Contenu de la décision
[TRADUCTION]
Citation : VS c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2025 TSS 341
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel
Décision
Partie appelante : | V. S. |
Partie intimée : | Ministre de l’Emploi et du Développement social |
Représentante ou représentant : | Viola Herbert |
Décision portée en appel : | Décision rendue par la division générale le 4 novembre 2024 (GP-24-1615) |
Membre du Tribunal : | Pierre Vanderhout |
Mode d’audience : | Vidéoconférence |
Date de l’audience : | Le 2 avril 2025 |
Participants à l’audience : | Appelant Représentante de l’intimé |
Date de la décision : | Le 9 avril 2025 |
Numéro de dossier : | AD-24-774 |
Sur cette page
Décision
[1] L’appel est rejeté. L’appelant n’a pas droit à des périodes additionnelles de résidence au Canada. Par conséquent, le montant de sa pension de la Sécurité de la vieillesse et la date où débute son versement demeurent inchangés.
Aperçu
[2] Dans la présente décision, je parlerai de l’appelant, V. S., comme du « prestataire ». Pour désigner le ministre de l’Emploi et du Développement social, qui joue ici le rôle d’intimé, je parlerai simplement du « ministre ».
[3] Le prestataire fêtera ses 80 ans en mai 2025. Il a vécu dans de nombreux pays à travers le monde, y compris au Canada. Il semble avoir pris sa retraite au Canada de façon définitive en 2017.
[4] Le prestataire a d’abord demandé une pension de la Sécurité de la vieillesse en 2018. Le ministre a rejeté sa demande de pension après avoir conclu qu’il n’avait pas encore résidé au Canada assez longtemps pour y être admissible. La prestataire n’a pas demandé au ministre de réviser cette décision.
[5] En février 2022, le prestataire a à nouveau demandé une pension de la Sécurité de la vieillesseNote de bas de page 1. Le ministre a approuvé sa demande en mars 2023, sur le fondement que le prestataire avait 10 ans de résidence au Canada en date du 4 mars 2023. Les périodes utilisées allaient du 2 juillet 1995 au 25 août 1999 et du 29 avril 2017 au 4 mars 2023. Par conséquent, le prestataire avait droit à une pension de la Sécurité de la vieillesse au taux de 10/40 à compter d’avril 2023Note de bas de page 2.
[6] Cette fois, le prestataire a demandé au ministre de réviser sa décision. Il estimait que deux autres périodes pouvaient être utilisées aux fins de sa résidence. Si c’était le cas, ces périodes additionnelles viendraient majorer sa pension de la Sécurité de la vieillesse.
[7] La première période de résidence potentielle au Canada court du 22 mars 2001 au 19 août 2003. Durant cette période, le prestataire a vécu et travaillé en Inde (« période en Inde »). Il n’a pas laissé entendre qu’il résidait au Canada à ce moment-là. Il a plutôt soutenu qu’en vertu de l’Accord sur la sécurité sociale entre le Canada et la République de l’Inde (« Accord avec l’Inde Note de bas de page 3 »), la période qu’il a passée en Inde pourrait compter comme une période de résidence au Canada aux fins de sa pension de la Sécurité de la vieillesse.
[8] La deuxième période de résidence potentielle au Canada court du 26 septembre 2014 au 28 avril 2017. Durant cette période, le prestataire a principalement vécu et travaillé en Malaisie (« période en Malaisie »). Cependant, il était aussi propriétaire d’un appartement à X, où il séjournait de temps à autre. Selon lui, la période en Malaisie pourrait donc compter comme une période de résidence au Canada aux fins de sa pension de la Sécurité de la vieillesse, en raison de cette propriété et d’autres facteurs.
[9] Après révision, le ministre a maintenu sa décision initiale. La prestataire a alors fait appel au Tribunal de la sécurité sociale. La division générale du Tribunal n’a jamais examiné le fond de l’affaire, comme elle a conclu que le prestataire avait interjeté appel avec trop de retard. La division générale avait refusé de prolonger le délai d’appel.
[10] La prestataire a donc fait appel à la division d’appel du Tribunal. Durant une conférence préparatoire tenue en décembre 2024, les parties ont convenu qu’il fallait accorder au prestataire une prolongation pour son appel tardif à la division générale. Les parties s’accordaient aussi pour dire que la division d’appel devait examiner son appel sur le fondNote de bas de page 4.
[11] En conséquence, je dois décider si le prestataire a accumulé des périodes de résidence supplémentaires au Canada aux fins de sa pension de la Sécurité de la vieillesse. Plus précisément, je dois décider si la période en Inde et la période en Malaisie doivent être considérées comme des périodes de résidence au Canada.
[12] Pour les motifs qui suivront, je conclus que le prestataire n’a pas démontré sa résidence au Canada à l’égard des périodes en Inde et en Malaisie.
Questions en litige
[13] Voici les questions en litige dans cet appel :
- a) La période que le prestataire a passée en Inde a-t-elle valeur de résidence au Canada en vertu de l’Accord avec l’Inde?
- b) La période que le prestataire a passée en Malaisie a-t-elle valeur de résidence au Canada?
- c) Quelle est l’incidence des conclusions qui précèdent sur la pension de la Sécurité de la vieillesse du prestataire?
Analyse
[14] Selon la loi, une personne peut avoir été présente au Canada sans avoir résidé au Canada. Les termes « résidence » et « présence » ont chacun leur propre définition.
[15] Une personne réside au Canada si elle établit sa demeure et vit ordinairement dans une région du CanadaNote de bas de page 5. Une personne est présente au Canada lorsqu’elle se trouve physiquement dans une région du CanadaNote de bas de page 6.
La période que le prestataire a passée en Inde a-t-elle valeur de résidence au Canada en vertu de l’Accord avec l’Inde?
[16] Pour les motifs qui suivent, la période en Inde ne peut pas être considérée comme une période de résidence supplémentaire au Canada en vertu de l’Accord avec l’Inde.
[17] Les faits se rapportant à la question en litige ne sont pas contestés. Le prestataire a dit avoir vécu et travaillé en Inde durant cette périodeNote de bas de page 7. J’accepte cette preuve.
[18] Bien que le prestataire ait travaillé en Inde pendant la période de l’Inde, ni lui ni son employeur n’ont cotisé à la Caisse de prévoyance des employés. Le prestataire a toutefois affirmé qu’il avait payé des impôts sur son revenu d’emploi durant la période en IndeNote de bas de page 8.
[19] Les articles 11 et 12 de l’Accord avec l’Inde peuvent permettre de majorer la pension de la Sécurité de la vieillesse d’une personne ayant vécu en Inde. J’ai examiné chacun de ces articles pour voir s’ils venaient en aide au prestataire.
Article 11 de l’Accord avec l’Inde
[20] Les parties pertinentes de l’article 11 de l’accord Inde sont les suivantes :
- 1. Aux fins du calcul des prestations aux termes de la Loi sur la sécurité de la vieillesse :
- a. une personne est assujettie au Régime de pensions du Canada ou au régime général de pensions d’une province du Canada pendant une période quelconque de présence ou de résidence en Inde, cette période est considérée comme une période de résidence au Canada relativement à cette personne […].
- 2. Aux fins de l’application du paragraphe 1 :
- […]
- b. une personne n’est considérée assujettie au Régime de pensions du Canada ou au régime général de pensions d’une province du Canada pendant une période de présence ou de résidence en Inde que si cette personne verse des cotisations au régime concerné pendant cette période en raison d’un emploi ou d’un travail autonome.
[21] Grâce à l’article 11 de cet accord, paragraphe premier, des périodes de présence ou de résidence en Inde peuvent donc être considérées comme des périodes de résidence au Canada, pouvant ainsi majorer une pension de la Sécurité de la vieillesse. Pour qu’une présence ou une résidence en Inde soit utilisée à cette fin, la personne concernée doit être en même temps assujettie au Régime de pensions du Canada.
[22] L’article 11, paragraphe 2, vient toutefois circonscrire la portée du paragraphe premier. En effet, l’article 11(2) de l’Accord avec l’Inde précise qu’une personne est seulement assujettie au Régime de pensions du Canada pendant une période de résidence ou de présence en Inde si elle verse des cotisations au Régime de pensions du Canada à ce moment-là.
[23] C’est pour cette raison précise que le prestataire ne répond pas aux exigences de l’article 11. J’admets qu’il résidait en Inde pendant cette période. Toutefois, il n’a jamais cotisé au Régime de pensions du Canada pendant sa période en Inde. En fait, il y a strictement cotisé en 1999Note de bas de page 9.
Article 12 de l’Accord avec l’Inde
[24] Voici les parties pertinentes de l’article 12 de l’Accord avec l’Inde :
- 1. Si une personne n’a pas droit à une prestation vu l’insuffisance de ses périodes admissibles aux termes de la législation d’un État contractant, le droit de cette personne à cette prestation est déterminé par la totalisation de ces périodes et de celles spécifiées aux paragraphes 2 à 4, dans la mesure où ces périodes ne se superposent pas. […]
- 4.
- a. Aux fins de la détermination du droit à une prestation aux termes de la Loi sur la sécurité de la vieillesse du Canada, une période admissible aux termes de la législation de l’Inde est considérée comme une période de résidence au Canada;
- b. aux fins de la détermination du droit à une prestation aux termes du Régime de pensions du Canada, une année civile comptant au moins trois mois qui sont admissibles aux termes de la législation de l’Inde est considérée comme une année admissible aux termes du Régime de pensions du Canada.
[25] L’article 12 de l’Accord en Inde ne crée pas d’années supplémentaires de cotisations. En ce sens, elle ne peut pas permettre de majorer une pension de la Sécurité de la vieillesse. Toutefois, elle peut aider une personne à être admissible à la pension plus tôt qu’elle ne l’aurait été autrement. Une personne pourrait ainsi recevoir davantage de versements de pension.
[26] L’article 12, paragraphe premier, vise à empêcher le « double comptage ». Toutefois, comme le prestataire n’a pas autrement résidé au Canada pendant sa période en Inde, il pourrait quand même se prévaloir de l’article 12(4) de l’Accord avec l’Inde.
[27] L’article 12(4) de l’Accord avec l’Inde requiert une « période admissible » aux termes de la législation de l’Inde. Une période admissible, pour l’Inde désigne « toute période de cotisation ou d’assurance reconnue comme telle dans la législation en vertu de laquelle cette période a été complétée, ainsi que toute période reconnue comme l’équivalent d’une période de cotisation ou d’assurance en vertu de cette législationNote de bas de page 10. » Toutefois, seules les périodes admissibles liées aux programmes de pension s’appliquentNote de bas de page 11.
[28] Comme je l’ai noté plus tôt, le prestataire a déclaré ne pas avoir cotisé à la Caisse de prévoyance des employés pendant sa période en IndeNote de bas de page 12. Aucune preuve ne montre non plus qu’il aurait cotisé à un autre programme de pension en Inde. Payer de l’impôt sur le revenu n’équivaut pas à cotiser à un programme de pension. Par conséquent, la prestataire n’a pas de période admissible selon la législation de l’Inde. Par conséquent, il ne peut pas commencer à recevoir sa pension de la Sécurité de la vieillesse sur la base de l’article 12 de l’Accord avec l’Inde.
La période que le prestataire a passée en Malaisie a-t-elle valeur de résidence au Canada?
[29] La période que le prestataire a passée en Malaisie ne peut pas être considérée comme une période de résidence supplémentaire au Canada. Je vais expliquer pourquoi.
[30] Pour décider si la prestataire résidait au Canada, je dois examiner l’ensemble de la situation et tenir compte de facteurs établis par la Cour fédérale, notamment dans sa décision DingNote de bas de page 13. Les facteurs de Ding demandent notamment d’examinerNote de bas de page 14 :
- où il avait des biens, comme des meubles, un compte bancaire et des intérêts commerciaux;
- où il avait des liens sociaux, comme des amis, des parents, l’appartenance à un groupe religieux et l’adhésion à un club ou une organisation professionnelle;
- où il avait d’autres liens, comme une assurance-maladie, un bail de location, une hypothèque ou un prêt;
- où il a produit des déclarations de revenus;
- les liens qu’il avait dans un autre pays;
- la durée de ses séjours au Canada;
- la fréquence et la durée de ses séjours à l’extérieur du Canada, et où il allait;
- son mode de vie au Canada;
- ses intentions.
[31] Cette liste n’est pas complète. D’autres facteurs peuvent être importants. Je dois examiner la situation du prestataire dans son ensemble.
Propriétés
[32] Ce facteur favorise légèrement une résidence en Malaisie pendant sa période en Malaisie, en raison des liens d’affaires du prestataire dans ce pays.
[33] Le prestataire était propriétaire de résidences au Canada et en Malaisie pendant cette période. Le 26 septembre 2014, son épouse et lui ont acheté un appartement sur X, dans X, en Colombie-Britannique (« appartement X »)Note de bas de page 15. Cependant, il avait aussi depuis 2004 une copropriété à son nom à Ampang, en Malaisie (« condo malaisien »). Il en est toujours propriétaire. Il y séjourne un mois ou deux à la fois, pour des vacances. Il ne le loue à personne d’autre quand il n’est pas là.
[34] Le prestataire a dit que l’appartement X et le condo malaisien étaient tous deux meublés pendant la période en MalaisieNote de bas de page 16.
[35] Le prestataire a travaillé comme consultant en Malaisie et à Singapour pendant la période en MalaisieNote de bas de page 17. Il a dit qu’il ralentissait ses activités professionnelles pendant cette période. Il n’avait pas de relations d’affaires au Canada pendant cette période.
[36] Pendant toute la période en Malaisie, le prestataire avait un compte bancaire à la RBC. Il y a aussi ajouté d’autres comptes et investi dans des placements, comme des certificats de dépôt et des fonds communs. Comme le prestataire travaillait comme consultant en Malaisie et y a passé la majeure partie de son temps durant cette période, il y avait probablement au moins un compte, même s’il n’a pas fourni de preuve expressément à cet égard. Le prestataire a nié avoir des investissements en MalaisieNote de bas de page 18.
[37] En 2022, le prestataire a déclaré des revenus annuels d’environ 19 000 $ provenant d’investissements dans un autre pays non spécifiéNote de bas de page 19. En 2018, il a également déclaré avoir eu des revenus d’investissement d’un autre pays en 2017Note de bas de page 20. Je ne peux toutefois pas dire si cet autre pays était la Malaisie.
Liens sociaux
[38] Ce facteur favorise légèrement une résidence en Malaisie pendant la période en Malaisie.
[39] Le prestataire a dit qu’il avait des amis en Malaisie comme au Canada pendant la période en Malaisie. Ses amis au Canada relevaient de ses relations d’affaires. Dans les deux pays, son épouse était sa seule familleNote de bas de page 21. Vu le temps qu’il a consacré à ses activités d’affaires en Malaisie, avant comme durant la période en Malaisie, on peut croire que le prestataire avait au moins autant d’amis en Malaisie qu’au Canada.
[40] La prestataire est membre de l’Institut nautique depuis longtemps. Il s’agit d’une organisation professionnelle internationale ayant des sections en Malaisie et au Canada. Il a dit qu’il a fini par participer à des réunions au Canada aussi. En plus de l’Institut nautique, sa seule autre adhésion était dans un club de golf en Malaisie. Il n’était pas membre d’un club de golf au CanadaNote de bas de page 22. Cela contribue à faire pencher la balance en faveur d’une résidence en Malaisie.
[41] Le prestataire a dit qu’il ne faisait pas partie d’autres associations ou groupes religieux.
Autres liens
[42] Ce facteur favorise légèrement une résidence au Canada, mais peut-être pas pour toute la période en Malaisie. En effet, durant cette période, le prestataire a fini par avoir une assurance médicale au Canada, mais pas ailleurs.
[43] À l’audience, le prestataire a dit avoir bénéficié du régime de soins de santé provincial de la Colombie-Britannique, sans toutefois pouvoir en préciser les dates. Il avait précédemment affirmé que cette assurance médicale avait commencé le 30 juin 2016Note de bas de page 23. Il a dit qu’il n’avait pas eu d’assurance médicale en Malaisie.
[44] Le prestataire a dit qu’il n’avait pas d’hypothèque ni de prêt au Canada ni en Malaisie. Je n’ai vu aucune preuve de baux dans ces deux pays. Cependant, comme il était à la fois propriétaire de l’appartement X et du condo malaisien pendant toute la période en Malaisie, il n’est pas vraiment pertinent de savoir s’il avait un bail à ce moment-là.
[45] Le prestataire a dit avoir obtenu un permis de conduire canadien vers 2016. Il a acheté une voiture au même moment. Il a dit qu’il laissait la voiture à l’appartement X quand il était en MalaisieNote de bas de page 24. Je n’ai vu aucune preuve montrant s’il avait un permis de conduire ou une voiture en Malaisie.
[46] Le prestataire a dit qu’il avait eu un téléphone mobile Telus au Canada à partir de 2014 ou de 2015. Cependant, il avait aussi un téléphone en MalaisieNote de bas de page 25.
Déclarations de revenus
[47] Ce facteur est soit neutre, soit légèrement favorable à une résidence en Malaisie pendant la période en Malaisie.
[48] Le prestataire a produit des déclarations de revenus en Malaisie (et à Singapour) pendant la période en Malaisie. Au Canada, il a produit des déclarations de revenus à titre de non-résident de 2014 à 2016, et une déclaration de revenus ordinaire pour l’année d’imposition 2017. À l’audience, le prestataire a dit qu’il n’était pas certain du sens à donner au mot « résident » lorsqu’il avait produit ces déclarations. Il a ajouté que la définition de ce mot est différente aux fins de l’impôt. Il a dit que son revenu canadien était constitué d’intérêts bancaires et d’un loyer procuré par l’appartement XNote de bas de page 26.
[49] Je ne peux pas dire que ce facteur joue en faveur d’une résidence au Canada. Son statut fiscal de « non-résident » au Canada pourrait légèrement favoriser une résidence en Malaisie. Cela dit, je reconnais aussi que le terme « résident » n’a pas exactement la même définition aux fins de la Sécurité de la vieillesse aux fins de l’impôt.
[50] Un peu de la même façon, la nature du revenu canadien du prestataire n’est pas indicatrice d’une résidence au Canada. En effet, il touchait activement son revenu d’emploi en Malaisie et ailleurs, tandis que son revenu canadien, constitué d’un loyer et d’intérêts, était gagné passivement. Cela étant dit, cet aspect n’est pas net et je n’y accorde donc pas vraiment d’importance.
Séjours au Canada et ailleurs
[51] Ce facteur se révèle fortement favorable à une résidence en Malaisie pendant la période en Malaisie.
[52] Le prestataire n’a pas pu m’indiquer avec exactitude ses séjours Canada. Il a estimé avoir quitté le Canada environ deux à quatre semaines après avoir acheté l’appartement X en septembre 2014. Par la suite, il aurait visité le Canada deux fois par an ou [traduction] « parfois plus souvent ». Ces visites duraient habituellement une semaine ou deux. Il a toutefois dit qu’il était une fois resté au Canada pendant près de six mois, peut-être en 2016, mais il n’en était plus certain. Il a dit que son projet de travail en Malaisie ne le tenait pas occupé à ce moment-làNote de bas de page 27.
[53] Pendant la période en Malaisie, le prestataire a passé la majeure partie de son temps en MalaisieNote de bas de page 28. Il vivait dans son condo malaisien. Son travail l’amenait à voyager un peu à Singapour, mais il séjournait dans un hôtel quand il était là-bas. Il a passé une semaine en Chine et quelques semaines en Inde. Il a donc passé largement plus de temps en Malaisie que n’importe où ailleurs, y compris au Canada.
Mode de vie au Canada
[54] Pendant la période en Malaisie, le mode de vie du prestataire en sol canadien n’étaye pas une résidence au Canada.
[55] Le prestataire a dit qu’il séjournait à l’appartement X chaque fois qu’il était au Canada pendant cette période. Il a dit qu’il avait acheté l’appartement X pour s’habituer à vivre au Canada. Il est difficile de dire comment il parvenait à louer ce logement alors qu’il en prenait possession au moins deux fois l’an. Plus tôt, il avait aussi dit qu’il avait acheté l’appartement X avec l’intention de le louerNote de bas de page 29. Quoi qu’il en soit, toutes ses visites au Canada, sauf une, ont été très brèves. Il ne restait au Canada qu’un ou deux semaines à la fois.
[56] Au sujet du séjour prolongé de près de six mois à X, présumément en 2016, le prestataire a dit qu’il recherchait des occasions d’affaires tout en décidant où il pourrait préférer vivre. Le prestataire a fini par vendre l’appartement X vers octobre 2017 et par acheter une maison en rangée non loin de là, à Y.
[57] Je juge que le mode de vie du prestataire au Canada, à l’exception possible de cet unique séjour prolongé, était très transitoire. Bien qu’il avait un logement où séjourner, il était rarement au Canada assez longtemps pour y adopter un quelconque mode de vie. Il passait beaucoup plus de temps en Malaisie, assez de temps pour y travailler et pour ralentir ses activités d’affaires. Il a déjà dit qu’il avait acheté la maison en rangée de Y pour se [traduction] « poser pour de bonNote de bas de page 30 ». Il n’a jamais parlé ainsi de l’appartement X.
Intentions
[58] Ce facteur est neutre ou favorise légèrement une résidence en Malaisie pendant la période en Malaisie.
[59] Le prestataire a dit avoir décidé, en 2014, d’établir sa résidence à XNote de bas de page 31. Bien qu’il ait alors acheté l’appartement X, il ne s’est jamais départi de son condo malaisien. Il en est d’ailleurs toujours propriétaire aujourd’hui. Comme je l’ai mentionné plus tôt, il ne s’est pas [traduction] « posé » avant d’acheter la maison en rangée à Y en octobre 2017.
[60] Quand le prestataire a fait sa demande pour une pension de la Sécurité de la vieillesse en 2018, il a dit ne pas avoir résidé au Canada avant 2018. Dans sa demande de 2022, il a dit ne pas avoir résidé au Canada avant avril 2017. Ces déclarations passées ne montrent pas qu’il aurait résidé au Canada à partir de 2014. Il a dit qu’il ne savait pas bien ce que signifiait la « résidence ». Pourtant, les formulaires de demande qu’il a remplis l’expliquaient. Cette définition était comprise dans les instructions de la question concernant sa résidence au fil des ansNote de bas de page 32.
[61] De même, peu de temps avant l’audience, le prestataire a affirmé ne pas avoir acheté l’appartement X avec l’intention de le louer. Il a dit qu’il l’avait loué à court terme, quand il ne l’utilisait pas lui-mêmeNote de bas de page 33. Il avait toutefois déclaré en 2018 qu’il avait acheté cet appartement pour le louerNote de bas de page 34.
[62] Ces déclarations donnent à penser que le prestataire entretenait l’intention de vivre au Canada dans une perspective à long terme, et non pendant la période en Malaisie comme telle. Je souligne aussi que les déclarations faites plus tard sont rarement plus justes que les déclarations faites plus tôt.
Conclusions sur les facteurs de Ding
[63] Tout bien considéré, les facteurs de la décision Ding révèlent que le prestataire résidait en Malaisie pendant toute la période en Malaisie.
[64] Les « autres liens » du prestataire font légèrement pencher la balance en faveur d’une résidence au Canada pendant au moins une partie de la période en Malaisie. Son assurance médicale canadienne en est principalement responsable. Cependant, je juge que les autres facteurs de la décision Ding, lorsqu’ils font pencher la balance, favorisent une résidence en Malaisie pendant toute la période en Malaisie.
[65] Les liens sociaux et les intérêts immobiliers du prestataire sont indicateurs d’une résidence en Malaisie. Ses intentions et ses déclarations de revenus, si elles font pencher la balance, favorisent légèrement une résidence en Malaisie. Son style de vie transitoire au Canada donne aussi à penser qu’il résidait ailleurs.
[66] Enfin, le temps que le prestataire a passé en Malaisie indique fortement qu’il y résidait. Même si seuls quelques autres facteurs de Ding indiquent fortement la même chose, le temps qu’il a passé en Malaisie vient effacer tout doute. Je ne peux pas dire qu’il a établi sa demeure et vivait ordinairement au Canada. Pendant la période en Malaisie, le prestataire a établi sa demeure et vivait ordinairement en Malaisie.
[67] Cette conclusion correspond à l’image révélée par les éléments de preuve. Le plan à long terme du prestataire était de résider au Canada, et c’est ce qu’il a fini par faire. Cependant, pendant la période en Malaisie, ses liens avec le Canada étaient beaucoup moins forts. Ses liens importants avec la Malaisie le confirment.
Autres questions relatives à la résidence
[68] À l’audience devant la division d’appel, la prestataire a invoqué une disposition de l’article 21 du Règlement sur la sécurité de la vieillesse. Selon cette disposition, une absence temporaire dont la durée ne dépasse pas un an n’interrompt pas la résidence d’une personne au CanadaNote de bas de page 35. Le prestataire a dit qu’il était au Canada au moins deux fois par an pendant la période en Malaisie. À son avis, il n’aurait donc jamais été absent du Canada pendant plus d’un an durant cette période. Il estime que cela vient soutenir qu’il résidait au Canada durant la période en Malaisie.
[69] Malheureusement pour le prestataire, cette disposition ne l’aide pas. Elle peut seulement s’appliquer s’il résidait au Canada au début de la période en causeNote de bas de page 36. Toutefois, il n’était pas résident du Canada au début de la période en Malaisie. Il n’a pas non plus établi à nouveau sa résidence au Canada avant la fin de la période en Malaisie.
Quelle est l’incidence de mes conclusions sur la pension de la Sécurité de la vieillesse du prestataire?
[70] La prestataire n’a pas résidé au Canada durant des périodes additionnelles. Par conséquent, le fondement de la décision initiale du ministre demeure inchangé. Le prestataire avait accumulé 10 ans de résidence au Canada en date du 4 mars 2023. Comme il a présenté sa demande de pension en février 2022, ces années de résidence lui donnent droit à une pension de la Sécurité de la vieillesse au taux de 10/40 à compter d’avril 2023Note de bas de page 37.
Conclusion
[71] L’appel est rejeté. La prestataire n’a pas d’autres périodes de résidence au Canada. Il demeure admissible à une pension de la Sécurité de la vieillesse au taux de 10/40 à compter d’avril 2023.