Contenu de la décision
[TRADUCTION]
Citation : TS c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2024 TSS 1316
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel
Décision
Partie appelante : | T. S. |
Partie intimée : | Ministre de l’Emploi et du Développement social |
Représentante ou représentant : | Marcus Dirnberger |
Décision portée en appel : | Décision rendue par la division générale le 2 février 2024 (GP-23-439) |
Membre du Tribunal : | Pierre Vanderhout |
Mode d’audience : | Téléconférence |
Date de l’audience : | Le 19 septembre 2024 |
Personnes présentes à l’audience : | Appelant Représentant de l’intimé |
Date de la décision : | Le 30 octobre 2024 |
Numéro de dossier : | AD-24-394 |
Sur cette page
Décision
[1] L’appel est rejeté. L’appelant n’a pas droit à d’autres paiements rétroactifs de la pension de la Sécurité de la vieillesse. Il n’a pas non plus droit à une augmentation du montant mensuel de la pension. En effet, il n’a pas résidé au Canada après juillet 2013.
Aperçu
[2] Dans cette décision, je vais appeler l’appelant, T. S., le « requérant ».
[3] Le requérant a 89 ans. Il travaille et vit actuellement en Afrique du Sud. Cependant, il dit qu’il a une « demeure permanente » dans la région de Toronto depuis de nombreuses années. Ce facteur est important parce qu’il pourrait l’aider à obtenir une pension de la Sécurité de la vieillesse plus élevée.
[4] Le requérant a demandé une pension de la Sécurité de la vieillesse pour la première fois en juillet 2013Note de bas de page 1. J’appellerai cette demande la première demande. Le ministre de l’Emploi et du Développement social ne lui a pas accordé de pension à ce moment-là. Je ne vois pas de décision de révision pour la première demande.
[5] Le requérant a présenté une nouvelle demande de pension de la Sécurité de la vieillesse en juillet 2020Note de bas de page 2. Je l’appellerai la deuxième demande. Le ministre a rejeté la deuxième demande initialement et après révision. Le requérant a donc fait appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Celle-ci a accueilli son appel. Il a obtenu une pension partielle de la Sécurité de la vieillesse de 12/40 du montant d’une pleine pension. Les versements ont commencé en août 2019Note de bas de page 3.
[6] Par la suite, le requérant a fait appel à la division d’appel du Tribunal. Il voulait que ses paiements commencent en août 2012 plutôt qu’en août 2019, selon la date à laquelle il a présenté sa première demande. Il voulait aussi que l’on conclue qu’il résidait au Canada depuis le 1er août 2013, ce qui augmenterait le montant mensuel de sa pension de la Sécurité de la vieillesse. La division générale du Tribunal a déclaré que sa dernière période de résidence au Canada avait pris fin le 31 juillet 2013.
[7] Selon le requérant, la date d’entrée en vigueur de sa pension de la Sécurité de la vieillesse devrait être fondée sur la date de sa première demande. Il a aussi dit que son séjour actuel en Afrique du Sud devrait être considéré comme une période de résidence au Canada. Il a ajouté qu’il travaillait à l’étranger pour une entreprise canadienne et avait une demeure permanente où il avait l’intention de revenir. À l’appui de son argument, il a cité les articles 21(4)(c) et 21(5)(a) du Règlement sur la Sécurité de la vieillesse. Je les appellerai la « disposition relative à une entreprise canadienne ».
[8] Le ministre a affirmé que la première demande est juridiquement sans pertinence et ne relève pas de la compétence du Tribunal. Il a dit que le requérant n’avait pas demandé une révision de la première demande. Le ministre a également déclaré que le requérant n’avait pas prouvé qu’il résidait au Canada pendant une décennie au cours de laquelle il vivait et travaillait en Afrique du Sud. Le ministre a souligné la déclaration faite par le requérant en 2020, selon laquelle il résidait en Afrique du Sud depuis 1973.
[9] Au début de l’audience de la division d’appel, j’ai confirmé que je devais trancher les deux questions suivantes dans le cadre de cet appel :
- (1) Quelle est la date du début de la pension de la Sécurité de la vieillesse du requérant?
- (2) Le requérant a-t-il résidé au Canada à un moment donné après le 31 juillet 2013?
[10] Pour les motifs énoncés plus bas, je conclus que :
- (1) la bonne date de début de la pension de la Sécurité de la vieillesse du requérant est août 2019;
- (2) le requérant n’a pas résidé au Canada après le 31 juillet 2013.
Questions préliminaires
[11] Les dates limites de dépôt dans cet appel étaient 1) le 16 août 2024, pour les nouveaux éléments de preuve ou arguments, et 2) le 28 août 2024, pour toute réponse à ces nouveaux éléments de preuve ou arguments. Toutefois, le requérant a continué de déposer des documents jusqu’au 19 septembre 2024, la date de l’audience, et même après cette date. Je vais examiner les trois principaux lots de documents déposés par le requérant.
Les documents déposés le 17 septembre 2024
[12] À peine deux jours avant l’audience, le requérant a déposé un document de sept pages (nommé AD10 dans le dossier d’appel). Il s’agissait principalement d’un mélange de récits et d’observations. Toutefois, le document comprenait également deux pages de nouveaux éléments de preuve. Une grande partie du mélange de récits et d’observations expliquait les nouveaux éléments de preuve.
[13] Au début de l’audience, j’ai dit aux parties que j’accepterais le document AD10. J’ai fondé cette décision sur l’article 42 des Règles de procédure du Tribunal de la sécurité sociale. Les nouveaux éléments de preuve pouvaient être pertinents. Comme ils dataient de septembre 2024, ils étaient nouveaux et n’auraient pas pu être déposés plus tôt. Toutefois, j’ai également donné au ministre l’occasion de répondre au document AD10. Je devais m’assurer que la procédure était équitableNote de bas de page 4. Le ministre avait le droit de demander du temps pour présenter d’autres observations sur le document AD10. En fin de compte, il ne l’a pas fait.
Les documents déposés du 21 septembre au 24 septembre 2024
[14] Le requérant a envoyé quatre courriels au Tribunal entre ces dates, nommés AD11 à AD14. Le document AD11 consistait en de nouveaux éléments de preuve que le requérant a reçus après l’audience de la part du ministre. Le document AD12 comportait un récit qui se rapportait en partie au document AD11. Il comportait aussi de nouveaux éléments de preuve sous la forme d’un tableau de lieux de résidence à jour. Les documents AD13 et AD14 étaient de la correspondance procédurale et ne comportaient aucun nouvel élément de preuve. Je ne les ai pas jugés pertinents.
[15] Dans la lettre du Tribunal datée du 2 octobre 2024, j’ai dit que j’accepterais les documents AD11 et AD12 comme documents tardifs, mais pas les documents AD13 et AD14Note de bas de page 5. Les documents AD11 et AD12 pouvaient être pertinents. Certaines parties étaient nouvelles, d’autres ne l’étaient pas, mais le requérant n’y a eu accès qu’après l’audience. Conformément à l’article 42 des Règles de procédure du Tribunal de la sécurité sociale, j’ai donné au ministre deux semaines pour présenter des observations sur les documents AD11 et AD12. Le 8 octobre 2024, le ministre a déposé des observations sur ces documents (nommées AD16). Le 9 octobre 2024, le Tribunal a transmis le document AD16 aux parties.
Les documents déposés le 11 octobre 2024
[16] Le 11 octobre 2024, le requérant a envoyé une réponse aux observations du document AD16 du ministre (nommée AD17). Le document AD17 contenait également certains éléments de preuve liés à la réponse du requérant. Selon moi, ils pouvaient être pertinents, même s’ils n’étaient pas nouveaux. Il n’a pas expliqué pourquoi il ne les avait pas déposés plus tôt. Toutefois, la pertinence potentielle l’emportait sur mes préoccupations concernant le dépôt tardif ou l’âge de la preuve.
[17] Compte tenu de la nature de la preuve du document AD17, j’ai décidé qu’il n’était pas nécessaire que le ministre présente des observations en réponse. Le contenu était évident. Par conséquent, accepter le document AD17 ne retarderait pas davantage la procédure. En application de l’article 42 des Règles de procédure du Tribunal de la sécurité sociale, j’ai accepté le document AD17. Toutefois, dans la lettre du Tribunal du 11 octobre 2024, j’ai également informé les parties qu’elles ne devraient pas déposer d’autres éléments de preuve ou observations.
Questions en litige
[18] Voici les questions à trancher dans cet appel :
- a) Quelle est la date de demande pertinente pour la pension de la Sécurité de la vieillesse du requérant?
- b) Sans tenir compte de la disposition relative à une entreprise canadienne, le requérant a-t-il résidé au Canada à un moment donné après le 31 juillet 2013?
- c) Le requérant peut-il être considéré comme résident du Canada pour d’autres périodes après le 31 juillet 2013, selon la disposition relative à une entreprise canadienne?
- d) Quelle est l’incidence de ces conclusions sur la pension de la Sécurité de la vieillesse du requérant?
Analyse
[19] Les parties n’ont pas contesté les conclusions de la division générale concernant la résidence du requérant jusqu’au 31 juillet 2013Note de bas de page 6. Par conséquent, je ne vois aucune raison de modifier ces conclusions. Je limiterai donc mes conclusions sur la résidence à la période qui commence le 1er août 2013.
[20] Selon la loi, une personne peut avoir été présente au Canada sans avoir résidé au Canada. Les termes « résidence » et « présence » ont chacun leur propre définition. Je dois tenir compte de ces définitions pour rendre ma décision.
[21] Une personne réside au Canada si elle établit sa demeure et vit ordinairement dans une région du CanadaNote de bas de page 7.
[22] Une personne est présente au Canada lorsqu’elle se trouve physiquement dans une région du CanadaNote de bas de page 8.
[23] Pour décider si le requérant résidait au Canada, je dois examiner l’ensemble de la situation et les facteurs énoncés dans les décisions de la Cour fédérale, comme l’arrêt DingNote de bas de page 9. J’appellerai ces facteurs les facteurs de la décision Ding. Ils comprennent entre autresNote de bas de page 10 :
- où il avait des biens, comme des meubles, un compte bancaire et des intérêts commerciaux;
- où il avait des liens sociaux, comme des amis, des parents, l’appartenance à un groupe religieux et l’adhésion à un club ou une organisation professionnelle;
- où il avait d’autres liens, comme une assurance-maladie, un contrat de location, une hypothèque ou un prêt;
- où il a produit des déclarations de revenus;
- les liens qu’il avait dans un autre pays;
- la durée de ses séjours au Canada;
- la fréquence et la durée de ses séjours à l’extérieur du Canada, et où il allait;
- son mode de vie au Canada;
- ses intentions.
[24] Cette liste n’est pas complète. D’autres facteurs peuvent être importants. Je dois examiner la situation du requérant dans son ensemble. Toutefois, avant de le faire, je vais déterminer la date pertinente pour la demande de pension de la Sécurité de la vieillesse du requérant.
Quelle est la date pertinente pour la demande de pension de la Sécurité de la vieillesse du requérant?
[25] Je conclus que le 7 juillet 2020 est la date pertinente pour la demande de pension de la Sécurité de la vieillesse du requérant. Je vais maintenant expliquer pourquoi.
[26] J’admets que le requérant a demandé une pension de la Sécurité de la vieillesse au moins à deux reprises. Comme je l’ai mentionné, il a déposé la première demande en juillet 2013 et la deuxième en juillet 2020. Il a décrit la deuxième demande comme étant la suite de la première. Si j’accepte cet argument, je pourrais conclure que la date de demande pertinente pour cet appel est juillet 2013. Le requérant aurait alors droit à des paiements rétroactifs de sa pension pour sept ans de plus.
Historique de la première demande
[27] Après avoir reçu la première demande, le ministre avait besoin de plus de renseignements de la part du requérant. Le ministre lui a envoyé des lettres en janvier 2014 et en octobre 2014, mais je ne vois aucune preuve qu’il a déposé les renseignements demandésNote de bas de page 11. Tout au plus, il a signé un formulaire de consentement pour communiquer avec Citoyenneté et Immigration Canada en septembre 2015Note de bas de page 12.
[28] Le 15 octobre 2015, le ministre a informé le requérant qu’il n’avait toujours pas fourni les renseignements demandés. Par conséquent, il a rejeté la première demande. Le ministre a avisé le requérant qu’il pouvait demander la révision de cette décision dans les 90 jours suivant sa réceptionNote de bas de page 13. Cette limite de 90 jours est également prévue par la Loi sur la Sécurité de la vieillesseNote de bas de page 14.
[29] Je ne vois aucune preuve que le requérant a demandé la révision de la décision d’octobre 2015 dans les 90 jours. En fait, il semble que sa prochaine communication avec le ministre a eu lieu lorsqu’il a présenté sa deuxième demande en juillet 2020.
Ce que dit la loi sur les appels au Tribunal
[30] L’absence d’une décision de révision pour la première demande est un élément crucial. Les décisions initiales du ministre, comme sa décision de rejeter la première demande en octobre 2015, ne peuvent pas faire l’objet d’un appel au Tribunal. Si une personne est insatisfaite d’une décision initiale, elle peut demander une révision au ministreNote de bas de page 15. Seules les décisions de révision peuvent être portées en appel au TribunalNote de bas de page 16.
[31] Dans ce cas-ci, le requérant a déposé son appel au Tribunal le 7 mars 2023. Dans ses documents d’appel, il a clairement indiqué qu’il faisait appel de la décision de révision du 28 octobre 2022. Il a joint une copie de cette même décision, qui était fondée sur une demande de révision datée du 2 août 2022Note de bas de page 17. Cette demande de révision a été déposée en réponse à la décision du ministre du 16 juin 2022Note de bas de page 18. La décision du 16 juin 2022 faisait suite à la demande présentée le 7 juillet 2020Note de bas de page 19.
[32] La demande du 7 juillet 2020 n’était pas la première demande, mais bien la deuxième demande du requérant. La décision du Tribunal, y compris la date de début de toute pension de la Sécurité de la vieillesse, résulte donc de la deuxième demande.
[33] Le requérant a laissé entendre que le ministre avait commis une erreur administrative concernant la première demande. Toutefois, le Tribunal n’a pas le pouvoir de rendre des décisions sur de telles questions. Si le requérant n’est pas satisfait de la conclusion du ministre au sujet d’une erreur administrative, son recours consiste à demander un contrôle judiciaire à la Cour fédéraleNote de bas de page 20.
[34] Je vais maintenant décider si le requérant a résidé au Canada après le 31 juillet 2013. Je vais le faire de deux façons différentes. D’abord, je vais appliquer les facteurs de la décision Ding sans tenir compte de la disposition relative à une entreprise canadienne. Deuxièmement, j’appliquerai cette disposition à toute autre période au cours de laquelle il ne résidait pas au Canada.
Sans tenir compte de la disposition relative à une entreprise canadienne, le requérant a-t-il résidé au Canada à un moment donné après le 31 juillet 2013?
[35] Lorsque j’applique seulement les facteurs de la décision Ding, je conclus que le requérant n’a pas résidé au Canada après le 31 juillet 2013.
[36] Avant d’appliquer ces facteurs, je vais examiner ce que le requérant dit au sujet de sa présence et de sa résidence au Canada depuis la fin de juillet 2013.
Ce que le requérant dit au sujet de la résidence
[37] Je vois très peu d’éléments de preuve documentaire objective qui confirme la présence et la résidence du requérant au Canada depuis le 31 juillet 2013.
[38] En octobre 2021, X a envoyé une lettre indiquant que le requérant était un associé de X d’août 2013 à mars 2019 (la lettre de 2021 de X). X a ajouté que le requérant était établi au Cap, en Afrique du SudNote de bas de page 21. Toujours en octobre 2021, Y a aussi envoyé une lettre selon laquelle le requérant occupait le poste de vice-président (Afrique) depuis avril 2019 (la lettre de 2021 de Y)Note de bas de page 22.
[39] Le requérant s’appuie sur la lettre de 2021 de X et la lettre de 2021 de Y. Il dit qu’il peut se fier à la disposition relative à une entreprise canadienne pour accumuler des périodes de résidence au Canada parce que X et Y sont des entreprises basées au Canada. C’était l’objet de son appel. Toutefois, il a également laissé entendre qu’il avait résidé au Canada pendant un certain temps après la fin de juillet 2013. Voilà pourquoi je dois d’abord décider s’il a résidé au Canada après juillet 2013 sans tenir compte de la disposition relative à une entreprise canadienne.
[40] Le requérant a fait de nombreuses déclarations, verbalement et par écrit, au sujet des endroits où il a vécu, travaillé et résidé après juillet 2013. Le tableau suivant, que j’appellerai le tableau des lieux, contient ses principales déclarations à ce sujet :
Date de la déclaration | Déclaration avec les dates applicables |
---|---|
18 juin 2020 | A résidé en Afrique du Sud du 15 décembre 1973 à ce jourNote de bas de page 23 |
11 janvier 2021 | A travaillé en Afrique du Sud d’août 2013 à ce jourNote de bas de page 24 |
8 octobre 2021 | A travaillé en Afrique du Sud d’août 2013 à mars 2019Note de bas de page 25 |
20 juillet 2022 | A fait de l’Ontario son « principal lieu de résidence »Note de bas de page 26 |
27 juillet 2022 | A travaillé à l’étranger depuis août 2013Note de bas de page 27 |
7 mars 2023 | A résidé en Afrique du Sud de décembre 1973 à ce jourNote de bas de page 28 |
7 mars 2023 | A travaillé en Afrique du Sud d’août 1973 à ce jourNote de bas de page 29 |
31 mai 2023 | Était employé en Afrique du Sud depuis 2013Note de bas de page 30 |
16 juin 2023 | Est retourné vivre en permanence au Canada en 2013Note de bas de page 31 |
16 juin 2023 | A quitté le Canada pour l’Afrique du Sud en septembre 2013Note de bas de page 32 |
16 juin 2023 | Voulait que la période du [traduction] « projet de pisciculture » (1er août 2013 au 1er décembre 2016) soit considérée comme une résidence à temps plein au CanadaNote de bas de page 33 |
21 septembre 2023 | Est retourné vivre en permanence au Canada en date de l’Action de grâce de 2012Note de bas de page 34 |
11 octobre 2023 | A passé la majeure partie de son temps au Canada du 1er août 2013 à novembre 2016Note de bas de page 35 |
12 juin 2024 | A travaillé en Afrique du Sud d’août 2013 à octobre 2023Note de bas de page 36 |
4 août 2024 | Était employé à Terre-Neuve en septembre 2013, pour être établi en Afrique du SudNote de bas de page 37 |
16 août 2024 | A travaillé à Terre-Neuve en septembre 2013 dans le cadre du « projet de pisciculture » et est retourné en Afrique du Sud en janvier 2015Note de bas de page 38 |
17 septembre 2024 | A passé du temps à Terre-Neuve, en Chine (un voyage) et en Afrique du Sud d’août 2013 à novembre 2016Note de bas de page 39 |
19 septembre 2024 | Est allé à Terre-Neuve en septembre 2013 (ou en août 2013) et y a passé la moitié de son temps jusqu’au 30 novembre 2016Note de bas de page 40 |
21 septembre 2024 | A résidé à Terre-Neuve de juillet 2013 à août 2013Note de bas de page 41 |
21 septembre 2024 | A résidé en Afrique du Sud de septembre 2013 à ce jourNote de bas de page 42 |
[41] Les déclarations du tableau des lieux ne concordent pas toutes. À l’audience de la division d’appel, le requérant a exprimé à plusieurs reprises sa frustration d’essayer de se souvenir des dates précises des événements qui se sont déroulés il y a si longtemps. Cependant, dans l’ordre chronologique, la plupart de ses déclarations antérieures semblent indiquer un retour en Afrique du Sud en août 2013. De plus, ses déclarations antérieures devraient être au moins aussi exactes que ses déclarations les plus récentes au sujet de la même période.
[42] À l’audience, le requérant a dit que sa rémunération pour X était sous la forme de dépenses remboursées et d’une commission. Il ne recevait pas un salaire normal. Ainsi, il aurait dû bien prendre note de ses déplacements et de ses dépenses à l’époque. Le fait qu’il n’a pu produire aucun document objectif qui le plaçait précisément au Canada est donc plus problématique. Comme il en sera question plus loin, il a décrit deux pertes de documents différentes dans le cadre de son appel.
[43] Les déclarations du requérant au sujet de la nature de son travail à compter d’août 2013 n’étaient pas non plus cohérentes. À l’audience, il a dit qu’il avait travaillé seulement sur le « projet de pisciculture » d’août 2013 à novembre 2016. Cependant, il a dit plus tôt que X l’avait embauché pour former des coentreprises sud-africaines en vue de conclure des contrats avec le ministère de la Défense nationale du CanadaNote de bas de page 43. Il a ajouté qu’il travaillait également comme consultant à [traduction] « temps plein » pour Z et W à partir d’octobre 2014Note de bas de page 44.
[44] Enfin, le frère du requérant a informé le ministre en novembre 2020 que le requérant résidait en Afrique du SudNote de bas de page 45. En octobre 2021, X a déclaré que le requérant était établi en Afrique du Sud lorsqu’il était associé chez X d’août 2013 à mars 2019Note de bas de page 46.
[45] Compte tenu de ce qui précède, je juge probable que le requérant soit d’abord retourné en Afrique du Sud en août 2013. Il a probablement passé un certain temps au Canada par la suite, surtout en raison de sa participation au projet de pisciculture à Terre-Neuve. Cependant, je vois beaucoup moins d’éléments de preuve de sa présence au Canada après la fin de ce projet soit en janvier 2015 ou en novembre 2016. Même alors, il effectuait probablement un autre travail en même temps que le projet de pisciculture.
Application des facteurs de la décision Ding
[46] En appliquant les facteurs de la décision Ding, j’estime qu’il est probable que le requérant réside en Afrique du Sud depuis août 2013.
[47] Bon nombre des facteurs de la décision Ding ne désignent pas clairement la résidence au Canada ou en Afrique du Sud. Ils désignent les deux pays ou ils sont très faibles et n’ont que peu de valeur probante. Cela s’explique en grande partie par l’absence de preuves objectives pour la période en question. Une bonne partie de la preuve consiste en de simples affirmations. Cependant, les facteurs qui indiquent clairement l’Afrique du Sud sont plus convaincants que le seul facteur qui indique clairement le Canada. Je vais maintenant expliquer ces conclusions plus en détail.
Bon nombre des facteurs de la décision Ding sont faibles ou peu concluants
Où le requérant avait des biens
[48] Ce facteur de la décision Ding est souvent décisif. Toutefois, il est difficile de déterminer l’étendue des biens du requérant après 2012. Auparavant, il possédait des entreprises en Afrique du Sud et employait des centaines de personnes. Mais aujourd’hui, même la propriété de sa résidence sud-africaine est difficile à vérifier.
[49] À l’audience de la division d’appel, le requérant a dit que son épouse était retournée en Afrique du Sud moins d’un an après être arrivée au Canada en 2012. Il a dit qu’elle possédait une maison en Afrique du Sud, où il vivait également, qui avait maintenant environ six à sept ans. Cependant, comme la maison a été construite sur mesure selon ses spécifications, elle était en Afrique du Sud de deux à trois ans avant la fin de la construction. À l’audience de la division générale en octobre 2023, il a dit qu’elle avait acheté la propriété il y a environ neuf ans et qu’ils avaient d’abord loué une propriété de l’autre côté de la rueNote de bas de page 47. Il n’a présenté aucune preuve objective de la propriété exclusive de son épouse.
[50] Malgré ce qu’il a dit au sujet de la propriété légale, il semble aussi considérer qu’il s’agit de leur maison. Sa femme et lui paient les factures ensemble. Par exemple, il a dit que « nous » avions fait construire la maison et que « nous » avions loué une maison de l’autre côté de la rue. Il a également dit que « nous » la vendrions lorsqu’ils retourneront au Canada. Il a ajouté que « nous » avions payé l’assurance de la voiture et de la maisonNote de bas de page 48. Il n’avait pas d’assurance au CanadaNote de bas de page 49.
[51] Il a dit qu’il n’était pas [traduction] « propriétaire » d’une voiture, mais que sa femme et lui en avaient deux. L’une de ces voitures semble provenir d’un oncleNote de bas de page 50. Le requérant n’a présenté aucune preuve objective au sujet des voitures. De même, il a décrit une voiture récemment mise à la casse et un bateau hors-bord qu’il avait utilisés au CanadaNote de bas de page 51. Cependant, il n’a pas non plus présenté de preuve objective au sujet de cette voiture ou de ce bateau.
[52] Le requérant a produit deux chèques en blanc sans date provenant d’un compte bancaire canadien. Son nom et celui de son épouse figuraient sur le chèque avec une adresse sud-africaine. L’autre chèque ne comporte ni nom ni adresse. Son épouse était la titulaire d’origine du compte. En juillet 2022, en juin 2023 et en août 2024, il a dit qu’il s’agissait de son seul compte bancaireNote de bas de page 52. Cependant, j’ai vu peu d’éléments de preuve objectifs du niveau d’activité de ce compte. Il est donc difficile de vérifier s’il s’agissait vraiment du seul compte qu’il a utilisé.
[53] Ensuite, le requérant a mentionné d’autres comptes bancaires. À l’audience de la division générale, il a dit qu’il avait un compte au Royaume-Uni. Cependant, à l’audience de la division d’appel, il a dit que ce compte avait été fermé il y a quelques années. Il a dit qu’il n’avait pas le droit d’avoir un compte bancaire en Afrique du Sud. Mais il a aussi dit que son épouse avait des comptes bancaires en Afrique du Sud. Il y déposait de l’argent afin de payer sa part des facturesNote de bas de page 53. Je ne vois aucune preuve objective de ces comptes bancaires, de leur propriété ou de leur niveau d’activité.
[54] Le requérant a également décrit un intérêt dans une entreprise canadienne de drones appelée V. Il a dit qu’il avait établi cette entreprise avec son frère, mais il n’a présenté aucune preuve objective de sa propriété ou des dates d’exploitationNote de bas de page 54. Il a dit qu’il n’était pas en mesure de jouer son rôle dans l’exploitation de l’entreprise en raison de son absence du Canada liée à la COVID-19. L’entreprise était maintenant inactive, mais il espérait la relancer à son retourNote de bas de page 55.
Où le requérant avait des liens sociaux
[55] Le requérant avait des liens sociaux dans les deux pays. Il a dit qu’il avait de bonnes amitiés au Canada et en Afrique du SudNote de bas de page 56. Il vivait avec son épouse en Afrique du Sud. Elle est sud-africaine de naissance et n’a actuellement aucun statut juridique au CanadaNote de bas de page 57. Cependant, il a aussi plusieurs frères et sœurs au Canada. Son frère A. a appuyé sa demande et lui permet de demeurer à sa maison dans la région de Toronto (la maison de Toronto).
[56] Le requérant a dit qu’il est membre de l’Association canadienne des propriétaires et pilotes d’aéronefs depuis 2005, mais la carte qu’il a produite a expiré en 2011. Il a dit qu’il est membre de l’Association des industries canadiennes de défense et de sécurité depuis 2019, mais il n’a fourni aucun document à l’appui de cela. Il a également produit une ancienne carte de membre sans date d’une bibliothèque publique de la région de Toronto. Je n’ai vu aucune preuve objective d’activités récentes dans ces associations. Il a dit qu’il détient une licence de pilote canadienne depuis 1958Note de bas de page 58.
[57] Toutefois, le requérant est actuellement membre actif d’un club nautique sud-africain. Il y fait de la voile avec des amis et allait en faire la semaine suivant l’audience de la division d’appel. Il a dit que voler et faire de la voile étaient ses deux passionsNote de bas de page 59.
Où le requérant avait d’autres liens, autres que des biens et des liens sociaux
[58] Pour ce qui est des autres liens, le requérant détient des cartes d’assurance-maladie de l’Ontario depuis 2013Note de bas de page 60. Il a dit avoir reçu des soins oculaires de la Dre Chong dans la région de Toronto. Cependant, il n’a fourni aucune preuve d’un traitement récent par cette médecin ou par qui que ce soit en Ontario. Il a seulement présenté une ordonnance de 2005 de la Dre ChongNote de bas de page 61. D’autre part, il avait une assurance-maladie privée en Afrique du Sud. Il a aussi dit que les soins dentaires étaient excellents et bon marché en Afrique du Sud, alors il a reçu des soins là-basNote de bas de page 62.
[59] Le requérant n’a pas de permis de conduire canadien valide. Il a dit qu’il pouvait compter sur un permis de conduire internationalNote de bas de page 63. Il n’a pas d’assurance au Canada depuis qu’il est retourné en Afrique du Sud. Il a dit avoir voté pour la dernière fois au Canada en 2015, mais je n’ai vu aucune preuve objective qu’il figurait sur une liste électoraleNote de bas de page 64.
[60] Le requérant a dit qu’il louait le rez-de-chaussée de la maison de Toronto à son frère depuis 2005. Cependant, il ne pouvait pas produire de bail. Il ne pouvait pas non plus fournir de preuve de paiement pour un loyer ou des dépenses. Il n’avait aucune idée de ce qu’il aurait pu payer, même aussi récemment qu’en 2021 ou en 2022. Il a dit que [traduction] « l’argent va et vient » et que son frère en saurait davantage. Il a eu l’occasion de fournir des détails sur sa contribution après l’audience de la division générale, mais il n’a rien déposéNote de bas de page 65.
[61] À l’audience de la division d’appel, il a dit qu’avoir un bail écrit n’était pas traditionnel dans sa famille. Il a ajouté qu’il ne payait aucun loyer. Il a seulement fait de vagues références à [traduction] « régler » des questions financières avec son frère de temps à autreNote de bas de page 66.
Le mode de vie du requérant au Canada
[62] Un autre facteur de la décision Ding est le mode de vie d’une personne au Canada. Comme l’indiquait le tableau des lieux, le requérant a affirmé à maintes reprises qu’il a vécu et travaillé en Afrique du Sud après juillet 2013. C’est surtout le cas pour ses déclarations antérieures.
[63] Toutefois, même si je ne tiens pas compte de l’essentiel de la preuve présentée dans le tableau des lieux, je ne vois pas comment le requérant aurait pu avoir un mode de vie stable et bien enraciné au Canada depuis juillet 2013. Comme je l’ai mentionné plus haut, j’ai de la difficulté à accepter le fait qu’il a travaillé seulement sur le projet de pisciculture pendant ses premières années chez X. Cependant, même si je l’acceptais, le requérant a admis que son mode de vie au Canada était très instable pendant cette période. Après l’audience de la division d’appel, il en a parléNote de bas de page 67 :
[traduction]
« À l’époque, je tenais littéralement toute ma vie dans une valise ».
[64] Ses autres éléments de preuve le confirment. Le requérant a dit qu’il avait loué une chambre à St. John’s (Terre-Neuve) à son cousin. Il avait utilisé cette adresse comme adresse postale. Sur un formulaire rempli en 2013, il avait écrit qu’il s’agissait également de son adresse de résidence. Cependant, il se rendait également à St. Alban’s, à Terre-Neuve, pour loger au X Motel. Il logeait parfois dans une cabane à Terra Nova, à Terre-Neuve. Il a dit qu’il rendait aussi visite à son épouse à la maison de Toronto, même si elle semble être retournée en Afrique du Sud en 2013. Il se déplaçait aussi entre le Canada et l’Afrique du Sud seul et est allé une fois en ChineNote de bas de page 68.
[65] De plus, le requérant a dit à maintes reprises qu’il conservait une demeure permanente, la maison de Toronto, et la considérait comme sa maison au CanadaNote de bas de page 69. Il a aussi dit qu’il conservait d’importants documents au X Motel à Terre-Neuve, mais que ceux-ci avaient été mangés par des ratsNote de bas de page 70. Il n’a mentionné cette perte considérable qu’après l’audience de la division générale. En revanche, il avait déjà mentionné une perte de documents lors d’un incendie à son domicile en Afrique du SudNote de bas de page 71.
[66] De plus, le requérant n’a mentionné la cabine de Terra Nova qu’après la fin de l’audience de la division d’appel. Plus de quatre ans s’étaient écoulés depuis qu’il avait présenté la deuxième demande. Il a assisté à deux longues audiences et présenté des observations écrites détaillées pendant cette période. La seule preuve objective qui concerne la cabine était un permis d’utilisation des terres (et un reçu) délivré en 1981Note de bas de page 72.
[67] Au cours des dernières années, le requérant a rarement été au Canada. Il n’a été ici qu’une seule fois depuis le début de 2019. Il a passé si peu de temps au Canada qu’il est difficile de décrire un mode de vie ordinaire. Tout au plus, son mode de vie au Canada était un facteur « neutre » de la décision Ding.
Un des facteurs de la décision Ding milite en faveur de la résidence au Canada
[68] Le requérant a mentionné à maintes reprises son intention de résider au CanadaNote de bas de page 73. Il s’agit d’un facteur de la décision Ding. En juillet 2022, il a dit qu’il avait l’intention de prendre sa retraite au Canada après avoir trouvé une personne convenable pour pourvoir son poste en Afrique du SudNote de bas de page 74. Cependant, même ce facteur de la décision Ding n’a pas beaucoup d’importance dans cet appel. Après plus de deux ans, il n’est toujours pas revenu ici de façon permanente. J’ai vu peu de preuves objectives à l’appui de son intention. Ce genre de preuve comprend des documents permettant à son épouse d’obtenir un statut juridique au Canada.
Certains facteurs de la décision Ding militent en faveur de la résidence en Afrique du Sud
Où le requérant a produit des déclarations de revenus
[69] Le requérant n’a pas produit de déclarations de revenus au Canada. Il a dit qu’il n’avait pas besoin d’en produire dans sa situation. Il a dit qu’il paierait des impôts au Canada lorsqu’il serait revenu de façon permanenteNote de bas de page 75. Ce facteur ne concorde pas avec la résidence au Canada. Il milite en faveur de la résidence à l’endroit où il vit et travaille (en Afrique du Sud).
Les liens du requérant dans un autre pays
[70] Le requérant a des liens importants en Afrique du Sud.
[71] Par exemple, le requérant avait des contacts à l’ambassade du Canada en Afrique du Sud et au G, une organisation contre-insurrectionnelle sud-africaineNote de bas de page 76. Ce n’est pas surprenant. Le requérant a vécu en Afrique du Sud de 1973 à 2012 et semble être retourné y vivre depuis 2013. Il avait géré avec succès de grandes entreprises de construction et de foresterie en Afrique du Sud et employait des centaines de personnesNote de bas de page 77. Il a dit qu’il faisait du réseautage tout le temps là-bas pour [traduction] « vite trouver du travail » pour son poste actuel chez Y. Il a également dit qu’il avait d’excellents contacts pour recueillir des fonds en Afrique du Sud lorsqu’il a commencé à travailler avec X en 2013Note de bas de page 78.
La présence du requérant (à la fois 1. la durée de ses séjours au Canada et 2. la fréquence et la durée de ses séjours à l’extérieur du Canada, et où il allait)
[72] Dans cet appel, la présence est un facteur de la décision Ding convaincant. Elle révèle où le requérant a réellement passé son temps. De toute évidence, depuis juillet 2013, il en a passé la majeure partie en Afrique du Sud. Même pour la durée du projet de pisciculture, il a estimé qu’il avait passé seulement la moitié de son temps au Canada. À l’exception d’un voyage en Chine, il a passé le reste de son temps en Afrique du Sud. Comme je l’ai mentionné, je vois peu de preuves objectives à l’appui de son affirmation selon laquelle il a passé la moitié de son temps au Canada. De plus, il a probablement consacré du temps à d’autres projets.
[73] Je vois très peu d’éléments de preuve concernant le temps que le requérant a passé au Canada après la fin du projet de pisciculture. Il a estimé qu’il avait été au Canada deux fois de décembre 2016 à décembre 2018. Depuis janvier 2019, il n’a été au Canada qu’une seule fois. Ce séjour a eu lieu il y a environ neuf mois et a duré à peu près un mois et demiNote de bas de page 79. Plus tôt, il a dit avoir assisté à deux foires commerciales au Canada depuis qu’il a commencé à travailler pour X au début de 2019Note de bas de page 80. Mais je ne vois pas non plus de preuve objective de ces visites récentes.
Résumé de l’analyse des facteurs de la décision Ding
[74] Seulement un des facteurs de la décision Ding (l’intention) milite en faveur de la résidence au Canada, mais même ce facteur n’est pas particulièrement fort ni appuyé par des éléments de preuve objectifs. Plusieurs facteurs ne sont pas concluants. D’autres facteurs, dont les liens du requérant en Afrique du Sud et les facteurs liés à sa présence physique, militent en faveur de la résidence en Afrique du Sud. Il a passé beaucoup plus de temps en Afrique du Sud qu’au Canada. Ainsi, lorsqu’on les examine ensemble, les facteurs de la décision Ding ne permettent pas de conclure à la résidence au Canada après juillet 2013.
Le requérant peut-il être considéré comme résident du Canada pour d’autres périodes après le 31 juillet 2013, selon la disposition relative à une entreprise canadienne?
[75] Le requérant n’a pas résidé au Canada pendant toute période après juillet 2013 aux termes de la disposition relative à une entreprise canadienne. Je vais maintenant expliquer comment je suis arrivé à cette conclusion.
Les éléments clés de la disposition relative à une entreprise canadienne
[76] Voici les principaux éléments de la disposition relative à une entreprise canadienneNote de bas de page 81 :
- 21(4) Lorsqu’une personne qui réside au Canada s’absente du Canada et que son absence […]
- (c) compte parmi les absences mentionnées au paragraphe (5),
- cette absence est réputée n’avoir pas interrompu la résidence ou la présence de cette personne au Canada.
- (5) Les absences du Canada dont il est question à l’alinéa (4)c) dans le cas d’un résident du Canada sont des absences qui se produisent dans les circonstances suivantes :
- (a) lorsque ledit résident était employé hors du Canada […]
- (vi) par une entreprise ou corporation canadienne en qualité de membre ou de représentant,
- si, au cours de sa période d’emploi hors du Canada, ce résident
- (vii) a conservé au Canada une demeure permanente à laquelle il avait l’intention de revenir, ou
- (viii) a gardé au Canada un établissement domestique autonome,
- et il est revenu au Canada dans un délai de six mois après la fin de sa période d’emploi hors du Canada ou, au cours de sa période d’emploi hors du Canada, il a atteint un âge qui le rendait admissible à une pension en vertu de la Loi; […]
[77] La disposition relative à une entreprise canadienne exige que le requérant réside au Canada immédiatement avant son application. En effet, cette disposition s’applique seulement à une « absence » pour une personne résidant au Canada. Dans ce cas-ci, le requérant a résidé au Canada jusqu’au 31 juillet 2013. Par conséquent, la disposition relative à une entreprise canadienne pourrait peut-être l’aider pour une période commençant en août 2013. C’est à ce moment qu’il est devenu associé de X. Il a dit avoir accepté l’offre de X le 1er août 2013Note de bas de page 82.
[78] Je vois deux périodes possibles pour lesquelles la disposition relative à une entreprise canadienne pourrait aider le requérant. La première période correspond à son travail avec X seulement. Celle-ci a pris fin en mars 2019, selon XNote de bas de page 83. La deuxième période correspond à la période combinée de travail de X et de Y. Y a déclaré que le requérant a été embauché en avril 2019Note de bas de page 84. Il travaille toujours pour Y. Les deux périodes ont commencé immédiatement après le 31 juillet 2013.
Comment la disposition relative à une entreprise canadienne s’applique-t-elle au travail du requérant avec X seulement?
[79] La disposition relative à une entreprise canadienne n’aide pas le requérant pour la période où il a travaillé avec X.
[80] Le travail du requérant chez X a pris fin en mars 2019. La disposition relative à une entreprise canadienne explique comment ce fait nuit à sa résidence au Canada.
[81] Un élément clé de la disposition relative à une entreprise canadienne est qu’une personne doit (1) revenir au Canada dans un délai de six mois après la fin de sa période d’emploi ou (2) au cours de sa période d’emploi hors du Canada, atteindre un âge qui la rendait admissible à une pension en vertu de la Loi sur la Sécurité de la vieillesse. Le requérant ne remplit aucune de ces conditions.
[82] Le requérant ne remplit pas la première condition parce qu’il a déclaré qu’il était revenu au Canada une seule fois depuis janvier 2019. Son retour a eu lieu environ neuf mois avant l’audience de la division d’appelNote de bas de page 85, donc autour de décembre 2023. Il n’était pas revenu dans un délai de six mois après mars 2019.
[83] Le requérant ne remplit pas non plus la deuxième condition. Il était devenu admissible à une pension de la Sécurité de la vieillesse après avoir repris la résidence au Canada à la fin de 2012. À cette époque, il avait plus de 10 ans de résidence au Canada, avait au moins 65 ans et résidait au Canada. En juillet 2013, il avait plus de 20 ans de résidence au Canada. Il était donc admissible à une pension de la Sécurité de la vieillesse même s’il ne résidait plus au Canada. Par conséquent, il n’est pas devenu admissible à une pension de la Sécurité de la vieillesse pendant qu’il travaillait à l’étranger avec X.
[84] Le requérant n’était pas un résident canadien pour la période d’août 2013 à mars 2019. En conséquence, qu’il ne pouvait pas non plus être un résident canadien pour la période commençant en avril 2019. En effet, comme je l’ai mentionné, la disposition relative à une entreprise canadienne s’applique seulement aux périodes commençant immédiatement après une période de résidence au Canada. Cependant, il n’était pas résident canadien à la fin de mars 2019.
[85] Par conséquent, la seule autre option pour le requérant dans le cadre de la disposition relative à une entreprise canadienne est de traiter son travail avec X et Y comme une seule période continue.
Comment la disposition relative à une entreprise canadienne s’applique-t-elle au travail combiné du requérant avec X et Y?
[86] Même si je considère le temps que le requérant a passé avec X et Y comme une seule période continue de travail, la disposition relative à une entreprise canadienne ne l’aide pas.
[87] Encore une fois, la disposition relative à une entreprise canadienne prévoit qu’une personne doit (1) revenir au Canada dans un délai de six mois après la fin de sa période d’emploi ou (2) au cours de sa période d’emploi hors du Canada, atteindre un âge qui la rendait admissible à une pension en vertu de la Loi sur la Sécurité de la vieillesse. Le requérant ne remplit aucune de ces conditions.
[88] Le requérant ne remplit pas la première condition parce que son emploi chez Y n’avait pas pris fin à la date de l’audience de la division d’appelNote de bas de page 86. Par conséquent, il n’a pas démontré qu’il est revenu au Canada dans les six mois suivant la fin de son emploi.
[89] Le requérant ne remplit pas la deuxième condition, pour les mêmes raisons que celles énoncées dans ma conclusion au sujet de son travail auprès de X seulement. Il était déjà devenu admissible à une pension de la Sécurité de la vieillesse, à titre de résident canadien, après être redevenu résident du Canada à la fin de 2012. En juillet 2013, il était admissible à une pension de la Sécurité de la vieillesse même s’il ne résidait plus au Canada. Ainsi, il n’est pas devenu admissible à une pension de la Sécurité de la vieillesse pendant qu’il travaillait à l’étranger auprès de X ou de Y.
[90] Par conséquent, le requérant n’était pas un résident canadien pour la période commençant en août 2013.
Questions que je n’ai pas à examiner
[91] Le requérant ne remplissait aucune des deux conditions de la disposition relative à une entreprise canadienne énoncées plus haut. Par conséquent, je n’ai pas à trancher certaines autres questions dans cet appel.
[92] Premièrement, je n’ai pas à décider si le requérant a eu deux périodes d’emploi distinctes (une avec X et une autre avec Y) ou seulement une période continue. J’ai vu des éléments de preuve qui pourrait appuyer l’une ou l’autre des options. À l’audience, le requérant a déclaré que Y l’avait embauché pour qu’il quitte X. Son emploi chez X semble s’être poursuivi au moins jusqu’en octobre 2021Note de bas de page 87. Mais il a aussi dit que Y [traduction] « a absorbé » X. Quoi qu’il en soit, pour les raisons mentionnées plus haut, la disposition relative à une entreprise canadienne n’aide pas le requérant.
[93] Deuxièmement, je n’ai pas à décider si le requérant avait au Canada une demeure permanente à laquelle il avait l’intention de revenir. Je n’ai pas non plus à décider s’il a gardé au Canada un établissement domestique autonome. Les parties ne se sont pas entendues sur la question de savoir si la maison de Toronto satisfaisait à l’une ou l’autre de ces exigences. Il devrait satisfaire à au moins une de ces exigences pour pouvoir se prévaloir de la disposition relative à une entreprise canadienne.
[94] Troisièmement, je n’ai pas à décider si le requérant était [traduction] « employé » par X ou Y. Je remarque qu’il n’a reçu ni paie ni salaire régulier dans l’un ou l’autre de ces rôles. La disposition relative à une entreprise canadienne exige que ces rôles soient des « emplois » et non une quelconque autre relation.
Quelle est l’incidence de ces conclusions sur la pension de la Sécurité de la vieillesse du requérant?
[95] J’ai conclu que la date de demande pertinente pour l’appel du requérant était le 7 juillet 2020. La Loi sur la Sécurité de la vieillesse prévoit que le versement de la pension commence le mois suivant l’approbation de la pensionNote de bas de page 88.
[96] Le requérant avait plus de 65 ans lorsqu’il a présenté sa demande. Ainsi, l’approbation de la pension entre en vigueur à la plus tardive des dates suivantesNote de bas de page 89 :
- un an avant la date où sa demande a été reçue;
- la date où il a eu 65 ans,
- la date où il est devenu admissible à la pension selon la Loi sur la Sécurité de la vieillesse;
- le mois précédant la date qu’il a précisée par écrit.
[97] Voici les dates pertinentes pour le requérant :
- le 7 juillet 2019 (un an avant la date où sa demande a été reçue);
- le 13 mai 2000 (date où il a eu 65 ans)Note de bas de page 90;
- le 8 juin 2013 (date où il a atteint 20 ans de résidence au Canada et pouvait recevoir une pension de la Sécurité de la vieillesse à l’étranger), la date où le requérant est devenu admissible à la pension selon la Loi sur la Sécurité de la vieillesseNote de bas de page 91;
- juin 2013 était la date précisée par écrit par le requérant dans sa demande, car il voulait que sa pension commence dès qu’il était admissibleNote de bas de page 92.
[98] La dernière de ces dates est juillet 2019. Par conséquent, la date d’approbation de la pension du requérant est juillet 2019. Le versement de sa pension commence donc en août 2019.
[99] Le ministre a déjà commencé à verser la pension de la Sécurité de la vieillesse au requérant avec une date d’entrée en vigueur d’août 2019Note de bas de page 93. Par conséquent, il n’a pas droit à d’autres paiements rétroactifs de sa pension de la Sécurité de la vieillesse.
[100] Pour ce qui est du montant de sa pension de la Sécurité de la vieillesse, le requérant a accumulé un total de 12 ans, 10 mois et 23 jours de résidence au Canada après avoir atteint l’âge de 18 ans. Sa résidence se compose des périodes suivantesNote de bas de page 94 :
- du 13 mai 1953 au 11 août 1959 (inclusivement) – 6 ans, 2 mois et 30 jours;
- du 17 février 1960 au 12 octobre 1962 (inclusivement) – 2 ans, 7 mois et 26 jours;
- du 26 mai 1963 au 24 avril 1964 (inclusivement) – 10 mois et 30 jours;
- du 25 juillet 1971 au 14 décembre 1973 (inclusivement) – 2 ans, 4 mois et 20 jours;
- du 22 novembre 2012 au 31 juillet 2013 (inclusivement) – 8 mois et 10 jours.
[101] Bien que le requérant ait résidé au Canada pendant moins de 20 ans après l’âge de 18 ans et qu’il ne réside pas actuellement au Canada, il a tout de même droit à une pension de la Sécurité de la vieillesse. En effet, il a également 7 ans et 3 mois de résidence réputée, en vertu d’un accord international de sécurité sociale avec l’AustralieNote de bas de page 95. Cette période de résidence en Australie compte pour la résidence au Canada, mais pas pour le montant de la pension de la Sécurité de la vieillesse.
[102] Les conclusions que j’ai tirées dans la présente décision ne modifient pas la résidence canadienne réelle du requérant après avoir atteint l’âge de 18 ans. Le requérant avait entre 12 et 13 années complètes de résidence au Canada après avoir atteint l’âge de 18 ans. Plus tôt cette année, le ministre a commencé à verser au requérant une pension de la Sécurité de la vieillesse de 12/40 du montant d’une pleine pension de la Sécurité de la vieillesseNote de bas de page 96. Il s’agit du bon montant, selon les dispositions de la Loi sur la Sécurité de la vieillesse relatives au paiementNote de bas de page 97.
Conclusion
[103] L’appel est rejeté. Le requérant n’a pas droit à d’autres paiements rétroactifs de la pension de la Sécurité de la vieillesse. Il n’a pas non plus droit à une augmentation des versements de la pension de la Sécurité de la vieillesse, car il n’a pas accumulé d’autres jours de résidence au Canada après juillet 2013.