Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Décision

[1] Le Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) accorde la permission d’en appeler devant la division d’appel du Tribunal.

Introduction

[2] Le 15 juin 2015, la division générale du Tribunal a établi ce qui suit :

  • Les sommes versées aux appelants par Air Canada constituent une rémunération en vertu de l’article 35 du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement) et doivent être réparties conformément au principe énoncé à l’alinéa 36(19)b) du Règlement, en date du 20 mars 2012 et pour cette semaine.

[3] La demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel le 14 juillet 2015.

Question en litige

[4] Le Tribunal doit déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[5] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), « il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[6] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS indique que « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ».

Analyse

[7] Compte tenu de l’obligation du Tribunal, en vertu du paragraphe 3(1) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, de veiller à ce que l'instance se déroule de la manière la plus informelle et la plus expéditive que les circonstances, l'équité et la justice naturelle permettent, et puisque les dossiers cités en annexe soulèvent essentiellement les mêmes questions de fait et de droit que celles de l’affaire qui nous occupe, la présente décision s’appliquera à l’ensemble de ces dossiers.

[8] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] Pour accorder la permission d’en appeler, le Tribunal doit être convaincu que les motifs d’appel relèvent de l’un ou l’autre des moyens d’appel susmentionnés et qu’au moins l’un de ces motifs confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

[10] Dans sa demande de permission d’en appeler, la demanderesse a fait valoir ce qui suit :

  • Il est bien établi que les indemnités de départ ou les indemnités de cessation d’emploi constituent une rémunération provenant d’un emploi et que cette rémunération doit être répartie en vertu du paragraphe 36(9) du Règlement.
  • Dans l’affaire Brulotte, la Cour d’appel fédérale a cité la décision qu’elle a rendue dans l’affaire Lemay pour appuyer sa thèse voulant que le paiement fait aux termes du paragraphe 36(9) du Règlement couvre « […] toute partie de rémunération qui devient due et exigible au moment où se termine le contrat de travail et commence l’état de chômage ».
  • La division générale a erré en affirmant que le critère pour l’application de l’article 36(9) consiste à déterminer « pourquoi les sommes ont été payées, par qui elles ont été payées, et en vertu de quel emploi ».
  • Ce faisant, la division générale a introduit de façon erronée un critère pour l’application du paragraphe 36(9) qui ne s’y retrouve pas, soit la source de la rémunération.
  • La source de la rémunération n’est pas un critère énoncé au paragraphe 36(9) du Règlement et cette disposition peut ainsi s’appliquer à une rémunération provenant d’une source autre que l’employeur duquel émane la cessation d’emploi. Il existe un précédent jurisprudentiel pour la répartition d’une rémunération versée par d’autres sources que l’employeur aux termes de l’ancien paragraphe 58(9) du Règlement, une disposition maintenant remplacée par le paragraphe 36(9).
  • L’interprétation du paragraphe 36(9) à laquelle s’est livrée la division générale est incompatible avec l’objectif de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi) d’éviter une double compensation.
  • L’interprétation de la division générale est également incompatible avec les articles 35 et 36 du Règlementet en particulier avec l’objectif du paragraphe 36(9) de répartir les sommes reçues en fin d’emploi de façon consécutive.
  • Le fait qu’il puisse y avoir un employeur subséquent n’empêche pas l’application du paragraphe 36(9), qui met l’accent sur la raison pour laquelle la rémunération est payée ou payable. La rémunération versée par un ancien employeur peut être répartie conformément au paragraphe 36(9) si elle est payée ou payable en raison d’un licenciement ou de la cessation d’emploi.
  • L’obligation d’inclure des sommes versées par un employeur précédent découle de la Loi. La définition du terme « employeur » à l’article 2 de la Loiinclut « […] une personne qui a été employeur […] ». De même, le terme « emploi » est défini comme étant « [l]e fait d’employer ou l’état d’employé. » Ainsi, dans le cas d’un emploi qui comprend un employeur-vendeur et un employeur subséquent, le terme « employeur » inclut, pour ce même emploi, l’employeur actuel ainsi que les anciens employeurs.
  • L’obligation de répartir la rémunération versée par des anciens employeurs pour le même emploi est claire compte tenu des définitions des termes « revenu » et « emploi » énoncées au paragraphe 35(1) du Règlement.
  • Le paragraphe 35(2) du Règlementprévoit que la rémunération dont il faut tenir compte pour l’application de l’article 19 de la Loiest le revenu intégral du prestataire provenant de tout emploi.
  • Malgré le sens large du terme « revenu », la division générale semble avoir limité son sens uniquement aux situations dans lesquelles une somme est prélevée sur les actifs de l’employeur qui a mis fin à l’emploi.
  • Les définitions des termes « revenu » et « emploi » énoncées à l’article 35 du Règlementsont suffisamment larges pour comprendre les indemnités de départ payées aux employés par Air Canada après la fin de leur emploi chez Aveos qui, selon les termes de l’Ordonnance 9996-U du CCRI et d’autres éléments de preuve au dossier, était une combinaison des emplois chez Air Canada et Aveos.
  • La division générale a commis une erreur de droit en n’appliquant pas le paragraphe 36(9), entre autres en raison du manque de « rapport temporel » entre la cessation de l’emploi et le paiement versé par Air Canada neuf mois plus tard.
  • Cette approche n’est pas conforme à la détermination de la division générale voulant que la question du moment du paiement n’était pas pertinente. La division générale a introduit un critère qui est explicitement exclu du paragraphe 36(9), soit la période pour laquelle la rémunération est présentée comme étant payée ou payable.
  • La division générale a erré en n’appliquant pas le paragraphe 36(9) malgré sa conclusion de fait selon laquelle les indemnités de départ payées par Air Canada ont été payées après la fin des emplois et qu’une des conditions à l’obtention de la somme en question était « la perte de l’emploi ».
  • La jurisprudence de la Cour d’appel fédérale est bien établie et claire au sujet du paragraphe 36(9) du Règlement : ilmet l’accent sur la raison pour laquelle la rémunération a été versée. Une fois qu’il est déterminé qu’une rémunération a été payée en raison d’un licenciement ou d’une cessation d’emploi, la rémunération doit être répartie en vertu du paragraphe 36(9) sur un nombre de semaines qui commence par la semaine du licenciement ou de la cessation d’emploi.
  • Après avoir conclu que les indemnités de départ avaient été payées en raison d’une cessation d’emploi à la suite d’une ordonnance du CCRI et d’une décision d’un conseil arbitral, la division générale a commis une erreur en qualifiant de « transaction » les événements de mars 2012.
  • La division générale a conclu de façon erronée qu’il n’avait pas eu continuité d’emploi entre l’emploi occupé chez Air Canada et Aveos, l’employeur subséquent. Cette conclusion de fait n’est pas justifiée vu la preuve pertinente et probante au dossier.
  • La division générale a également fondé sa décision sur une erreur de fait sans tenir compte de la preuve au dossier lorsqu’elle a conclu qu’Air Canada a payé les indemnités de départ à ses anciens employés à titre d’ancien employeur.
  • La preuve au dossier soutient plutôt une conclusion voulant que les employés n’étaient pas en droit de recevoir une indemnité de départ seulement en raison de leur transfert d’Air Canada à Aveos et que c’était l’insolvabilité d’Aveos et la cessation de l’emploi en mars 2012 qui a déclenché le versement des indemnités de départ.

[11] Le litige entre les parties découle de l’interprétation qu’il faut donner aux paragraphes 35, 36(9) et 36(19) du Règlement.

[12] Entre 2007 et 2011, Air Canada a vendu une part de ses activités d’entretien lourd à une entité qui, plus tard, est devenue Aveos. Aveos a fermé ses portes en 2012 et, à la suite d’une ordonnance du CCRI et d’une décision de l’arbitre Martin Teplitsky, Air Canada a ensuite versé des sommes à ses anciens employés qui avaient perdu leur emploi chez Aveos.

[13] La demanderesse a soutenu devant la division générale que les sommes versées par Air Canada aux défendeurs constituaient une rémunération au sens de l’article 35 du Règlementet qu’elles devaient être réparties conformément au principe énoncé au paragraphe 36(9) du Règlement.

[14] La demanderesse a soutenu devant la division générale que la preuve, la loi et la jurisprudence appuient sa position voulant que les indemnités de départ devaient être réparties de la manière prescrite au paragraphe 36(9) du Règlement, et ce à partir de la semaine où a eu lieu le licenciement ou la mise à pied chez Aveos, en mars 2012.

[15] La division générale a déterminé que les sommes reçues constituaient une rémunération aux termes de l’article 35 du Règlement et que les sommes versées aux défendeurs par Air Canada devaient être réparties conformément au principe énoncé à l’alinéa 36(19)b) du Règlement. Puisque le versement a été effectué le 20 mars 2012, la division générale a conclu que le total de la rémunération devait être réparti à partir de cette date et pour cette semaine.

[16] Selon la division générale, il faut, pour que le paragraphe 36 (9) du Règlementsoit applicable, que la rémunération ait été payée en raison d’un licenciement ou d’une cessation d’emploi, mais également que la somme versée l’ait été en raison de la cessation de l’emploi perdu et non seulement pour la rémunération versée par un employeur précédent, et ce même si la perte de l’emploi perdu est une des conditions à l’obtention de la somme versée par l’employeur précédent.

[17] La demanderesse plaide que la division générale a commis une erreur de fait et de droit puisqu’il est déjà établi que les indemnités de départ ou les indemnités de cessation d’emploi constituent une rémunération provenant d’un emploi et que cette rémunération doit être répartie en vertu du paragraphe 36(9) du Règlement. Elle invoque, à l’appui de sa position, les causes Lemay c. Canada (Procureur général),2005 CAF 433; Staikos c. Canada (Procureur général), 2014 CAF 31; Canada (Procureur général) c. Savarie, A-704-95 (CAF).

[18] La demanderesse soutient que dans l’affaire Brulotte c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 149, la Cour d’appel fédérale a cité sa décision relative à l’affaire Lemay comme autorité confirmant que le paiement fait en vertu du paragraphe 36(9) du Règlementcouvre « […] toute partie de rémunération qui devient due et exigible au moment où se termine le contrat de travail et commence l’état de chômage ».

[19] La demanderesse plaide également que la division générale a erré en n’appliquant pas le paragraphe 36(9) du Règlementet la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale mentionnée ci-dessus malgré sa conclusion de fait selon laquelle les indemnités de départ ont été payées après un licenciement ou une cessation d’emploi et que l’une des conditions au versement de ces sommes était « la perte de l’emploi » chez Aveos.

[20] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments de la demanderesse à l’appui de sa demande de permission d’en appeler, le Tribunal conclut que l’appel a une chance raisonnable de succès. La demanderesse a invoqué des motifs d’appel qui relèvent des moyens d’appel susmentionnés et qui pourraient entraîner l’annulation de la décision contestée.

Conclusion

[21] Le Tribunal accorde la permission d’en appeler devant la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale.

Annexe – Appels de la CAEC aux dossiers de prestataires représentés

Nom au dossier Dossier de la division d’appel Dossier de la division générale
S. B. AD-15-593 GE-13-1270
P. B. AD-15-595 GE-13-1288
N. B. AD-15-598 GE-13-1233
D. B. AD-15-601 GE-13-1414
H. T. C. AD-15-614 GE-14-4254
A. C. AD-15-698 GE-13-1553
T. D. C. AD-15-707 GE-13-1315
O. C. AD-15-721 GE-13-1318
R. C. AD-15-713 GE-13-1312
G. C. AD-15-710 GE-13-1460
J. D. M. AD-15-701 GE-13-1500
M. D. AD-15-699 GE-13-1303
C. D. AD-15-692 GE-13-1515
M. D. AD-15-690 GE-13-1442
A. F. AD-15-688 GE-13-1447
J. F. AD-15-600 GE-13-1277
M. F. AD-15-602 GE-13-1209
G. I. AD-15-605 GE-13-1588
K. K. AD-15-607 GE-13-1524
C. L. AD-15-610 GE-13-1333
L. L. AD-15-664 GE-13-1251
G. L. AD-15-623 GE-13-1271
R. M. AD-15-628 GE-13-1469
G. M. AD-15-632 GE-13-1422
J. M. AD-15-639 GE-13-1439
L. M. AD-15-648 GE-13-1441
L. O. AD-15-655 GE-13-1301
M. P. AD-15-669 GE-13-1260
A. P. AD-15-671 GE-13-1309
C. R. AD-15-629 GE-13-1311
E. R. AD-15-634 GE-13-1291
S. R. AD-15-642 GE-13-1193
F. S. AD-15-645 GE-13-1342
J. S. AD-15-651 GE-13-1338
C. S. AD-15-652 GE-13-1339
M. S. AD-15-694 GE-13-1336
B. S. AD-15-704 GE-13-1306
S. S. AD-15-731 GE-13-1347
R. T. AD-15-751 GE-13-1492
J. V. L. AD-15-754 GE-13-1246
E. V. AD-15-755 GE-13-1240
S. V. AD-15-757 GE-13-846
G. W. AD-15-764 GE-13-1212
AD-15-736 GE-13-1378

Annexe - Appels de la CAEC aux dossiers de prestataires non représentés

Nom au dossier Dossier de la division d’appel Dossier de la division générale
J. A. AD-15-505 GE-13-784
N. A. AD-15-545 GE-13-1080
G. B. AD-15-515 GE-13-794
R. B. AD-15-477 GE-13-575
D. B. AD-15-562 GE-13-1151
A. B. AD-15-557 GE-13-1134
P. B. AD-15-566 GE-13-2496
R. B. AD-15-466 GE-13-401
E. C. AD-15-458 GE-13-37
H. C. AD-15-528 GE-13-806
J. C. AD-15-503 GE-13-782
F. C. AD-15-576 GE-14-3164
R. C. AD-15-499 GE-13-780
S. D. AD-15-476 GE-13-560
B. D. AD-15-578 GE-14-3270
N. D. AD-15-500 GE-13-781
N. E. AD-15-561 GE-13-1147
J. F. AD-15-482 GE-13-596
F. F. AD-15-531 GE-13-807
J. G. AD-15-542 GE-13-956
B. H. AD-15-465 GE-13-390
S. H. AD-15-579 GE-14-3314
O. I. AD-15-504 GE-13-783
S. J. AD-15-526 GE-13-804
J. K. AD-15-513 GE-13-792
N. K. AD-15-470 GE-13-495
S. K. AD-15-553 GE-13-1116
L. K. AD-15-519 GE-13-797
C. K. AD-15-491 GE-13-773
R. L. AD-15-464 GE-13-355
K. L. AD-15-532 GE-13-808
A. L. AD-15-485 GE-13-652
L. L. AD-15-555 GE-13-1132
F. M. AD-15-507 GE-13-786
M. M. AD-15-511 GE-13-789
L. M. AD-15-564 GE-13-1593
A. M. AD-15-473 GE-13-498
E. M. AD-15-480 GE-13-580
D. M. AD-15-565 GE-13-2442
S. M. AD-15-468 GE-13-443
C. M. AD-15-496 GE-13-777
J. M. AD-15-474 GE-13-511
O. M. AD-15-537 GE-13-816
D. N. AD-15-509 GE-13-788
D. N. AD-15-538 GE-13-818
K. N. AD-15-497 GE-13-779
R. O. AD-15-536 GE-13-815
S. P. AD-15-554 GE-13-1128
B. P. AD-15-533 GE-13-812
B. P. AD-15-516 GE-13-796
R. P. AD-15-494 GE-13-775
B. P. AD-15-558 GE-13-1136
P. P. AD-15-475 GE-13-539
R. S. AD-15-540 GE-13-819
D. S. AD-15-544 GE-13-1066
R. S. AD-15-552 GE-13-1083
D. S. AD-15-575 GE-14-2652
W. S. AD-15-574 GE-14-1082
W. S. AD-15-573 GE-14-1049
W. T. AD-15-548 GE-13-1081
B. T. AD-15-461 GE-13-64
J. T. AD-15-490 GE-13-724
S. T. AD-15-463 GE-13-315
A. V. AD-15-559 GE-13-1144
E. V. AD-15-467 GE-13-440
R.t W. AD-15-462 GE-13-149
A. W. AD-15-524 GE-13-799
S. W. AD-15-487 GE-13-723
M. W. AD-15-506 GE-13-785
D. Y. AD-15-469 GE-13-456
D. Z. AD-15-534 GE-13-814
J. Z. AD-15-483 GE-13-610
S. Z. AD-15-569 GE-14-294
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