Contenu de la décision
[TRADUCTION]
Citation : Succession de FH c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2025 TSS 130
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu
Décision
Partie appelante : | Succession de F. H. |
Partie intimée : | Ministre de l’Emploi et du Développement social |
Décision portée en appel : | Décision de révision datée du 8 mai 2024 rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Brianne Shalland-Bennett |
Mode d’audience : | Téléconférence |
Date de l’audience : | Le 28 janvier 2025 |
Personnes présentes à l’audience : | Appelant Intimé/Représentant de l’intimé |
Date de la décision : | Le 18 février 2025 |
Numéro de dossier : | GP-24-961 |
Sur cette page
- Décision
- Aperçu
- Question que j’ai examinée en premier
- Ce que l’appelant doit prouver
- Motifs de ma décision
- Conclusion
Décision
[1] L’appel est accueilli.
[2] L’appelant, à savoir la succession de F. H., a droit à une pension partielle de la Sécurité de la vieillesse à un taux de 8/40. La pension est payable dès août 2018.
[3] La présente décision explique pourquoi j’accueille l’appel.
Aperçu
[4] F. H. est né en décembre 1942. Il est décédé en octobre 2022. Sa succession est représentée par son gendre, qui est l'appelant dans cet appel. F. H. a demandé une pension de la Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti en juillet 2018Note de bas de page 1. Son gendre l’a aidé à présenter sa demande.
[5] En septembre 2018, le ministre de l’Emploi et du Développement social a affirmé que F. H. n’avait pas résidé au Canada assez longtemps pour être admissible à ces prestations. Le ministre a acheminé la demande de F. H. à une de ses équipes spécialisées pour voir si un accord international lui permettrait d’y être admissible.Note de bas de page 2
[6] En décembre 2020, le ministre a envoyé à F. H. une lettre lui demandant des renseignements sur son revenu afin de traiter sa demande. Le ministre est resté sans réponse. En juillet 2021 et en octobre 2021, le ministre a envoyé des lettres de suivi. En février 2022, le ministre a envoyé à F. H. une dernière lettre l’avisant qu’il mettrait fin à l’examen de son dossier s’il ne recevait pas de réponse. Il a précisé qu’il lui faudrait alors présenter une nouvelle demandeNote de bas de page 3.
[7] En mai 2023, l’appelant a présenté une demande de pension de la Sécurité de la vieillesse post mortem pour F. HNote de bas de page 4. Le ministre a approuvé cette demande en novembre 2023, pour un versement commençant en novembre 2021Note de bas de page 5.
[8] Après avoir reçu la lettre d’approbation concernant la deuxième demande en novembre 2023, l’appelant a demandé au ministre de réviser la date où la pension devenait payableNote de bas de page 6. Le ministre a demandé à l'appelant de préciser la demande visée par cette requêteNote de bas de page 7. L’appelant a répondu que la révision demandée concernait la demande de juillet 2018Note de bas de page 8.
[9] Le ministre a alors révisé sa décision concernant la demande de juillet 2018. Il a fait savoir que F. H. n’avait jamais répondu à ses demandes de renseignements. Par conséquent, le ministre maintenait sa décision rejetant la demande de juillet 2018Note de bas de page 9.
[10] L’appelant a fait appel de cette décision du ministre à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Il a dit que F. H. n’avait jamais reçu les lettres du ministre parce qu’il avait déménagé. L’appelant veut que la pension commence en septembre 2019Note de bas de page 10.
[11] Selon le ministre, l’appel devrait porter sur la question de savoir si l’appelant devrait avoir plus de temps pour demander la révision de la décision de février 2022. Il soutient qu’il ne peut pas avoir plus de temps pour demander cette révisionNote de bas de page 11.
[12] Je vais donc examiner deux questions dans le présent appel. D’abord, je vais me pencher sur les arguments du ministre concernant une révision tardiveNote de bas de page 12. Ensuite, je vais examiner s’il faut approuver la demande de juillet 2018 de l’appelant.
Question que j’ai examinée en premier
Le présent appel ne porte pas sur une révision tardive
[13] Le présent appel ne concerne pas une révision tardive.
[14] Une personne présente une demande de révision quand elle n’est pas d’accord avec la décision du ministre et lui demande de changer d’avis. Normalement, une telle demande est présentée dans les 90 jours suivant la réception de la décisionNote de bas de page 13. Le ministre peut toutefois prolonger ce délai s’il est convaincu qu’il existe une explication raisonnable justifiant un plus long délai et que la personne a manifesté l’intention constante de demander une révisionNote de bas de page 14.
[15] Lorsqu’une demande de révision est présentée plus de 365 jours après la décision ou présentée par une personne qui demande pour la seconde fois la même prestation (comme c’est ici le cas), le ministre doit également être convaincu que la demande de révision a une chance raisonnable de succès et que le ministre ne subirait pas de préjudiceNote de bas de page 15.
[16] À l’audience, le ministre a déclaré que l’appelant n’avait fourni aucune explication pour son retard et n’avait pas manifesté l’intention constante de demander une révision. Le ministre ne peut donc pas lui donner plus de temps pour demander une révisionNote de bas de page 16.
[17] Pourtant, le ministre a déjà donné plus de temps à l’appelant. Il a effectivement répondu à sa demande de révision de novembre 2023, puis a rendu une décision de révision en mai 2024. Il y disait maintenir sa décision de février 2022 qui rejetait la demandeNote de bas de page 17.
[18] À l’audience, le représentant du ministre a déclaré que la demande de révision avait été renvoyée à un service régional alors qu’elle aurait dû passer par son unité responsable des accords internationaux. Il dit qu’il semblerait que les demandes et les décisions n’aient pas été bien communiquées entre les différentes unités. L’unité responsable des accords internationaux a seulement été mise au fait de la demande de révision et de la décision de révision quand l’appelant a fait appel.
[19] J’ai demandé au ministre s’il est possible que ces deux unités partagent les informations qu’elles détiennent. J’ai également demandé si ces informations auraient pu être examinées et si une décision aurait tout de même pu être rendue. Le représentant a dit que le ministre dispose d’un système où l’information peut être partagée. Il ne pouvait toutefois pas commenter des actions qui auraient pu être faites quand il n’était pas présent. Il maintient que cet appel concerne le retard de la demande de révision.
[20] Je ne suis pas d’accord avec le ministre.
[21] L’appelant est libre de demander une révision dans la mesure où il n’est pas satisfait de la décision. Il doit le faire dans un délai de 90 jours, mais le ministre peut prolonger ce délai s’il est convaincu que l’appelant a rempli les critères mentionnés plus tôt. Comme le ministre a rendu une décision de révision suivant la demande de l’appelant et qu’il n’a pas rejeté sa demande sur la base d’un retard, le ministre a déjà prolongé le délai dont disposait l’appelant pour demander une révision.
[22] Indépendamment des malentendus et des communications qui ont pu se produire au sein du ministère, les faits demeurent les mêmes. Le ministre a rendu une décision de révision relative à la demande de révision de l’appelant. C’est pour cette raison que l’appelant a un droit d’appel devant le Tribunal.
[23] Maintenant, voyons ce que l’appelant doit prouver en ce qui concerne la demande de juillet 2018.
Ce que l’appelant doit prouver
[24] La question en litige dans cet appel est de savoir si F. H. avait droit à une pension partielle. La pension partielle dépend du nombre d’années (sur 40) pendant lesquelles une personne a résidé au Canada après avoir eu 18 ans. Par exemple, une personne ayant 12 ans de résidence reçoit une pension partielle de 12/40 du montant d’une pleine pension.
[25] Pour avoir droit à une pension partielle, l’appelant doit prouver que F. H. a résidé au Canada pendant au moins 10 ans après avoir eu 18 ans. Par contre, si F. H. ne résidait pas au Canada la veille du jour où sa demande a été approuvée, il doit prouver qu’il a résidé au Canada pendant au moins 20 ansNote de bas de page 18.
[26] L’appelant doit prouver que F. H. a résidé au Canada selon la prépondérance des probabilités. En d’autres mots, il doit me convaincre qu’il est plus probable qu’improbable que F. H. a résidé au Canada pendant les périodes pertinentesNote de bas de page 19.
Le critère juridique lié à la résidence
[27] Selon la loi, une personne peut avoir été présente au Canada sans avoir résidé au Canada. Les termes « résidence » et « présence » ont chacun leur propre définition. Je dois tenir compte de ces définitions pour rendre ma décision.
[28] Une personne réside au Canada si elle établit sa demeure et vit ordinairement dans une région du CanadaNote de bas de page 20.
[29] Une personne est présente au Canada lorsqu’elle se trouve physiquement dans une région du CanadaNote de bas de page 21.
[30] Pour décider si F. H. résidait au Canada, je dois examiner l’ensemble de la situation et divers facteurs servant à établir s’il avait établi sa demeure et vivait ordinairement au CanadaNote de bas de page 22.
Motifs de ma décision
[31] Je conclus que la succession de F. H.Note de bas de page 23 est admissible à une pension partielle de la Sécurité de la vieillesse au taux de 8/10. Les 10 ans et 119 jours où F. H. a vécu et travaillé aux Philippines comptent également pour sa résidence au Canada. Ces années l’aident à remplir les conditions requises pour recevoir une pension de la Sécurité de la vieillesse, sans toutefois changer le montant de la pension.
Périodes de résidence de F. H.
[32] Je conclus que F. H. a résidé au Canada pendant 8 ans et 218 jours.
[33] J’ai examiné l’admissibilité de F. H. du 21 août 2009 au 27 juillet 2018. La première date est basée sur le jour de son arrivée initiale au Canada, indiqué à son passeportNote de bas de page 24.
[34] Je remarque que le ministre a examiné son admissibilité jusqu’au 30 juillet 2017, comme l’indique la feuille de calcul de la résidence de ses opérations internationales. Je ne sais pas bien pourquoi le ministre a choisi cette date. Il n’a d’ailleurs fourni aucune observation ou explication pour justifier ce choixNote de bas de page 25.
[35] Je ne suis pas d’accord avec la date choisie par le ministre. J’ai pour ma part fixé la date au 27 juillet 2018, comme c’est le jour où F. H. a demandé une pension de la Sécurité de la vieillesse. Dans sa demande, F. H. avait dit vouloir que sa pension commence dès qu’il remplissait les conditions requisesNote de bas de page 26.
[36] De plus, le dossier ne contient aucun indice qui me ferait croire que F. H. n’aurait pas continué à résider au Canada après y être arrivé en août 2009, et ce jusqu’au 27 juillet 2018. Sa première demande montre qu'il vivait toujours au Canada au moment de la présenter. Sa deuxième demande montre qu’il a continué de vivre au Canada jusqu’à son décèsNote de bas de page 27. Le ministre n’a pas abordé ni contesté ces faits.
L’accord entre le Canada et les Philippines aide F. H. à remplir les conditions requises
[37] Le Canada a un accord de sécurité sociale avec les Philippines. La période durant laquelle F. H. a résidé et travaillé dans ce pays est prise en compte dans son admissibilité à la pension de la Sécurité de la vieillesseNote de bas de page 28.
[38] Le gouvernement des Philippines a fourni au ministre des renseignements qui montrent que F. H. a passé aux Philippines une période correspondant à 10 ans et 119 jours de résidence au CanadaNote de bas de page 29.
[39] Ainsi, pour décider si F. H. avait accumulé assez d’années de résidence pour avoir droit à une pension de la Sécurité de la vieillesse, je peux ajouter ces années à celles où il a résidé au Canada. Même si elles ne permettent pas de majorer le montant de sa pension, elles le rendent admissible à la pension en lui donnant les 10 années de résidence requises.
Les documents que le ministre a demandés à l’appelant
[40] Le ministre avait demandé un certain nombre de documents dans ses lettres de décembre 2020, de juillet 2021 et d’octobre 2021.
[41] L’appelant a dit qu’il n’était pas au courant de ces lettres. Il pensait que la demande de F. H. était en traitement. Il dit qu’il est probable que F. H. et lui n’ont jamais reçu ces lettres, comme F. H. avait déménagé. Il avait aidé F. H. à faire sa première demande. S’il avait reçu ces lettres, il y aurait donné suite. Je crois ce que dit l’appelant.
[42] L’appelant a depuis fourni tous les renseignements nécessaires pour que le ministre puisse approuver la première demande. Je tire cette conclusion parce que le ministre avait suffisamment de renseignements pour approuver la deuxième demande. Le dossier ne montre aucune lettre ou demande de renseignements subséquenteNote de bas de page 30.
[43] Je ne vois aucune raison de ne pas approuver la demande de juillet 2018. À l’audience, le représentant du ministre a d’ailleurs déclaré que la demande de juillet 2018 aurait été approuvée si tous les documents avaient été fournis au moment demandé.
L’appelant est admissible à une pension partielle de la Sécurité de la vieillesse en juillet 2018
[44] L’appel de l’appelant est accueilli. F. H. était admissible en juillet 2018 à une pension partielle de la Sécurité de la vieillesse au taux de 8/40Note de bas de page 31. Sa résidence aux Philippines l’a aidé à remplir les conditions requises pour recevoir la pension. Elle ne change toutefois rien au montant de la pensionNote de bas de page 32.
[45] La pension est payable à partir d’août 2018. En effet, le versement de la pension de la Sécurité de la vieillesse commence le mois suivant l’approbation de la pension et, lorsqu’une demande est approuvée après le dernier jour du mois où elle a été reçue, l’approbation peut prendre effet plus tôt, au jour de la réception de la demandeNote de bas de page 33.
Conclusion
[46] Je conclus que l’appelant a droit à une pension partielle de la Sécurité de la vieillesse au taux de 8/40.
[47] Par conséquent, l’appel est accueilli.