Contenu de la décision
[TRADUCTION]
Citation : AC c Ministre de l’Emploi et du Développement social et ZC, 2025 TSS 199
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel
Décision relative à une prolongation de délai et à
une demande de permission de faire appel
Partie demanderesse : | A. C. |
Partie défenderesse : | Ministre de l’Emploi et du Développement social |
Partie mise en cause : | Z. C. |
Décision portée en appel : | Décision rendue par la division générale le 22 octobre 2024 (GP-23-913) |
Membre du Tribunal : | Kate Sellar |
Date de la décision : | Le 5 mars 2025 |
Numéro de dossier : | AD-25-61 |
Sur cette page
Décision
[1] J’accorde au prestataire, A. C., une prorogation du délai pour présenter une demande à la division d’appel. Cependant, je lui refuse ultimement la permission de faire appel. L’appel n’ira pas plus loin. Voici les motifs de ma décision.
Aperçu
[2] En mai 2018, le prestataire a présenté une demande d’allocation de la Sécurité de la vieillesse. Dans sa demande, de même que dans une déclaration solennelle qu’il a signée, le prestataire a déclaré qu’il était marié. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a approuvé sa demande d’allocation sur le fondement de cet état matrimonial.
[3] Le ministre dit que le prestataire a ensuite téléphoné à Service Canada pour dire qu’il était séparé. Il lui a fourni une lettre et un document notarié expliquant que la mise en cause et lui s’étaient séparés en décembre 2017 et réconciliés en août 2021.
[4] À la lumière de ces renseignements, le ministre a écrit une lettre au prestataire en septembre 2021. La lettre expliquait qu’il n’aurait jamais dû recevoir l’allocation pour la période allant d’avril 2018 à août 2021, comme il était séparé de la mise en cause. Le prestataire avait donc reçu de l’argent auquel il n’avait pas droit. Cet argent, qu’on appelle un trop-payé, doit être remboursé par le prestataire.
[5] Le prestataire a demandé au ministre de réviser sa décision. Il pensait que le ministre aurait été au courant du changement dans son état matrimonial, croyant que tous les organismes gouvernementaux partagent ces informations. Il était aussi d’avis que les montants de ses remboursements étaient trop élevésNote de bas de page 1. Le ministre a rejeté la demande du prestataire et a maintenu sa position.
[6] Le prestataire a fait appel au Tribunal de la sécurité sociale. Son appel a été rejeté par la division générale. Elle a en effet conclu que le prestataire n’avait pas prouvé son admissibilité à l’allocation d’avril 2018 à août 2021, comme il était séparé de la mise en cause pendant cette période.
Questions en litige
[7] Voici les questions à trancher dans la présente affaire :
- a) La demande à la division d’appel était-elle en retard?
- b) Le prestataire doit-il obtenir une prolongation du délai d’appel?
- c) Est-il défendable que la division générale n’ait pas assuré l’équité de la procédure en tenant l’audience sans le prestataire?
- d) Le prestataire présente-t-il, dans sa demande, des éléments de preuve qui n’ont pas déjà été présentés à la division générale?
Analyse
La demande était en retard
[8] Dès la date où la division générale lui communiquait sa décision, le prestataire avait 90 jours pour présenter une demande à la division d’appelNote de bas de page 2.
[9] La division générale a rendu sa décision en date du 22 octobre 2024. Le prestataire a déclaré avoir reçu cette décision le [traduction] « 2023 nov. 2024Note de bas de page 3 ». Sa demande à la division d’appel a été présentée le 28 janvier 2025. Il semble que la division générale ait envoyé sa décision au prestataire le 23 octobre 2025, par courriel et par la poste. Par conséquent, la prestataire avait jusqu’au 21 janvier 2025 pour faire appel. Il l’a fait environ une semaine en retard.
J’accorde au prestataire une prolongation du délai pour faire appel
[10] Comme le retard du prestataire est de moins d’un an, je peux prolonger le délai d’appel s’il fournit une explication raisonnable pour justifier son retardNote de bas de page 4. Le prestataire a communiqué avec le Tribunal le 7 janvier 2025 pour dire qu’il était à l’hôpital. Le dossier fait maintes fois référence à sa mauvaise santé.
[11] Je suis convaincue que la mauvaise santé du prestataire est une explication raisonnable à son retard. Par conséquent, je lui accorde une prolongation du délai pour faire appel. À présent, je dois décider s’il faut lui donner la permission de faire appel.
Je n’accorde pas au prestataire la permission de faire appel
[12] Pour obtenir la permission de faire appel, le prestataire doit montrer qu’il est défendable que la division générale ait commis au moins l’une des erreurs suivantes :
- Elle n’a pas assuré l’équité de la procédure;
- Elle a outrepassé ses pouvoirs ou a refusé de les exercer;
- Elle a commis une erreur de droit;
- Elle a commis une erreur de fait;
- Elle a commis une erreur en appliquant le droit aux faitsNote de bas de page 5.
[13] Je peux aussi donner au prestataire la permission de faire appel s’il présente, dans sa demande, des éléments de preuve qui n’ont pas déjà été présentés à la division généraleNote de bas de page 6.
[14] Comme le prestataire n’a ni invoqué une cause défendable ni présenté de nouveaux éléments de preuve, je dois lui refuser la permission de faire appel.
Le prestataire n’a pas montré qu’il est défendable que la division générale n’ait pas assuré une procédure équitable parce qu’elle n’a pas reporté l’audience alors qu’il ne pouvait pas se connecter à l’audience par téléconférence
[15] La prestataire soutient que la division générale a procédé d’une façon inéquitable. Il affirme qu’il n’était pas parvenu à se connecter à l’audience par téléconférence. Il a dit avoir appelé le numéro de téléphone général du Tribunal, mais que l’audience n’avait pas été reportée. La division générale a rendu une décision et les déductions ont commencé une fois le délai d’appel terminéNote de bas de page 7.
[16] Quand une question d’équité est ainsi soulevée, il faut ultimement examiner :
- si le prestataire savait ce qu’il devait prouver et a eu l’occasion de répondre aux arguments de la partie adverse;
- si le prestataire a bénéficié d’un décideur impartial qui a examiné le dossier de façon complète et équitableNote de bas de page 8.
[17] La division générale a expliqué en détail pourquoi elle a refusé de modifier la date de l’audience une septième fois après l’absence du prestataire à l’audience prévueNote de bas de page 9. La division générale a résumé la situation comme suit :
La date limite pour que [le prestataire] et la mise en cause soumettent des documents a pris fin il y a plus d’un an, soit le 15 août 2023. Ni l’un ni l’autre ne s’est prévalu de son droit de réponse, qui prenait fin le 27 octobre 2023. J’ai donné de nombreuses chances [au prestataire] pour participer à l’audience à une date ultérieure. Je lui ai offert la possibilité d’une audience par écrit, et j’ai reporté l’audience six fois. J’ai expliqué [au prestataire] qu’il devait fournir un certificat médical expliquant pourquoi il ne pouvait pas participer à l’audience. Il n’en a jamais fourniNote de bas de page 10.
[18] Il n’est pas défendable que le prestataire n’ait pas bénéficié d’une procédure équitable.
[19] Le fait qu’il a eu de la difficulté à se connecter à l’audience ne permet pas, à lui seul, de soutenir que la division générale n’a pas assuré l’équité de la procédure. L’invitation à l’audience, qui avait déjà été reportée plusieurs fois, incluait un numéro de téléphone à composer en cas de telles difficultés techniques. Dans sa décision, la division générale explique avoir attendu le prestataire pendant 30 minutes. C’est seulement plus tard qu’il a appelé la ligne principale du Tribunal. Quoi qu’il en soit, le prestataire avait envoyé un courriel plus tôt ce matin-là pour demander que l’audience soit reportée, mais sans se conformer aux instructions de la division générale et fournir un certificat médical expliquant pourquoi il ne pouvait pas y participer.
[20] On ne peut pas soutenir que la division générale n’ait pas offert une procédure équitable au prestataire parce qu’elle n’a pas reporté l’audience une septième fois. Comme elle l’a expliqué dans sa décision, les audiences sont reportées quand ces modifications sont nécessaires pour assurer une audience équitableNote de bas de page 11. La division générale avait déjà :
- reporté l’audience à plusieurs reprises;
- offert au prestataire de tenir une audience par écrit;
- donné au prestataire un délai d’un an pour soumettre des documents avant l’audience;
- informé le prestataire qu’un certificat médical serait nécessaire pour justifier son incapacité à reporter l’audienceNote de bas de page 12.
[21] Vu l’ensemble de ces circonstances, je ne peux pas conclure que le prestataire a été moins capable de savoir ce qu’il devait prouver et contre quoi il devait se défendre du fait que l’audience n’a pas été reportée une fois de plus.
Aucune nouvelle preuve
[22] Le prestataire n’a fourni aucun élément de preuve qui n’aurait pas déjà été présenté à la division générale. Par conséquent, je ne peux pas lui donner la permission de faire appel sur le fondement d’une nouvelle preuve.
[23] Dans son formulaire de demande, le prestataire a dit croire que la division générale n’avait pas l’affidavit concernant sa réconciliation avec la mise en causeNote de bas de page 13. Cet affidavit semble pourtant avoir été consigné au dossier et mentionné par la division généraleNote de bas de page 14.
[24] J’ai examiné le dossierNote de bas de page 15. Je suis convaincue qu’on ne peut pas soutenir que la division générale aurait ignoré ou mal interprété un élément de preuve important qui aurait pu avoir une incidence sur l’issue de l’affaire pour le prestataire.
[25] Comme la division générale l’a expliqué, c’est le prestataire qui était responsable de démontrer qu’il avait droit à l’allocation. Pour y avoir droit, il lui fallait :
- avoir de 60 à 64 ans;
- être l’époux ou le conjoint de fait d’une personne pensionnée qui reçoit le supplément de revenu garanti.
[26] Si des personnes mariées se séparent, le ministre suspend le versement de l’allocation au troisième mois de la séparationNote de bas de page 16. Comme la division générale l’a souligné, la seule question en litige était de savoir si le prestataire et la mise en cause s’étaient séparés et réconciliés. Je ne vois aucune erreur de fait ou de droit qui aurait possiblement été commise par la division générale et qui justifierait de donner au prestataire la permission de faire appel.
Le prestataire peut demander à Service Canada d’annuler la dette
[27] La présente décision n’empêche aucunement le prestataire de communiquer directement avec Service Canada pour demander au ministre d’annuler son trop-payé en vertu de l’article 37(4)(c) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, si le remboursement de cette dette est susceptible de lui causer un préjudice injustifié.
Conclusion
[28] J’ai accordé au prestataire une prolongation de délai. Cependant, je lui ai refusé la permission de faire appel. Par conséquent, l’appel n’ira pas plus loin.