Contenu de la décision
[TRADUCTION]
Citation : CP c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2025 TSS 752
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu
Décision
Partie appelante : | C. P. |
Partie intimée : | Ministre de l’Emploi et du Développement social |
Décision portée en appel : | Décision de révision datée du 8 juillet 2024 rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Lianne Byrne |
Mode d’audience : | Téléconférence |
Date de l’audience : | Le 13 février 2025 |
Personne présente à l’audience : | Appelante |
Date de la décision : | Le 10 avril 2025 |
Numéro de dossier : | GP-24-1738 |
Sur cette page
Décision
[1] L’appel est rejeté.
[2] L’appelante, C. P., a habité 12 ans au Canada. Elle n’a pas droit à une période de résidence plus longue au Canada afin que soit modifié le montant de sa pension partielle de la Sécurité de la vieillesse (SV).
[3] J’explique dans cette décision pourquoi je dois rejeter cet appel.
Aperçu
[4] L’appelante est née en Roumanie le 8 avril 1956. Elle a émigré au Canada le 19 novembre 1994.
[5] L’appelante a demandé une pension de la SV le 3 août 2021. Elle a dit qu’elle voulait que sa pension lui soit versée aussitôt qu’elle en remplissait les conditions requises.
[6] Le ministre de l’Emploi et du Développement social a accueilli la demande de l’appelanteNote de bas de page 1. Il a été établi qu’elle remplissait les conditions requises pour recevoir une pension partielle de la SV au taux de 12/40e à compter de mai 2021. L’appelante n’est pas d’accord avec la décision du ministre concernant les périodes de résidence utilisées pour calculer sa pension de la SV. Elle a porté sa décision en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.
[7] L’appelante affirme avoir résidé au Canada pendant 13 ans, soit du 19 novembre 1994 au 31 décembre 2007. Elle a également cotisé au régime de sécurité sociale des États-Unis de 2000 à 2022, ce qui représente 92 trimestres de couverture. Elle conteste le fait que les périodes de résidence qui se chevauchent (résidence au Canada et trimestres de couverture aux États-Unis) sont soustraites de sa résidence canadienne.
[8] Le ministre affirme que la preuve montre qu’elle a 12 ans et 212 jours de résidence au Canada. Elle ne résidait pas au Canada du 18 juin 2007 au 31 décembre 2007. Par conséquent, elle n’a pas droit à une pension partielle de la SV à un taux plus élevé. Le ministre affirme également qu’il ne peut pas utiliser la totalité des 88 trimestres de couverture aux États-Unis parce que la Loi sur la Sécurité de la vieillesse ne permet pas de couverture aux États-Unis pendant une période où elle est considérée comme résidente du Canada. On ne peut pas non plus compter de période de couverture aux États-Unis après le 65e anniversaire de l’appelante, c’est-à-dire après le 8 avril 2021.
Ce que l’appelante doit prouver
[9] Il a été établi que l’appelante a droit à une pension partielle de la SV. La question en litige dans le présent appel est de savoir si elle a droit à une période de résidence plus longue au Canada afin que soit modifié le montant de ses prestations.
[10] L’appelante doit prouver selon la prépondérance des probabilités qu’elle a résidé au Canada pendant 13 ans. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle a résidé au Canada pendant les périodes pertinentesNote de bas de page 2.
Motifs de ma décision
[11] Je conclus que l’appelante n’a pas droit à une période de résidence plus longue au Canada. Contrairement à ce qu’elle soutient, elle n’a pas résidé au Canada pendant 13 ans.
[12] J’ai tenu compte de l’admissibilité de l’appelante pour la période qui s’étend du 19 novembre 1994 au 8 avril 2021, inclusivement.
[13] J’ai choisi la première date, car c’est à ce moment-là qu’elle est arrivée au Canada.
[14] J’ai choisi la deuxième date, car c’est à ce moment-là qu’elle a eu 65 ans.
[15] Voici les motifs de ma décision.
Le critère juridique lié à la résidence
[16] Selon la loi, une personne peut avoir été présente au Canada sans y avoir résidé. Les termes « résidence » et « présence » ont chacun leur propre définition. Je dois tenir compte de ces définitions pour rendre ma décision.
[17] Une personne réside au Canada si elle établit sa demeure et vit ordinairement dans une région du CanadaNote de bas de page 3.
[18] Une personne est présente au Canada lorsqu’elle se trouve physiquement dans une région du CanadaNote de bas de page 4.
[19] Pour décider si l’appelante résidait au Canada, je dois examiner la situation générale. Je dois aussi examiner des facteurs commeNote de bas de page 5 :
- où elle avait des biens (p. ex. des meubles), un compte bancaire et des intérêts commerciaux;
- où elle avait des liens sociaux, comme des amis, des parents, l’appartenance à un groupe religieux et l’adhésion à un club ou une organisation professionnelle;
- où elle avait d’autres liens, comme une assurance-maladie, un bail, une hypothèque ou un prêt;
- où elle a produit des déclarations de revenus;
- les liens qu’elle avait avec un autre pays;
- la durée de ses séjours au Canada;
- la fréquence et la durée de ses séjours à l’extérieur du Canada, et où elle allait;
- son mode de vie au Canada;
- ses intentions.
[20] Cette liste n’est pas complète. D’autres facteurs peuvent être importants. Je dois examiner la situation de l’appelante dans son ensembleNote de bas de page 6.
Périodes de résidence de l’appelante au Canada
[21] L’appelante a résidé au Canada du 19 novembre 1994 au 18 juin 2007, inclusivement.
[22] L’appelant n’a pas résidé au Canada du 19 juin 2007 au 31 décembre 2007, inclusivement.
L’appelante a résidé au Canada du 19 novembre 1994 au 18 juin 2007, inclusivement
[23] L’appelante a résidé au Canada du 19 novembre 1994 au 18 juin 2007.
[24] L’appelante est arrivée au Canada pour la première fois à titre de résidente permanente le 19 novembre 1994. Sa fiche relative au droit d’établissement au Canada le confirmeNote de bas de page 7. Les parties conviennent que c’est à ce moment-là que sa résidence au Canada a commencé. Je conclus que c’est le cas.
[25] Les parties conviennent également que l’appelante a résidé au Canada au moins jusqu’au 18 juin 2007. Je conclus que c’est le cas. Cela signifie qu’elle a résidé au Canada pendant au moins 12 ans et 212 jours.
[26] Les parties ne s’entendent pas sur la date à laquelle la résidence de l’appelante au Canada a pris fin. L’appelante affirme être demeurée résidente du Canada jusqu’au 31 décembre 2007, ce qui lui donnerait 13 ans de résidence au Canada. Pour sa part, le ministre affirme que sa résidence au Canada a pris fin le 18 juin 2007.
[27] L’appelante a fourni des éléments de preuve contradictoires concernant la date à laquelle elle a cessé de résider au Canada. Dans sa demande, elle a écrit qu’elle avait commencé à résider aux États-Unis le 18 juin 2007Note de bas de page 8. Elle a ensuite expliqué que ce n’est que le 27 mars 2009 qu’elle n’a vendu sa maison à Windsor, en Ontario. Elle a donc gardé sa maison au Canada après avoir déménagé aux États-Unis. Elle a continué de payer des impôts fonciers au Canada. Le ministre a utilisé la date du 18 juin 2007 pour calculer le montant de sa pension partielle de la SV.
[28] Depuis le dépôt de sa demande, l’appelante a fourni une nouvelle date de départ du Canada. Elle dit maintenant avoir quitté le Canada à la fin de 2007. Elle affirme qu’elle vivait toujours en Ontario, mais travaillait au Michigan et faisait la navette quotidiennement. Elle dit qu’entre Noël 2007 et le Nouvel An de 2008, elle a déménagé ses effets personnels dans l’appartement de son fils au Michigan. Elle soutient que c’est à ce moment-là qu’elle a cessé de résider au Canada.
[29] Elle a également déclaré ce qui suit :
- Son mari vivait à Windsor, en Ontario, jusqu’à ce que leur maison soit vendue en 2009.
- Jusqu’à la fin de 2007, l’appelante faisait quotidiennement la navette parce qu’elle travaillait au Michigan, mais devait cuisiner pour son mari et faire le ménage à la maison en Ontario. Elle n’a pas expliqué pourquoi cette responsabilité a changé après le 31 décembre 2007, même si son mari vivait toujours en Ontario.
- Elle a continué à recourir aux services bancaires de la Banque Royale du Canada à Windsor jusqu’à la fin de 2007.
- Elle passait le plus clair de son temps à la bibliothèque de l’Université de Windsor à étudier pour passer un examen.
- Elle a payé l’hypothèque, les services publics et les impôts fonciers pour sa maison à Windsor.
- Elle possédait une voiture au Canada.
[30] J’admets volontiers que l’appelante avait des liens personnels et d’autres types de liens au Canada jusqu’au 31 décembre 2007 (et même au-delà de cette date), y compris le fait que son mari vivait au Canada, qu’elle y avait une maison et qu’elle payait des impôts canadiens. Toujours est-il qu’elle avait également des liens personnels et d’autres types de liens aux États-Unis, y compris le fait que son fils vivait au Michigan, qu’elle travaillait au Michigan et qu’elle payait des impôts aux États-Unis.
[31] L’appelante a fourni des dates contradictoires concernant le moment où elle a quitté le Canada. Elle n’a pas fourni d’explication raisonnable pour expliquer pourquoi elle avait d’abord affirmé avoir quitté le Canada le 18 juin 2007. Elle n’a pas non plus fourni de documents pour appuyer le fait qu’elle a résidé au Canada jusqu’à la fin de 2007.
[32] Même s’il est vrai qu’elle a fourni sa déclaration de revenus canadienne de 2007, elle reconnaît également qu’elle payait des impôts aux États-Unis en même temps.
[33] L’appelante a également fourni une carte d’autorisation d’emploi qui était valide du 16 novembre 2007 au 15 novembre 2008Note de bas de page 9. Elle a déclaré qu’il s’agissait de la première étape pour obtenir le statut de résidente permanente aux États-Unis. Toutefois, cela ne permet pas de cerner la date à laquelle elle a cessé de résider au Canada.
[34] Je conclus que l’appelante a cessé de résider au Canada le 18 juin 2007. En effet, elle avait des liens dans les deux pays, elle a fourni des dates de départ contradictoires, elle n’a pas expliqué cette contradiction et n’a pas fourni de documents pour appuyer son départ en décembre 2007.
[35] Cela lui donne 12 années de résidence au Canada.
L’appelante a établi sa résidence au Canada en vertu d’un accord conclu entre le Canada et les États-Unis
[36] Le Canada a conclu un accord de sécurité sociale avec les États-Unis. Par conséquent, le temps que l’appelante a travaillé aux États-Unis est pris en compte dans son admissibilité à la pension de la SVNote de bas de page 10.
[37] Le gouvernement des États-Unis a fourni des renseignements qui montrent que l’appelante a travaillé aux États-Unis de 2000 à 2021Note de bas de page 11. Cela lui a donné 88 trimestres de couverture.
[38] Chaque trimestre de couverture équivaut à trois mois de résidence au CanadaNote de bas de page 12. Toutefois, l’accord ne permet pas d’utiliser les trimestres de couverture à des fins de totalisation s’ils coïncident avec des périodes de résidence au CanadaNote de bas de page 13. Une seule période peut être comptée.
[39] Ainsi, les trimestres de couverture de l’appelante de janvier 2000 à juin 2007 ne peuvent pas être utilisés à des fins de totalisation. Il faut soustraire 30 trimestres. De plus, l’appelante a eu 65 ans le 8 avril 2021. Par conséquent, 3 trimestres supplémentaires doivent être soustraits. Donc, l’appelante a 55 trimestres de couverture qui peuvent être utilisés à des fins de totalisation.
[40] Le ministre a fait le calcul et lui donne 13 ans et 294 jours de résidence.
[41] S’il revenait à moi de décider si l’appelante avait accumulé assez d’années de résidence pour avoir droit à une pension de la SV, je pourrais ajouter cette période à ses années de résidence au Canada. Toutefois, ce n’est pas la question en litige dans le présent appel. Il a été établi qu’elle a droit à une pension partielle de la SV. Les accords internationaux ne peuvent pas être invoqués en vue d’augmenter le montant de la pension partielle de la SV de l’appelante.
L’appelante n’a pas droit à une augmentation de sa pension de la SV
[42] L’appelante n’a pas droit à une augmentation de sa pension de la SV parce qu’elle n’a pas résidé au Canada pendant plus de 12 ans. Le ministre a accordé à l’appelante une pension partielle de la SV au taux de 12/40e; cette décision était juste puisqu’elle a résidé au Canada pendant 12 ans.
Conclusion
[43] L’appelante n’a pas droit à une augmentation de sa pension partielle de la SV.
[44] Par conséquent, son appel est rejeté.