Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

Informations sur la décision

Résumé :

L’appelant a eu 65 ans en août 2015. Il a commencé à recevoir une pension de la Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti. Il a été payé au taux versé à une personne célibataire parce qu’il avait déclaré dans sa demande qu’il était divorcé. L’appelant a épousé H. W. le 18 février 2019. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a commencé à lui verser le Supplément de revenu garanti au taux versé à une personne mariée en mars 2019.

En avril 2023, l’appelant a déposé une nouvelle demande de Supplément de revenu garanti. Il a indiqué que son état matrimonial était maintenant « séparé » et que H. W. et lui s’étaient séparés le 24 octobre 2021. En conséquence, le ministre a décidé que le Supplément de revenu garanti de l’appelant devait être calculé selon le taux versé à une personne célibataire à compter de février 2022 (soit trois mois après qu’il se soit séparé de H. W.). Le ministre a dit à l’appelant qu’il devait rembourser les 6 182,92 $ du Supplément de revenu garanti qu’il avait touchés en trop entre février 2022 et juin 2023, lorsque le ministre a cessé de lui verser la prestation.

L’appelant a demandé au ministre de réviser sa décision, mais celui-ci a refusé de la modifier. L’appelant a donc fait appel à la division générale.

La division générale a interprété les termes « séparé » et « qui vivent séparément ». Selon son interprétation de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, des époux sont séparés s’ils ne vivent pas dans une relation conjugale.

La division générale a conclu, dans la présente affaire, que l’appelant et H. W. se sont séparés le 24 octobre 2021. Un couple marié peut se séparer et habiter encore le même foyer. La division générale a conclu que c’est ce qui s’est produit dans ce cas-ci. Le fait qu’il subsiste encore de l’affection, de la dépendance financière et une possibilité de rapports intimes ne peut pas l’emporter sur le fait que l’appelant a entamé une procédure de divorce avec H. W et qu’il y a donné suite. Ce faisant, il a clairement démontré qu’il avait l’intention de mettre fin au mariage et à tout lien semblable à un mariage.

La division générale a conclu que l’appelant devait recevoir le Supplément de revenu garanti à titre de personne célibataire à compter de février 2022. L’appel a été rejeté.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : CL c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2024 TSS 390

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : C. L.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision du ministre de l’Emploi et du Développement social datée du 28 juillet 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Virginia Saunders
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 28 mars 2024
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 15 avril 2024
Numéro de dossier : GP-23-1447

Sur cette page

Décision

[1] Je rejette l’appel. L’appelant, C. L., s’est séparé de son épouse le 21 octobre 2021. Par conséquent, il n’était pas admissible au versement du Supplément de revenu garanti (SRG) au taux versé à une personne mariée à compter de février 2022. Il doit recevoir le SRG à titre de personne célibataire.

[2] Cette décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] Le SRG est versé aux personnes pensionnées de la Sécurité de la vieillesse (SV) qui ont peu ou pas d’autres revenus. Le montant du SRG qu’elles reçoivent dépend de leur revenu et du fait qu’elles soient célibataires, mariées ou en union de fait.

[4] Si une personne pensionnée est séparée de son époux ou conjoint de fait pendant une période continue d’au moins trois mois, son admissibilité au SRG est calculée comme si elle était célibataire Note de bas de page 1.

[5] L’appelant a eu 65 ans en août 2015. Il a commencé à recevoir une pension de la SV et le SRG. Il recevait le taux applicable à une personne célibataire, parce qu’il avait déclaré dans sa demande qu’il était divorcé Note de bas de page 2.

[6] L’appelant a épousé HW le 18 février 2019 Note de bas de page 3. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a commencé à lui verser le SRG au taux applicable aux personnes mariées en mars 2019 Note de bas de page 4.

[7] En avril 2023, l’appelant a présenté une nouvelle demande de SRG. Il a dit que son état matrimonial était maintenant « séparé » et que lui et HW s’étaient séparés le 24 octobre 2022 Note de bas de page 5.

[8] Le mois suivant, l’appelant a déposé une déclaration solennelle ainsi qu’un questionnaire. Dans ces documents, il a déclaré ce qui suit :

  • HW et lui vivaient séparément du 24 octobre 2021 au 24 octobre 2022.
  • Ils ont signé des documents de divorce le 24 octobre 2022.
  • Ils vivaient ensemble en union de fait depuis le 1er janvier 2023 Note de bas de page 6.

[9] Par conséquent, le ministre a décidé que le SRG de l’appelant devait être calculé au taux applicable à une personne célibataire à compter de février 2022 (trois mois après sa séparation de HW). Le ministre a dit à l’appelant qu’il devait rembourser les 6 182,92 $ excédentaires de SRG qu’il avait reçus entre février 2022 et juin 2023, lorsque le ministre a cessé de lui verser la prestation Note de bas de page 7.

[10] L’appelant a demandé au ministre de réviser sa décision. Il a dit que le divorce n’avait pas encore été officiellement prononcé. Il a dit qu’il vivait avec HW depuis leur mariage. Il avait mal compris la signification de la séparation. Il pensait que, parce qu’ils ne s’entendaient pas sur certaines questions, ils étaient séparés Note de bas de page 8.

[11] Le ministre a refusé de modifier sa décision. L’appelant a donc fait appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

Ce que l’appelant doit prouver

[12] Pour avoir gain de cause dans le présent appel, l’appelant doit prouver que HW et lui n’étaient pas séparés pendant la période visée, soit du 24 octobre 2021 jusqu’à la date de l’audience.

[13] L’appelant doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il n’était pas séparé au titre de la Loi sur la sécurité de la vieillesse.

Motifs de ma décision

[14] Je conclus que l’appelant et HW se sont séparés le 21 octobre 2022. Ils étaient toujours séparés lorsque leur ordonnance de divorce a été rendue le 19 septembre 2023. Ils ne se sont pas réconciliés après le divorce. Même s’ils vivent ensemble, ils ne sont pas des conjoints de fait au sens de la Loi sur la sécurité de la vieillesse.

[15] Voici les motifs de ma décision.

Signification du terme « séparé »

[16] Le ministre a fait valoir que les époux sont séparés dans les cas suivants :

  • ils vivent séparément d’un commun accord
  • il y a une séparation légale;
  • l’un a abandonné l’autre selon la loi de la province où ils ont résidé ensemble en dernier lieu Note de bas de page 9

[17] Cependant, ce n’est pas ce que dit la Loi sur la sécurité de la vieillesse. Elle ne définit pas le terme « séparé ». Elle n’utilise pas non plus l’expression « séparé et vivre séparément ». Il n’existe pas de décisions de justice qui définissent les facteurs à prendre en compte pour décider si un couple marié est séparé au titre de la Loi sur la sécurité de la vieillesse Note de bas de page 10.

[18] Pour décider de la signification du terme « séparé » dans le cadre du présent appel, je dois examiner le sens ordinaire du mot et réfléchir à la manière dont il s’inscrit dans l’objet de la Loi sur la sécurité de la vieillesse et l’intention du législateur Note de bas de page 11.

[19] « Séparé » sert généralement à décrire des gens ou des choses qui ne sont pas ensemble. Or, lorsque nous faisons référence à des personnes mariées qui sont séparées, cela implique généralement plus que cela. Nous voulons dire que les personnes ne sont pas ensemble parce qu’au moins l’une d’elles a décidé qu’elle ne voulait plus vivre ou être vue comme faisant partie d’un couple marié, et a agi en fonction de cette décision.

[20] Je conclus que le législateur a voulu que le terme ait également ce sens dans la Loi sur la sécurité de la vieillesse. Je suis parvenue à cette conclusion en examinant la façon dont le SRG est calculé pour les conjoints de fait Note de bas de page 12. Comme pour les époux mariés, les conjoints de fait reçoivent le SRG au taux applicable aux personnes mariées. Si les personnes cessent d’être des conjoints de fait pendant plus de trois mois, leur SRG est calculé au taux applicable aux personnes célibataires.

[21] Je conclus que le législateur avait l’intention de traiter les couples en union de fait et les couples mariés de la même manière. Cela signifie que les facteurs qui montrent que deux personnes ne sont plus des conjoints de fait sont les mêmes que ceux qui montrent qu’un couple marié est séparé.

[22] La Loi sur la sécurité de la vieillesse précise qu’une conjointe ou un conjoint de fait est « une personne qui vit avec [une] personne en cause dans une relation conjugale Note de bas de page 13 ». Des décisions des tribunaux ont établi une liste de facteurs à examiner pour décider de ce que cela signifie. Il y a notamment :

  • leurs modalités de vie le fait qu’elles partagent ou non le même lit;
  • leur arrangement financier;
  • le comportement que chacune a envers l’autre en privé et en public;
  • l’aide qu’elles s’apportent mutuellement à la maison;
  • l’image que la famille et la communauté ont de leur relation Note de bas de page 14.

[23] Selon le cas, on accordera plus de poids à certains de ces facteurs qu’à d’autres. Le décideur doit adopter une approche souple Note de bas de page 15. L’union de fait prend fin « [traduction] lorsque l’une ou l’autre des parties la considère comme terminée et affiche un comportement qui démontre, de manière convaincante, que cet état d’esprit particulier a un caractère définitif Note de bas de page 16 ».

[24] Comme je l’ai expliqué plus haut, selon mon interprétation de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, cela signifie que les conjoints sont séparés s’ils ne vivent pas ensemble dans une relation conjugale. Je vais donc examiner ces éléments pour décider si l’appelant et HW sont séparés.

L’appelant et HW se sont séparés en octobre 2021

[25] Je conclus que l’appelant et HW se sont séparés le 24 octobre 2021.

[26] La présente affaire se complique du fait que l’appelant et HW vivent toujours sous le même toit. L’appelant a dit qu’il soutient financièrement HW parce qu’elle est invalide et incapable de travailler. Elle n’a aucun autre moyen de subsistance. Selon lui, ils partagent toujours une chambre à coucher et ont parfois des relations intimes.

[27] HW a confirmé que l’appelant la soutient. Cependant, elle a dit qu’ils ont des personnalités différentes et des conflits. Ils vivent ensemble [traduction] « pour faire des économies sous la pression d’une forte inflation ». Elle n’a pas dit qu’ils avaient des rapports sexuels Note de bas de page 17.

[28] Un couple marié peut se séparer et continuer de vivre sous le même toit Note de bas de page 18. J’estime que c’est ce qui s’est passé ici. Le fait qu’il reste de l’affection, une dépendance financière et de l’intimité possible ne peut pas l’emporter sur le fait que l’appelant a entamé une procédure pour se divorcer de HW, ce qu’il a poursuivi jusqu’à la fin. Ce faisant, il a clairement démontré qu’il avait l’intention de mettre fin au mariage et à toute relation semblable au mariage.

[29] L’appelant a déclaré que HW et lui ont décidé de divorcer en octobre 2021 parce qu’ils n’étaient pas heureux ensemble. Il aimait le jeu, et elle n’approuvait pas. Il a trouvé un comptable en ligne pour les aider. Il a déposé les documents pour entamer la procédure de divorce le 24 octobre 2021. (Il y a une certaine confusion quant à savoir si l’appelant a entamé la procédure de divorce en octobre 2021 ou en octobre 2022 Note de bas de page 19. À l’audience, il a affirmé assez fermement qu’il l’avait commencée en 2021.)

[30] J’ai demandé à l’appelant quels étaient les motifs de divorce. J’ai expliqué que les seuls motifs possibles étaient la cruauté, l’adultère ou le fait d’avoir vécu séparément pendant au moins un an Note de bas de page 20. Il a dit que les motifs n’étaient pas la cruauté ou l’adultère. Cela a laissé le dernier : avoir vécu séparément pendant un an.

[31] L’appelant m’a dit qu’il ne comprenait pas que lui et HW devaient vivre séparément à la date à laquelle il a entamé la procédure de divorce et avoir vécu séparément pendant au moins un an avant le prononcé du divorce Note de bas de page 21.

[32] Je n’accepte pas cela. Je me demande pourquoi un comptable donnerait des conseils en matière de divorce Note de bas de page 22, mais je n’ai aucune raison de croire que l’appelant ne comprenait pas entièrement qu’il devait être séparé de HW lorsqu’il a entamé la procédure le 24 octobre 2021. En plus du fait qu’il avait dû faire cette affirmation lorsqu’il a demandé le divorce, il l’a répétée dans un questionnaire et dans une déclaration solennelle plus d’un an plus tard Note de bas de page 23. En outre, HW et lui ont tous deux déclaré qu’ils ne se considéraient plus comme un couple marié. Ils vivaient ensemble uniquement par commodité.

L’appelant et HW ont continué d’être séparés après octobre 2021

[33] Je conclus que l’appelant et HW ont continué d’être séparés après octobre 2021.

[34] Premièrement, rien n’a changé à propos de leurs modalités de vie. Ils vivaient ensemble pour des raisons financières, et non parce qu’ils voulaient une réconciliation de leur relation conjugale.

[35] Deuxièmement, l’appelant a déclaré qu’il a signé les papiers pour finaliser le divorce en octobre 2022 Note de bas de page 24. Il lui fallait être toujours séparé à ce moment-là et il devait avoir été séparé depuis au moins un an. L’ordonnance de divorce a été rendue le 19 septembre 2023 et devait prendre effet 31 jours plus tard Note de bas de page 25. Il lui fallait être toujours séparé quand l’ordonnance a été rendue Note de bas de page 26.

[36] L’appelant ne peut pas prétendre s’être séparé en octobre 2021 pour obtenir un divorce, puis déclarer que ce n’était pas réellement son intention pour obtenir un SRG plus élevé. Je ne suis pas prête à conclure qu’il a menti en faisant une affirmation solennelle et en remplissant les documents à déposer dans le cadre de la procédure de divorce. Par conséquent, je conclus que HW et lui se sont séparés en octobre 2021 et qu’ils étaient toujours séparés le 19 septembre 2023.

L’appelant et HW ne sont pas des conjoints de fait

[37] L’appelant et HW ne sont pas devenus des conjoints de fait après leur divorce. Encore une fois, rien n’a changé dans leur relation. Ce sont des colocataires qui ont déjà été mariés. Ce n’est pas suffisant pour établir une union de fait.

Le Tribunal n’a pas de pouvoir concernant la dette de l’appelant

[38] Je reconnais que la dette de l’appelant lui cause des difficultés. Le ministre peut annuler la totalité ou une partie de la dette ou établir des modalités de paiement. Toutefois, le Tribunal n’a pas le pouvoir de contrôler ce processus Note de bas de page 27.

[39] Dans sa lettre de décision du 8 juin 2023, le ministre a dit que l’appelant devrait communiquer avec Service Canada si le trop-payé lui cause des difficultés financières Note de bas de page 28. L’appelant pourrait envisager cela. Il peut utiliser les coordonnées qui figurent dans la lettre. Comme je l’ai mentionné plus haut, le Tribunal ne peut pas intervenir dans cette affaire et il ne peut pas instruire les appels de toute décision rendue par le ministre concernant des modalités de paiement ou l’annulation de la dette.

Conclusion

[40] L’appelante et HW se sont séparés en octobre 2021. Par conséquent, l’appelant doit recevoir le SRG à titre de personne célibataire à compter de février 2022.

[41] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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