Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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[TRADUCTION]

Citation : HS c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2025 TSS 652

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : H. S.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de révision datée du 23 octobre 2023 rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Lianne Byrne
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 4 février 2025
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 14 février 2025
Numéro de dossier : GP-24-160

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli en partie.

[2] L’appelante, H. S., a droit au Supplément de revenu garanti pour la période allant de juillet 2021 à juin 2022. Cependant, elle n’y a pas droit de juillet 2020 à juin 2021. La présente décision explique pourquoi j’accueille l’appel en partie.

Aperçu

[3] Le 9 juillet 2019, l’appelante a demandé une pension de la Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti. Le ministre de l’Emploi et du Développement social lui a accordé une pension partielle de la Sécurité de la vieillesse. Le 14 juin 2022, l’appelante a demandé une révision de la décision concernant le Supplément de revenu garanti. Elle réclamait que le supplément lui soit versé dès 2019, à titre rétroactif.

[4] Le 23 octobre 2023, le ministre a maintenu sa décision, refusant à l’appelante le Supplément de revenu garanti pour les périodes allant de juillet 2020 à juillet 2021 et de juillet 2021 à juin 2022.

[5] Dans ses observations, le ministre reconnaît maintenant que l’appelante est admissible au Supplément de revenu garanti pour la période de juillet 2021 à juin 2022. Il dit que le supplément lui sera versé pour cette période dès que l’appel sera réglé. Le ministre maintient toutefois que l’appelante n’est pas admissible au supplément pour la période de juillet 2020 à juin 2021, comme elle ne lui a pas fourni à temps les renseignements sur ses revenus. Le ministre affirme également qu’elle ne répond pas aux exigences de la Loi sur la Sécurité de la vieillesse en matière d’incapacité.

[6] De son côté, l’appelante dit avoir droit au Supplément de revenu garanti pour la période de juillet 2020 à juin 2021. Elle n’avait pas pu fournir plus tôt les renseignements nécessaires sur ses revenus en raison d’une incapacité. Son médecin de famille a rempli une déclaration d’incapacité montrant qu’elle a une incapacité depuis le 21 novembre 2017.

Question que je dois examiner

[7] L’appelante a-t-elle droit au Supplément de revenu garanti pour les périodes allant de juillet 2020 à juin 2021 et de juillet 2021 à juin 2022?

[8] L’appelante avait-elle une incapacité l’empêchant de remplir une demande de Supplément de revenu garanti pour la période de juillet 2020 à juin 2021?

Motifs de ma décision

L’appelante est admissible au Supplément de revenu garanti pour la période de juillet 2021 à juin 2022

[9] Tout comme le reconnaît maintenant le ministre, je conclus que l’appelante a droit au Supplément de revenu garanti pour cette période. Le ministre a confirmé que l’Agence du revenu du Canada a été informée du revenu de l’appelante pour 2020 et que le revenu lui a été communiqué en juin 2022. Le ministre peut donc verser à l’appelant le supplément à titre rétroactif pour la période de juillet 2021 à juin 2022.

[10] Le ministre affirme que la somme de 4 952,46 $ doit ainsi être versée à l’appelante, et qu’elle le sera au terme du présent appel.

L’appelante n’a pas droit au Supplément de revenu garanti pour la période de juillet 2020 à juin 2021

[11] Dans une lettre datée du 8 juin 2022Note de bas de page 1, l’appelante a écrit que des circonstances atténuantes expliquent pourquoi sa déclaration de revenus a seulement été produite récemment . Elle avait subi une arthroplastie totale du genou gauche en novembre 2017 et avait ensuite fait de la physiothérapie. Atteinte d’un trouble anxieux modéré à grave et d’un trouble obsessionnel-compulsif, elle a vu ces problèmes exacerbés quand la douleur s’est aggravée en 2020. Par conséquent, elle n’a pas pu s’occuper de ses finances pendant un certain temps. De plus, elle ne savait pas comment produire une déclaration de revenus, comme sa sœur, décédée en janvier 2021, le faisait habituellement pour elle. L’appelante a dû recourir à l’aide d’une firme comptable.

[12] Le versement du Supplément de revenu garanti ne peut pas commencer plus de 11 mois avant le mois où la demande a été reçue ou est réputée avoir été présentéeNote de bas de page 2.

[13] Afin d’être admissible au Supplément de revenu garanti pour la période allant de juillet 2020 à juin 2021, l’appelante devait fournir un état de ses revenus pour 2019. Si l'appelante avait produit sa déclaration de revenus pour 2019, l’Agence du revenu du Canada aurait été en mesure de le transmettre au ministre.

[14] En date d’octobre 2023, l’état de ses revenus pour 2019 n’avait toujours pas été fourni par l’appelante ou l’Agence du revenu du Canada. De toute façon, il était déjà trop tard, comme un versement rétroactif de la Sécurité de la vieillesse ne peut pas excéder 11 mois. L’appelante n’est donc pas admissible au Supplément de revenu garanti pour la période allant de juillet 2020 à juin 2021.

[15] Tout en reconnaissant ne pas avoir fourni à temps l’état de ses revenus, l’appelante affirme que des circonstances atténuantes doivent être prises en compte.

[16] Le Tribunal est créé par une loi. Ses pouvoirs se limitent donc à ceux que lui confère la législation qui le régit. Ainsi, je suis obligée d’interpréter et d’appliquer les dispositions législatives telles qu’elles sont énoncées dans le Régime de pensions du Canada. Je ne peux pas lui concéder une plus longue rétroactivité sur la base des principes d’équité ou de circonstances atténuantes.

L’appelante n’avait pas une incapacité l’empêchant de remplir plus tôt sa demande de Supplément de revenu garanti pour la période de juillet 2020 à juin 2021

[17] L’appelante reconnaît qu’elle n’a pas fourni à temps l’état de ses revenus pour 2019. Elle dit cependant avoir été incapable de le fournir plus tôt.

[18] Toutefois, l’appelante ne satisfait pas au critère de l’incapacité et n’a donc pas droit au Supplément de revenu garanti pour la période allant de juillet 2020 à juin 2021.

[19] Pour se prévaloir des dispositions relatives à l’incapacité, l’appelante devait prouver qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle a été continuellement incapable de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande plus tôt qu’elle ne l’a fait. J’ai beaucoup de sympathie pour l’appelante. Je sais qu’elle a des problèmes de santé et d’autres problèmes. Cependant, elle ne satisfait pas au critère de l’incapacité. Voici pourquoi.

[20] L’incapacité n’est pas simple à démontrer. Le fait que l'appelante n’ait pas su qu’elle devait présenter une demande ou qu’elle ne pouvait pas remplir le formulaire de demande est sans importance. L’important est de savoir si l’appelante était incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire la demande. Cette capacité n’est pas différente de celle qui est nécessaire pour former l’intention de faire d’autres choix dans la vieNote de bas de page 3.

[21] Pour décider si l’appelante satisfaisait au critère de l’incapacité, j’ai dû examiner la preuve médicale, mais aussi la preuve relative aux autres activités qu’elle a faites durant la période où elle prétend avoir été incapable de demander le Supplément de revenu garantiNote de bas de page 4.

[22] J’ai examiné la preuve médicale à partir du 21 novembre 2017, comme il s’agit de la date à laquelle l’appelante fait remonter son incapacité.

[23] Le docteur Brian Strom, son médecin de famille, a rempli une déclaration d’incapacité le 18 avril 2024. Il y a écrit que l’appelante avait une incapacité persistante depuis le 21 novembre 2017, et qu'elle était due à un trouble obsessionnel-compulsif et à son arthroplastie ratée au genou gauche.

[24] Dans un rapport médical daté du 28 janvier 2023, le docteur Storm a aussi écrit que l’appelante est atteinte depuis longtemps de troubles mentaux lui causant une grave anxiété et des idées paranoïdes. Depuis la pandémie de COVID-19, elle trouvait quasi impossible de sortir de chez elle. Elle n’avait donc pas pu se rendre à un bureau de Service Canada pour remplir les documents nécessaires.

[25] Je suis convaincue que l’appelante composait avec des limitations fonctionnelles liées à ses problèmes de santé physique et mentale en date de novembre 2017. Cependant, ces limitations ne la rendaient pas forcément incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de Supplément de revenu garanti.

[26] En plus des rapports médicaux, je dois aussi examiner les activités de l’appelante depuis novembre 2017 et voir ce qu’elles révèlent sur sa capacité.

[27] L’appelante m’a dit avoir été opérée au genou gauche le 17 novembre 2017. L’opération s’est avérée un échec.

[28] Avant son opération, l’appelante travaillait chez X. Elle n’avait pas pu reprendre ses tâches habituelles en raison de ses limitations physiques. Elle a pris sa retraite en novembre 2018.

[29] L’appelante a demandé des prestations d’invalidité de courte durée, qui ont été approuvées. Elle a ensuite demandé des prestations d’invalidité de longue durée, qui ont aussi été approuvées pour une période de cinq mois, jusqu’à ce qu’elle atteigne l’âge de 65 ans. Elle a demandé et reçu des prestations de maladie de l’assurance-emploi. Elle a essayé de prolonger sa protection médicale, mais sans succès, du fait qu’elle avait manqué une date limite.

[30] Elle a confirmé avoir rempli les demandes nécessaires pour recevoir des prestations d’invalidité de courte et de longue durée et des prestations de maladie de l’assurance-emploi. Elle avait également apporté les formulaires nécessaires à son médecin pour qu’il les remplisse.

[31] L’appelante a également confirmé qu’elle se rend seule à ses rendez-vous de physiothérapie et à d’autres rendez-vous médicaux depuis son opération. Son gendre ou sa fille la conduisent habituellement à ses rendez-vous, puis elle y assiste seule. Elle est en mesure de consentir à ses traitements et de prendre des décisions à ce sujet. Après ses rendez-vous, elle attend que son gendre ou sa fille viennent la chercher ou réserve un Uber qui la reconduit chez elle. Elle essaie d’être la plus autonome possible pour ne pas être un fardeau.

[32] Depuis l’opération, elle vit dans un appartement dont son frère est le propriétaire. Cela dit, elle passe la majeure partie de son temps chez sa fille. Elle aide sa fille en supervisant ses petits-enfants. Pour son appartement, elle verse à son frère une somme qui couvre les frais d’entretien. Elle a son propre compte bancaire et gère ses finances elle-même. Elle paie sa propre facture de téléphone.

[33] Depuis son opération, l’appelante a de la difficulté à marcher. Elle a aussi de la difficulté à quitter son domicile à cause de son trouble obsessionnel-compulsif. Il était donc difficile de s’occuper de ses affaires financières. De plus, sa sœur avait toujours produit ses déclarations de revenus pour elle, mais elle était décédée en janvier 2021. L’appelante a dû faire affaire avec H&R Block, grâce à qui elle a pu produire ses déclarations de revenus pour 2019, 2020 et 2021.

[34] D’autres documents au dossier montrent aussi que l’appelante avait conservé la capacité de remplir et de signer une variété de formulaires et de lettres. Par exemple :

  • Elle a présenté une demande pour la pension de la Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti le 4 juillet 2019;
  • Elle a écrit une lettre à Service Canada le 8 juin 2022;
  • Le 17 juillet 2022, elle a fourni une déclaration de revenus estimatifs pour 2019, 2020 et 2021;
  • Elle a écrit des lettres à Service Canada le 30 septembre 2022 et le 31 janvier 2023.

[35] Malgré ses problèmes de santé et ses limitations fonctionnelles, l’appelante ne satisfait pas au critère de l’incapacité.

[36] À l’audience, l’appelante a répondu à mes questions de façon claire. Je crois ce qu’elle m’a dit. Néanmoins, la preuve montre qu’elle a pu aller seule à ses rendez-vous médicaux, consentir à des traitements et prendre des décisions à ce sujet, gérer ses finances, remplir et signer des formulaires, demander des prestations, rédiger des lettres et engager une entreprise pour l’aider à produire ses déclarations de revenus.

[37] Pour ces raisons, l’appelante n’était pas incapable de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande de Supplément de revenu garanti. Elle ne satisfait pas au critère de l’incapacité.

Conclusion

[38] Je conclus que l’appelante n’a pas droit au Supplément de revenu garanti pour la période allant de juillet 2020 à juin 2021. Je conclus toutefois qu’elle y a droit pour la période de juillet 2021 à juin 2022.

[39] Par conséquent, l’appel est accueilli en partie.

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