Contenu de la décision
[TRADUCTION]
Citation : La succession de TS c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2025 TSS 503
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu
Décision
Partie appelante : | La succession de T. S. |
Représentante ou représentant : | Pina Mancuso |
Partie intimée : | Ministre de l’Emploi et du Développement social |
Décision portée en appel : | Décision de révision rendue le 13 mai 2024 par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Antoinette Cardillo |
Mode d’audience : | Vidéoconférence |
Date de l’audience : | Le 25 février 2025 |
Personnes présentes à l’audience : | Représentante de la partie appelante Personne représentant l’intimé |
Date de la décision : | Le 14 mai 2025 |
Numéro de dossier : | GP-24-1067 |
Sur cette page
Décision
[1] L’appel est rejeté.
[2] La partie appelante, la succession de T. S., ne peut pas bénéficier de la pension de la Sécurité de la vieillesse du mois d’octobre 2014 au 19 septembre 2021.
[3] La présente décision explique pourquoi je rejette l’appel.
Aperçu
[4] T. S. est née en Hongrie le X janvier 1931. Elle a demandé la pension de la Sécurité de la vieillesse le 1er décembre 1995Note de bas de page 1. Elle a eu 65 ans en janvier 1996.
[5] Le ministre de l’Emploi et du Développement social a approuvé sa demande au taux de 40/40e à compter de février 1996, soit le mois suivant son 65e anniversaire. Elle a reçu la pension de février 1996 à novembre 2015. Le ministre a suspendu les versements parce qu’elle a disparu.
[6] Le 8 septembre 2023, la représentante de la partie appelante a téléphoné au centre d’appel du ministre pour dire que la Cour supérieure du Québec avait rendu un jugement déclaratif pour établir le décès de T. S. en septembre 2021Note de bas de page 2.
[7] Le 3 octobre 2023, la représentante a envoyé une lettre au ministre pour demander le paiement de la pension de la Sécurité de la vieillesse du mois de novembre 2015 au 19 septembre 2021, soit la date du décès de T. S. selon le jugement déclaratifNote de bas de page 3.
[8] Le ministre a rejeté la demande de paiement rétroactif présentée par la représentante de la partie appelante. Elle a aussi affirmé qu’il y avait un trop-perçuNote de bas de page 4 (sommes versées en trop). Le ministre a expliqué que, conformément à la Loi sur la sécurité de la vieillesse, il avait délivré un certificat de présomption de décèsNote de bas de page 5. Dans le certificat, le ministre indiquait que T. S. avait disparu dans des circonstances où il était raisonnablement impossible de douter de son décès. Il attestait que, pour l’application de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, T. S. était dès lors réputée être décédée le 19 septembre 2014. Par conséquent, comme le versement de sa pension de la Sécurité de la vieillesse s’était poursuivi jusqu’en novembre 2015, il y avait un trop-perçu de 7 908,17 $ à rembourser pour les mois d’octobre 2014 à novembre 2015.
[9] La partie appelante a porté la décision du ministre en appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.
Question en litige
[10] Je dois décider si la succession de T. S. peut bénéficier de la pension de la Sécurité de la vieillesse à partir de la disparition de T. S. en septembre 2014 jusqu’à la date du décès indiquée dans le jugement déclaratif de la Cour supérieure du Québec, c’est-à-dire jusqu’en septembre 2021.
Motifs de ma décision
[11] T. S. avait droit à la pleine pension de la Sécurité de la vieillesse au taux de 40/40e en février 1996, soit le mois suivant son 65e anniversaire. Elle a reçu la pension de février 1996 à novembre 2015. Ce mois-là, le ministre a suspendu les versements parce qu’on l’a informé de la disparition de T. S.
Les faits
[12] T. S. a disparu le 19 septembre 2014.
[13] En septembre 2015, son versement de la Sécurité de la vieillesse a été retourné au ministre avec une note indiquant que le compte bancaire de T. S. était geléNote de bas de page 6.
[14] Le ministre a tenté de communiquer avec T. S. Il a réussi à joindre son fils. Celui-ci a dit que sa mère ne pouvait plus s’occuper de ses affaires. Le ministre lui a envoyé des formulaires à remplir pour faire ajouter au dossier le nom d’une personne autorisée. Ainsi, la gestion de la pension de la Sécurité de la vieillesse serait assurée.
[15] Le 2 décembre 2015, après avoir reçu les formulaires, le fils de T. S. a téléphoné au centre d’appel du ministre. Il a expliqué que sa mère était portée disparue depuis septembre 2014Note de bas de page 7. Il a fourni le numéro d’un rapport de police et a mentionné qu’il avait une procuration pour gérer les affaires de sa mère. Il a ajouté que la pension de la Sécurité de la vieillesse était toujours versée et il a demandé s’il fallait suspendre le compte. Il a demandé qu’on le rappelle.
[16] Le 3 décembre 2015, le ministre a communiqué avec le fils de T. S. pour l’aviser qu’étant donné la disparition de sa mère, une procuration n’était pas suffisante pour le désigner comme représentant au dossierNote de bas de page 8. Le ministre l’a aussi informé de la suspension du compte de sa mère. Le fils de T. S. a dit qu’il déposerait une décision de la Cour pour confirmer la disparition de sa mère et la procuration.
[17] Le 7 décembre 2015, le fils de T. S. est allé dans un Centre Service Canada pour remettre un jugement daté du 3 février 2015. La Cour supérieure du Québec y déclarait que T. S. avait disparu le 19 septembre 2014Note de bas de page 9. Le jugement confirmait aussi qu’il avait une procuration générale depuis le 14 février 2013.
[18] De décembre 2015 à juin 2023, ni le ministre ni le fils de T. S. n’ont poursuivi leurs démarches respectives.
[19] Le 7 juin 2023, la Cour supérieure du Québec a rendu un jugement déclaratif établissant le décès de T. S. en date du 19 septembre 2021.
[20] Le Directeur de l’état civil du Québec a délivré un certificat de décès le 8 août 2023.
[21] Le 8 septembre 2023, la représentante de la partie appelante a téléphoné au centre d’appel du ministre pour dire qu’on avait déclaré que T. S. était décédée en septembre 2021. La représentante a ensuite fait parvenir une lettre au ministre pour lui demander de verser la pension de la Sécurité de la vieillesse jusqu’à la date du décès de T. S.
[22] Dans une lettre datée du 12 février 2024, le ministre a écrit que, comme T. S. avait disparu dans des circonstances où il était raisonnablement impossible de douter de son décès, le ministre avait certifié, pour l’application de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, qu’elle était réputée décédée le 19 septembre 2014Note de bas de page 10. Sa succession avait droit au paiement de la pension de la Sécurité de la vieillesse pour le mois de son décès. Toutes les sommes versées après le mois de son décès devaient être remboursées. Ainsi, le trop-perçu s’élevait à 7 908,17 $ pour les mois d’octobre 2014 à novembre 2015.
Arguments de la partie appelante
[23] Selon la représentante de la partie appelante, même si la Loi sur la sécurité de la vieillesse donne au ministre le pouvoir de délivrer un certificat de décès dans des circonstances bien précises, le ministre a eu tort de délivrer le certificat. Voici pourquoiNote de bas de page 11 :
- 1) La décision rendue par le ministre n’était pas fondée en fait et en droit.
- 2) Le ministre n’a pas expliqué quelles constatations lui ont permis de conclure qu’il était raisonnablement impossible de douter du décès de T. S. dès le 19 septembre 2014.
- 3) Le ministre s’est appuyé sur un article de journal publié le 4 décembre 2015. L’article ne disait pas qu’il était raisonnablement impossible de douter du décès de T. S. L’article mentionnait que son fils offrait une récompense à toute personne ayant des informations sur sa mère. On pouvait lui acheminer les informations directement ou les transmettre à la Sûreté du Québec. En décembre 2014, la Sûreté du Québec a informé le fils de T. S. qu’elle traitait maintenant son dossier comme celui d’une « personne disparue ». La Sûreté du Québec n’a jamais précisé qu’elle avait conclu que T. S. était morteNote de bas de page 12.
- 4) La présomption de vie n’a pas été réfutée par le ministre dans le délai de sept ans fixé par le Code civil du QuébecNote de bas de page 13. C’est seulement le 6 février 2024, soit plus de neuf ans après la disparition de T. S., que le ministre a supposé qu’elle était décédée.
- 5) La Cour suprême du Canada a examiné en détail les règles sur la présomption de vie pendant la période d’absence de sept ans, la présomption de décès qui survient après sept ans et les effets du jugement déclaratifNote de bas de page 14. Voici ce que la Cour suprême a affirmé :
- a) Après sept ans d’absence, le Code civil du Québec ne permet plus de réfuter le fait que la personne absente était juridiquement vivante pendant la période d’absenceNote de bas de page 15.
- b) Même si la connaissance du véritable état des choses vient à changer après le prononcé du jugement déclaratif de décès, le Code civil du Québec prévoit seulement deux exceptions où ce véritable état des choses l’emportera sur la date juridique de décès fixée par le jugement : 1) quand il y a retour de la personne absente et 2) quand la découverte de la date réelle du décès a une incidence sur la date de « la dissolution du régime matrimonial ou d’union civile » et de l’ouverture de la succession de la personne absenteNote de bas de page 16.
- c) Avant sept années d’absence, la situation est fluide et susceptible de changerNote de bas de page 17. Il n’y a qu’une présomption de vie, qui peut être confirmée par le retour de la personne absente ou repoussée par une preuve de son décès. Après sept années d’absence, une image beaucoup plus certaine et concrète se dessine : le jugement déclaratif de décès met fin à l’existence juridique de la personne absente et confirme par le fait même que la personne était, sur le plan juridique, vivante au cours des sept années précédentes.
- 6) Le ministre a ignoré le jugement déclaratif rendu près de neuf ans après la disparition de T. S. Il a plutôt décidé de certifier que son décès s’était produit le 19 septembre 2014. Selon le Code civil du Québec et la Cour suprême du Canada, le ministre ne peut pas faire une telle chose après le délai de sept ans et le prononcé d’un jugement déclaratifNote de bas de page 18.
- 7) Quand il a rendu sa décision le 12 février 2024, le ministre a interprété la Loi sur la sécurité de la vieillesse comme si elle lui donnait un vaste pouvoir grâce auquel il pouvait déterminer à tout moment la date du décès d’une personne qui reçoit des prestations et ignorer les jugements déclaratifs, les lois applicables dans les autres provinces et les certificats de décèsNote de bas de page 19.
- 8) La division d’appel du Tribunal a conclu qu’au titre de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, le ministre n’avait pas le pouvoir de réévaluer ses décisions initiales sur l’admissibilité des personnes qui touchent des prestationsNote de bas de page 20.
- 9) Même si la Loi sur la sécurité de la vieillesse donne au ministre le pouvoir de délivrer un certificat de décès attestant qu’une personne absente a disparu dans des circonstances où il est raisonnablement impossible de douter du décès que la personne, il faut que ce soit fait durant la période d’absence de sept ans.
- 10) Autoriser le ministre à délivrer un certificat de décès après le délai de sept ans et après le prononcé d’un jugement déclaratif irait à l’encontre de l’objet ou du but de la Loi sur la sécurité de la vieillesse. C’est une loi qui « donne des prestations » aux personnes âgées. Une telle autorisation priverait la succession de ces personnes du droit de recevoir des prestations de décès pendant la période de présomption de vie et obligerait peut-être la succession à rembourser ces prestations.
- 11) L’article 31(1) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse ne précise pas dans quel délai le ministre peut délivrer un certificat de décès. Par conséquent, on ne peut pas l’interpréter au sens que le ministre peut délivrer un certificat en tout temps et indéfiniment. Les effets d’une telle interprétation causeraient de graves préjudices et s’opposeraient au principe de la Loi, qui vise l’octroi de prestations. Il faut interpréter l’article 31(1) de façon à ce que le ministre n’ait pas le pouvoir de délivrer un certificat de décès après le délai de sept ans et le prononcé d’un jugement déclaratif par la Cour supérieure du Québec.
[24] Compte tenu de ces arguments, la représentante de la partie appelante a affirmé que celle-ci avait le droit de continuer à recevoir la pension de la Sécurité de la vieillesse pendant l’absence de T. S. Pendant la période de sept ans allant du 19 septembre 2014 au 19 septembre 2021, T. S. était réputée être en vie et conservait tous ses droits et avantages.
Arguments du ministre
[25] Le ministre soutient qu’en 2023, quand la représentante de la partie appelante a communiqué avec le ministre pour obtenir le versement de la pension jusqu’en septembre 2021, le dossier a été examiné selon les faits connus et suivant l’application de l’article 31 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse.
[26] Comme le mentionne le certificat de présomption de décès, le ministre s’est penché sur plusieurs élémentsNote de bas de page 21. Il y avait les deux jugements rendus par la Cour supérieure du Québec. Le premier confirmait le statut de personne disparue de T. S. en 2015. L’autre fixait la date de son décès au 19 septembre 2021. C’était sept ans après sa disparitionNote de bas de page 22.
[27] Le ministre a aussi tenu compte de l’avis de disparition publié le 23 septembre 2014 par la Sûreté du Québec, de la chronologie des événements, des témoignages rapportés dans divers articles de presse publiés du 20 septembre 2014 au 4 décembre 2015 et du fait que l’époux de T. S. a été retrouvé, mais que les recherches menées dans le même secteur n’ont pas permis de retrouver T. S.
[28] Le ministre affirme que la décision de délivrer un certificat de présomption de décès respectait la loi. Les éléments pris en considération permettaient raisonnablement de présumer que T. S. était décédée le 19 septembre 2014.
[29] La partie appelante demande le versement de la pension de la Sécurité de la vieillesse jusqu’à la date de décès figurant sur le certificat délivré par le Directeur de l’état civil du Québec, c’est-à-dire le 19 septembre 2021, à la suite du jugement déclaratif rendu le 7 juin 2023 par la Cour supérieure du Québec. Toutefois, l’article 31(4) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse prévoit en toutes lettres que le ministre n’est pas lié par le certificat de décès délivré par une autre autorité. À cet effet, le ministre fait aussi valoir que la décision déposée la représentante de la partie appelante confirme qu’au titre de l’article 31(4) de la Loi, le ministre n’est pas lié par la délivrance d’un certificat de décès par une autre autorité, comme une provinceNote de bas de page 23.
Droit applicable
[30] Voici le texte de l’article 31 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse :
Présomption de décès
31 (1) En cas de disparition dans des circonstances telles, d’après lui, qu’il est raisonnablement impossible de douter du décès, le ministre peut délivrer un certificat de présomption de décès; le demandeur ou le prestataire est dès lors réputé, pour l’application de la présente loi, être décédé à la date figurant dans le certificat.
Changement de la date du décès
(2) Si de nouveaux renseignements ou éléments de preuve le convainquent que la date du décès n’est pas celle qui figure dans le certificat, le ministre peut remplacer celui-ci par un autre où figure la nouvelle date, laquelle devient dès lors la date du présumé décès.
Réapparition
(3) Si de nouveaux renseignements ou éléments de preuve le convainquent que le présumé défunt est vivant, le ministre annule le certificat et veille à ce que les prestations soient rétablies à compter du mois suivant la date du présumé décès, sous réserve des dispositions de la présente loi régissant l’admissibilité à ces prestations.
Autres certificats de décès
(4) Pour l’application du présent article, le ministre n’est pas lié par la délivrance ou l’annulation d’un certificat de décès par une autre autorité.
Analyse
[31] Le principal argument de la représentante de la partie appelante est que le ministre a ignoré le jugement déclaratif rendu par la Cour supérieure du Québec après la disparition de T. S. et qu’il a établi que le décès s’était produit le 19 septembre 2014.
[32] La représentante soutient que, selon le Code civil du Québec et la Cour suprême du Canada, le ministre ne peut pas rendre une telle décision après l’expiration du délai de sept ans et le prononcé d’un jugement déclaratifNote de bas de page 24.
[33] À l’audience, j’ai dit à la représentante de la partie appelante que le ministre n’était pas obligé de suivre les lois provinciales.
[34] Le Code civil du Québec codifie le droit privé au Québec. Il ne s’applique donc pas dans les présentes circonstances. Le ministre applique les règles prévues par la Loi sur la sécurité de la vieillesse, qui est une loi fédérale, pour tout ce qui touche à la pension de la Sécurité de la vieillesse.
[35] La représentante de la partie appelante précise que la Cour suprême a examiné de près les règles sur la présomption de vie pendant la période d’absence de sept ans, la présomption de décès qui survient après les sept ans et les effets d’un jugement déclaratif.
[36] La représentante fait référence à l’affaire Threlfall. Dans cette affaire, la Cour suprême a interprété l’effet d’un jugement déclaratif rendu au titre du Code civil du Québec et la présomption de vie (ou de décès) aussi prévue par le Code civil du Québec. Toutefois, comme je l’ai mentionné, le ministre n’est pas lié par une loi provinciale ni par un certificat de décès délivré par une autre autorité. Par conséquent, l’affaire Threlfall est différente de la présente affaire.
[37] De plus, la Loi sur la sécurité de la vieillesse précise clairement que le ministre n’est pas lié par la délivrance ou l’annulation d’un certificat de décès par une autre autoritéNote de bas de page 25. D’ailleurs, la représentante de la partie appelante a déposé une décision du tribunal de révision qui confirme la même choseNote de bas de page 26.
[38] La représentante ajoute que le ministre avait adopté une interprétation large du pouvoir que lui donnait la Loi sur la sécurité de la vieillesse quand il a déterminé la date du décès de T. S. Pour appuyer ses observations, elle a dit que la division d’appel du Tribunal avait rendu en 2021 une décision où elle concluait que la Loi sur la sécurité de la vieillesse ne donnait pas au ministre le pouvoir de réévaluer ses décisions initiales sur l’admissibilité d’une personne aux prestations. La représentante ne s’est toutefois pas rendu compte que cette décision de la division d’appel a été annulée en 2022 par la Cour d’appel fédérale, qui a confirmé le pouvoir du ministre de réévaluer ses décisions au titre de la LoiNote de bas de page 27.
[39] Contrairement à l’argument de la représentante de la partie appelante, même si la Cour supérieure du Québec a rendu un jugement déclaratif établissant la date du décès de la partie appelante [sic] au 19 septembre 2021, le ministre avait le pouvoir de délivrer un certificat attestant que la date du présumé décès de T. S. était le 19 septembre 2014, conformément aux articles 31(1) et 31(4) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse.
[40] Sept ans après sa disparition, T. S. a été déclarée morte par la province où elle résidait. À cet endroit, les lois permettent de confirmer le décès d’une personne absente après un tel délai. En revanche, le ministre n’est pas obligé de retenir cette date. Le Code civil du Québec ne l’obligeait donc pas à réfuter la présomption de vie durant le délai de sept ans, contrairement à ce que suggère la représentante de la partie appelante.
[41] De plus, contrairement à l’argument de la représentante, le ministre a bel et bien expliqué comment il est arrivé à la conclusion que la date du présumé décès de T. S. était le 19 septembre 2014.
[42] Le ministre a attendu que la partie appelante lui apporte la preuve du décès de T. S. Il a ensuite examiné les articles publiés au sujet de sa disparition en 2014 et en 2015, soit un an après la disparition. Ils précisaient que T. S. n’avait toujours pas été retrouvée. Le ministre a aussi tenu compte du fait que l’époux de T. S. a été retrouvé, mais que les recherches menées dans la même région n’ont pas permis de localiser T. S.
[43] Selon la Loi sur la sécurité de la vieillesse, lorsqu’une personne qui demande des prestations a disparu dans des circonstances telles que, d’après le ministre, il est raisonnablement impossible de douter du décès, le ministre peut délivrer un certificat de présomption de décès et la personne est alors réputée être décédée à la date figurant sur le certificatNote de bas de page 28.
[44] Pour que le ministre puisse délivrer un certificat de décès et cesser de verser la pension de la Sécurité de la vieillesse, l’article 31(1) de la Loi ne lui demande pas d’établir qu’une personne est décédée de sorte qu’il soit raisonnablement impossible d’en douter. L’article de loi prévoit que si, d’après le ministre, les circonstances d’une disparition sont telles qu’il est raisonnablement impossible de douter du décès, le ministre peut délivrer un certificat de présomption de décès et la personne est alors réputée être décédée.
[45] Dans la présente affaire, après avoir examiné les faits (y compris la confirmation du décès de T. S. par la partie appelante), le ministre a décidé qu’à compter du 19 septembre 2014, c’est-à-dire la date de la disparition de T. S., elle n’était malheureusement pas réapparue, elle n’avait pas été retrouvée et il n’y avait aucun signe qu’elle avait survécu à sa disparition. Par conséquent, le ministre a présumé qu’elle était décédée le jour de sa disparition.
[46] Aux termes de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, tant que le ministre délivre le certificat de décès alors qu’il estime que les circonstances de la disparition sont de telle sorte qu’il est raisonnablement impossible de douter du décès, la date que le ministre établit comme étant la date du présumé décès est considérée comme celle où la personne est réputée être décédée pour l’application de la LoiNote de bas de page 29.
[47] Enfin, autoriser la partie appelante à bénéficier de façon rétroactive de la pension de la Sécurité de la vieillesse pendant la disparition de T. S. irait à l’encontre de l’esprit de la Loi sur la sécurité de la vieillesse.
[48] La Loi vise à fournir un soutien aux personnes âgées ayant un faible revenu. Elle n’est pas censée subvenir aux besoins de leurs proches pendant son absence ni venir renflouer son patrimoine après son décèsNote de bas de page 30.
[49] La Loi sur la sécurité de la vieillesse permet à la succession d’une personne de demander la pension de la Sécurité de la vieillesse si la personne décédée avait droit à la pension avant son décès, mais qu’elle n’en a pas fait la demande. La succession doit plutôt présenter une demande dans l’année suivant le décès de la personneNote de bas de page 31. Dans un tel cas, la pension de la Sécurité de la vieillesse permet d’aider à payer les dépenses que la personne a sans doute assumées pendant qu’elle était vivante.
[50] Dans la présente affaire, la situation est différente. Le versement de la pension de la Sécurité de la vieillesse est approuvé depuis 1996. T. S. a disparu en septembre 2014. La pension était censée l’aider à subvenir à ses besoins, et non à ceux de sa succession.
Conclusion
[51] La partie appelante ne peut pas bénéficier de la pension de la Sécurité de la vieillesse du mois d’octobre 2014 au 19 septembre 2021.
[52] Par conséquent, l’appel est rejeté.