Contenu de la décision
[TRADUCTION]
Citation : DL c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2024 TSS 1705
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu
Décision
Partie appelante : | D. L. |
Représentante ou représentant : | D. B. |
Partie intimée : | Ministre de l’Emploi et du Développement social |
Décision portée en appel : | Décision de révision datée du 27 mars 2023 rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Brianne Shalland-Bennett |
Mode d’audience : | Vidéoconférence |
Date de l’audience : | Le 27 novembre 2024 |
Personnes présentes à l’audience : |
Appelante |
Date de la décision : | Le 27 novembre 2024 |
Numéro de dossier : | GP-23-901 |
Sur cette page
Décision
[1] L’appel est rejeté.
[2] L’appelante, D. L., ne peut pas recevoir l’Allocation au survivant de la Sécurité de la vieillesse avant août 2021. Cette décision explique pourquoi je rejette l’appel.
Aperçu
[3] L’appelante est née le 22 décembre 1958. Elle a demandé l’Allocation au survivant en juillet 2022 Note de bas de page 1. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a accueilli sa demande. Les paiements ont commencé en août 2021 Note de bas de page 2.
[4] L’appelante n’est pas d’accord avec la date du début de l’Allocation. Elle a fait appel de la décision du ministre devant le Tribunal de la sécurité sociale.
[5] L’appelante dit qu’elle veut que les paiements de son Allocation commencent à compter du mois de son 60e anniversaire (décembre 2018). Elle était atteinte d’une incapacité et ne pouvait pas présenter une demande plus tôt. Elle a également dit qu’elle aurait présenté sa demande plus tôt si elle avait été au courant de la prestation.
[6] Le ministre affirme que l’appelante ne peut pas recevoir ses prestations plus tôt. Elle a été payée le plus tôt que la loi le permet. Elle ne répond pas aux critères d’incapacité. Elle n’était pas incapable de former et d’exprimer l’intention de faire une demande pour l’Allocation au survivant au moment où elle a présenté sa demande Note de bas de page 3.
Ce que l’appelante doit prouver
[7] Pour gagner son appel, l’appelante doit démontrer que la Loi sur la sécurité de la vieillesse permet au ministre de lui verser l’Allocation au survivant plus tôt qu’en août 2021. Cela pourrait être possible si elle ne pouvait pas présenter sa demande plus tôt en raison d’une incapacité, comme le prévoit la Loi.
[8] Pour prouver qu’elle satisfait au critère d’incapacité, l’appelante doit démontrer qu’elle était incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande pour l’Allocation au survivant avant juillet 2022 Note de bas de page 4.
Motifs de ma décision
[9] L’appelante ne remplit pas le critère juridique relatif à l’incapacité. Elle a reçu le paiement rétroactif maximal pour l’Allocation au survivant. J’expliquerai les motifs de ma décision ci-dessous.
L’appelante a reçu le paiement rétroactif maximal
[10] Selon la loi, lorsqu’une personne demande une prestation de survivant, elle peut recevoir des prestations rétroactives pour un maximum de 11 mois avant le mois où le ministre a estampillé la demande Note de bas de page 5.
[11] Le ministre a reçu la demande de l’appelante en juillet 2022. En reculant de 11 mois, on arrive à août 2021. Par conséquent, le ministre a commencé à lui verser sa pension le plus tôt possible.
[12] La seule exception à cette règle sur la rétroactivité maximale pourrait s’appliquer si l’appelante ne pouvait pas présenter sa demande plus tôt en raison d’une incapacité. Je vais maintenant aborder cette notion.
L’appelante ne remplit pas le critère juridique relatif à l’incapacité
Ce que la loi dit au sujet de l’incapacité
[13] Le critère juridique relatif à l’incapacité est strict. Pour satisfaire à celui-ci, l’appelante doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestation. Cette capacité est semblable à celle de former ou d’exprimer une intention à l’égard d’autres choix de vie Note de bas de page 6.
[14] L’appelante doit démontrer qu’elle était continuellement incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire sa demande pendant toute la période où elle prétend avoir été atteinte d’une incapacité Note de bas de page 7.
[15] Selon le critère d’incapacité, il importe peu que l’appelante Note de bas de page 8 :
- savait que la prestation existait;
- savait qu’elle devait présenter une demande de prestation;
- pensait à présenter une demande de prestation;
- pouvait présenter, préparer, traiter ou remplir elle-même la demande.
[16] Pour décider si l’appelante était atteinte d’une incapacité, je dois tenir compte des éléments suivants Note de bas de page 9 :
- son témoignage quant à la nature et à l’étendue de ses limitations physiques et mentales;
- la preuve médicale ou psychologique disponible qui appuie ses limitations;
- la preuve concernant ses activités au cours de la période pertinente;
- la mesure dans laquelle ces activités jettent un éclairage sur sa capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande pour l’Allocation au survivant du RPC pendant cette période.
Quelle est la prétendue période d’incapacité?
[17] Le représentant de l’appelante a déclaré qu’aux fins du présent appel, la période d’incapacité faisant l’objet de la demande s’étend de décembre 2018 (le mois du 60e anniversaire de l’appelante) à juin 2022 (le mois où elle a demandé l’Allocation au survivant) Note de bas de page 10. Je vais utiliser juillet 2022, parce que le ministre a reçu sa demande au cours de ce mois-là.
L’appelante a-t-elle confirmé son incapacité?
[18] Le témoignage de l’appelante au sujet de ses limitations et de ses activités n’appuie pas une conclusion d’incapacité.
[19] La preuve de l’appelante montre qu’elle a certaines limitations à cause d’un accident de la route qu’elle a subi en 1996. Cependant, elle fait la plupart de ses activités de la vie quotidienne de manière indépendante. Par exemple, elle prend des décisions concernant ses soins, assiste à ses rendez-vous seule et paie ses propres factures. Voici ce qu’elle dit :
- Elle a subi une blessure traumatique après avoir été heurtée par une voiture alors qu’elle était piétonne.
- Elle peut payer ses propres factures. Elle les paie depuis qu’elle a 19 ans.
- Elle effectue ses propres tâches ménagères comme mettre du bois pour allumer un feu.
- Elle peut se rendre à ses rendez-vous médicaux et à d’autres rendez-vous seule.
- Elle peut prendre des décisions concernant ses propres soins médicaux et ses traitements.
- Elle peut inscrire des renseignements dans des formulaires, comme son nom et son anniversaire.
- Elle peut conduire et faire ses propres courses.
- Elle reçoit parfois de l’aide pour ses activités quotidiennes. Elle a expliqué qu’elle devient fatiguée et qu’elle est humaine.
La preuve médicale et les autres éléments de preuve confirment-ils l’incapacité?
[20] Le représentant de l’appelante affirme que je dois tenir compte des déclarations de l’appelante ainsi que de la preuve médicale et des autres éléments de preuve.
[21] La preuve médicale montre que l’appelante a des limitations depuis qu’elle a été heurtée par une voiture en décembre 1996. Cet accident a entraîné des blessures à la tête, des maux de tête et des douleurs dans tout le corps. Elle se sentait aussi déprimée, frustrée et fatiguée Note de bas de page 11.
[22] Bien que les renseignements concernant l’accident de la route de l’appelante confirment qu’elle a subi une blessure à la tête, je me concentre sur ce que la preuve médicale révèle plus près de la période d’incapacité (de décembre 2018 à juillet 2022).
[23] J’estime que la preuve médicale et les autres éléments de preuve ne démontrent pas que l’appelante était incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande pour l’Allocation au survivant.
[24] La preuve médicale de 2015 à 2018 porte sur les problèmes de santé et les limitations de l’appelante et leurs effets sur sa capacité de travail. Elle ne montre pas qu’elle avait des limitations cognitives. Au cours de cette période, la preuve médicale révèle ce qui suit Note de bas de page 12 :
- Elle s’est blessée à deux doigts et suivait un traitement.
- Elle avait des douleurs chroniques au dos, au cou et aux épaules.
- Elle avait de l’asthme et une affection respiratoire réactionnelle.
[25] Les prochains renseignements médicaux au dossier datent d’octobre 2020. Le document indique qu’elle avait les problèmes de santé suivants Note de bas de page 13 :
- discopathie dégénérative;
- douleur chronique au bassin;
- syndrome de l’intestin irritable;
- hypothyroïdie;
- céphalées de tension;
- asthme et maladie pulmonaire obstructive chronique;
- possible déchirure méniscale.
[26] Courtney Highleyman (infirmière praticienne) a assisté à l’audience en tant que témoin. Elle a commencé à traiter l’appelante quelques mois après que celle-ci avait présenté sa demande de prestation, soit en septembre 2022. Sa preuve écrite est également téléversée au dossier d’appel. Je juge que son témoignage concorde avec celui de l’appelante.
[27] J’estime que la preuve de Mme Highleyman montre que l’appelante pourrait avoir de la difficulté à traiter des sujets plus complexes ou à remplir des formulaires. Cependant, elle est capable de former ou d’exprimer l’intention de participer à ses soins médicaux et elle est largement indépendante dans sa vie quotidienne.
[28] Voici ce que Mme Highleyman dit au sujet des problèmes de santé, des limitations et de la capacité de l’appelante Note de bas de page 14 :
- Elle a subi un traumatisme cérébral après avoir été heurtée par une voiture lorsqu’elle marchait. C’est à ce moment-là que son incapacité a commencé.
- Elle a des problèmes musculosquelettiques, de l’anxiété et des troubles du sommeil.
- Elle a énormément de difficulté à discuter de principes abstraits.
- Elle ne peut pas traiter l’information présentée en plus de quelques étapes simples.
- Elle est impulsive et facilement distraite.
- Elle ne pourrait pas remplir une demande sans un soutien direct.
- Elle a de la difficulté à prendre des décisions et à planifier.
- Elle peut être verbalement agressive lorsqu’elle est frustrée et accablée.
- Elle arrive à vivre seule. Elle fait ses propres courses. Elle conduit. À sa connaissance, elle paie ses propres factures.
- Elle reçoit de l’aide de son voisinage, de son église et de sa famille.
[29] J’ai interrogé Mme Highleyman au sujet de ses interactions avec l’appelante. Elle a dit que l’appelante s’est présentée à ses rendez-vous seule, mais qu’elle a reçu un rappel pour y assister. Parfois, elle manquait ses rendez-vous. En général, l’appelante a été en mesure de suivre les conseils médicaux, mais elle nécessitait beaucoup d’explications. De plus, elle lui a remis des formulaires à remplir pour appuyer sa demande pour l’Allocation au survivant. J. L. a également partagé certains renseignements au nom de l’appelante.
[30] J. L. est une connaissance de l’appelante. Elle a aidé l’appelante tout au long du processus de demande et de révision. Son témoignage concorde avec la preuve médicale.
[31] J’estime que la preuve de J. L. montre que l’appelante pourrait avoir besoin d’aide pour traiter de sujets complexes. Elle a peut-être besoin d’aide pour remplir des formulaires et chercher de l’aide, mais elle peut subvenir elle-même à ses besoins ménagers et financiers de base.
[32] Voici ce que la preuve de J. L. démontre au sujet de la capacité de l’appelante Note de bas de page 15 :
- Elle peut voir à ses besoins financiers de base et à ses besoins ménagers.
- Elle est perdue lorsqu’elle cherche des renseignements.
- Elle est perdue lorsqu’elle remplit des formulaires.
- Elle ne sait pas quoi faire des renseignements lorsqu’elle les obtient.
- Elle n’a pas la capacité intellectuelle de gérer les sphères complexes de la vie.
- Elle a souvent besoin de l’aide des personnes en qui elle a confiance.
Peu importe que l’appelante n’ait pas été au courant de la prestation
[33] L’appelante a dit qu’elle n’était pas au courant de la prestation lorsqu’elle a eu 60 ans. Les services communautaires lui ont dit qu’elle pouvait recevoir la prestation. C’est seulement à ce moment-là qu’elle en a fait la demande Note de bas de page 16.
[34] Le fait qu’une personne ne soit pas au courant de l’existence d’une prestation ou qu’elle ne puisse pas en faire la demande ne signifie pas qu’elle est incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande, ce qui est le critère Note de bas de page 17.
Les actions et la prise de décision de l’appelante confirment-elles son incapacité?
[35] Les actions et la prise de décision de l’appelante ne confirment pas son incapacité.
[36] La capacité doit être considérée à la lumière du sens ordinaire du terme et déterminée sur la base de la preuve médicale et des activités de la personne. La disposition de la Loi sur la sécurité de la vieillesse relative à l’incapacité est précise et ciblée. Elle n’inclut pas la capacité de présenter, de préparer, de traiter ou de remplir une demande de prestation. Le critère est de savoir si une personne a la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande Note de bas de page 18.
[37] Pour déterminer l’incapacité, je dois examiner la preuve médicale et les activités pertinentes entre la date à laquelle l’appelante prétend qu’elle était invalide et la date à laquelle elle a présenté sa demande. Je dois examiner les activités qui jettent un éclairage sur sa capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande pour l’Allocation au survivant Note de bas de page 19.
[38] Je reconnais que l’appelante a des limitations qui nuisent à sa capacité de fonctionner ou de gérer des questions plus compliquées de la vie quotidienne. Toutefois, le critère est axé sur la capacité d’une partie appelante de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande. En règle générale, elle n’est pas différente de la capacité de former ou d’exprimer l’intention de prendre d’autres décisions dans la vie Note de bas de page 20.
[39] Ce n’est pas parce que l’appelante avait besoin d’aide pour remplir des formulaires complexes ou traiter certains types de renseignements qu’elle est une personne incapable au sens de la Loi sur la sécurité de la vieillesse. La preuve montre qu’elle pouvait former et exprimer l’intention de prendre des décisions dans sa vie quotidienne pendant la prétendue période d’incapacité. La preuve médicale appuie également cette conclusion. Par conséquent, je juge qu’elle avait probablement la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande pour l’Allocation au survivant à partir de décembre 2018, lorsqu’elle a eu 60 ans, jusqu’en juillet 2022, lorsque la demande a été présentée.
Conclusion
[40] Je conclus que l’appelante n’est pas admissible à recevoir les paiements de son Allocation au survivant plus tôt. De plus, elle ne satisfait pas au critère d’incapacité. Cela signifie que le ministre a payé l’appelante correctement.
[41] Par conséquent, l’appel est rejeté.