Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : NE c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2025 TSS 355

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : N. E.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de révision datée du 1er mai 2024 rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Wayne van der Meide
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 8 avril, 2025
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 10 avril, 2025
Numéro de dossier : GP-24-1896

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelant, N. E., n’est pas admissible à la Sécurité de la vieillesse parce qu’il n’a pas résidé au Canada pendant 10 ans. La présente décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] Le 16 juillet 2001, l’appelant a quitté Gaza, en Palestine, avec son épouse et leurs enfants pour venir s’établir au Canada. L’appelant a travaillé au Canada jusqu’à ce qu’il y quitte son emploi, le 16 août 2008. Il a alors commencé à travailler à l’étranger, comme employé et à son compte. Il a pris sa retraite en 2021. Il est seulement revenu au Canada le 6 février 2023, cette fois avec sa deuxième épouse. Sa première épouse, la mère de ses enfants, est décédée en juillet 2017 en Palestine.

[4] L’appelant affirme que le Canada est sa patrie depuis qu’il y a déménagé en juillet 2001, et ce même s’il travaillait à l’étranger. Il dit que toute sa grande famille et lui sont canadiens. Même s’il a travaillé à l’étranger pendant de nombreuses années, il dit s’être occupé de la maison et avoir subvenu aux besoins de sa famille, produit des déclarations de revenus, tenu des comptes bancaires et passé le plus de temps possible au Canada. Il se dit Canadien.

[5] Le ministre, lui, affirme que l’appelant n’a pas résidé au Canada et qu’il y avait seulement été présent durant certaines périodes comprises entre le 16 août 2008 et le 5 février 2023.

Ce que l’appelant doit prouver

[6] Pour gagner son appel, l’appelant doit prouver qu’il a résidé au Canada pendant au moins 10 ans.

[7] L’appelant doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Autrement dit, il doit me convaincre qu’il est plus probable qu’improbable qu’il résidait au Canada pendant la période en causeNote de bas page 1.

Motifs de ma décision

[8] Le ministre convient que l’appelant a résidé au Canada :

  • du 16 juillet 2001 au 16 août 2008;
  • du 6 février 2023 au 28 août 2023 (date de la décision du ministre).

[9] J’ai centré mon analyse sur la période en litige, allant du 16 août 2008 au 5 février 2023. J’ai également examiné où résidait l’appelant depuis la décision du ministre.

[10] Je conclus que l’appelant n’a pas résidé au Canada du 16 août 2008 au 5 février 2023. Il réside au Canada depuis le 6 février 2023.

Le critère de résidence

[11] Selon la loi, une personne peut avoir été présente au Canada sans avoir résidé au Canada.

[12] Les termes « résidence » et « présence » ont chacun leur propre définition. Je dois tenir compte de ces définitions pour rendre ma décision.

[13] Une personne réside au Canada si elle établit sa demeure et vit ordinairement dans une région du CanadaNote de bas page 2.

[14] Une personne est présente au Canada lorsqu’elle se trouve physiquement dans une région du CanadaNote de bas page 3.

[15] Pour décider si l’appelant résidait au Canada, je dois examiner l’ensemble de la situation. Je dois aussi examiner des facteurs commeNote de bas page 4 :

  • où il avait des biens, comme des meubles, un compte bancaire et des intérêts commerciaux;
  • où il avait des liens sociaux, comme des amis, des parents, l’appartenance à un groupe religieux et l’adhésion à un club ou une organisation professionnelle;
  • où il avait d’autres liens, comme une assurance-maladie, un bail de location, une hypothèque ou un prêt;
  • où il a produit des déclarations de revenus;
  • les liens qu’il avait dans un autre pays;
  • la durée de ses séjours au Canada;
  • la fréquence et la durée de ses séjours à l’extérieur du Canada, et où il allait;
  • son mode de vie au Canada;
  • ses intentions.

[16] Cette liste n’est pas complète. D’autres facteurs peuvent être importants. Je dois examiner la situation de l’appelant dans son ensembleNote de bas page 5.

L’appelant n’a pas résidé au Canada du 16 août 2008 au 5 février 2023

[17] Je conclus que l’appelant n’a pas résidé au Canada du 16 août 2008 au 5 février 2023.

[18] Pour cette période, j’ai examiné quand l’appelant était présent au Canada. Bien que la présence ne soit pas le seul facteur permettant d’établir la résidence, il revêt une importance particulière dans le cas d’une personne qui a des liens avec plusieurs pays, comme je l’estime vrai pour l’appelant.

[19] Voici quand l’appelant a été présent au Canada durant cette période :

Date d’arrivée Date de départ Pays Durée du séjour
16 août 2008 1er juin 2009 Émirats arabes unis 9 mois, 16 jours
2 juin 2009 16 septembre 2009 Canada 3 mois, 14 jours
17 septembre 2009 13 juin 2010 Émirats arabes unis 8 mois, 27 jours
13 juin 2010 1er septembre 2010 Canada 2 mois, 19 jours
2 septembre 2010 11 juin 2011 Émirats arabes unis 9 mois, 10 jours
12 juin 2011 12 septembre 2011 Canada 3 mois, 1 jour
13 septembre 2011 19 juin 2012 Palestine 9 mois, 7 jours
20 juin 2012 13 septembre 2012 Canada 2 mois, 25 jours
14 septembre 2012 11 juin 2013 Palestine 8 mois, 29 jours
12 juin 2013 23 septembre 2013 Canada 3 mois, 12 jours
24 septembre 2013 21 août 2014 Palestine 10 mois, 29 jours
22 août 2014 14 septembre 2014 Canada 24 jours
15 septembre 2014 18 septembre 2015 Palestine 1 an, 1 mois, 4 jours
19 septembre 2015 15 octobre 2015 Canada 1 mois, 27 jours
Le 16 octobre 2015 27 juin 2016 Palestine 8 mois, 12 jours
28 juin 2016 2 septembre 2016 Canada 2 mois, 6 jours
3 septembre 2016 16 décembre 2017 Palestine 1 an, 3 mois, 14 jours
17 décembre 2017 16 janvier 2018 Canada 1 mois, 1 jour
17 janvier 2018 7 mars 2018 Inde 1 mois, 19 jours
8 mars 2018 3 juillet 2018 Canada 3 mois, 26 jours
4 juillet 2018 30 juillet 2018 Inde 27 jours
31 juillet 2018 1er décembre 2018 Canada 4 mois, 1 jour
2 décembre 2018 2 juin 2019 Palestine 6 mois, 1 jour
3 juin 2019 19 juillet 2019 Canada 1 mois, 17 jours
20 juillet 2019 13 décembre 2019 Palestine 4 mois, 24 jours
14 décembre 2019 16 janvier 2020 Canada 1 mois, 3 jours
17 janvier 2020 3 juin 2020 Palestine 4 mois, 18 jours
4 juin 2020 29 septembre 2020 Canada 3 mois, 26 jours
30 septembre 2020 24 septembre 2021 Palestine 11 mois, 26 jours
25 septembre 2021 23 octobre 2021 Canada 29 jours
24 octobre 2021 5 février 2023 Palestine 1 an, 3 mois, 13 jours

[20] Ses longs séjours à l’étranger, ponctués de séjours beaucoup plus courts au Canada, démontrent de façon convaincante que l’appelant ne résidait pas au Canada. Cela dit, il y a aussi d’autres éléments qui me font croire que l’appelant ne résidait pas au Canada pendant cette période.

[21] Dans un questionnaire qu’il a rempli, l’appelant a déclaré que son emploi au Canada ne lui donnait pas [traduction] « la flexibilité de déménager et de voyager pour rendre visite à des membres de [s]a famille à l’étranger. Par conséquent, [il a] décidé de travailler comme consultant à son compte, comme avant d’arriver au CanadaNote de bas page 6. » Cette déclaration me dit qu’il avait des liens familiaux importants à l’étranger, ainsi qu’au Canada.

[22] L’appelant dit qu’il a toujours eu une maison au Canada, ce qui est vrai. Toutefois, lui et sa famille sont aussi propriétaires d’une maison à Gaza, en Palestine. Et durant cette période, il n’a pas séjourné dans des hôtels, mais bien dans des maisons qu’il louait avec sa famille. Il avait des meubles. Autrement dit, il s’occupait de résidences au Canada et à l’étranger.

[23] L’appelant affirme qu’il a toujours produit des déclarations de revenus au Canada. C’est vrai. Cependant, il conduisait ses affaires et percevait ses revenus à l’étranger durant cette période.

[24] L’appelant affirme avoir eu l’intention de revenir au Canada en 2018, mais que le décès de son épouse en Palestine, en 2017, l’a profondément affecté. Son retour a ensuite été retardé davantage du fait que sa deuxième épouse, elle aussi Palestinienne, attendait d’obtenir sa résidence permanente au Canada.

[25] Les intentions de l’appelant et les tragédies qu’il a vécues ne me montrent pas qu’il aurait résidé au Canada à partir de 2018. Il a continué de travailler à Gaza, en Palestine, jusqu’à ce qu’il prenne sa retraite en 2021. Il a ensuite continué de vivre à Gaza avec son épouse, jusqu’à ce que cette dernière obtienne sa résidence permanente au Canada et déménage ici avec lui, en février 2023.

[26] L’appelant affirme que tous les membres de sa famille sont canadiens et que le Canada a toujours été sa patrie, même s’il travaillait à l’étranger. Il les soutenait au Canada. Ils allaient à l’école ici et vivaient ici. Toutefois, le présent appel ne porte pas sur la question de savoir où résidait sa famille. Il s’intéresse au pays où résidait l’appelant.

[27] Je conclus que l’appelant ne résidait pas au Canada durant la période en litige. Il a établi sa demeure et vivait ordinairement à l’étranger. Ses séjours en sol canadien pour visiter sa famille, durant cette période, sont des présences au Canada et n’ont pas valeur de résidence.

L’appelant a repris sa résidence au Canada le 6 février 2023

[28] L’appelant a recommencé à résider au Canada le 6 février 2023. C’est à ce moment-là qu’il est revenu au Canada avec sa deuxième épouse. Le ministre ne conteste pas ce fait.

[29] À l’audience, l’appelant m’a dit qu’il a voyagé à l’étranger depuis le 6 février 2023, mais que ces voyages ont été de courte durée. Je le crois.

L’appelant a résidé au Canada moins de 10 ans

[30] Je conclus que l’appelant a résidé au Canada durant les périodes suivantes :

  • du 16 juillet 2001 au 16 août 2008, soit 7 ans, 1 mois et 1 jour;
  • du 6 février 2023 au 8 avril 2025, soit 2 ans, 2 mois et 3 jours.

[31] Ces périodes totalisent moins de 10 ans.

Conclusion

[32] L’appelant n’a pas accumulé 10 ans de résidence au Canada.

[33] Par conséquent, l’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.