Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : RM et La succession de DA c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2024 TSS 1694

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Parties appelantes : R. M. et La succession de D. A.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de révision rendue le 9 février 2024 par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Shannon Russell
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 4 novembre 2024
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 24 novembre 2024
Numéro de dossier : GP-24-501 et GP-24-502

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Décision

[1] Les appels sont rejetés.

[2] Les parties appelantes, R. M. et la succession de D. A., n’ont pas droit à toutes les sommes qu’elles ont reçues à titre de Supplément de revenu garanti de novembre 2022 à mai 2023.

[3] La présente décision explique pourquoi je rejette les appels.

Aperçu

[4] La présente décision porte sur deux appels. Dans un appel, l’appelante est R. M. Dans l’autre, la partie appelante est la succession de D. A.

[5] R. M. et D. A. étaient mariés. R. M. représente la succession.

[6] D. A. est décédé en mai 2023Note de bas de page 1. Avant son décès, son épouse et lui recevaient le Supplément à titre de personnes pensionnées célibataires (ou séparées). En effet, le couple avait avisé le ministre de l’Emploi et du Développement social de leur séparation en 1998Note de bas de page 2.

[7] Après le décès de D. A., le ministre a appris que le couple s’était réconcilié en octobre 2022.

[8] En septembre 2023, le ministre a écrit à chacune des parties pour leur expliquer qu’en ce qui concerne le Supplément, elles n’avaient pas droit à toutes les sommes qu’elles avaient reçues de novembre 2022 (le mois suivant la réconciliation) à mai 2023 (le mois du décès de D. A.). Le ministre a expliqué que chaque partie devait rembourser l’argent auquel elle n’avait pas droit. Le ministre a calculé les trop-perçus (sommes reçues en trop) pour chaque partie : 1 098,76 $ pour R. M. et à 3 023,76 $ pour la successionNote de bas de page 3.

[9] Les parties appelantes ont demandé au ministre de réviser ses décisionsNote de bas de page 4, ce qu’il a fait. Il a cependant maintenu les décisionsNote de bas de page 5.

[10] Les parties appelantes ont porté les décisions de révision en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité socialeNote de bas de page 6.

[11] Selon R. M., elle ne devrait pas avoir à rembourser d’argent au gouvernement parce que l’Agence du revenu du Canada était au courant de sa nouvelle situation familiale. Elle ajoute que le remboursement de ces sommes la plongerait dans des difficultés financières. Selon elle, le ministre a mis beaucoup de temps à recalculer les versements. S’il l’avait fait plus tôt, elle aurait pu ajuster son budget en conséquence.

[12] Le ministre explique qu’il devait recalculer le montant du Supplément auquel chaque personne avait droit, car le couple s’est réconcilié en octobre 2022. Il a donc refait le calcul en fonction de leur revenu combiné depuis novembre 2022. Le ministre ajoute que la loi ne l’autorise pas à fonder ses décisions sur la compassion quand il vérifie si les gens ont droit à une prestation fondée sur le revenu, comme le Supplément.

Ce que les parties appelantes doivent prouver

[13] Les parties appelantes ne contestent pas l’existence de la réconciliation. Autrement dit, elles reconnaissent qu’il y a eu réconciliation et qu’elle a eu lieu en octobre 2022. Elles contestent plutôt le remboursement qu’elles doivent verser au gouvernement.

[14] Pour gagner leurs appels, les parties appelantes doivent démontrer qu’elles ne devraient pas avoir à rembourser cet argent au gouvernement.

Question de procédure

J’ai joint deux appels

[15] En août 2024, j’ai décidé de joindre les deux appels, c’est-à-dire les dossiers GP-24-501 et GP-24-502. J’explique pourquoi dans ma lettre datée du 28 août 2024Note de bas de page 7.

Constatations

[16] De novembre 2022 à mai 2023, les parties appelantes touchaient le Supplément sans avoir droit à l’entièreté des sommes reçues. Il leur faut rembourser cet argent au gouvernement.

Pourquoi la situation familiale est importante pour le calcul du Supplément

[17] Le Supplément est versé aux personnes qui reçoivent la pension de la Sécurité de la vieillesse et qui ont des revenus modestes ou pas d’autre revenuNote de bas de page 8.

[18] Si une personne pensionnée est mariée et non séparée, le montant du Supplément auquel elle a droit est fondé sur le revenu combiné du coupleNote de bas de page 9.

[19] Si une personne mariée et séparée se réconcilie ensuite avec son épouse ou son époux, le montant du Supplément est recalculé à partir du mois suivant la réconciliationNote de bas de page 10.

Les personnes qui touchent le Supplément doivent aviser le ministre de tout changement de situation familiale

[20] La loi exige que les personnes qui reçoivent le Supplément informent le ministre sans délai des changements apportés à leur situation familiale. Le mot « ministre » désigne le ministre de l’Emploi et du Développement socialNote de bas de page 11.

[21] Il n’y a aucune exception à cette règle, même si les personnes ne sont pas au courant de leurs obligations.

Informer l’Agence du revenu du Canada n’est pas suffisant

[22] L’appelante affirme qu’elle a rempli son obligation d’informer le ministre du changement de sa situation familiale parce qu’elle l’a signalé à l’Agence du revenu du Canada.

[23] Aviser l’Agence d’un tel changement ne remplit pas l’obligation d’en aviser le ministre.

[24] Dans l’affaire Barry, la Cour d’appel fédérale [sic] a confirmé qu’en ce qui concerne le Supplément, il ne suffit pas d’informer seulement l’Agence du revenu du Canada du changement de l’état matrimonial. La personne qui reçoit le Supplément doit aussi en informer le ministreNote de bas de page 12.

[25] J’ai l’obligation de suivre les décisions de la Cour fédérale. En d’autres termes, je dois interpréter la loi de la même façon que la Cour.

La loi prévoit le remboursement au gouvernement des sommes reçues en trop

[26] D’après la loi, si une personne reçoit une prestation sans y avoir droit ou si elle reçoit plus d’argent que les sommes auxquelles elle a droit, elle doit rembourser cet argent au gouvernementNote de bas de page 13.

Mon pouvoir est limité

[27] Je n’ai pas le pouvoir de trancher toutes les questions.

Je n’ai pas le pouvoir d’annuler ou de rayer les sommes reçues en trop

[28] À l’audience, R. M. a parlé des difficultés financières que les trop-perçus ont engendrées. Elle a ajouté qu’elle était prête à faire du travail communautaire pour rembourser les dettes.

[29] Le ministre a le pouvoir discrétionnaire, dans certaines circonstances, d’annuler en tout ou en partie le trop-perçuNote de bas de page 14. Je n’ai toutefois pas le même pouvoir. Par conséquent, seul le ministre (et non le Tribunal) peut réduire ou annuler le trop-perçu en raison, par exemple, d’un préjudice injustifié.

[30] Je n’ai pas non plus le pouvoir de décider comment s’effectue le remboursement. Je ne peux donc pas autoriser une partie à rembourser sa dette grâce au service communautaire. 

Je n’ai pas le pouvoir d’examiner les arguments portant sur les erreurs administratives

[31] Selon les parties appelantes, le gouvernement s’est trompé parce qu’il a continué à verser le Supplément même si l’Agence du revenu du Canada a été avisée du changement de situation familiale.

[32] Si je comprends bien l’argument des parties appelantes, elles affirment que c’est l’Agence du revenu du Canada qui a commis l’erreurNote de bas de page 15. Cet argument est voué à l’échec, car ce n’est pas l’Agence qui administre le programme de la Sécurité de la vieillesse.

[33] Les parties appelantes ajoutent que le ministre a mis beaucoup de temps à refaire les calculs. L’argument, ici, est que si le ministre avait agi plus tôt, elles auraient eu le temps de modifier leur budget en conséquence. Cet argument est aussi voué à l’échec. En fait, il porte sur une erreur administrative.

[34] La Loi sur la sécurité de la vieillesse comporte une disposition sur les erreurs du ministère. Le ministère en question est représenté par le ministre de l’Emploi et du Développement socialNote de bas de page 16. Les cours ont conclu que le Tribunal n’a pas la compétence nécessaire pour décider si le ministre (ou une personne qui le représente) a fait une erreurNote de bas de page 17.

[35] Si une personne veut faire valoir qu’elle a perdu des prestations à la suite d’une erreur du ministre, elle doit soulever cet argument directement auprès du ministre.

Je n’ai pas le pouvoir de fonder mes décisions sur la compassion

[36] R. M. a expliqué qu’elle a subi d’énormes pertes en peu de temps. L’un de ses frères est décédé en février 2023, son mari est décédé en mai 2023, un autre frère est décédé en juin 2023 et une personne avec qui elle avait de forts liens d’amitié est décédée peu de temps après. Elle a expliqué que la série de décès et de funérailles ont été durs émotionnellement et financièrement.

[37] Je suis sensible à la situation de R. M. Si j’avais le pouvoir de rendre des décisions fondées sur la compassion, la présente affaire justifierait sans doute l’usage d’un tel pouvoir discrétionnaire. Malheureusement, je ne peux pas fonder mes décisions sur la compassion, peu importe le sérieux de la situation dans laquelle se retrouve l’appelanteNote de bas de page 18.

Conclusion

[38] Les parties appelantes n’avaient pas droit à toutes les sommes qu’elles ont reçues à titre de Supplément de novembre 2022 à mai 2023.

[39] Par conséquent, les appels sont rejetés.

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