Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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[TRADUCTION]

Citation : RB c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2024 TSS 322

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : R. B.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Représentante : Viola Herbert

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 9 octobre 2023
(GP-23-21)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 14 mars 2024
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentante de l’intimé
Date de la décision : Le 31 mars 2024
Numéro de dossier : AD-23-993

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Décision

[1] Je rejette l’appel. L’appelant et son épouse ont commencé à vivre séparément le 19 avril 2021. Par conséquent, il n’était pas admissible au Supplément de revenu garanti (SRG) au taux applicable aux personnes mariées après cette date.

Aperçu

[2] L’appelant est un retraité de 76 ans qui reçoit la pension de la Sécurité de la vieillesse (SV) et le SRG depuis 2012Note de bas de page 1.

[3] Le 19 avril 2021, l’appelant et son épouse ont eu une altercation. Il a été arrêté, accusé d’avoir proféré des menaces et a reçu l’ordre de quitter le domicile conjugal de XNote de bas de page 2. L’appelant et son épouse ont divorcé le 26 novembre 2022Note de bas de page 3.

[4] Le 27 juillet 2022, l’appelant a rempli une demande annuelle de SRG et donné un état des revenus pour la période allant du 1er juillet 2022 au 30 juin 2023. Sur la déclaration, il indique qu’il était séparé depuis le 19 avril 2021Note de bas de page 4. L’appelant a également joint une copie de sa déclaration de revenus de 2021, dans laquelle il déclare que son état matrimonial est « séparéNote de bas de page 5 ». Une semaine plus tard, l’appelant a transmis une lettre de son avocate ou son avocat confirmant la date de séparation du 19 avril 2021Note de bas de page 6. L’appelant a ensuite fait une déclaration solennelle dans laquelle il a de nouveau déclaré qu’il était séparé de son épouse depuis le 19 avril 2021Note de bas de page 7.

[5] Le 22 septembre 2022, le ministre a informé l’appelant que, selon les renseignements figurant dans son état des revenus et sa déclaration solennelle, son état matrimonial, aux fins du calcul du SRG, était passé de « marié » à « célibataire » à compter d’avril 2021Note de bas de page 8. Selon le ministre, le changement signifiait que l’appelant avait reçu un trop-payé de 4 000 $ d’août 2021 à juin 2022. Cependant, le ministre a ajouté que le changement a également entraîné un moins-payé de 3 226 $ de juillet 2022 à septembre 2022; il en a résulté un trop-payé net de 774 $Note de bas de page 9.

[6] L’appelant a porté l’évaluation du ministre en appel au Tribunal de la sécurité sociale. Il a affirmé qu’aux environs du 2 août 2021, son épouse et lui s’étaient réconciliés et avaient recommencé à cohabiter avant de se séparer de nouveau définitivement le 29 mars 2022. Il a demandé au Tribunal de reconnaître la période supplémentaire pendant laquelle il a cohabité avec son épouse et de réévaluer le trop-payé.

[7] La division générale du Tribunal a tenu une audience par téléconférence et a rejeté l’appel. Elle a accordé de l’importance à plusieurs documents dans lesquels l’appelant avait déclaré qu’il était séparé en date du 19 avril 2021. La division générale n’a pas cru l’appelant lorsqu’il a déclaré que son épouse et lui s’étaient réconciliés pendant près de huit mois.

[8] L’appelant a ensuite demandé la permission de faire appel à la division d’appel. Entre autres choses, il a affirmé que la division générale avait ignoré des éléments de preuve essentiels, comme le témoignage de son ex-épouse confirmant qu’il y avait eu réconciliation.

[9] En novembre dernier, l’une de mes collègues de la division d’appel a accueilli l’appel parce qu’elle croyait que l’appelant avait soulevé au moins une cause défendable. Plus tôt ce mois-ci, j’ai tenu une audience pour discuter en détail des affaires respectives des parties.

[10] Maintenant que j’ai examiné les observations des deux parties, j’ai conclu que l’appelant n’a pas réussi à faire valoir ses arguments. D’après ce que je peux voir, il s’est séparé de son épouse de façon permanente le 19 avril 2021. Cela signifie qu’il n’était pas admissible au SRG au taux versé aux personnes mariées après cette date.

Question en litige

[11] Pour avoir gain de cause, l’appelant doit prouver, selon la prépondérance, des probabilités qu’il s’est réconcilié avec son épouse le 2 août 2021 ou vers cette date et qu’il s’est séparé d’elle le 29 mars 2022.

Analyse

[12] J’ai appliqué la loi à la preuve disponible et j’ai conclu que l’appelant n’aurait pas dû recevoir le SRG au taux applicable aux personnes mariées après le 19 avril 2021.

Le Supplément de revenu garanti est fondé sur le revenu combiné d’un couple

[13] Une personne qui reçoit une pension de la SV peut être admissible au SRG. Le montant du SRG qu’elle reçoit dépend de son revenu et de son état matrimonial. Si la personne est mariée, son SRG est fondé sur le revenu combiné du coupleNote de bas de page 10. Cela s’arrête trois mois après la séparation. À ce moment-là, le ministre calcule le SRG comme si la personne n’avait pas de conjointe ou de conjoint Note de bas de page 11.

Il n’y avait pas assez d’éléments de preuve pour démontrer que l’appelant et son épouse s’étaient réconciliés

[14] Je n’ai pas trouvé assez d’éléments de preuve démontrant que l’appelant et son épouse s’étaient réconciliés entre août 2021 et mars 2022. De plus, je n’ai pas été convaincu par la plupart des éléments de preuve présentés par l’appelant et censés démontrer qu’il y a eu réconciliation.

L’appelant a déclaré à plusieurs reprises qu’il était séparé depuis le 19 avril 2021

[15] L’appelant maintient s’être réconcilié avec son épouse du 2 août 2021 au 29 mars 2022. Le problème, c’est qu’il a signé plusieurs documents qui portent à croire le contraire. À titre d’exemple :

  • le 4 avril 2022, l’appelant a produit sa déclaration de revenus de 2021 confirmant que son état matrimonial est « séparé »;
  • le 27 juillet 2022, l’appelant déclare être séparé depuis le 21 avril 2021;
  • le 27 juillet 2022, l’appelant a signé un état des revenus indiquant que son état matrimonial est « séparé » en date du 21 avril 2021;
  • le 2 août 2022, l’avocate ou l’avocat de l’appelant a écrit : [traduction] « La séparation qui est inscrite dans la présente demande [de divorce] et qui n’a pas été contestée par [l’épouse de l’appelant] est datée du 19 avril 2021 »;
  • le 16 août 2022, l’appelant a signé une déclaration indiquant que son épouse et lui ont habité ensemble pour la dernière fois le 19 avril 2021.

[16] Aucun des documents ci-dessus ne donnait à penser que l’appelant avait renoué avec son épouse après le 19 avril 2021.

[17] L’appelant n’arrivait pas à expliquer comment il aurait pu indiquer une date de séparation si, en fait, il avait retrouvé son épouse seulement trois mois plus tard, soit le 21 avril 2021. Il a dit qu’il était perdu. Il a rejeté la faute sur sa comptable ou son comptable et son avocate ou son avocat. Il a mentionné son diabète et les médicaments qu’il prend pour le traiter.

[18] Si l’appelant avait inscrit par inadvertance la mauvaise date sur un document, j’aurais été enclin à accepter ses explications. Cependant, l’appelant a inscrit le 21 avril 2021 sur cinq documents distincts. Il ne peut s’agir d’une coïncidence : cela peut seulement signifier que l’appelant considérait que sa véritable date de séparation était le 21 avril 2021.

[19] La position de l’appelant n’a changé qu’en septembre 2022, après qu’il a appris que de passer de marié à célibataire avait une incidence sur le montant du SRG. Il a ensuite produit des preuves de réconciliation, mais ces preuves ne l’ont pas emporté sur ce qu’il avait déjà dit.

La preuve de réconciliation présentée par l’appelant était loin d’être convaincante

[20] L’appelant a présenté des éléments de preuve qui, selon lui, prouvaient que son épouse et lui s’étaient réconciliés en août 2021. Cependant, j’ai trouvé que la plupart étaient peu convaincants :

  • L’appelant a déposé une lettre datée de juillet 2021 demandant à la Couronne et à la Cour de renoncer à son engagement de ne pas rentrer chez luiNote de bas de page 12. Il a également présenté une lettre signée par son épouse le mois précédent, dans laquelle celle-ci déclare qu’il ne représentait aucune menace pour elleNote de bas de page 13. Cependant, on ne sait pas avec certitude que ces lettres ont été effectivement soumises à la Cour, et rien au dossier ne prouve que la Cour ait déjà permis à l’appelant de retourner à X.
  • L’appelant a fourni divers reçus de location d’hôtel et d’appartementNote de bas de page 14. Toutefois, cette preuve montre seulement qu’il a eu besoin d’hébergement jusqu’en juin 2021, puis de nouveau à partir d’avril 2022. Les reçus ne prouvent pas qu’il soit effectivement retourné au domicile conjugal de X en août 2021.
  • L’appelant aurait été arrêté de nouveau à X le 29 mars 2022, mais cela ne veut pas dire qu’il vivait à cette adresse à ce moment-là ni nécessairement qu’il s’était réconcilié avec son épouse au cours des huit mois précédentsNote de bas de page 15.
  • L’appelant a déposé des relevés bancaires montrant qu’il a payé des services publics et des impôts fonciers pour X pendant l’année entière suivant son déménagement. Toutefois, les déclarations ne prouvent pas nécessairement qu’il soit retourné au domicile conjugal en août 2021Note de bas de page 16.
  • L’appelant a déposé un résumé de renseignements fiscaux indiquant qu’il était marié en 2021Note de bas de page 17. Cependant, ces renseignements sont incompatibles avec ce qu’il a indiqué dans sa déclaration de revenus de 2021Note de bas de page 18. Comme le résumé a été produit en novembre 2023, je suppose que l’appelant a modifié son état matrimonial par la suite.
  • L’appelant a produit des déclarations de plusieurs amis et membres de sa famille, dont son ex-épouse, attestant d’une réconciliation d’août 2021 à mars 2022Note de bas de page 19. Cependant, je ne suis pas enclin à accorder beaucoup d’importance à ces déclarations parce que i) elles ont été écrites après que le ministre a évalué le trop-payé de SRG et ii) elles sont loin d’être objectives; les proches de l’appelant avaient intérêt à ne pas le voir perdre d’argent.

[21] En fin de compte, il n’y a aucune preuve concrète montrant que l’appelant a vécu à l’ancien domicile conjugal de X après le 19 avril 2021. Je crois que l’appelant a cherché à se réconcilier avec son épouse le reste de l’année 2021 et ce jusqu’en 2022. Cependant, je n’ai rien vu qui indique que sa tentative de réconciliation ait vraiment réussi. Pour cette raison, son appel doit être rejeté.

Conclusion

[22] L’appelant ne m’a pas convaincu de son admissibilité au SRG à un taux autre que celui applicable aux personnes célibataires à compter d’avril 2021. La preuve disponible montre plutôt qu’après cette date, il était séparé de son épouse pour de bon. Je n’ai pas été convaincu, comme l’appelant voudrait me le faire croire, que son épouse et lui s’étaient réconciliés entre le 2 août 2021 et le 29 mars 2022.

[23] L’appel est rejeté.

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