Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

Informations sur la décision

Résumé :

Le requérant a demandé une pension de la Sécurité de la vieillesse en juillet 2021. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. Le ministre a conclu que le requérant résidait au Canada seulement depuis le 28 juin 2020. Cette période de résidence n’était pas suffisante pour avoir droit à une pension de la Sécurité de la vieillesse. Après révision, le ministre a maintenu sa décision.

Le requérant a porté la décision du ministre en appel à la division générale. La division générale a convenu que le requérant résidait au Canada seulement depuis le 28 juin 2020. Le requérant a ensuite fait appel de la décision de la division générale à la division d’appel. Il a soutenu qu’il résidait au Canada depuis le 22 décembre 1993. Il a d’abord souligné son statut de résident permanent, puis de citoyen canadien. Le requérant a dit qu’il passait une bonne partie de chaque année au Canada. Il a ajouté que sa présence à Bahreïn était à la demande de X. Étant donné que X est une entreprise canadienne, il a dit que le temps qu’il a passé à Bahreïn devrait être considéré comme une période de résidence au Canada. Il s’est appuyé principalement sur les articles 21(4)(c) et 21(5)(a) du Règlement sur la sécurité de la vieillesse. La division d’appel désigne ces articles par l’expression « disposition relative à une entreprise canadienne ».

La division d’appel devait d’abord décider si le requérant avait établi une résidence au Canada pour une quelconque période sans tenir compte de la disposition relative à une entreprise canadienne. Elle a ensuite décidé si cette disposition accordait au requérant des périodes de résidence supplémentaires au Canada.

La division d’appel a conclu que le requérant avait résidé au Canada du 24 mars 2012 au 23 mars 2013. Elle a également conclu qu’il avait résidé au Canada du 28 juin 2020 au moins jusqu’à la date de l’audience. Elle a conclu que le requérant n’avait pas résidé au Canada avant le 28 juin 2020. La division d’appel a ensuite décidé si le requérant pouvait être considéré comme résidant au Canada pour toute autre période au titre de la disposition relative à une entreprise canadienne.

Pour bénéficier de la disposition relative à une entreprise canadienne à compter de 2013, le requérant devait répondre aux exigences suivantes du Règlement sur la sécurité de la vieillesse :

(1) Il doit avoir été employé par X en qualité de membre ou de représentant.

(2) Au cours de sa période d’emploi hors du Canada chez X, il doit avoir (a) conservé au Canada une demeure permanente à laquelle il avait l’intention de revenir, ou (b) gardé au Canada un établissement domestique autonome.

(3) Il doit (a) être revenu au Canada dans un délai de six mois après la fin de sa période d’emploi hors du Canada chez X ou, (b) avoir atteint l’âge de 65 ans au cours de sa période d’emploi hors du Canada chez X.

La division d’appel a centré son analyse sur la deuxième exigence mentionnée ci-dessus. Elle a interprété le terme « demeure permanente » au sens du Règlement sur la sécurité de la vieillesse. Elle a conclu que le terme signifie que le requérant devait avoir un seul lieu fixe qu’il considère comme son domicile, où il s’est trouvé physiquement et auquel il a l’intention de revenir continuellement. Le lieu fixe ne peut pas être modifié. Dans la présente affaire, la division d’appel a conclu que lorsque le requérant était à Bahreïn, il n’avait pas de « demeure permanente » au Canada à laquelle il avait l’intention de revenir. Il n’a pas indiqué de lieu précis où il vivait habituellement et où il avait été physiquement présent. Il n’a pas non plus indiqué un lieu précis comme demeure permanente ou auquel il avait l’intention constante de revenir. Il restait chez une sœur ou un frère différent pendant chaque séjour. Comme il ne faisait que rester chez le membre de sa famille qui était le mieux placé pour l’héberger à un moment donné, il ne répondait pas aux exigences du Règlement sur la sécurité de la vieillesse. Ce n’est qu’à son retour au Canada en juin 2020 qu’il a cherché un endroit où vivre de façon permanente.

La division d’appel a ensuite tenu compte du sens d’« établissement domestique autonome ». Le Règlement sur la sécurité de la vieillesse exige qu’une personne « gard[e] » un « établissement domestique autonome » pendant qu’elle est à l’étranger. La division d’appel n’a pas pu conclure que le requérant « a gardé » un « établissement domestique autonome » au Canada pendant qu’il était à Bahreïn. Il n’a donné aucun détail sur un tel « établissement ». Il n’est pas resté dans la même maison ni chez le même membre de sa famille lors de ses différents séjours au Canada. La division d’appel a décidé que des lieux de résidence qui alternent ne constituent pas un « établissement ».

La division d’appel a conclu que le requérant ne répondait pas à la deuxième exigence de la disposition relative à une entreprise canadienne. Cela signifie qu’il ne peut pas être considéré comme résidant au Canada pour toute autre période que celles mentionnées ci-dessus. Bien que le requérant ait établi deux périodes de résidence au Canada, le total de ces périodes est inférieur à 10 ans. Par conséquent, il n’était pas encore admissible à une pension de la Sécurité de la vieillesse. L’appel a été rejeté.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : AP c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2024 TSS 333

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : A. P.
Partie intimée :

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Représentant : Yanick Bélanger

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 7 juillet 2023
(GP-22-1744)

Membre du Tribunal : Pierre Vanderhout
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 21 février 2024
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentant de l’intimé
Date de la décision : Le 4 avril 2024
Numéro de dossier : AD-23-908

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le requérant a résidé au Canada du 24 mars 2012 au 23 mars 2013. Il a aussi résidé au Canada à partir du 28 juin 2020 et au moins jusqu’au 21 février 2024. Ces périodes de résidence ne sont pas suffisantes pour qu’il puisse être admissible à une pension de la Sécurité de la vieillesse, mais elles peuvent être combinées à de futures périodes de résidence pour qu’il puisse y être admissible plus tard.

Aperçu

[2] Le requérant est né en Irak en 1951. En 1975, il s’est installé à Bahreïn tout en restant citoyen irakien. Il a démarré une entreprise à Bahreïn (que j’appellerai l’entreprise de Bahreïn) qui semblait très bien fonctionner. Il est arrivé au Canada le 22 décembre 1993 en tant que résident permanent. Il a constitué une société appelée X en Colombie‑Britannique le 19 février 1998. Il est devenu citoyen canadien en 2000Note de bas de page 1.

[3] Malgré son statut juridique au Canada, le requérant a continué de passer beaucoup de temps à Bahreïn. Il est resté un associé de l’entreprise de Bahreïn. X n’a pas généré de revenus. Le requérant a déclaré qu’il avait résidé à la fois à Bahreïn et au Canada pendant presque toute la période allant de décembre 1993 à juin 2020. La seule exception est la période comprise entre le 24 mars 2012 et le 23 mars 2013, au cours de laquelle il a dit n’avoir résidé qu’au Canada. Il affirme également qu’il réside uniquement au Canada depuis le 28 juin 2020Note de bas de page 2.

[4] Le requérant a demandé une pension de la Sécurité de la vieillesse en juillet 2021Note de bas de page 3. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. Le ministre a conclu qu’il ne résidait au Canada que depuis le 28 juin 2020 et que cela n’était pas une période de résidence suffisante pour être admissible à une pension de la Sécurité de la vieillesse. Le ministre a maintenu sa décision après révision.

[5] Le requérant a porté la décision du ministre en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. En juillet 2023, la division générale a convenu que le requérant ne résidait au Canada que depuis le 28 juin 2020. Le requérant a ensuite fait appel de la décision de la division générale à la division d’appel du Tribunal.

[6] Le requérant a soutenu qu’il résidait au Canada depuis le 22 décembre 1993. Il a souligné qu’il a d’abord été résident permanent, puis citoyen canadien. Il a déclaré qu’il passait une grande partie de chaque année au Canada. Il a ajouté qu’il se rendait à Bahreïn à la demande de X. Comme X est une entreprise canadienne, il a affirmé que ses séjours à Bahreïn devraient être considérés comme une période de résidence au Canada. Il s’est surtout appuyé sur les articles 21(4)(c) et 21(5)(a) du Règlement sur la sécurité de la vieillesse. J’appellerai ces articles la « règle relative aux entreprises canadiennes ».

[7] Le ministre a dit que la résidence du requérant doit être évaluée à l’aide des facteurs énoncés dans les décisions de la Cour fédérale comme DingNote de bas de page 4. Le ministre a affirmé que lorsqu’on applique ces facteurs au requérant, il faut conclure qu’il n’a commencé à résider au Canada qu’en juin 2020. Il résidait auparavant à Bahreïn. Le ministre a déclaré que le requérant n’avait aucun lien d’emploi réel avec X. Le ministre a ajouté qu’il ne peut pas s’appuyer sur la règle relative aux entreprises canadiennes parce qu’il n’a pas établi qu’il résidait au Canada avant 2020.

[8] Je dois d’abord décider si le requérant a établi une période de résidence au Canada sans tenir compte de la règle relative aux entreprises canadiennes. Je pourrai ensuite évaluer si cette règle lui permet de bénéficier de périodes supplémentaires de résidence au Canada. Une fois que j’aurai fait cela, je pourrai juger s’il est admissible à une pension de la Sécurité de la vieillesse.

[9] Je conclus que le requérant a résidé au Canada du 24 mars 2012 au 23 mars 2013. Il a aussi résidé au Canada à partir du 28 juin 2020 et au moins jusqu’au 21 février 2024. Cela n’est pas suffisant pour être admissible à une pension de la Sécurité de la vieillesse. Bien qu’il ait été physiquement présent au Canada à d’autres moments, je ne peux pas considérer sa présence à ces moments-là comme une période de résidence au Canada. Je vais maintenant expliquer comment j’en suis arrivé à cette conclusion.

Questions préliminaires

[10] Quelques jours avant l’audience, le requérant a déposé une lettre exposant diverses préoccupations relatives au processus. Certaines d’entre elles concernent le Sénat canadien et n’ont aucun lien avec le présent appelNote de bas de page 5.

[11] Le requérant a également fait valoir qu’il était inapproprié que l’avocat du ministère de la Justice représente le ministre. Il dit qu’il devrait aussi être représenté par quelqu’un de ce ministère. Plus généralement, il estime que le processus serait inéquitable parce que le Tribunal fait partie selon lui de ce ministère. Enfin, il a remis en question les observations du représentant du ministre parce qu’il estime qu’elles n’abordent pas tous les aspects de cet appelNote de bas de page 6.

[12] J’ai brièvement évoqué ces préoccupations au début de l’audience et précisé que je les aborderais également dans cette décision.

[13] Premièrement, les parties sont libres de choisir la personne qui les représentera. Le ministre a choisi de le faire. Le requérant ne l’a pas fait. Cela n’est pas inhabituel puisque de nombreuses parties se représentent elles-mêmes devant le Tribunal. Le Tribunal n’a pas l’obligation de désigner une personne pour représenter une partie. En fait, cela pourrait remettre en question sa neutralité.

[14] Deuxièmement, le Tribunal est un organisme indépendant. Il ne fait pas partie du ministère de la Justice et ses membres ne relèvent pas de celui-ci. Il n’est pas injuste que le Tribunal tienne une audience et rende une décision.

[15] Troisièmement, il importe peu que le représentant du ministre ait abordé une question particulière. Le rôle d’une représentante ou d’un représentant est de défendre sa clientèle en choisissant quels arguments aborder. L’omission d’une question essentielle est à ses risques et périls.

[16] Enfin, comme les observations du requérant suggéraient qu’il n’était pas certain du rôle de chaque personne participant à l’audience, je lui ai demandé s’il s’opposait à ma façon de traiter l’appel. Il a répondu qu’il n’alléguait aucune partialité.

[17] Étant donné que le requérant n’a formulé aucune allégation de partialité et que ses préoccupations préliminaires ne nécessitaient pas d’autre réponse, l’audience s’est déroulée comme prévu. Les parties ne se sont pas opposées à la tenue de l’audience.

Questions en litige

[18] Les questions en litige dans cet appel sont les suivantes :

  1. a) Quand le requérant a-t-il résidé au Canada?
  2. b) Le requérant peut-il être réputé avoir résidé au Canada pendant d’autres périodes selon la règle relative aux entreprises canadiennes?
  3. c) Compte tenu de ses périodes de résidence au Canada, le requérant est-il admissible à une pension de la Sécurité de la vieillesse?

Analyse

[19] La loi prévoit qu’être présent au Canada n’est pas la même chose que d’y résider. Les termes « résidence » et « présence » ont chacun leur propre définition. Je dois utiliser ces définitions pour rendre ma décision.

[20] Une personne réside au Canada si elle établit sa demeure et vit ordinairement dans une région du CanadaNote de bas de page 7.

[21] Une personne est présente au Canada lorsqu’elle se trouve physiquement dans une région du CanadaNote de bas de page 8.

[22] Pour décider si le requérant résidait au Canada, je dois examiner la situation d’ensemble et les facteurs de la décision Ding. Ces facteurs comprennent entre autresNote de bas de page 9 :

  • où il avait des biens, comme des meubles, des comptes bancaires et des intérêts commerciaux;
  • où il avait des liens sociaux, comme des amis, des parents et l’appartenance à des groupes religieux, des clubs ou des organisations professionnelles;
  • où il avait d’autres liens, comme une assurance maladie, un bail, une hypothèque ou un prêt;
  • où il a produit des déclarations de revenus;
  • les liens qu’il avait dans un autre pays;
  • la durée de ses séjours au Canada;
  • la fréquence et la durée de ses séjours à l’extérieur du Canada, et où il allait;
  • son mode de vie au Canada;
  • ses intentions.

[23] Cette liste n’est pas complète. D’autres facteurs peuvent être importants. Je dois examiner la situation du requérant dans son ensemble.

Quand le requérant a-t-il résidé au Canada?

[24] Le requérant ne prétend pas avoir résidé au Canada avant le 22 décembre 1993. Pour cette raison, je ne tirerai des conclusions sur sa résidence qu’à partir de cette date.

[25] Je conclus que le requérant a résidé au Canada du 24 mars 2012 au 23 mars 2013. Je conclus aussi qu’il a résidé au Canada à partir du 28 juin 2020 et au moins jusqu’à la date de l’audience. Je juge qu’il n’a pas résidé au Canada entre le 24 mars 2013 et le 27 juin 2020. Je vais maintenant discuter de chacune des périodes pertinentes décrites par le requérant dans sa demande initialeNote de bas de page 10.

Le requérant n’a pas résidé au Canada du 22 décembre 1993 au 23 mars 2012

[26] Le requérant a déclaré avoir résidé au Canada et à Bahreïn pendant cette période. Pour mieux évaluer cette affirmation, je dois mentionner une partie du contexte qui a précédé cette période.

[27] En mai 1979, le requérant a créé l’entreprise de Bahreïn. Il en est l’associé fondateur. L’expertise technique de l’entreprise était fondée sur les inventions de son père, que le requérant a modifiées pour s’adapter aux conditions locales. Cependant, en raison des lois locales, il ne pouvait posséder que 49 % de l’entreprise. Les 51 % restants devaient être sous contrôle bahreïnienNote de bas de page 11.

[28] À l’audience, le requérant a dit que les entreprises à Bahreïn ne pouvaient effectuer que les travaux pour lesquels elles étaient enregistrées. L’entreprise de Bahreïn était enregistrée en tant qu’entreprise de construction et ne pouvait donc effectuer que des travaux de construction.

[29] Le requérant a eu beaucoup de succès avec l’entreprise de Bahreïn. En 1983, ses revenus s’élevaient à un million de dollars. Trente pour cent de ce montant était un bénéfice net. Les revenus de l’entreprise ont fluctué au cours des années suivantes. Le requérant a dit que l’entreprise de Bahreïn employait entre 8 et 15 personnes en fonction des conditions du moment. Bien que Bahreïn soit un petit marché, il voyait un grand potentiel de croissance dans la région du Golfe. L’entreprise de Bahreïn a poursuivi ses activités même après l’arrivée du requérant au Canada en 1993. Vers 2007, une usine italienne travaillait spécialement pour elleNote de bas de page 12.

[30] Je vais maintenant examiner l’un des facteurs les plus importants de la décision Ding : la présence physique du requérant au Canada.

La présence du requérant au Canada jusqu’au 23 mars 2012

[31] Le requérant est clairement arrivé au Canada le 22 décembre 1993Note de bas de page 13. Cependant, je vois peu d’éléments de preuve objectifs de l’endroit où il se trouvait physiquement pour le reste de cette période.

[32] Le requérant lui-même n’a pu fournir que très peu de détails. Lorsqu’il a demandé une pension de la Sécurité de la vieillesse, il a dit qu’il était au Canada [traduction] « au moins deux mois chaque année pour les célébrations de Noël et du Nouvel An à partir de 1993Note de bas de page 14 ». À l’audience, je lui ai demandé s’il était au Canada à d’autres moments. Il a répondu que oui. De 1993 à 2012, il a dit qu’il pouvait être au Canada de six à huit mois par an. Mais il a également admis qu’il ne notait pas les dates. Il a dit que certaines d’entre elles remontaient à 30 ans et qu’il ne s’en souvenait plus aujourd’huiNote de bas de page 15.

[33] Avant l’audience, le requérant a déclaré qu’il avait lancé une entreprise canadienne après son arrivée en 1993, mais qu’il n’avait pu obtenir aucun contrat. Comme l’entreprise de Bahreïn lui devait encore de l’argent, il a décidé de faire des allers‑retours entre le Canada et Bahreïn après environ quatre ou cinq ans. Il a dit qu’il était [traduction] « plus souvent au Canada au cours des cinq ou six premières années et de façon intermittente par la suiteNote de bas de page 16 ».

[34] Bien que le requérant affirme avoir lancé une entreprise canadienne après son arrivée, je remarque que X n’a été constituée en société qu’en février 1998Note de bas de page 17. C’était plus de quatre ans après l’arrivée du requérant au Canada. Lorsque je lui ai demandé combien de fois il avait séjourné au Canada au cours de ces quatre années, il m’a répondu : [traduction] « Je ne m’en souviens pas, c’était il y a longtemps ». Il a toutefois précisé qu’il devait passer un certain temps au Canada pour obtenir la citoyenneté.

[35] Le requérant a dit qu’il avait de la difficulté à se souvenir des détails de cette période, qu’il n’avait pas noté les dates et qu’il n’avait pas constitué X en société avant d’avoir été au Canada depuis quatre ans. Par conséquent, je préfère m’appuyer sur des éléments de preuves objectifs de sa présence au Canada de 1993 à 2012. J’estime qu’il était vraisemblablement au Canada lorsque les événements suivants se sont produits :

[36] À part le moment où le requérant a obtenu la citoyenneté canadienne en 2000, les dates des événements confirmant sa présence au Canada sont très rapprochées les unes des autres. En général, je vois entre deux et quatre événements en très peu de temps, puis rien pendant une longue période. Je ne vois rien non plus pendant plus de huit ans après une deuxième ordonnance (en seulement cinq jours) le 13 février 2004. La plupart des événements ont eu lieu pendant la période des Fêtes ou peu après, avec des événements en milieu d’année en 1997 et en 1998 seulement.

[37] Je juge que même si le requérant a passé un certain temps au Canada, il n’a pas démontré qu’il y a passé la majeure partie d’une année donnée. Même en 1997 et en 1998, lorsqu’il était présent à la fin de l’été ou au début de l’automne, son véritable séjour a peut-être duré quelques semaines seulement. Je ne vois aucun élément de preuve objectif de sa présence au Canada en 1994, 1995, 1996, 1999 ou 2001. Je n’en vois pas non plus du 13 février 2004 au 3 avril 2012.

[38] Je vais maintenant examiner les autres facteurs de la décision Ding.

Les autres facteurs de la décision Ding jusqu’au 23 mars 2012

[39] Il semble que la plupart des biens matériels du requérant se trouvaient à Bahreïn durant cette période. Il dit qu’il avait prévu de faire venir une voiture Mercedes-Benz et des biens d’une valeur de 67 250 $ au Canada en 1993, mais que ces biens ne sont jamais arrivésNote de bas de page 36. En 2021, le requérant a déclaré qu’il n’avait pas apporté de biens personnels comme des meubles au Canada en 1993 parce qu’il vivait avec son frèreNote de bas de page 37. En 2023, le requérant a dit que ces biens étaient restés à Bahreïn parce qu’il était trop coûteux de les expédier au Canada. Il a affirmé qu’il avait fini par vendre ses meubles pour couvrir ses dépenses, tandis que la voiture ne respectait pas la réglementation canadienneNote de bas de page 38. Le requérant a dit qu’il avait finalement fait venir des meubles au Canada en 2020Note de bas de page 39.

[40] Le requérant a affirmé qu’il avait des comptes bancaires dans les deux pays. Il a dit qu’il avait ouvert un compte bancaire à la Banque Royale du Canada après son arrivée au Canada et qu’il avait toujours ce compte aujourd’hui. Toutefois, il n’a pas fourni de document relatif à ce compte. Il avait également un compte à Bahreïn, qui a été fermé lorsque l’entreprise de Bahreïn a été placée sous la responsabilité d’un administrateur judiciaire en 2010Note de bas de page 40. Cependant, le requérant a déclaré à l’audience que des revenus provenant de la vente de biens et un héritage avaient été versés dans son compte à Bahreïn en 2013.

[41] Le requérant avait des intérêts commerciaux dans les deux pays, bien que leur étendue était très différente. L’entreprise de Bahreïn a été créée en mai 1979. Elle a finalement été liquidée en 2020, même si le requérant a déclaré en avoir perdu le contrôle au profit d’un administrateur en 2010. Malgré cela, l’entreprise de Bahreïn était beaucoup plus active et lucrative que X. Le requérant a également réinvesti son argent dans l’entreprise de Bahreïn. Il a dit qu’elle avait des bureaux de 1979 à 2020.

[42] Comme je l’ai mentionné, les ventes de l’entreprise de Bahreïn s’élevaient déjà à un million de dollars en 1983. Le requérant a déclaré que les ventes ont fluctué dans les années qui ont suivi. Cela dépendait en partie des conditions locales telles que la guerre et la politique. Le requérant avait des projets d’expansion dans d’autres régions du Golfe, telles que Dubaï, et a recruté un nouvel associé bahreïnien vers 2005 à cette fin. Il a affirmé à l’audience que l’entreprise de Bahreïn avait un fort potentiel de croissance dans la région du Golfe. L’usine italienne faisait partie de ces plans.

[43] Le requérant a admis que X n’a jamais généré de revenusNote de bas de page 41. À l’audience, il a dit que X n’avait jamais eu de personnel ou de responsables de l’administration ou de la direction autres que lui‑même. Il faisait tout tout seul. X n’avait pas de bureau physique. Je note que le requérant a utilisé une adresse courriel et un numéro de téléphone de Bahreïn dans sa correspondance de 1998 au nom de XNote de bas de page 42. Lors de l’audience, le requérant a déclaré qu’il s’était rendu à Bahreïn dès que X avait été créée.

[44] Le requérant avait relativement peu de liens sociaux. Il a dit qu’il n’avait jamais trouvé la bonne personne à épouser. Les trois membres de sa fratrie se trouvaient au Canada. Bien qu’il ait déclaré qu’il n’avait pas de famille à Bahreïn, il était membre d’un club nautique là-bas. Il a expliqué que c’était utile pour faire des affaires et socialiser. Il faisait aussi du ski nautique dès qu’il le pouvait. Il a précisé que cela avait pris fin en 2013. Il ne faisait partie d’aucun club de ski nautique au Canada parce qu’il y faisait trop froid pour en faire.

[45] Le nouvel associé du requérant dans l’entreprise de Bahreïn en 2005 était un membre de la famille royale de Bahreïn. Le but de ce changement était de tenter de développer l’entreprise, puisque ce nouvel associé avait déjà été impliqué dans des projets de grande envergureNote de bas de page 43. Le requérant a déclaré que l’entreprise de Bahreïn avait effectué des travaux dans les palais du roi.

[46] Ces liens renforcent le fait que l’objectif principal du requérant était de faire des affaires. À l’audience, il a admis qu’il ne prenait jamais vraiment de vacances. Le nombre de demandes de brevets qu’il a déposées dans différents pays témoigne également d’un style de vie axé sur les affaires.

[47] Même si le requérant n’a pas fourni de carte d’assurance maladie canadienne pour cette période, il a fourni une liste d’ordonnances canadiennes à partir de janvier 1997Note de bas de page 44. Il a aussi dit qu’il avait un médecin de famille depuis 1993 et qu’il consultait un gastro-entérologue depuis au moins 2014. J’estime qu’il avait probablement une assurance maladie pendant la majeure partie de la période en question. Il a admis qu’il avait brièvement été sans assurance maladie vers 2010. Il a dit qu’il n’avait pas d’assurance maladie ni de médecin de famille à BahreïnNote de bas de page 45.

[48] Le requérant a un permis de conduire au Canada depuis au moins janvier 1997. Il n’est pas certain d’en avoir eu un avant cela. Il a obtenu son premier permis de conduire à Bahreïn en 1978 et l’a conservé jusqu’en 2020Note de bas de page 46. Il est devenu citoyen canadien en 2000 et a dit qu’il possède un passeport canadien depuis.

[49] Le requérant a admis qu’il n’avait pas de bail ou d’hypothèque au Canada jusqu’à ce qu’il loue son appartement actuel en 2020. Lorsqu’il était au Canada, il restait avec un membre de sa parenté. À Bahreïn, il vivait dans un appartement loué. L’entreprise de Bahreïn en a loué un pour lui de 1998 à 2013 au moinsNote de bas de page 47. Il a affirmé qu’il ne pouvait pas obtenir un visa à Bahreïn sans y avoir une adresse. Il s’est décrit comme [traduction] « le cerveau des opérations » lorsqu’il a discuté de son rôle dans l’entreprise de BahreïnNote de bas de page 48.

[50] Le requérant n’a pas produit de déclaration de revenus au Canada avant l’année d’imposition 2020. Il a dit qu’il n’avait jamais eu de revenu au Canada. Il n’a jamais produit de déclaration de revenus à Bahreïn. Il a affirmé ce qui suit : « Bahreïn n’a pas de système fiscalNote de bas de page 49. »

[51] Le mode de vie du requérant au Canada semble avoir été centré sur le temps passé avec sa famille. Dans une certaine mesure, il a également cherché à développer ses intérêts commerciaux. Toutefois, comme je l’ai mentionné, X n’a été créée qu’en 1998. Elle n’a jamais généré de revenus. Le requérant n’a pas non plus gagné d’autres revenus au Canada. Je remarque également que son mode de vie au Canada était plutôt instable. Chaque fois qu’il était ici, il vivait avec sa parenté. Il vivait avec différentes personnes de sa famille à différents moments. L’adresse de X était celle de son avocat. Il n’avait pas d’adresse personnelleNote de bas de page 50.

[52] Quant aux intentions du requérant, il a déclaré qu’il voulait à l’origine commencer une nouvelle vie au Canada. Cependant, comme il était incapable de gagner un revenu, il a décidé de faire des allers-retours entre le Canada et Bahreïn. Il a déclaré que son but était de promouvoir des produits canadiens et de récupérer les fonds restants de l’entreprise de BahreïnNote de bas de page 51. À un autre moment, il a affirmé qu’il avait exercé toutes ses activités professionnelles depuis 1998 en tant qu’employé d’une société canadienne (X), peu importe où ces activités avaient eu lieuNote de bas de page 52.

[53] Je n’accorde pas trop d’importance aux intentions que le requérant a exprimées. À l’audience, il a parlé des projets d’expansion de l’entreprise de Bahreïn en 2005. Il a également parlé du rôle de l’usine italienne dans ces plans. Il est clair que ses activités postérieures à 1998 n’étaient pas toutes pour le compte de X. Il a aussi souvent évoqué les difficultés qu’il rencontrait pour maintenir sa résidence canadienne en raison de ses fréquentes absencesNote de bas de page 53.

Conclusion concernant cette période

[54] J’estime que les facteurs de la décision Ding plaident en faveur du fait que le requérant a résidé à Bahreïn pendant la période allant du 22 décembre 1993 au 23 mars 2012. La preuve révèle un mode de vie axé sur les activités commerciales. À cet égard, le requérant était beaucoup plus actif à Bahreïn. Il planifiait l’expansion internationale de l’entreprise de Bahreïn en 2005, en recrutant un associé de la famille royale de Bahreïn. Même lorsque l’entreprise a été placée sous l’autorité d’un administrateur à la fin de cette période, le requérant est resté à Bahreïn pour s’en occuper.

[55] Bien que le requérant ait été présent physiquement au Canada, cette présence était surtout limitée à certaines brèves périodes de l’année. Elle n’a jamais été suffisante pour lui permettre d’établir sa propre résidence. Ses autres liens au Canada n’étaient pas suffisants pour surmonter son lien étroit avec Bahreïn au cours de cette période. Bien qu’il n’avait pas le droit de résider de manière permanente à Bahreïn, il y a établi sa demeure et vécu ordinairement pendant toute cette période. Il n’a pas fait cela au Canada.

Le requérant a résidé au Canada du 24 mars 2012 au 23 mars 2013

[56] Le requérant a déclaré qu’il a résidé uniquement au Canada cette année-là. Les observations du ministre ne faisaient pas de distinction entre cette période et la période précédant le 23 mars 2012.

[57] La preuve confirme que des changements notables sont survenus dans les activités et la présence du requérant au Canada au cours de cette période.

[58] En avril 2012, le requérant a obtenu son permis de conduire en Colombie‑BritanniqueNote de bas de page 54. En mai 2012, et tous les mois d’août 2012 à décembre 2012, il a obtenu des ordonnances en Colombie-Britannique. Il a aussi obtenu plusieurs ordonnances en février 2013 et en mars 2013Note de bas de page 55. Étant donné que ces événements ont eu lieu à plusieurs moments différents au cours de l’année, j’admets qu’il a été beaucoup plus présent au Canada cette année-là. Il était probablement au Canada pendant la majeure partie, sinon la totalité, de l’année.

[59] À l’audience, le requérant a dit [traduction] « que rien ne le retenait » à Bahreïn pendant cette période. L’administrateur avait pris le contrôle de l’entreprise de Bahreïn et cela ne fonctionnait pas. Le requérant a déclaré avoir été brièvement emprisonné en 2010 en raison d’un chèque prétendument sans provision à Bahreïn. Il a été interdit de voyager à l’extérieur de Bahreïn en raison de ses démêlés avec la justice. Il a affirmé que son adhésion au club nautique n’était plus utile à ce moment-là. Il a déclaré qu’il n’était impliqué que dans X, et non dans l’entreprise de Bahreïn.

[60] Le requérant a affirmé qu’il n’était retourné à Bahreïn qu’en 2013 lorsque cela avait été nécessaire pour une affaire judiciaire impliquant l’entreprise de Bahreïn. Il a indiqué qu’il avait aussi commencé à promouvoir les énergies de remplacement et des solutions de rechange en matière de logement à Bahreïn à cette époque.

[61] Je reconnais que les activités commerciales du requérant en son nom propre à Bahreïn et au nom de l’entreprise de Bahreïn ont probablement diminué pendant cette période. Il est moins évident qu’il se soit engagé dans des activités commerciales au Canada. Cependant, considérant le fait qu’il n’a pas exercé d’activités commerciales à Bahreïn et que sa présence au Canada s’est considérablement accrue, j’estime qu’il a probablement résidé au Canada du 24 mars 2012 au 23 mars 2013. Ses problèmes juridiques à Bahreïn viennent appuyer cette conclusion.

Le requérant n’a pas résidé au Canada du 24 mars 2013 au 27 juin 2020

[62] Le requérant a d’abord dit qu’il n’avait résidé qu’à Bahreïn pendant cette périodeNote de bas de page 56. Cependant, il a dit plus tard qu’il résidait à la fois au Canada et à BahreïnNote de bas de page 57.

[63] À mon avis, deux changements principaux sont survenus au cours de cette période. Premièrement, sa présence au Canada a diminué. Deuxièmement, il s’est de nouveau concentré sur ses intérêts commerciaux à Bahreïn. Après avoir examiné et soupesé les facteurs de la décision Ding, je considère que ces changements sont suffisants pour conclure qu’il a cessé de résider au Canada le 24 mars 2013.

[64] Comme indiqué plus haut, le requérant est retourné à Bahreïn en 2013 pour s’occuper d’une affaire judiciaire concernant l’entreprise de Bahreïn. Il a qu’il a également commencé à promouvoir les énergies de remplacement et des solutions de rechange en matière de logement à Bahreïn. Cependant, je ne vois pas d’élément de preuve objectif de cela pendant plusieurs années. Compte tenu de la valeur et du potentiel que l’entreprise de Bahreïn avait auparavant, je juge qu’il est probable que le requérant soit retourné dans ce pays principalement pour celle-ci.

[65] Le requérant a été présent au Canada pendant certaines périodes, mais elles n’étaient pas continues comme elles l’ont été de mars 2012 à mars 2013. Selon ses ordonnances, il est probable qu’il était au Canada au cours des périodes suivantes jusqu’au 27 juin 2020Note de bas de page 58 :

  • du 12 décembre 2013 au 14 janvier 2014
  • du 28 janvier 2015 au 12 mars 2015
  • du 16 octobre 2015 au 3 novembre 2015
  • du 25 avril 2016Note de bas de page 59 au –
  • du 18 décembre 2016 au 12 janvier 2017
  • du 25 avril 2017 au –
  • du 20 juin 2017 au –
  • du 15 décembre 2017 au 10 janvier 2018
  • du 20 décembre 2018 au 21 janvier 2019

[66] Une fois de plus, les dates de la plupart des ordonnances du requérant sont rapprochées. Ces dates se situent généralement autour de la période des Fêtes. J’ai relevé quelques exceptions aux printemps 2016 et 2017. Le requérant a mentionné une intervention chirurgicale en 2017. J’estime qu’il est très probable qu’il passait quelques mois par an au Canada et le reste du temps à Bahreïn. Il s’agit d’une augmentation importante par rapport à la période de 2004 à 2012, où je vois peu d’éléments de preuve de sa présence au Canada. Cependant, sa présence au Canada a aussi beaucoup diminué par rapport à ce qu’elle était entre 2012 et 2013.

[67] À l’audience, le requérant a longuement parlé de ses difficultés avec l’entreprise de Bahreïn. Ces difficultés se sont poursuivies jusqu’à son départ de Bahreïn en 2020. Il a déclaré que les administrateurs nommés par la cour ne savaient pas ce qu’ils faisaient et qu’ils avaient mené l’entreprise à la faillite. Il avait de nombreuses inquiétudes quant au processus de liquidation. Il pensait également que le tribunal de Bahreïn a ignoré le droit applicable. Il a ajouté que [traduction] « des voyous et des assassins lui devaient des millions ». Cela laisse supposer l’existence d’une grande entreprise à Bahreïn.

[68] Le requérant a eu 65 ans en 2016. Il a dit qu’il n’avait pas demandé sa pension de la Sécurité de la vieillesse à l’âge de 65 ans parce qu’il n’en aurait pas eu besoin s’il avait reçu tout ce qu’il aurait dû recevoir de son entreprise à Bahreïn. Il a déclaré avoir dépensé environ 20 000 $ par année pour essayer de récupérer ce qui lui appartenait.

[69] Le requérant a également soutenu qu’il n’aurait pas loué d’appartement à Bahreïn s’il avait su qu’il ne recevrait pas son argent de l’entreprise de Bahreïn. Il aurait plutôt acheté un appartement au Canada. La procédure judiciaire s’est finalement achevée en décembre 2019 ou au début de 2020Note de bas de page 60.

[70] Je conclus que l’objectif du requérant pendant cette période était de faire tout ce qu’il pouvait pour reprendre le contrôle de l’entreprise de Bahreïn. Ou encore, il voulait récupérer tous les biens qu’il pouvait de cette entreprise. C’est compréhensible, car beaucoup d’argent était en jeu.

[71] Le requérant a soutenu qu’il essayait de promouvoir les intérêts de son entreprise canadienne dans la région du Golfe pendant cette période. Cependant, il a également dit qu’il ne serait pas resté à Bahreïn pendant cette période s’il avait su qu’il n’allait pas pouvoir récupérer l’argent lié à l’entreprise de Bahreïn.

[72] Le requérant était amer de la façon dont il avait été traité par les autorités de Bahreïn pendant cette période. Il ne ressentait probablement pas ou peu de loyauté ou d’appartenance envers ce pays à ce moment-là. Cependant, il y passait encore la majeure partie de son temps, dépensant toujours beaucoup d’énergie en vue d’atteindre ses objectifs financiers. Il y vivait dans un appartement. Aussi malheureux qu’aient pu être certains aspects de cette période, il continuait à établir sa demeure et à vivre ordinairement à Bahreïn. Ses liens avec le Canada n’étaient pas suffisants pour compenser cela.

[73] Le requérant a suggéré que le temps qu’il a passé à Bahreïn était en fait à la demande de X, de sorte qu’il devrait compter comme une période de résidence au Canada selon la règle relative aux entreprises canadiennes. J’examinerai cette question plus en détail dans la section suivante de cette décision puisque cet argument concerne toutes les périodes depuis 1993. Cependant, j’aborderai ici brièvement la question de l’appartement du requérant à Bahreïn, étant donné qu’il le décrit comme un changement important survenu en 2013.

[74] Le requérant a déclaré que X avait loué son appartement à Bahreïn à partir de 2013. Il a suggéré que cela lui permettait d’établir une période de résidence au Canada. À l’appui de cette affirmation, il a fourni la première page d’un bail pour un appartement à BahreïnNote de bas de page 61.

[75] Le bail n’est pas daté. Il est impossible de savoir s’il date de 2013 ou non. De plus, le nom du requérant apparaît en premier comme locataire. Le nom de X n’apparaît qu’après son numéro de passeport. Je ne vois pas de durée au bail. Même si je vois une initiale sur le document, je ne vois aucune page de signature contenant des dates ou l’identité précise du ou des véritable(s) locataire(s). Je ne peux pas accorder beaucoup d’importance à ce document partielNote de bas de page 62.

[76] En juin 2022, le requérant a déclaré qu’il ne pouvait pas insérer toutes les pages du bail dans une enveloppeNote de bas de page 63. Toutefois, il est de sa responsabilité de fournir des copies complètes de tout élément de preuve qui appuie sa position. Il a eu près de deux ans pour transmettre les pages additionnelles. Je remarque qu’il a présenté d’autres documents comportant plusieurs pages.

[77] Enfin, le requérant a laissé entendre qu’il souhaitait revenir au Canada de façon permanente avant le 27 juin 2020. À l’audience, il a mentionné une nouvelle interdiction de voyager qui lui a été imposée en 2019 et la pandémie de COVID-19Note de bas de page 64. Il a affirmé que l’interdiction de voyager lui avait été imposée parce que le liquidateur prétendait qu’il avait volé un million de dollars à l’entreprise de Bahreïn. Il a déclaré que lorsque l’interdiction a été levée en 2020, il est parti avant que les autorités ne puissent changer d’avis.

[78] Je ne trouve pas ces arguments convaincants. L’interdiction de voyager visant le requérant découlait de ses activités liées à l’entreprise de Bahreïn. Les procédures concernant l’entreprise semblent s’être poursuivies jusqu’en décembre 2019 ou au début de 2020. J’estime que le requérant se concentrait à ce moment-là sur ses intérêts commerciaux et ses biens à Bahreïn. Pour ce qui est de la pandémie, je juge qu’elle ne serait pertinente que s’il avait établi sa résidence au Canada immédiatement avant la pandémie. Cependant, il ne résidait plus au Canada depuis environ sept ans lorsque la pandémie a commencé.

[79] Comme pour la période de 1993 à 2012, les facteurs de la décision Ding appuient la conclusion selon laquelle le requérant a résidé à Bahreïn pendant la période examinée dans cette section. Ses malheurs pendant cette période ne changent finalement pas le fait que ses liens à Bahreïn étaient plus forts que ses liens au Canada. Il n’a pas établi sa demeure et vécu ordinairement au Canada pendant cette période.

Le requérant a résidé au Canada à partir du 28 juin 2020 et au moins jusqu’au 21 février 2024

[80] Le requérant a dit qu’il résidait uniquement au Canada pendant cette période. La preuve le confirme. Je reconnais que l’interdiction de voyager à Bahreïn dont il faisait l’objet pouvait le dissuader d’y retourner. Il en va de même pour la liquidation finale de l’entreprise de Bahreïn.

[81] Outre la présence physique du requérant au Canada, la nature de sa présence a changé. Il loue maintenant un appartement à son nomNote de bas de page 65. À l’audience, il a dit qu’il avait loué un appartement parce qu’il avait coupé ses liens avec Bahreïn et qu’il n’avait plus de raison de faire des allers-retours. Il a déclaré qu’il ne vivait plus avec son frère ou sa sœur au Canada [traduction] « parce que c’est permanent maintenant ». Cela confirme qu’il réside actuellement au Canada, mais aussi qu’il ne résidait pas au Canada avant son retour en 2020.

[82] Bien que le requérant continue à entretenir des intérêts commerciaux, l’objectif est différent. Par exemple, il a correspondu avec un ministère canadien en 2022 au sujet de l’énergie renouvelable. Il a eu un échange similaire avec la Commission européenne. Je ne vois aucun lien particulier avec la région de Bahreïn dans ces deux casNote de bas de page 66. Il a également commencé à produire des déclarations de revenus au Canada.

[83] Étant donné que le requérant semble vivre exclusivement au Canada et qu’il ne se concentre plus sur ses intérêts commerciaux à Bahreïn, les facteurs de la décision Ding militent en faveur de la conclusion selon laquelle il a résidé au Canada du 28 juin 2020 jusqu’à la date de l’audience. Je ne peux pas tirer de conclusions sur sa résidence pour la période postérieure à l’audience. Je remarque que le ministre est d’accord pour conclure que le requérant réside au Canada depuis le 28 juin 2020.

Le requérant peut-il être réputé avoir résidé au Canada pendant d’autres périodes selon la règle relative aux entreprises canadiennes?

[84] Après avoir examiné la règle relative aux entreprises canadiennes, je conclus que le requérant ne peut pas être considéré comme ayant résidé au Canada pendant d’autres périodes.

[85] Voici les principaux éléments de la règle relative aux entreprises canadiennes, qui figurent à l’article 21 du Règlement sur la sécurité de la vieillesse :

  1. (4) Lorsqu’une personne qui réside au Canada s’absente du Canada et que son absence :
    1. a) est temporaire et ne dépasse pas un an,
    2. b) a pour motif la fréquentation d’une école ou d’une université, ou
    3. c) compte parmi les absences mentionnées au paragraphe (5),
  2. cette absence est réputée n’avoir pas interrompu la résidence ou la présence de cette personne au Canada.
  3. (5) Les absences du Canada dont il est question à l’alinéa (4)c) dans le cas d’un résident du Canada sont des absences qui se produisent dans les circonstances suivantes :
    1. a) lorsque ledit résident était employé hors du Canada
      1. […]
      2. (vi) par une entreprise ou corporation canadienne en qualité de membre ou de représentant,
  4. si, au cours de sa période d’emploi hors du Canada, ce résident
      1. (vii) a conservé au Canada une demeure permanente à laquelle il avait l’intention de revenir, ou
      2. (viii) a gardé au Canada un établissement domestique autonome,
  5. et il est revenu au Canada dans un délai de six mois après la fin de sa période d’emploi hors du Canada ou, au cours de sa période d’emploi hors du Canada, il a atteint un âge qui le rendait admissible à une pension en vertu de la Loi;

[86] L’un des principaux éléments de la règle relative aux entreprises canadiennes est que l’article 21(4) du Règlement sur la sécurité de la vieillesse exige qu’une personne réside au Canada avant même que la règle puisse s’appliquer.

[87] Dans cette affaire, j’ai déjà établi que le requérant ne résidait pas au Canada avant le 24 mars 2012. Cela signifie que la règle relative aux entreprises canadiennes ne peut lui être d’aucun secours pour la période antérieure au 24 mars 2012. Cependant, elle pourrait lui être utile pour la période du 24 mars 2013 au 27 juin 2020. Je vais maintenant évaluer si c’est le cas.

[88] X a été constituée en société en février 1998 en Colombie-BritanniqueNote de bas de page 67. Je reconnais que X est une entreprise ou une société canadienneNote de bas de page 68. X semble toujours être constituée en société aujourd’hui.

[89] Par conséquent, pour bénéficier de la règle relative aux entreprises canadiennes à compter de 2013, le requérant doit satisfaire aux exigences suivantes du Règlement sur la sécurité de la vieillesseNote de bas de page 69 :

  1. 1) Il doit avoir été employé par X en qualité de représentant ou de membre.
  2. 2) Pendant sa période d’emploi hors du Canada chez X, il a conservé au Canada a) une demeure permanente à laquelle il avait l’intention de revenir, ou b) un établissement domestique autonome.
  3. 3) Il a) est revenu au Canada dans un délai de six mois après la fin de sa période d’emploi hors du Canada chez X ou, b) a atteint l’âge de 65 ans au cours de sa période d’emploi hors du Canada chez X.

[90] Je vais me concentrer sur la deuxième exigence. Si le requérant y répond, il n’est pas important de savoir s’il répond aux autres. Mon analyse de la deuxième exigence portera sur les termes « demeure permanente » et « établissement domestique autonome ». Je vais commencer par le terme « demeure permanente ».

Analyse du terme « demeure permanente »

[91] Le requérant a laissé entendre que toute « demeure permanente » appartenant à sa parenté répondait à la deuxième exigence. Il a dit que ses frères et sœurs résidaient de façon permanente au Canada et qu’il pouvait vivre avec l’une ou l’autre de ces personnes lorsqu’il était au Canada. Il a déclaré qu’une « résidence » ne devait pas nécessairement être un lieu précis parce que ses frères et sœurs pouvaient déménager de temps à autre. Il a laissé entendre qu’il avait plus d’une [traduction] « demeure permanente » parce qu’il avait plusieurs membres de sa famille au CanadaNote de bas de page 70.

[92] Le requérant a également laissé entendre qu’il satisfaisait à l’exigence du caractère « permanent » parce que toute résidence appartenant à ses frères et sœurs était « disponible en permanence » pour lui. Il a aussi dit qu’il n’y avait techniquement plus rien de tel qu’une « résidence permanente », puisque toute résidence pouvait être vendue ou perdue en raison de l’augmentation des taux d’intérêt. Il a ajouté ce qui suit : [traduction] « Tout est relatif et transitoireNote de bas de page 71. »

[93] À l’audience, le requérant a confirmé qu’il ne restait pas toujours avec la même personne ou à la même adresse. Il n’a pas présenté d’élément de preuve concernant la « demeure permanente » précise qu’il considérait comme la sienne.

[94] Le terme « demeure permanente » n’est pas défini ni dans le Règlement sur la sécurité de la vieillesse ni dans la Loi sur la sécurité de la vieillesse. Les parties ne m’ont pas renvoyé à une définition pertinente et contraignante de ce terme. Toutefois, le Black’s Law Dictionary assimile la notion de « résidence permanente » à la définition principale du terme « domicileNote de bas de page 72 ».

[95] La définition principale du terme « domicile » dans le Black’s Law Dictionary est la suivanteNote de bas de page 73 :

[traduction]

Lieu où une personne a été physiquement présente et qu’elle considère comme sa résidence; la résidence véritable, fixe, principale et permanente d’une personne, où elle a l’intention de retourner et de rester même si elle réside actuellement ailleurs.

[96] Le « domicile » d’une personne doit être à la fois fixe et un lieu où elle a été physiquement présente. De même, en employant le mot « principale », cette définition précise qu’une personne ne peut avoir qu’un seul « domicile ».

[97] Les termes « résidence permanente » et « domicile » étant équivalents, une personne ne peut avoir qu’une seule « résidence permanente ». La « résidence permanente » d’une personne doit aussi être un endroit précis où elle a été physiquement présente.

[98] Le terme clé du Règlement sur la sécurité de la vieillesse est « demeure permanente » plutôt que « résidence permanente ». Cependant, je ne vois aucune distinction significative entre ces termes. Une « résidence permanente » est la même chose qu’une « demeure permanente ».

[99] Le Règlement sur la sécurité de la vieillesse exige que le requérant ait une « demeure permanente » à laquelle il avait l’intention de revenir. Cela signifie qu’il doit avoir un seul lieu fixe qu’il considère comme étant son domicile, où il a été physiquement présent et où il a l’intention de revenir continuellement. Ce lieu fixe ne peut pas être modifié.

[100] J’estime que lorsque le requérant était à Bahreïn, il n’avait pas de « demeure permanente » au Canada où il avait l’intention de revenirNote de bas de page 74. Il n’a pas précisé l’endroit précis où il vivait habituellement et où il était physiquement présent. Il n’a pas non plus mentionné de lieu précis permanent auquel il avait l’intention de revenir continuellement. Il restait avec sa famille, chez des personnes différentes à chaque séjour. En ne séjournant que chez la personne qui était la mieux à même de l’accueillir à une période donnée, il ne satisfait pas aux exigences du Règlement sur la sécurité de la vieillesse.

[101] Ce n’est que lorsque le requérant est revenu au Canada en juin 2020 qu’il a cherché un endroit permanent où vivre. Il a alors loué un appartement sur l’avenue Central à Surrey, en Colombie-Britannique. Il n’avait aucun lien avec l’appartement sur l’avenue Central lorsqu’il était à Bahreïn. L’appartement peut être considéré comme une « demeure permanente », mais seulement après qu’il y a été physiquement présent, c’est-à-dire après le 27 juin 2020.

[102] Je vais maintenant examiner le sens du terme « établissement domestique autonome ».

Analyse du terme « établissement domestique autonome »

[103] Le terme « établissement domestique autonome » n’est défini ni dans le Règlement sur la sécurité de la vieillesse ni dans la Loi sur la sécurité de la vieillesse. Le Black’s Law Dictionary ne le définit pas non plus. Les parties ne m’ont pas renvoyé à une définition pertinente et contraignante de ce terme. Le requérant a seulement dit que le Règlement sur la sécurité de la vieillesse faisait une distinction entre ce terme et « demeure permanenteNote de bas de page 75 ».

[104] Toutefois, le terme « établissement domestique autonome » est défini dans le Dictionary of Canadian Law. La définition, qui renvoie à la Loi de l’impôt sur le revenu, est la suivante : « Habitation, appartement ou autre logement de ce genre dans lequel, en règle générale, une personne prend ses repas et coucheNote de bas de page 76. »

[105] Bien que cette définition soit relativement large, je dois tenir compte de la façon dont le terme est utilisé dans le Règlement sur la sécurité sur la vieillesse. Celui-ci exige qu’une personne « garde » un « établissement domestique autonome » pendant qu’elle se trouve à l’extérieur du Canada.

[106] Même si le requérant avait un « établissement domestique autonome » au Canada, je juge qu’il n’a rien fait pour le « garder ». Encore une fois, je me tourne vers le Black’s Law Dictionary. Il fournit de nombreuses définitions du mot anglais « maintain » (qui est traduit par « garder » en français)Note de bas de page 77 :

[traduction]

1. Continuer (quelque chose). 2. Continuer à posséder (un bien, etc.). 3. Affirmer (une position ou une opinion); soutenir (une position ou une opinion) par des arguments. 4. Entretenir (un bien) pour en améliorer la productivité opérationnelle ou l’apparence; effectuer des réparations et de l’entretien en général. 5. Soutenir financièrement (quelqu’un); en particulier verser une pension alimentaire. 6. (À propos d’une tierce partie à un procès) aider une partie à intenter ou contester une action en justice; s’immiscer dans le litige de quelqu’un d’autre.

[107] Parmi ces diverses définitions, les deuxième et quatrième sont les plus pertinentes parce qu’elles font explicitement référence à un bien.

[108] La deuxième définition exige qu’une personne « continue » à posséder le bien en question. Cela signifie que le bien doit être fixe et défini. De même, la quatrième définition exige que l’on s’occupe activement d’un bien pour en préserver la productivité ou l’apparence. Il peut s’agir d’une réparation et d’un entretien général. Dans les deux cas, cependant, le bien doit également être fixe et défini.

[109] Compte tenu de ces définitions, je ne peux pas conclure que le requérant a « gardé » un « établissement domestique autonome » au Canada pendant qu’il était à Bahreïn. Il n’a donné aucune précision sur un tel « établissement ». Il n’a pas séjourné dans la même maison, ni avec le même frère ou la même sœur lors de ses différents séjours au Canada. À mon avis, un lieu de séjour changeant ne peut pas être un « établissement ».

[110] De plus, le requérant n’a pas entretenu activement un bien particulier. En fait, il a décrit à maintes reprises les nombreuses responsabilités liées à l’entretien d’une maison ou d’un appartement au Canada alors qu’il passait tant de temps à l’étranger. Il n’était pas prêt à accepter ces responsabilitésNote de bas de page 78. Cela ne correspond pas à l’entretien d’un tel établissement.

Conclusion sur la règle relative aux entreprises canadiennes

[111] Le requérant n’a pas satisfait à la deuxième exigence de la règle relative aux entreprises canadiennes. Cela signifie qu’il ne peut pas être réputé avoir résidé au Canada pendant d’autres périodes. Je n’ai pas besoin d’examiner les première et troisième exigences de la règle relative aux entreprises canadiennes.

[112] Les décisions antérieures du Tribunal ne semblent pas avoir analysé de manière aussi détaillée les termes « demeure permanente » et « établissement domestique autonome ». Cependant, une décision récente de la division générale et la décision connexe de la division d’appel suggèrent également que le fait de séjourner dans différentes propriétés familiales ne constitue pas une « demeure permanente » ou un « établissement domestique autonomeNote de bas de page 79 ».

Compte tenu de ses périodes de résidence au Canada, le requérant est-il admissible à une pension de la Sécurité de la vieillesse?

[113] Le requérant n’est pas admissible à une pension de la Sécurité de la vieillesse parce qu’il n’a pas encore résidé assez longtemps au Canada.

[114] Le requérant a résidé au Canada du 24 mars 2012 au 23 mars 2013 ainsi que du 28 juin 2020 au 21 février 2024. Cela signifie qu’à la date de l’audience, il avait résidé au Canada pendant près de quatre ans et huit mois. Le problème est qu’une personne doit avoir résidé au Canada pendant au moins 10 ans pour être admissible à une pension de la Sécurité de la vieillesseNote de bas de page 80.

[115] Le requérant pourrait être admissible à une pension de la Sécurité de la vieillesse à l’avenir s’il continue de résider au Canada. Il peut présenter une nouvelle demande plus tard.

Conclusion

[116] Bien que le requérant ait établi deux périodes de résidence au Canada, il n’a pas accumulé 10 années de résidence au Canada. Par conséquent, il n’est pas encore admissible à une pension de la Sécurité de la vieillesse.

Décision

[117] L’appel est rejeté. Le requérant n’a pas résidé assez longtemps au Canada pour être admissible à une pension de la Sécurité de la vieillesse.

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