Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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[TRADUCTION]

Citation : DS c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2025 TSS 910

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : D. S.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de révision datée du 28 janvier 2025 rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Wayne van der Meide
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 26 août 2025
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 29 août 2025
Numéro de dossier : GP-25-428

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] L’appelant, D. S., est admissible à l’annulation de sa pension de la Sécurité de la vieillesse.

Aperçu

[3] Une pension de la Sécurité de la vieillesse peut seulement être versée à une personne si elle y a droit et que sa demande a été présentée et approuvéeNote de bas de page 1. Toutefois, le ministre de l’Emploi et du Développement social peut dispenser une personne de l’obligation de présenter une demande s’il est convaincu qu’elle a droit au paiement de la pensionNote de bas de page 2. C’est ce qu’on appelle l’inscription automatique.

[4] Si le ministre a l’intention de dispenser une personne de l’obligation de présenter une demande, il doit l’en aviser par écrit et lui fournir les renseignements sur lesquels il compte se fonder pour approuver le versement de la pensionNote de bas de page 3.

[5] Une personne peut refuser l’inscription automatiqueNote de bas de page 4. Elle pourrait le faire afin d’obtenir une somme plus élevée plus tardNote de bas de page 5. Après le début du versement de la pension, elle a une autre chance de se retirer, car elle dispose de six mois pour l’annulerNote de bas de page 6.

[6] L’appelant a eu 65 ans en mai 2018. Il n’a pas demandé de pension de la Sécurité de la vieillesse.

[7] Le ministre a automatiquement inscrit l’appelant pour qu’il commence à recevoir la pension de la Sécurité de la vieillesse en juin 2018, soit le mois suivant son 65e anniversaireNote de bas de page 7.

[8] Service Canada administre le programme de pension de la Sécurité de la vieillesse pour le ministre. En avril 2023, l’appelant a téléphoné à Service CanadaNote de bas de page 8. Il voulait savoir si sa pension commencerait à ses 70 ans. L’agent lui a dit qu’il avait été automatiquement inscrit pour recevoir la pension de la Sécurité de la vieillesse à compter de juin 2018.

[9] L’appelant a demandé au ministre de réviser (annuler) sa décision de l’inscrire automatiquement. Le ministre a refusé de réviser sa décision, affirmant que la demande de l’appelant était en retard. J’ai décidé que la demande de révision de l’appelant n’était pas en retardNote de bas de page 9. Par la suite, le ministre a révisé et maintenu sa décision de ne pas annuler sa pension de la Sécurité de la vieillesse. L’appelant a porté la décision de révision du ministre en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[10] Le ministre dit qu’il a envoyé deux lettres à l’appelant pour l’aviser qu’il avait l’intention de l’inscrire automatiquement pour qu’il reçoive la pension de la Sécurité de la vieillesse le mois suivant ses 65 ans. Il affirme également que les relevés d’impôt envoyés à l’appelant indiquaient qu’il recevait la pension.

[11] L’appelant affirme qu’il n’a jamais reçu d’avis que le ministre avait l’intention de l’inscrire automatiquement. Il dit que le ministre devrait annuler sa décision sur l’inscription automatique. Il m’a demandé d’ordonner de nombreuses autres réparations dont je parlerai plus loin.

Ce que je dois décider

[12] Je dois décider si l’appelant peut annuler sa pension de la Sécurité de la vieillesse.

Motifs de ma décision

[13] Je conclus que l’appelant peut annuler sa pension de la Sécurité de la vieillesse. Il n’a pas reçu d’avis de l’intention du ministre de le dispenser de l’obligation de présenter une demande de pension ni d’avis des renseignements sur lesquels le ministre s’était fondé pour approuver sa pension. Par conséquent, le ministre n’avait pas le pouvoir légal de lui verser la pension à compter du mois suivant ses 65 ans.

Ce que la loi dit au sujet de l’inscription automatique

[14] Selon la loi, pour inscrire automatiquement une personne à la pension de la Sécurité de la vieillesse, le ministre doit l’aviser par écrit de son intention de la dispenser de l’obligation de présenter une demande et lui fournir les renseignements sur lesquels il compte se fonder pour approuver le versement de la pensionNote de bas de page 10.

L’appelant n’a pas été avisé

L’appelant n’a pas reçu la lettre d’avis

[15] Le ministre affirme qu’il a envoyé une lettre à l’appelant, datée du 18 mai 2017, l’avisant de son intention de l’inscrire automatiquement pour qu’il reçoive les paiements de la pension de la Sécurité de la vieillesse à compter du mois suivant son 65e anniversaireNote de bas de page 11. La lettre a été envoyée par la poste à l’adresse de l’appelant.

[16] Le ministre affirme également que [traduction] « les procédures et les règles appropriées ont été appliquées dans la présente affaireNote de bas de page 12 ». Le ministre a peut-être suivi les procédures appropriées, mais cela ne veut pas dire que l’appelant a été avisé. Pour être avisée, une personne doit recevoir les renseignements.

[17] L’appelant affirme ne pas avoir reçu la lettre d’avis. Je le crois.

[18] L’appelant était crédible à l’audience. Il n’a pas embelli son histoire. Son témoignage concordait avec ce qu’il a dit depuis sa première lettre écrite au ministre au sujet de cette question, datée du 18 avril 2023Note de bas de page 13. Il a également admis des choses qui auraient pu lui être défavorables. Par exemple, il a dit qu’il ne contestait pas le fait que le ministre lui avait envoyé la lettre d’avis.

[19] L’appelant a dit qu’il était [traduction] « méticuleux » à l’égard du courrier du gouvernement. Il m’a dit qu’il est soucieux du détail, ce qui se reflète dans le fait qu’il a écrit au ministre au sujet de cette question dans une lettre datée du 18 avril 2023. C’était seulement 15 jours après qu’on lui a dit qu’il avait été automatiquement inscrit.

[20] Il a dit qu’à titre d’ancien haut fonctionnaire des finances, il savait qu’il n’était pas financièrement avantageux pour lui de commencer à recevoir la pension de la Sécurité de la vieillesse alors qu’il travaillait toujours. Il a ajouté qu’il avait toujours eu l’intention de travailler jusqu’à ce qu’il ait au moins 70 ans, voire plus. Il a dit que s’il avait reçu une lettre l’avisant qu’il était inscrit à l’âge de 65 ans, il s’en serait occupé.

[21] J’ai demandé à l’appelant s’il était possible qu’il n’ait pas ouvert la lettre. Il a dit que non. Je lui ai demandé s’il était possible que sa femme ait ouvert la lettre. Il a dit que sa femme et lui mettaient toutes les lettres qu’ils recevaient sur une table et qu’ils n’ouvraient pas le courrier de l’autre. Il a dit qu’il a un système de classement et que s’il avait reçu la lettre d’avis, il l’aurait classée.

[22] L’appelant a déclaré que trois ou quatre fois par mois, il reçoit des lettres qui s’adressent soit à une autre maison de sa rue, soit à une maison d’une autre rue avec le même numéro.

[23] L’appelant a admis avoir reçu des relevés d’impôt montrant qu’il avait reçu des paiements de la pension de la Sécurité de la vieillesse. Il a dit qu’il utilise un service de préparation de déclarations de revenus et que sa femme et lui reçoivent de 15 à 20 relevés par année. Lorsqu’ils voient qu’il s’agit d’un relevé, ils ne l’examinent pas en détail et le mettent dans une boîte pour le présenter à la personne qui s’occupe de leurs déclarations. Je le crois. J’en déduis également qu’en raison de son système de classement du courrier, il est peu probable qu’il ait ignoré une lettre d’avis.

[24] L’appelant a téléphoné à Service Canada en avril 2023 pour demander si le versement de sa pension de la Sécurité de la vieillesse commencerait à son 70e anniversaireNote de bas de page 14. Selon moi, cette action n’aurait tout simplement pas de sens s’il savait qu’il recevait déjà la pension.

[25] Je conclus que l’appelant ne savait pas qu’il recevait une pension de la Sécurité de la vieillesse parce qu’il n’a jamais reçu la lettre d’avis. S’il l’avait reçue, il l’aurait ouverte, lue, aurait compris ses implications et fait des démarches pour dire au ministre qu’il ne voulait pas être automatiquement inscrit.

[26] Le ministre affirme que la lettre d’avis a été envoyée à la bonne adresse et qu’elle n’a pas été retournée comme étant non livrable. Cela ne signifie pas que l’appelant a reçu la lettre. Les lettres peuvent être égarées et livrées à la mauvaise adresse même lorsqu’elles sont adressées correctement. Les personnes qui reçoivent des lettres qui ne leur sont pas adressées ne les retournent pas toujours.

La lettre de décision relative à l’inscription n’est pas un avis adéquat

[27] Le ministre affirme avoir envoyé à l’appelant une lettre le mois suivant son 65e anniversaire pour l’informer qu’il avait décidé de l’inscrire automatiquement pour qu’il reçoive la pension de la Sécurité de la vieillesse. Le ministre n’a pas trouvé une copie de la lettre, mais il en a fourni un exempleNote de bas de page 15.

[28] L’appelant affirme que la lettre n’a pas été envoyée et qu’il ne l’a pas reçue. Même si cette lettre a été envoyée et que l’appelant l’a reçue, je conclus que la lettre de décision ne satisfait pas à l’obligation du ministre d’aviser une personne de son intention de la dispenser de l’obligation de présenter une demande et de lui fournir les renseignements sur lesquels il se fonde.

[29] Le ministre est tenu d’aviser une personne de son intention de la dispenser de l’obligation de présenter une demandeNote de bas de page 16. La lettre de décision du ministre ne dit rien au sujet de cette intention.

[30] Le ministre doit également fournir à une personne les renseignements sur lesquels il compte se fonder pour approuver le versement de la pensionNote de bas de page 17. Selon la lettre d’avis envoyée à l’appelant, les renseignements sur lesquels le ministre s’est fondé étaient les suivantsNote de bas de page 18 :

  • l’année et le mois de naissance de l’appelant;
  • une déclaration indiquant qu’il était un citoyen canadien ou un résident légal du Canada;
  • une déclaration indiquant qu’il a vécu au Canada pendant au moins 40 ans depuis l’âge de 18 ans.

[31] Le modèle de lettre de décision fourni par le ministre ne contient aucun de ces renseignementsNote de bas de page 19.

Les feuillets T4A ne sont pas des avis appropriés

[32] Pour les mêmes raisons, je juge que les feuillets T4A qui ont été envoyés à l’appelant ne satisfont pas à l’exigence d’avisNote de bas de page 20. Ceux-ci n’indiquent pas que le ministre avait l’intention de le dispenser de l’obligation de présenter une demande ni fournissent les renseignements sur lesquels le ministre s’est fondé.

[33] Ils ne satisfont pas non plus à l’exigence d’avis parce qu’ils ont été envoyés après que l’appelant a eu 65 ans en mai 2018. Le ministre doit accorder la dispense de l’obligation de présenter une demande « le jour où la personne atteint l’âge de soixante-cinq ansNote de bas de page 21 ». L’exigence d’avis fait référence à la dispense comme étant quelque chose qui se produira dans l’avenirNote de bas de page 22. Autrement dit, l’avis ne peut pas être donné après une dispense; il doit être donné avant. Par conséquent, même si le texte des feuillets T4A était un avis suffisant, il était trop tard pour que le ministre dispense l’appelant de l’obligation de présenter une demande.

Les autres arguments de l’appelant

Le ministre s’est conformé à ma décision dans le dossier GP-24-1362

[34] L’appelant affirme que le ministre ne s’est pas conformé à ma décision dans un appel précédent. Il s’agit de l’appel de la décision du ministre de refuser d’examiner sa demande de révision parce qu’elle était en retard.

[35] Dans cet appel, j’ai décidé que la demande de révision de l’appelant n’était pas en retard parce qu’il n’avait pas reçu la lettre de décision du ministre lui indiquant qu’il serait automatiquement inscrit à la pension de la Sécurité de la vieillesse et l’informant de son droit de demander une révisionNote de bas de page 23. Dans le présent appel, il importe peu que l’appelant ait reçu cette lettre de décision; l’appel porte sur la question de savoir si le ministre a avisé l’appelant de son intention de l’inscrire automatiquement.

[36] Comme je l’ai expliqué à l’appelant, le ministre a bel et bien révisé sa décision Note de bas de page 24. Autrement dit, il s’est conformé à mon ordonnance.

Je ne peux pas rendre les autres ordonnances que l’appelant me demande de rendre

[37] L’appelant m’a demandé de rendre d’autres ordonnances. Je n’ai pas le pouvoir de le faire.

[38] L’appelant a pris sa retraite en octobre 2024. Il affirme qu’en 2025, son revenu est assez faible pour que l’Agence du revenu du Canada ne récupère plus ses paiements de la pension de la Sécurité de la vieillesse. Pourtant, dit-il, aucun paiement n’a été déposé dans son compte. Il dit que le Tribunal devrait ordonner au ministre de :

  • demander à l’Agence du revenu du Canada de cesser de récupérer ses paiements de la pension à compter de janvier 2025;
  • déposer tous les paiements manqués sous forme d’un montant forfaitaire dans les 60 jours suivant ma décision;
  • continuer de verser les paiements chaque mois;
  • nommer une personne qui le contactera dans les 10 jours suivant ma décision;
  • exécuter ma décision dans les 60 jours.

[39] Le Tribunal peut seulement faire ce que la loi dit qu’il peut faire. Il peut rejeter, accueillir, annuler ou modifier une décision du ministreNote de bas de page 25. La décision doit être une décision de révision rendue en vertu de la Loi sur la sécurité de la vieillesseNote de bas de page 26. La seule décision de révision dans le présent appel est celle datée du 28 janvier 2025, qui dit que l’appelant ne pouvait pas annuler sa pension de la Sécurité de la vieillesse.

Il n’y a pas de demande de retrait

[40] La loi prévoit qu’une personne peut retirer une demande de pension de la Sécurité de la vieillesse à tout moment avant le début du versement de la pension Note de bas de page 27. L’appelant affirme que, comme les paiements de sa pension ont été récupérés, le versement de sa pension n’a pas commencé. Il dit que cela signifie qu’il devrait pouvoir retirer sa demande et annuler son inscription automatique Note de bas de page 28.

[41] Premièrement, je ne suis pas d’accord avec l’appelant pour dire que le versement d’une pension commence seulement lorsque de l’argent est déposé dans le compte d’une personne. Une somme peut être versée même si elle n’est pas reçue.

[42] Deuxièmement, je juge que l’appelant n’a pas présenté une demande de pension de la Sécurité de la vieillesse. L’appelant affirme que sa demande de révision est sa demande de pensionNote de bas de page 29. Je ne suis pas d’accord. Selon la loi, une demande de prestations doit être présentée au moyen du formulaire exigé par le ministreNote de bas de page 30. La demande de révision de l’appelant n’utilise pas le formulaire de demande de pension de la Sécurité de la vieillesse exigé par le ministre.

Conclusion

[43] Le ministre n’a pas avisé l’appelant de son intention de le dispenser de l’obligation de présenter une demande de pension de la Sécurité de la vieillesse, et il n’a pas non plus fourni les renseignements sur lesquels il comptait se fonder. Ainsi, le ministre n’avait pas le pouvoir légal de commencer à verser une pension de la Sécurité de la vieillesse à l’appelant le mois suivant son 65e anniversaire. Comme la pension n’aurait jamais dû être versée, le délai de six mois n’avait pas commencé à courir. Par conséquent, je conclus que l’appelant a demandé l’annulation de la pension à temps.

[44] Je conclus que l’appelant est admissible à l’annulation de sa pension de la Sécurité de la vieillesse.

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