Contenu de la décision
[TRADUCTION]
Citation : AC c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2024 TSS 1692
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu
Décision
Partie appelante : | A. C. |
Partie intimée : | Ministre de l’Emploi et du Développement social |
Partie mise en cause : | Z. C. |
Décision portée en appel : | Décision de révision datée du 25 avril 2023 rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Brianne Shalland-Bennett |
Mode d’audience : | Téléconférence |
Date de l’audience : | Le 22 octobre 2024 |
Date de la décision : | Le 22 octobre 2024 |
Numéro de dossier : | GP-23-913 |
Sur cette page
- Décision
- Aperçu
- Questions que je dois examiner en premier
- Ce que l’appelant doit prouver
- Motifs de ma décision
- Le Tribunal n’a pas compétence en équité
- Conclusion
Décision
[1] L’appel est rejeté.
[2] L’appelant, A. C., n’était pas admissible à l’allocation de la Sécurité de la vieillesse pour la période allant d’avril 2018 à août 2021.
[3] J’explique dans cette décision pourquoi je rejette l’appel.
Aperçu
[4] L’appelant a demandé une allocation en mai 2018. Dans sa demande, ainsi que dans une déclaration solennelle qu’il a signée, l'appelant a déclaré qu'il était marié.Note de bas de page 1 Sa demande d’allocation a été accueillie par le ministre de l’Emploi et du Développement social, sur le fondement qu'il était mariéNote de bas de page 2.
[5] Le ministre dit que l’appelant a ensuite téléphoné à Service Canada pour dire qu’il était séparé. Il lui a fourni une lettre et un document notarié expliquant que la mise en cause et lui s’étaient séparés en décembre 2017 et réconciliés en août 2021Note de bas de page 3.
[6] À la lumière de ces renseignements, le ministre a écrit une lettre à l’appelant en septembre 2021. La lettre expliquait qu’il n’aurait jamais dû recevoir l’allocation pour la période allant d’avril 2018 à août 2021, comme il était séparé de la mise en cause. L’appelant avait donc reçu de l’argent auquel il n’avait pas droit. Cet argent, qu’on appelle un trop-payé, doit être remboursé par l’appelantNote de bas de page 4.
[7] L’appelant a demandé au ministre de réviser sa décision. Il pensait que le ministre aurait été au courant du changement dans son état matrimonial, croyant que tous les organismes gouvernementaux partagent ces informations. Il était aussi d’avis que les montants de ses remboursements étaient trop élevésNote de bas de page 5. Le ministre a rejeté la demande de l’appelant et a maintenu sa positionNote de bas de page 6.
[8] L’appelant a fait appel de la décision issue de la révision du ministre devant le Tribunal de la sécurité socialeNote de bas de page 7. Dans son appel, l’appelant s’est dit en désaccord avec le montant total du trop-payé. Il a déjà des factures à payer et a du mal à y arriver. L’appelant et la mise en cause ont par la suite envoyé une lettre datée d’août 2023, où ils disaient s’être séparés en décembre 2017 et s’être réconciliés le 17 octobre 2018Note de bas de page 8.
[9] Le ministre, lui, affirme que la preuve montre que l’appelant et la mise en cause se sont séparés en décembre 2017 et réconciliés en août 2021. L’appelant n’a donc pas droit à l’allocation d’avril 2018 à août 2021.
Questions que je dois examiner en premier
L’appelant n’était pas présent à l’audience
[10] Une audience peut avoir lieu sans l’appelant si celui-ci a reçu l’avis d’audienceNote de bas de page 9. J’ai décidé que l’appelant avait reçu l’avis d’audience. L’audience a donc eu lieu à la date prévue, mais sans l’appelant et la mise en cause.
[11] Je souligne que l’audience avait déjà été reportée à de nombreuses reprises.
[12] Une audience avait récemment été fixée au 2 octobre 2024. L’appelant n’y a pas assisté. Le Tribunal a donc téléphoné à l’appelant. Durant cet appel, l’appelant a demandé que l’audience soit reportée à cause de sa santé. J’ai consenti à cette demande. Nous avons convenu de reporter l’audience au 10 octobre 2024. J’ai alors expliqué à l’appelant que l’audience aurait lieu le 10 octobre 2024 et qu’un certificat médical serait nécessaire si l’audience devait de nouveau être reportée pour des raisons médicales. L’appelant a dit qu’il comprenait et qu’il était d’accord.
[13] Le 2 octobre 2024, un nouvel avis d’audience, accompagné de ces instructions, a été transmis par courriel à l’appelant et à la mise en cause. Le nouvel avis d’audience leur a aussi été livré le 4 octobre 2024, d’après les informations de repérageNote de bas de page 10. Le 10 octobre 2024, une note médicale a été transmise pour montrer que l’appelant avait eu un rendez-vous médical. La note précisait également que l’appelant avait des rendez-vous de suivi prévus le 29 octobre 2024 et le 7 novembre 2024Note de bas de page 11. L’audience a été reportée au 22 octobre 2024.
[14] Le 10 octobre 2024, le Tribunal a envoyé par courriel un nouvel avis d’audience aux partiesNote de bas de page 12. Le 15 octobre 2024, le Tribunal a téléphoné à l’appelant et à la mise en cause. L’appelant a dit qu’il prévoyait participer à l’audience. La mise en cause a dit qu’elle n’y serait pas.
[15] Le 22 octobre 2024, l’appelant n’a pas pris part à l’audience. J’ai attendu l’appelant et la mise en cause pendant 30 minutes. Ils ne sont jamais connectés. Après l’audience, j’ai examiné le dossier. J’ai vu deux nouveaux courriels de l’appelant. Le premier était un formulaire d’aiguillage, transmis par son médecin la veille au soir, le 21 octobre 2024. Dans le deuxième courriel, envoyé à 9 h 50 le matin même de l’audience, l’appelant invoquait une maladie et demandait un ajournement.
[16] J’ai rejeté le formulaire d’aiguillage de son médecin, comme il était en retard. J’ai expliqué dans une lettre pourquoi j’ai rejeté ce document. Voici en gros pourquoi. D’abord, d’après la date estampillée par le télécopieur, cette lettre remonterait à novembre 2018. Ensuite, la lettre ne contient aucun nom, ni la date et l’heure d’un rendez-vous. La lettre est vide.
[17] L’appelant n’a rien inclus d’autre dans le courriel pour expliquer pourquoi il avait envoyé ce formulaire. Il n’y a rien dans le formulaire qui permette de savoir que la lettre concerne bel et bien l’appelant. Et il n’y a rien dans le formulaire qui montre que l’appelant serait incapable de participer à l’audience pour des raisons médicales.
[18] J’ai également considéré la demande de l’appelant par courriel concernant le report de l’audience. Il n’avait pas reçu de réponse du Tribunal avant l’audience pour savoir si sa demande était accueillie ou non. Il n’a pas non plus participé à l’audience pour obtenir une réponse. La lettre de l’appelant n’expliquait pas pourquoi sa maladie l’empêchait de participer à l’audience. Il n’a pas non plus fourni de note médicale montrant pourquoi il ne pouvait pas participer à l’audience du 22 octobre 2024.
[19] J’ai examiné les règles du Tribunal concernant la modification de la date d’une audienceNote de bas de page 13. Je crois avoir été juste. J’ai décidé de ne pas reporter l’audience. Je ne dois modifier la date de l’audience que si ce changement est nécessaire pour assurer une audience équitableNote de bas de page 14. J’ai jugé que l’audience serait équitable, même si elle n’était pas reportée.
[20] La date limite pour que l’appelant et la mise en cause soumettent des documents a pris fin il y a plus d’un an, soit le 15 août 2023. Ni l’un ni l’autre ne s’est prévalu de son droit de réponse, qui prenait fin le 27 octobre 2023. J’ai donné de nombreuses chances à l’appelant pour participer à l’audience à une date ultérieure. Je lui ai offert la possibilité d’une audience par écrit, et j’ai reporté l’audience six foisNote de bas de page 15. J’ai expliqué à l’appelant qu’il devait fournir un certificat médical expliquant pourquoi il ne pouvait pas participer à l’audience. Il n’en a jamais fourni.
Ce que l’appelant doit prouver
[21] C’est à l’appelant qu’il revient de démontrer son admissibilité à l’allocationNote de bas de page 16.
[22] Pour recevoir l’allocation, l’appelant doit avoir entre 60 à 64 ans et être l’époux ou le conjoint de fait d’une personne pensionnée qui reçoit le supplément de revenu garanti. Dans le cas d’une séparation, le versement de l’allocation est suspendu le troisième mois de la séparationNote de bas de page 17.
[23] Personne ne conteste l’âge de l’appelant au moment de recevoir l’allocation. Personne ne conteste non plus que son épouse, la mise en cause, touchait le supplément de revenu garanti. Ici, la seule question en litige est de savoir quand l’appelant a été séparé de son épouse et quand ils se sont réconciliés.
[24] Le terme « séparation » n’est pas défini par la Loi sur la sécurité de la vieillesse. Ainsi, pour établir ce que signifie le fait d’être séparé, je dois examiner le sens ordinaire du mot et voir comment il cadre avec l’objet de la Loi sur la sécurité de la vieillesse et l’intention du législateurNote de bas de page 18.
[25] Le mot « séparé » est généralement utilisé pour décrire des personnes ou des choses qui sont éloignées. Quand il est question de personnes mariées, le fait d’être séparé a généralement une signification plus profonde. Pour qu’un couple marié soit séparé, il faut qu’au moins une des deux personnes ait décidé de ne plus faire partie de ce couple ou de ne plus être considérée comme faisant partie de ce couple, et avoir concrètement donné suite à cette décision.
[26] Pour gagner son appel, l’appelant doit prouver qu’il n’était pas séparé de la mise en cause tout en touchant l’allocation.
Motifs de ma décision
[27] L’appelant s’est séparé de la mise en cause en décembre 2017Note de bas de page 19, et il est plus probable qu’improbable qu’ils se sont réconciliés en août 2021. L’appelant n’aurait pas dû recevoir l’allocation d’avril 2018 à août 2021, soit du troisième mois suivant leur séparation au mois de leur réconciliation.
[28] Comme je l’ai mentionné, l’appelant dit s’être réconcilié avec la mise en cause le 17 octobre 2018. Le ministre, lui, dit qu’ils se sont réconciliés en août 2021Note de bas de page 20.
[29] Des éléments de preuve montrent que l’appelant et la mise en cause ont vraisemblablement vécu ensemble à partir de 2017. Des documents montrent effectivement qu’ils résidaient tous les deux dans une maison à Brampton. Cela dit, il est possible que des époux soient séparés tout en vivant encore sous le même toitNote de bas de page 21.
[30] La preuve ne traite aucunement des comportements dont l’appelant et la mise faisaient montre un envers l’autre ni de la façon dont ils se présentaient publiquement à partir d’octobre 2018, moment où ils prétendent s’être réconciliés.
[31] Comme l’appelant et la mise en cause n’ont pas participé à l’audience, je n’ai pas pu les interroger sur leur relation. J’ai donc basé ma décision sur l’ensemble des renseignements compris dans le dossier d’appel.
[32] Il est plus probable qu’improbable que l’appelant et la mise en cause étaient séparés de 2018 à 2020.
[33] Dans sa demande d’allocation de mai 2018, l’appelant a déclaré qu’il était marié à la mise en cause. Ils ont signé en janvier 2018 une déclaration solennelle disant la même choseNote de bas de page 22. Toutefois, un avis relatif au crédit pour la TPS/TVH de l’appelant indique « célibataire » pour son état matrimonial en 2018Note de bas de page 23.
[34] Récemment, l’appelant et la mise en cause ont envoyé une lettre assermentée datant d’octobre 2018 et expliquant qu’ils se sont réconciliés en octobre 2018. Cette lettre contredit pourtant la lettre notariée que l’appelant a signée en 2021, et dont je parlerai plus loin. Elle contredit également la déclaration qu’il a faite à l’Agence du revenu du Canada aux fins du crédit pour la TPS/TVH. À mes yeux, cette lettre n’est donc pas fiableNote de bas de page 24.
[35] Il y a une lettre datée de juillet 2023, rédigée par un parajuriste, qui montre que l’appelant et la mise en cause l’ont engagé en novembre 2019 pour un accident de voiture survenu un mois plus tôtNote de bas de page 25. Je juge que le fait d’avoir été ensemble dans un accident de voiture durant cette période ne démontre pas que l’appelant et la mise en cause étaient mariés ou séparés. Cela montre simplement qu’ils ont eu un accident ensemble.
[36] En 2019, l’appelant et la mise en cause se sont chacun déclarés célibataires dans des documents gouvernementaux. Une capture d’écran de l’Agence du revenu du Canada montre que l’appelant s’est dit célibataire pour l’année de revenus 2019. Une déclaration de revenus et de prestations de la mise en cause atteste également que le couple était séparé en 2019Note de bas de page 26.
[37] La preuve de la mise en cause montre qu’elle se considérait comme séparée en 2020. D’après une capture d’écran de l’Agence du revenu du Canada pour l’année de revenus 2020, l’appelant s’est dit marié durant cette annéeNote de bas de page 27. Cependant, dans une lettre datée d’août 2020, la mise en cause affirme avoir produit sa déclaration de revenus en tant que personne « séparée ». Son avis de cotisation pour 2020 montre aussi que son état matrimonialNote de bas de page 28 est « séparée ».
[38] Je conclus qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant et la mise en cause se sont réconciliés en 2021.
[39] L’appelant a dit que la date d’août 2021 est une erreur attribuable à son incapacité, à sa dépression et à sa mémoire à court termeNote de bas de page 29. Toutefois, aucune preuve médicale au dossier ne montre qu’il aurait de la confusion, une mauvaise mémoire ou toute autre limitation cognitive l’empêchant de donner la bonne date.
[40] L’appelant a soumis des documents à Service Canada et a produit des déclarations de revenus montrant qu’il était séparé en août 2021. En août 2021, l’appelant et la mise en cause ont signé une lettre notariée expliquant qu’ils s’étaient réconciliés la première semaine d’août 2021Note de bas de page 30. En septembre 2021, l’appelant a rempli un questionnaire de Service Canada où il disait être marié à la mise en cause depuis août 2021Note de bas de page 31. Les déclarations de revenus de l’appelant et de la mise en cause montrent que le couple s’est réconcilié en 2021Note de bas de page 32.
[41] L’appelant n’a pas contesté la date de la réconciliation pendant des années après avoir été avisé du trop-payé. Dans sa lettre d’octobre 2021 adressée au ministre, l’appelant ne conteste pas avoir été séparé. Il dit plutôt avoir présumé que tous les organismes gouvernementaux auraient eu cette information dans leurs dossiers. Dans son avis d’appel de mai 2023, l’appelant ne conteste pas non plus les dates de la séparationNote de bas de page 33. Selon moi, il en ressort qu’il connaissait les dates et qu’il conteste seulement le revenu.
[42] L’appelant n’a pas démontré qu’il avait droit à l’allocation. La preuve montre qu’il a été séparé de la mise en cause de décembre 2017 à août 2021.
Le Tribunal n’a pas compétence en équité
[43] L’appelant a dit avoir eu des difficultés financières vu le montant du trop-payé qu’il doit rembourser. Cependant, mes décisions ne peuvent pas être fondées sur la compassion. Conformément à la loi, je ne peux pas rendre une décision simplement parce que je l’estime juste ou parce que je veux aider l’appelant dans des circonstances difficiles.
[44] Le ministre dit qu’il peut revoir le montant du remboursement mensuel de l’appelant et le rajuster selon ses besoins financiersNote de bas de page 34. Ce recours ne relève pas du Tribunal. Il existe auprès du ministre, avec qui l’appelant a fait affaire par l'intermédiaire de Service Canada.
Conclusion
[45] Je conclus que l’appelant n’était pas admissible à l’allocation d’avril 2018 à août 2021, comme il était séparé de la mise en cause. L’appelant doit rembourser toute somme due comme il a reçu de l’argent sans y avoir droit.
[46] Par conséquent, l’appel est rejeté.