X a qualifié le défunt de [traduction] « très indépendant ». Il ne participait pas aux programmes. Il passait la majeure partie de son temps à regarder la télévision (sports et films) et à fumer à l’extérieurNote de bas de page 40. Il visitait souvent le comptoir à provisions de X, où il achetait habituellement de la malbouffe. Le personnel de X a noté des observations semblables sur ses activités en septembre 2014, en novembre 2014, en février 2015 et en mai 2015Note de bas de page 41.

[43] Même si le défunt avait habituellement la même routine, il faisait parfois d’autres choses. En décembre 2014, par exemple, il a dit au personnel de X que son fauteuil roulant se déchargeait vite. Il a demandé qu’on appelle le fournisseur de fauteuils roulants. Une fois son fauteuil réparé, il avait fait un chèque pour couvrir les réparationsNote de bas de page 42.

[44] Le défunt semblait avoir une profonde volonté de faire des choses comme regarder la télévision ou fumer. Comme je l’ai mentionné plus haut, cette volonté était assez forte pour qu’il refuse de faire traiter une blessure avant la fin d’un match de baseball.

[45] Le défunt faisait toutes ces activités selon son propre horaire. Une fois assis dans son fauteuil roulant, il allait lui-même à l’endroit indiqué pour chaque activité. Il appelait sa fille s’il avait besoin de quelque chose ou s’il voulait se plaindre.

[46] Il arrivait de temps à autre que le défunt enfreigne les règles de X concernant le tabagisme. Toutefois, quand on soulevait ses écarts de conduite, il disait comprendreNote de bas de page 43. De même, il avait dit comprendre quand on l’avait averti de son utilisation dangereuse de son fauteuil roulant motoriséNote de bas de page 44.

Les formulaires signés par le défunt

[47] Un autre facteur à considérer, selon la Cour d’appel fédérale, est la preuve concernant la capacité décisionnelle, ce qui inclut notamment le fait de signer une demande de prestationsNote de bas de page 45.

[48] Le défunt avait signé une ancienne version de sa demande de pension de la Sécurité de la vieillesse le 2 avril 2015Note de bas de page 46. À l’audience devant la division d’appel, sa fille a dit qu’il n’avait rempli lui-même aucune autre partie du formulaire. Elle a dit qu’il n’avait jamais répondu aux lettres concernant la pension de la Sécurité de la vieillesse envoyées par le Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées (POSPH). Elle a dit qu’elle lui avait dit : [traduction] « Tu ne reçois pas ton argent. » Elle lui a dit qu’il devait signer le formulaire de demande dûment rempli parce qu’il avait 65 ans. La pension pourrait avoir une incidence sur le type de chambre qu’il avait chez X.

[49] Le défunt a signé une demande pour un certificat de citoyenneté en octobre 2015Note de bas de page 47. À l’audience devant la division d’appel, sa fille a dit avoir elle-même rempli le reste de ce formulaire. Elle a expliqué qu’elle lui avait dit que le formulaire servait à obtenir une preuve de sa citoyenneté canadienne. Elle a dit qu’il n’avait pas posé de questions. Elle a dit qu’il signait les documents qu’elle lui demandait de signer. À l’audience devant la division générale, elle a affirmé qu’elle lui avait dit qu’il ne recevrait pas son argent sans preuve de citoyenneté. Elle a dit qu’il fallait qu’elle s’occupe du processus : il ne pouvait pas le faire seulNote de bas de page 48.

[50] Cette histoire s’est répétée avec d’autres formulaires que le défunt a dû signer, notamment pour ses déclarations de revenus. Sa fille lui indiquait le formulaire précis à signer. Il le signait sans poser de questions.

[51] Le défunt a signé sa demande de pension de la Sécurité de la vieillesse le 16 mai 2016. Le ministre l’a reçue le 10 juin 2016Note de bas de page 49. À l’audience devant la division générale, la fille du défunt a dit que le défunt avait signé le formulaire de demande et écrit son nom et son numéro d’assurance sociale à la première page. Elle a dit qu’elle et une autre personne, probablement la travailleuse sociale du POSPH, avaient rempli le reste du formulaire. Elle a dit qu’elle avait demandé au défunt de signer la demande, car il n’aurait pas pris l’initiative de le faire par lui-mêmeNote de bas de page 50.

[52] Toutefois, à l’audience devant la division d’appel, la fille du défunt a dit qu’elle n’était pas certaine si son père avait écrit son nom et son numéro d’assurance sociale à la première page. Elle l’avait peut-être écrit sur ses genoux, ou peut-être que son oncle ou son grand-père l’avait écrit. Elle a dit qu’elle ne le savait plus.

[53] Quoi qu’il en soit, je constate que le défunt signait des formulaires s’il était informé de leurs avantages financiers. Il ne comprenait probablement pas le processus de demande pour une pension de la Sécurité de la vieillesse ni les sommes auxquelles il avait droit. Il est aussi possible qu’il n’était pas en mesure de remplir la majeure partie du formulaire. Cependant, cela est sans importance, puisqu’il pouvait tout de même former ou exprimer l’intention de faire une demande : il l’a démontré en signant les différents formulaires.

Le centre de soins permettait au défunt de décider de ses soins

[54] Les documents de X révèlent que le personnel laissait le défunt prendre des décisions au sujet de ses soins, même si celles-ci ne semblaient pas toujours être dans son intérêt supérieur. Cela montre qu’il pouvait former ou exprimer l’intention de faire d’autres choses.

[55] Des notes prises par X relativement à son alimentation contiennent des exemples de prise de décision chez le défunt. Il avait été noté à maintes reprises qu’il ne respectait pas son régime alimentaire. Cependant, ces notes précisaient aussi qu’il pouvait prendre ses propres décisions comme il avait un score de 0 sur l’échelle de performance cognitive, soit la meilleure note. La pire note possible était 6. Des notes semblables avaient été prises aux dates suivantes durant les deux ans qui ont précédé le 10 juin 2016 :

[56] Ces notes avaient été prises par un diététiste. Par ailleurs, j’ai aussi vu plusieurs notes prises par une infirmière, qui rapportait que le défunt refusait un traitement pour lui permettre d’aller à la selle. Chaque fois, l’infirmière a écrit que les souhaits et les droits du défunt avaient été respectés. Voici les dates concernées :

[57] Le score de 0 sur l’échelle de performance cognitive n’est qu’une seule pièce du puzzle. Il a toutefois été constant durant les dernières années de la vie du défunt. À l’audience devant la division d’appel, sa fille a dit qu’elle n’avait jamais été au courant d’un score qui aurait été différent.

[58] Ce score diffère des autres résultats du défunt, qui variaient parfois au fil du temps. Par exemple, son indice d’engagement social, qui était de 3 en septembre 2014Note de bas de page 77, était passé à 4 en février 2015Note de bas de page 78. Ce changement donne à penser que le personnel de X faisait un effort conscient d’évaluer ses capacités.

[59] L’équipe de X ne faisait pas systématiquement référence au score de performance cognitive du défunt pour parler de sa capacité décisionnelle. Par exemple, le 21 mai 2015, un coordonnateur des activités chez X a écrit que le défunt [traduction] « continuerait de prendre ses propres décisionsNote de bas de page 79. » Le 3 novembre 2015, un coordonnateur des activités chez X a écrit que le défunt pouvait [traduction] « prendre ses propres décisionsNote de bas de page 80. » Dans un cas comme dans l’autre, aucune mention n’était faite de son score de performance cognitive.

Autres indices d’une capacité cognitive

[60] Même si le défunt se concentrait principalement sur sa gratification immédiate, d’autres éléments de preuve relatifs à sa capacité cognitive montrent eux aussi qu’il avait la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire d’autres choses.

[61] Par exemple, le 24 décembre 2014, une ergothérapeute a déclaré qu’aucun problème cognitif n’était apparent chez lui (même si aucun test n’avait officiellement été fait)Note de bas de page 81.

[62] Le 6 juillet 2016, les évaluateurs de X ont effectué une « évaluation trimestrielle » détaillée portant sur divers aspects de la santé du défunt. Les renseignements suivants ont été inscrits en ce qui concerne ses aptitudes de cognition et de communicationNote de bas de page 82 :

  • Sa mémoire à court terme était bonne (c’était le plus haut niveau possible);
  • Sa mémoire à long terme était bonne (c’était le plus haut niveau possible);
  • Sa capacité à se rappeler de choses était normale;
  • Il était autonome dans sa prise de décision de tous les jours et prenait des décisions cohérentes et raisonnables;
  • Aucun signe de délire n’était présent (comme des pensées désorganisées périodiques);
  • Son état cognitif n’avait pas changé au cours des 90 jours précédents;
  • Il pouvait se faire comprendre des autres;
  • Il pouvait comprendre les autres;
  • Il n’y avait eu aucun changement dans les 90 derniers jours à sa capacité à exprimer, à comprendre ou à entendre des renseignements.

[63] Même si cette évaluation était dite trimestrielle, je n’ai trouvé aucune autre évaluation trimestrielle pour la période en cause. Cela dit, l’évaluation de juillet 2016 fait référence aux 90 jours précédents et concorde largement avec d’autres observations qui figurent aux dossiers de X.

Conclusion sur la capacité de former ou d’exprimer une intention

[64] D’après l’analyse qui précède, on voit que le défunt pouvait former ou exprimer l’intention de faire d’autres choses du 24 juin 2014 au 10 juin 2016. Cette capacité n’a pas connu de changements importants durant ces deux ans. Ainsi, il avait la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande pendant cette période.

[65] Pour arriver à cette conclusion, j’ai tenu compte de la lettre de janvier 2021 de S. R., qui était la directrice adjointe des soins chez X. La fille du défunt lui avait demandé de fournir une lettre concernant la capacité du défunt à prendre des décisions financières.

[66] S. R. a expliqué que le défunt pouvait prendre lui-même certaines décisions quotidiennes. Cependant, il avait besoin d’aide pour les questions financières. S. R. ne croyait pas qu’il pouvait pleinement comprendre les différents aspects de ses propres finances. Elle ne savait pas quand il avait perdu la capacité de gérer ses affaires financières de façon responsable. Elle a toutefois déclaré qu’il n’en avait pas la capacité durant les trois années ayant précédé son décès. Elle a aussi dit qu’il n’avait pas fait l’objet d’une évaluation officielle de sa capacité pendant qu’il était à XNote de bas de page 83.

[67] La lettre de S. R. confirme que le défunt n’aurait pas pu demander lui-même la pension de la Sécurité de la vieillesse. Je suis d’accord. Toutefois, la lettre de S. R. confirme également la capacité du défunt de former ou d’exprimer l’intention de faire d’autres choses. S. R. confirme explicitement qu’il pouvait prendre lui-même des décisions quotidiennes. C’est là l’essence du critère d’incapacité aux fins de la Sécurité de la vieillesse.

[68] Je vais maintenant examiner les préoccupations exprimées par la requérante quant à la nature des décisions du défunt.

Une personne n’a pas à prendre des décisions correctes ou prudentes

[69] La requérante a souligné que le défunt prenait ses décisions avec insouciance en ne considérant que le court terme. Selon elle, une telle prise de décisions démontrait un manque de capacité. Par exemple, il était fortement déconseillé pour une personne diabétique de refuser ses injections d’insuline ou de consommer 52 sachets de sucre dans un seul café. Je suis d’accord pour dire que le défunt ne paraissait que peu ou pas tenir compte des conséquences de ses décisions. Il était axé sur ses désirs immédiats, et cette attitude était probablement néfaste pour sa santé.

[70] Toutefois, former et exprimer l’intention de faire d’autres choses ne suppose pas obligatoirement de faire les bonnes choses. Par exemple, bon nombre de personnes continuent de fumer malgré le consensus médical voulant que le tabagisme soit néfaste pour la santé et ait des effets négatifs à long terme. Ces personnes qui continuent de fumer ne présentent pas pour autant une incapacité à prendre des décisions. Elles ne sont pas non plus forcément incapables de former ou d’exprimer l’intention de faire d’autres choses.

[71] Je vais maintenant examiner la position de la requérante concernant le sens de la « capacité ».

Je ne peux pas appliquer d’autres définitions de la capacité

[72] La requérante m’a exhorté à tenir compte d’autres lois et de décisions prises en vertu de ces lois pour évaluer la capacité du défunt. La requérante a affirmé que la Loi de 1992 sur la prise de décisions au nom d’autrui et la Loi sur la santé mentale de l’Ontario sont utiles pour comprendre le sens de la capacitéNote de bas de page 84.

[73] Ces lois, de même que les décisions rendues en vertu de celles-ci, ne sont pas contraignantes pour moi. Ce sont des lois provinciales qui ne s’appliquent pas ici. Elles n’ont pas été conçues pour évaluer la capacité d’une personne à demander une pension fédérale. La Cour d’appel fédérale a rendu des décisions claires et contraignantes sur la façon dont il faut évaluer la capacité au sens de la Loi sur la sécurité de la vieillesse. Ces décisions de la Cour d’appel fédérale sont contraignantes pour moi, et je me suis fié à ces décisions pour rendre la mienne.

[74] La requérante a également fait valoir que les décisions prises par le défunt, comme sur les aliments qu’il aimait, ne démontrent pas une capacité. Selon elle, ces décisions sont trop primaires pour démontrer une véritable capacité. À mon avis, la preuve démontre que le défunt prenait des décisions nettement plus importantes. Par exemple, il décidait de la façon dont il passait son temps et de l’endroit où il le ferait. Il décidait de recevoir ou non certains traitements médicaux. Le personnel de X respectait ces décisions.

[75] La requérante m’a également exhorté à tenir compte du « sens ordinaire » de l’incapacité. Elle a répété qu’il était erroné d’assimiler une prise de décision très primaire à la capacité.

[76] Je conviens de l’importance du « sens ordinaire ». Dans sa décision contraignante de 2008, dans Sedrak, la Cour d’appel fédérale a déclaré qu’il faut donner au mot « capacité » son « sens ordinaire ». Cependant, la Cour d’appel fédérale a également dit que « [l]a capacité de former l’intention de faire une demande de prestations n’est pas de nature différente de la capacité de former une intention relativement aux autres possibilités qui s’offrent au demandeur de prestationsNote de bas de page 85. »

[77] Je dois suivre ce raisonnement.

[78] Conformément à la décision Sedrak, je dois, pour évaluer la capacité, tenir compte des autres choix auxquels le défunt a fait face. Il s’agit du « sens ordinaire » pertinent de la capacité. Le défunt devait régulièrement faire d’autres choix, comme consentir à un traitement médical ou faire une activité différente dans un autre endroit de X. Il avait des intentions claires par rapport à ces choix, même si ses intentions avaient parfois des conséquences négatives à long terme.

Quelle est l’incidence de ma conclusion sur début du versement de la pension de la Sécurité de la vieillesse du défunt?

[79] J’ai conclu qu’il n’y avait pas d'incapacité chez le défunt, au sens de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, du 24 juin 2014 au 10 juin 2016. Par conséquent, la date à laquelle commence le versement de sa pension de la Sécurité de la vieillesse doit être basée sur la date où le ministre a reçu sa demande de pension.

[80] Le ministre a reçu la demande de pension de la Sécurité de la vieillesse du défunt le 10 juin 2016. Le défunt voulait que sa pension commence dès qu’il remplissait les conditions requisesNote de bas de page 86. Il a eu 67 ans ce mois-là. Par conséquent, sa pension de la Sécurité de la vieillesse commence en juillet 2015, soit 11 mois avant juin 2016Note de bas de page 87.

Conclusion

[81] L’appel est accueilli. Le défunt ne répondait pas au critère de l’incapacité prévu par la Loi sur la sécurité de la vieillesse pendant la période en cause. Ainsi, sa demande de pension de la Sécurité de la vieillesse ne peut pas être considérée comme ayant été reçue plus tôt que juin 2016, et sa pension de la Sécurité de la vieillesse peut seulement commencer en juillet 2015.

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